On ne le voyait plus que rarement au rocher. Déjà de tempérament solitaire, on l’aurait prit pour un déserteur ces derniers jours. Depuis qu’il avait fait la connaissance de son oncle, Sadaka fuyait le refuge comme de la peste. Il ne s’agissait plus des Pridelander, à vrai dire, il s’en souciait peu. C’était sa mère qu’il redoutait le plus. Ils avaient jurés d’abolir les secrets et n’avaient jamais été plus heureux l’un avec l’autre. Il avait peur, peur que ce sombre bagage - à présent bien réel - la peine, mais lui avouer la vérité la tuerait. Il s’était vite décidé à ne rien lui dire, mais le découvrirait-elle d’elle même ? Peu importait, c’était un risque qu’il était aujourd’hui prêt à prendre. Il s’était juré de la protéger coûte que coûte, et cette entrevue passée avec Mopango allait l’aider dans ce sens. Enfin il allait pouvoir s’épanouir, être le lion auquel il était destiné, et trop tard pour Kumpa et ses Gardiens. Il n’avait qu’à s’être réveillé plus tôt ! D’autant plus que Mopango n’était plus tout jeune et Sadaka le surpasserait vite en en taille et en force pour finalement devenir maitre de la mort. Farfelue cette idée qu’il s’était mise dans la tête mais voir sa tendre mère pleurer ses pertes avaient été insurmontables pour le lion ébène, trop. Maintenant, il saurait quoi faire pour ne plus jamais voir se lamenter sur ses défunts proches, il serait là !

Perdu dans sa transe, il ne remarque pas Tahora qui se baladait dans les parages. Quand il s’aperçu qu’il n’était pas seul, il lui jeta un regard presque mauvais. Elle avait bien grandit et devenait une jolie lionne. Elle avait fait du raffut récemment, hurlant à qui voulait l’entendre qu’elle avait croisé sur « leurs » terres une ancienne Kulisha du nom de Chinja. Rameutant les esprits inquiets elle avait eut son moment de gloire et semblait tout faire pour conserver ce statut privilégié. Encore une qui avait juste eu de la chance. C’était donné grand mérite au hasard. N’importe qui serait tombé sur la lionne en cavale en aurait fait autant et aurait bénéficié de cette attention neuve qu’on lui accordait. Et pourquoi ne l’avait-elle pas tué au lieu de crier à l’intrusion ? Tahora était, aux yeux de Sadaka, comme tout ces Pridelander : juste bon à pleurnicher dans les jupes de leur incapable de roi. Qui, d’ailleurs, ne se remuait pas beaucoup non plus. Préfèrent envoyer son propre frère sur le champ de bataille. Une seule fut de trop pour ce prétendu grand sauveur ?

Non l’animosité qu’entretenais Sadaka pour son beau-père ne tarissait pas, et la rencontre avec son oncle ne l’avait pas adoucis sur ce sujet. Quoi qu’il en était, la jeune femelle s’approchait et, connaissant ses avis sur les Nyeusis, quels qu’ils soient, il ne dirait mot. Loin de lui l’idée de répandre la nouvelle dans tout les cas, mais il n’avait pas envi que Tahora n’en devine ne serait-ce qu’une infime partie. Elle lui dirait qu’il est fou, qu’il n’a donc rien retenu de ses sermons précédents, que les Nyeusis c’est le mal et elle irait surement en avertir son précieux roi.

« Bonjour Tahora » Dit il, fixant l’eau sans convictions. Il espérait qu’elle ne s’éternise pas trop. Ou puis, quand bien même elle s’eternisait… De toute façon, son seul désir pour l’instant était de rompre définitivement avec Prideland, au moins pour un moment. C’est pourquoi il attendait, plus impatient que jamais, le voyage dans le nord qui se préparait. Ils partiraient bientôt, ce n’était plus qu’une question de jour. Il voyait l’animosité prendre le pas en lui et il fallait qu’il s’évade, se remette les idées en place… Oui, ce voyage était nécessaire.

