Vita eut un fin sourire mutin en voyant la lionne d'or bondir de son perchoir pour venir le rejoindre. Ses quelques mots avaient, il lui semblait, suffit à faire luire quelque chose au fond des prunelles ambrés de la jolie lionne qui avait mit fin à son hésitation. Levant un peu son menton, il posa en biais son regard sur elle. Oh, ses muscles un peu plus développés que les autres lionnes de sont âges venaient donc de là, un entraînement. Vita ne pu s'empêcher de se demander pourquoi la fille d'un Roi et d'une Reine avait besoin d'un entraînement martial. Mais du peut qu'il avait vu d'elle, Ahva paraissait être une lionne arrogante, fière et du genre à s'embarquer dans des situations plus saugrenues les unes que les autres. Ses parents désiraient peut-être qu'elle puisse se défendre seule en cas de soucis ? Oh, de toute manière il ne doutait pas des représailles si quelqu'un posait la patte sur la douce princesse ! Elle avait elle-même habilement dissimulée une mise en garde dans ses paroles.
Il fut tiré de ses pensées lorsque la princesse vint à sa hauteur. Il baissa un peu sa tête et hocha la tête. Le mâle à la crinière brune entamait son récit, conservant son regard de braise sur son interlocutrice.

— La vie de vagabond peut sembler attirante pour beaucoup j'imagine, oh, ça l'est. Mais pour quelqu'un comme moi, tout devient vite ennuyant alors... Il faut trouver de quoi se divertir.

Une chose que Vita savait parfaitement faire, se servir un peu de ses rencontres pour égayer ses marches solitaires. Voir du paysage était fabuleux mais pour lui, les rencontres faîtes l'étaient tout autant et ce, surtout pour l'amusement que ces rencontres pouvaient lui apporter. Par exemple, Ahva, il n'avait aucunement besoin de l'effrayer ou quoique ce soit, elle était elle-même une source de divertissement. Son fort caractère, son attitude, sa franchise... Des choses qui plaisaient inévitablement au mâle rouge qui contrairement à d'autres, n'y voyait pas vraiment quelque chose de mauvais. Vita reprit alors dans un rire bref.

— Connais-tu les Jangowas, jeune princesse ? Des lions particulièrement territoriaux qui se font un plaisir de faire déguerpir les intrus de leur Saint Désert à coup de crocs et de griffes. Il marqua une légère pause pour laisser le loisir à Ahva d'intégrer ses mots. J'ai alors rencontré ce lion roux aux frontières du Désert et je n'ai pas pu m'empêcher de lui jouer un petit tour lorsqu'il m'apprit qu'il cherchait son frère. Je lui ai indiqué les dunes sablées et il s'y est rendu en courant. Trop heureux à l'idée de mettre la patte sur son frère, il n'a pas fait attention au fait qu'il violait les frontières des Jangowas et s'est enfoncé dans le Désert.

L'Enfant du Feu releva un peu la tête, détachant ses prunelles de son accompagnatrice du jour.

— Je ne me suis pas attardé trop longtemps mais au vu de sa fureur, de ses quelques cicatrices, j'ose imaginer que l'accueil ne fut pas celui espéré. Vita eut un nouveau rire, visiblement plutôt satisfait de ce tour.

Il ne savait aucunement comment Ahva prendrait l'histoire perfide qu'il venait de raconter mais de toute manière, c'était elle qui l'avait demandé et Vita s'était simplement fait un grand plaisir de lui conter cette petite mésaventure. Comme il y en avait tant d'autres d'ailleurs. Son regard où une flamme particulière brûlait sans cesse se reposa sur Ahva, il paraissait guetter ses réactions sans vraiment de retenue.

Et la réaction tant attendue, Vita s'en délecta. Sa petite histoire dévoilait une grande partie de ce qu'il était : un lion complètement libéré de tout qui ne faisait que ce qu'il désirait. Personne ne pouvait lui dicter quoique ce soit, l'Enfant du Feu régnait en Maître de son esprit, dégagé de tout sens morale. Il prenait ce qu'il désirait de force s'il le fallait et aucun remord ne viendrait entacher sa conscience. Oh, Samba aurait évidemment vu en lui le "digne" fils de Jakko. Vita lui ressemblait atrocement : Samekh ne s'était jamais trompé sur ce point. Sans connaître son père, sans avoir entendu grand-chose de lui, c'était comme si le mâle rouge marchait dans ses traces.
Dans un sourire perfide, le rouge avait posé son regard sur Ahva, l’œil illuminé d'une lueur particulière. Elle ne paraissait pas purement dégoûté ou révolté, sa surprise se mêlait à de la curiosité et ce point galvanisait le vagabond.

— Mais c'est précisément ça, le secret qui me promet à une liberté que peu peuvent atteindre, princesse.

Il eut un soupire satisfait quand, soudainement, la lionne se mit à rire. Légèrement surprise, Vita focalisa son entière attention sur elle, à son écoute. Un immense sourire, plus grand que tout ce qu'il avait fait jusque-là, se peignit sur ses babines. La fille de Kuzali était décidément beaucoup intéressante qu'il ne l'avait imaginé, satisfaire ses questions, son imprudence et son intérêt plaisait au mâle rouge. Après tout il était fort rare qu'on lui laisse l'opportunité de parler de tout cela, de tout ce mystère qui l'englobait.

— La morale, les conséquences, les peurs, que de choses qui nous entravent à vivre pleinement ! Je fais ce que je désire, Ahva, je n'ai de comptes à rendre à personne. Son œil brillait. Il bondit sur un rocher sur sa gauche, prenant un peu de hauteur. Ses prunelles étaient rivées sur la jeune demoiselle. Jusqu'à aujourd'hui, je me suis toujours sortit des embrouilles que j'ai pu causer mais, être seul et troubler les autres ne peut se faire sans quelques outils forts utiles. La force physique ne fait pas tout.

Il descendit de son perchoir, soulevant un peu de poussière à son atterrissage. Vita ne se vantait aucunement d'être un modèle à suivre et son égoïsme dépassant toutes les limites imaginables en débectait évidemment plus d'un. Mais c'était ainsi qu'il pouvait vivre comme il le désirait. L'Enfant du Feu n'avait pas forcément aspiré à cette vie - qui pourtant, lui plaisait atrocement - mais son enfance et son adolescence y avaient grandement contribué, à faire de lui un lion sans foi ni lois.

— Je n'ai aucune attaches. Je ne suis rien. Je ne suis pas le fils d'un Roi, un guerrier de Clan, un être avec des responsabilités et des devoirs moraux. La seule chose qui m'importe est de satisfaire mes désirs.

C'était faux. Il n'y avait pas que lui qui l'importait, il y avait Ishana. L'unique point d'attache, la seule chose qui l'importait plus que lui. Sa sœur était inévitablement une partie de lui, une partie qui pourrait causer sa propre perte. Si un être osait blesser Ishana, Vita ne se retiendrait pas d'aller se battre, d'aller rendre la monnaie de sa pièce à cet animal, aussi puissant pouvait-il être. Sa sœur était une force autant qu'une faiblesse.

— Ma liberté est totale. Au point qu'elle empiète sur l'Autre. Je ne fais preuve que d'un égoïsme dépassant l'entendement. Je ne dis pas que c'est quelque chose de louable, ce ne l'est pas mais c'est de cette manière que je fais ce qu'il me plaît, princesse.

Vita vivrait aussi longtemps que sa force, sa ruse, son intelligence et cette incroyable capacité de survie lui permettront un tant d'avance sur les autres. Tant qu'il était suffisamment vif et malin pour filer, pour analyser les situations et se sortir de chacune d'elles. Et tant que tout cela trônait, il continuerait à répandre son petit chaos à chacun de ses passages.
Le lion rouge avait cessé ses dires, le cœur battant un peu plus fort que précédemment et les pupilles légèrement dilatées. Parler de son état semblait lui avoir plu. Il avait été franc. Pour une rare fois mais Ahva était une interlocutrice de choix.

Tel un artiste présentant sa oeuvre la plus sublime, Vita était fier de communiquer sa vision, son quotidien et ce qu'il pensait de tout ce qu'Ahva avait toujours connu. Elle le regardait avec des prunelles brillantes qui inclinaient encore plus le rouge à s'exprimer en toute impunité. Un véritable univers séparait les deux êtres, elle était la digne Fille du Soleil, princesse de Pridelands, enfant du Roi Kumpa et de la Reine Kuzali. Il était un simple vagabond dont seul ceux ayant eu affaire à lui se souvenait, il était le fruit d'une union indésirée, il n'était au final pas grand-chose.
Et pour une rare fois, il y avait un être qui daignait l'écouter. N'était-ce pas formidable ? Ses prunelles s'agrandirent un instant et il hocha la tête, un sourire malicieux aux babines. Il la pointa d'une griffe.