Semi-Absence du 17/06 au 01/09

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kit(c)L// Sadaka parle en : #271e18

Tahora tenait une proie entre ses crocs, le souffle court, quelque peu fatigué par sa chasse. La petite gazelle qu'elle venait de tuer n'avait pas eu beaucoup de chance de s'en tirer, l'adolescente l'avait piégé en l'éloignant de son troupeau. L'a animal étant jeune, il n'avait pas réussi à s'échapper, et les griffes de la chasseuse s'était refermée sur lui. Elle traînait désormais son cadavre jusqu'au Rocher, où elle espérait pouvoir en manger un bout tranquillement avant de la laisser au reste du clan. Une fois arrivée à destination, et son morceau de proie mangée, elle décida de se remettre en route rapidement. Sa chasse lui avait donné soif, et la saison sèche approchait à grand pas. Les pluies commençaient à devenir plus rare et moins forte, et bientôt le soleil pèserait lourdement sur la savane toute entière. Tahora n'avait pas vraiment hâte, le gibier se ferait plus rare et il était toujours interdit de chasser à l'Etang. Le cycle de la vie devait être respectée là bas, ce que l'adolescente trouvait un petit peu ridicule. S'ils avaient besoin de manger, ils ne devraient pas s'embarrasser de toutes ces lois ennuyeuses... Enfin, c'était avec ce genre d'état d'esprit que les Nyeusis avaient fait fuir les troupeaux, Kumpa avait sans doute raison de garder l'Etang comme lieu de paix.

C'était justement vers l'Etang que la jeune lionne se dirigeait, d'un pas tranquille. Pendant qu'elle marchait, son esprit vagabondait. Il lui était arrivé beaucoup de chose ces derniers jours, tout s'enchaînait si rapidement... Elle était tombée sur une ancienne Kulisha qu'elle s'était évertuée à chasser tant bien que mal, puis était aller prévenir le roi. Tout ceci l'avait entraîné sur le devant de la scène, notamment auprès de Mobali et Askari, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Elle était tout d'abord été un peu gênée, mais en voyant que sa popularité avait augmenté au sein du clan, elle en avait éprouvée une certaine fierté. Elle qui avait été regardé avec méfiance durant toute son enfance à cause de son géniteur, commençait tout juste à gagner le respect des siens. Beaucoup de Pridelander l'avaient félicité pour son courage d'avoir tenu tête à une exilée, et ne voyait désormais plus en elle la fille d'un ennemi, mais une véritable membre du clan. Cependant, très peu de temps après, elle avait rencontré son père, ce qui était une première. Cette rencontre l'avait énormément troublé. Alors qu'elle avait toujours été déterminée à ignorer son géniteur, le voilà qui apparaissait soudainement dans sa vie, et visiblement armée de bonnes intentions. Elle ne parvenait cependant pas à lui offrir toute sa confiance, elle en était pour l'heure incapable.

Elle quitta brusquement ses pensées en apercevant l'Etang, tranquille comme à son habitude. Une silhouette sombre se dessinait toutefois près de l'eau, que Tahora reconnu assez vite. Il s'agissait de Sadaka, le fils aîné de la reine Kuzali, qu'elle avait eu suite à son enlèvement par les Nyeusis. Une fois libérée, elle avait donné naissance à un lionceau sombre, porteur d'une triste lignée. Sadaka avait ensuite rejoint Prideland avec sa mère lorsque celle-ci était devenue la compagne de Kumpa, mais ne s'était jamais réellement lié au clan. Tahora avait eu quelques occasions de parler avec lui, mais leurs opinions divergeaient énormément à cette époque, rendant le dialogue impossible. Depuis, ils avaient bien grandis, mais n'avaient jamais pu parler à nouveau. Sadaka était devenu très grand et massif, il était très impressionnant. Aux yeux du clan, il ne cesserait jamais d'évoquer les terribles Nyeusis. Elle s'approcha de lui, esquissant un petit sourire à son intention, mais le lion détourna le regard, ce qui glaça l'adolescente.

- Bonjour Tahora. lança-t-il d'une voix morne.

Vexée par cette attitude, la jeune lionne fronça les sourcils. Certes, ils n'avaient jamais été de grands amis, mais elle avait essayé de le comprendre jadis, de l'écouter. Qu'il se comporte ainsi avec elle la blessait. Qu'avait-elle donc fait pour mériter son mépris ? Depuis qu'il avait rejoint Prideland, il n'avait montré aucun attachement pour le clan, et semblait éprouver toujours autant de dégoût envers Kumpa, son roi et beau-père. Tahora garda la tête haute et s'approcha de l'eau, à quelque pas du grand mâle noir.

- Sadaka, lâcha-t-elle simplement.