— Le vice, ma chère, l'un des Princes de ma vie !

Vita se doutait d'une certaine manière que tout ce qu'il représentait devait forcément intriguer une lionne telle qu'elle, ayant vécu au sein d'un Clan que tous disait pacifique et bon. Les plus mauvaises langues osant susurrer que les Pridelanders n'étaient qu'un ramassis de lions à la fierté débordante, endormis et incapables. Dans tous les cas, un tel Clan devait ménager ses membres contrairement aux Outlanders. Ahva était certainement populaire, aimée, choyée pourtant quelque chose brillait dans son regard. Le goût pour l'interdit ? Pour l'aventure ? Peut-être était-ce étonnant, Vita s'était imaginé qu'il serait repoussant à ses yeux. Au contraire, elle écoutait, s'exprimait, demandait, réfléchissait. S'il était un lion comme on en voyait rarement, elle était une jeune princesse bien plus intéressante que les préjugés de Vita lui avaient soufflé au départ.

— Pourquoi avoir besoin d'un but ? Vois-tu, je suis de ceux qui aiment étrangement le conflit. J'aime également observer tous les êtres de ces terres, leurs réactions face à une situation. Tu devrais essayer princesse, ne penses-tu pas que parvenir à enrager le plus apaisé des animaux est une vision satisfaisante ?

Il sembla songer un instant, détachant son regard de la lionne dorée. Pouvait-il appeler cela un but ? Non, pas vraiment. Le mâle à la crinière brune aimait certes placer ses rencontres dans son petit théâtre d'horreur mais cela ne s’apparentait pas vraiment à un but. Ce n'était pas comme s'il recherchait cela absolument. Vita arborait une légère moue pensive, les sourcils froncés et ses prunelles de braises plissées.

— Hm.. Je parlerais plutôt de passion. Pouvons-nous dire que c'est la passion qui guide mes pas ?

Il regardait Ahva du coin de l’œil, interrogatif. Non, il n'avait pas de but, d'objectif précis comme "Je veux venger mon père", "Je veux aller à tel endroit" "Je veux parvenir à m'intégrer dans tel Clan". Ses pattes le menaient ci et là, son esprit errait, il s'amusait avec ses rencontres et souillaient les territoires sans une once de regret. Le regret, les remords, encore des choses qui pouvaient entraver un être. Vita était débordant de défauts mais il les reconnaissait parfaitement, c'était un atout incroyable de se connaître et de s'assumer ainsi. Le rouge ne se détestait aucunement, à vrai dire, sa légendaire indifférence, son absurde nonchalance étaient aidantes.

— Ma vie se fait au jour le jour. Je déambule, débarquant parfois près du Désert, parfois dans la Jungle. Un hasard à chaque fois.

Devait-il émettre Ishana ? Le fait qu'il aime tant sa sœur plus que tout était bien évidemment inconnu de tous, il ne parlait jamais d'elle et ne laissait aucunement présager le fait qu'il tenait à sa sœur plus qu'à sa propre vie. Un utile moyen de la défendre, un lâche serait peut-être tenté d'oser faire du mal à Ishana.
Mais Ahva connaissait Ishana et Vita se doutait bien que sa sœur s'entendait bien avec cette jeune demoiselle aux mires ambrés. D'un air plus sérieux, il raccrocha son regard sur la princesse de ces terres.

— Quel beau tableau je te dresse de ma personne ! Tu dois te rendre compte que je n'ai rien à voir avec ma sœur, hm ? Ne te méprends pas Ahva, s'il y a bien une chose qui compte à mes yeux, c'est bien Ishana. Il eut un rire à la limite du cynisme. Ses yeux se fermèrent le temps de son rire puis, il observa la princesse. Que penses-tu de tout cela ?