Elle se pencha vers la surface de l'Etang et lapa l'onde, les yeux clos. Elle dérangeait sans doute le félin mais son attitude glaciale ne lui avait pas donné envie de faire la conversation ou de se dépêcher. Pourquoi se montrait-il si désagréable ? Être sympathique ne lui coûterait pas grand chose ! Il n'était pas étonnant qu'il n'ait pas le moindre ami sur Prideland, il faisait fuir tout le monde en restant ronchon. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Tahora vit son reflet dans l'eau, et à côté d'elle, celui de Sadaka. Il y avait quelque chose de menaçant en lui, quelque chose qui mettait l'adolescente mal à l'aise. Sadaka lui rappelait un peu trop Kigeni, alors qu'elle s'évertuait de le chasser de son esprit. Elle se redressa, et, sans regarder son interlocuteur, elle lança :

- Il paraît que tu vas bientôt partir dans le nord avec ta mère.

C'était en effet ce qui se murmurait ici et là, la reine allait laisser Prideland plusieurs jours pour emmener son fils découvrir le Royaume Nordique. Tahora espérait que ce voyaye permettrait à l'adolescent de trouver le sourire. Et que cela lui apprendrait l’amabilité, pensa-t-elle en ravalant son amertume.

Avatar et signature © Rono

Spoiler:

La réponse de Tahora fut sèche, aussi sèche que la sienne. Etant petits, ils avaient essayés de de se comprendre mais en vain. Grandir change bien des personnages et les deux félins n’y faisaient pas exception. Tout deux s’orientaient dans deux voies qu’ils pensaient différentes alors que, pourtant, elles se rejoignait sur bien des points. Ils cherchaient un idéal, une cause à servir afin de prouver au monde qu’ils valaient quelque chose. Ils voulaient s’envoler loin d’eux même, leur montrer qu’ils étaient des héros et non les bêtes noires qu’on voyait en eux. Pour Tahora l’idéal s’était incarné en la personne de Kumpa. Elle servirait loyalement Prideland car Prideland lui même lui avait offert cette chance. Sadaka s’engageait ailleurs. Vers une cause qui lui semblait plus grande, plus juste, et qui, en tout cas, le valorisait à sa juste valeur - mais après, pensa-t-il, ça n’est qu’une question de point de vue…

« Oui nous allons partir quelques temps et l’heure du départ se faire attendre… » Il leva les yeux vers le ciel, l’air las. Le temps était perfide. Glissant entre vos pattes quand vous aimeriez qu’il s’arrête et trainant du pied quand il faudrait qu’il file à toute allure. Il ne demanda pas à Tahora comment elle avait été mise au courant. Un départ de Reine se veut toujours clair, prévu, structuré - surtout avec des enfants en bas âge à la charge. Tous ici avaient vite apprit la nouvelle, et bien qu’on gémisse presque le départ de Kuzali, savoir Sadaka loin d’eux un petit moment en réjouissait plus d’un.

« Je vais te manquer ? » Déclara-t-il, sourire moqueur aux babines. Il voulait crever l’abcès. Autant rire un peu de leur mésentente que de sortir les griffes sans raison. Après tout, elle avait ses idées et lui les siennes, ça ne valait peut être pas le coup d’en faire un drame… En grandissant, s’assouplir demande plus d’exercice et il est parfois plus facile de s’abandonner au fatalisme que de se tuer à la tâche.

L’adolescent ébène ne la charmait pas mais la fixait quand même d’un drôle d’air. Insistant. Comme pour la tester et voir si elle baisserait les armes ou ferait les gros yeux. C’était presque amusant de les voir là, se piquer, s’appréhender, alors que, petits, ils avaient été grands princes et diplomates. Comme si le mur qui les séparait les avait perdu dans une régression primitive. Il fallait dire qu’il avait beaucoup changé depuis son arrivée sur la terre de Prideland. Il avait enfoui les mots pour se construire des muscles et des idées. Il ne parlait plus beaucoup, et surtout à peu de monde.

Il n’était pas, normalement, du genre taquin mais le scepticisme de Tahora avait eut raison de lui. Puis depuis que Taali avait refait surface et que sa petite et lui apprenait à se dompter, il se sentait plus en confiance avec la gente féminine - au moins pour se permettre ce genre de réflexion…

Semi-Absence du 17/06 au 01/09

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