Vita baissa un peu le regard, un sourire difficile à déceler mais dégageant quelque chose de doux sur ses babines. Oh il savait qu'il causait du tort à sa sœur en filant ainsi durant de si longs mois pourtant c'était bien plus fort que lui et de toute manière, elle devait savoir qu'il reviendrait sans cesse vers elle. Au final, il lui manquait autant qu'elle lui manquait mais leurs retrouvailles étaient quelque chose qui faisait sans cesse un bien fou au mâle rouge, au fond de lui, il avait ce petit quelque chose qui appréciait de voir qu'Ishana tenait autant à lui en dépit de tout. Possessif et sensible à la jalousie comme il l'était, Vita avait encore en travers de la gorge ce mâle dont sa sœur lui avait parlé avec un air si... tendre. A vomir. Le lion à la crinière brune était le seul, l'unique à pouvoir se prétendre être la moitié d'Ishana ! Un grondement manqua de s'échapper du fond de sa gorge mais il se retint habilement, observant du coin de l’œil la lionne dorée qui semblait fière de pouvoir lui offrir son point de vue.

Elle parvint alors à capter son entière attention et il tourna sa tête vers elle, les oreilles un peu tendues et l’œil intrigué. La princesse parlait sans retenue et cela la ravissait, la fille du Soleil avait comprit qu'il ne serait aucunement froissé : il s'avouait tel qu'elle le confirmait. L'air songeur, il glissa ses yeux vers l'horizon, un sourcil arqué. Cette petite avait incroyablement raison, Ahva était réfléchie ou du moins, elle semblait si curieuse sur les questions du monde, sur ses recoins même les plus sombres, qu'elle ne jugeait guère et s'exprimait habilement. D'une certaine manière, elle possédait une certaine objectivité plaisante. Elle aimait poser des questions, comprendre, démêler les complexités. Une digne fille de Kuzali, de ce qu'il avait pu voir de celle qui avait tant fréquenté son oncle.

— Tu es impressionnante, Ahva. Loin de ce que j'avais imaginé au sujet d'une petite princesse Pridelanders. Il avait cessé avec les "princesses" démontrant par-là qu'il ne la voyait plus sous un œil aussi moqueur qu'au départ.

Un léger rire franchit la barrière de ses lèvres. Il observait devant lui, profondément amusé quand il sentit que la lionne aux orbes ambres s'était rapproché de lui, venant chercher son regard enflammé. Vita lui fit le plaisir de venir accrocher son regard au sien, voyant que la demoiselle paraissait largement moins méfiante qu'au début malgré tout ce qu'ils s'étaient dit. Mais il comprenait qu'une princesse, préservée de tout depuis l'enfance, choyée, pouvait être si attirée par un aspect complètement contraire du monde qu'elle avait toujours connu. Du moins, c'est ce que le rouge imaginait, il n'avait aucunement connaissance de ce qu'elle avait déjà pu vivre jusqu'à maintenant.

— Un compagnon de voyage ? Enfin, Ahva...

Il avait dit cela d'une voix amusée, l'observant d'un air sincèrement surprit mais pas tant expressif que cela. Vita avait simplement un peu reculé la tête, un sourcil arqué. Si le rouge n'y avait jamais vraiment songé, il n'avait pas ailleurs jamais rencontré l'être qui serait capable d'au moins le supporter, de passer outre ses provocations et la suffisance dont il aimait faire preuve.

— S'il existe un voyageur capable de me supporter dans ce monde, je ne l'ai pas encore rencontré. Qui pourrait donc supporter mon sens de la morale qui s'apparente au néant, mes provocations menant à des situations périlleuses ? Je risquerais de le perdre bien vite s'il n'est pas suffisamment vif.

A moins d'un grand attachement, Vita se voyait mal risquer sa vie pour un éventuel compagnon de voyage et au vu des multiples escapades du rouge, survivre à ses côtés... Était une tâche compliquée. C'est alors qu'il songea à Nashoba et il reposa son regard sur la lionne.

— Cependant le voyage permet de rencontrer bien d'autres animaux que des Lions. As-tu déjà vu des Panthères ? Des Singes ? Ou même des Gorilles ? Il y a tant de bêtes qui foulent nos terres. Cela ne te donne pas des frissons d'imaginer l'immensité de ce monde, rester dans ce petit coin de terre qu'est Pridelands doit te travailler non ?

S'il pouvait donner l'impression d'essayer de la tenter, ce n'était pas vraiment le cas et Vita se posait véritablement la question. Comment une jeune lionne aussi pétillante et curieuse pouvait donc accepter de garder les pattes sur un seul territoire ? Ah, le problème de la royauté, peut-être.

Voilà une grande nouveauté pour Vita de communiquer ainsi avec autrui, il était loin des provocations, des moqueries, des jeux visant à pousser l'Autre dans ses retranchements. Mais c'était une nouveauté plutôt agréable et le rouge n'avait rien à cacher de toute manière, du moins pas à Ahva qui buvait ses paroles tout en ayant du recul pour y songer. Peut-être que d'une certaine manière, cela l'amusait de lui parler de tout cet aspect de pur égoïsme, de défiance des lois car voir ce qu'Ahva en ferait pas la suite était une idée séduisante. Il l'écouta comme elle l'avait écouté, posant un regard tranquille sur la jeune demoiselle. Voir son faciès et entendre son ton râleur vis-à-vis des singes décrocha un sourire en coin à l'Enfant du Feu. Les singes qu'il avait rencontré sur les terres de Nashoba étaient bien plus aguerris que ceux que son interlocutrice avait pu rencontrer ! Ceux de la cette jungle luxuriante était impossible à attraper pour un lion tant ils étaient haut dans les arbres.

— Les gorilles sont en effet assez compliqués d'approche, mieux vaux se méfier de ces bêtes. Et c'était dit en connaissance de cause, Vita avait un amer souvenir des gorilles, heureusement qu'il parvenait à se creuser suffisamment les méninges pour se sortir de toute situation. Les panthères ne sont pas aisées à voir, c'est vrai qu'elles sont secrètes.

Elle parlait vite, avec ardeur alors que Vita répondait avec une pointe de léthargie, tranquillement, nullement pressé. Mais le plus intéressant restait à venir et le pourpre se tu, observant un peu les alentours tout en gardant son ouïe à disposition d'Ahva. Bien vite, la dorée fut plus digne de son intérêt que les alentours alors il lui accorda son entière dévotion. Des gardes pour la surveiller ? Oh voilà quelle plaie d'être de la royauté ! Vita était bienheureux de n'être qu'un lion lambda, une simple bête déchargée de toute responsabilité, libre de faire ce qui l'entendait. Un vagabond peu commode et un hors-la-loi rodé mais, il n'en avait que cure de tout cela, contrairement à beaucoup d'autre, il était libéré de toute chaîne. Ou presque.

Le rouge n'avait pas pour habitude d'être empathique, il ne faisait pas non plus vraiment preuve de compassion, cela était réservé à sa sœur. Pourtant, l'envie d'Ahva était palpable et si authentique que Vita en venait presque à la plaindre de son état.

— Peut-être un jour viendras où tu te décideras à filer parcourir ces terres qui te font tant envie.

Finalement, il aimait appuyer sur la tentation. La demoiselle s'exprimait avec tant de véhémence que ses désirs finiraient peut-être réalisés. Mais avant que Vita ne tente une nouvelle parole, elle posa une question fatale. Il tiqua légèrement mais son faciès nonchalant ne changea aucunement d'expression tandis qu'intérieurement, c'était le feu. Sa question était légitime, Kuzali avait dû lui parler de ses propres terres et au vu de sa relation avec Samekh, également des Terres du Feu. Seulement, les Terres du Feu étaient un sujet délicat. Tout comme mentionner son père dont jamais il ne mettrait un visage dessus, seulement une bribe de caractère "Un lion très méchant", "Un enfant du Feu très cruel". Un lion qui avait combattu son oncle, un lion au nom et au faciès anonyme mais dont les rumeurs à son sujet n'étaient pas bonnes. Vita n'avait jamais été dupe, c'était pour cela que Samekh l'avait toujours regardé d'un œil mauvais - tout comme il regardait Sadaka. Que sa mère s'était sans cesse inquiétée à son sujet.

— Souvent. Adolescent, les Terres du Feu me faisaient rêver, je désirais les fouler. Il l'avait soufflé dans un léger soupire, posant son regard sur elle. A présent, j'y pense moins. Celui qui m'a engendré doit être mort et mes questions resteront sans réponses. Il haussa les épaules. Et toi Ahva ? Les terres dont tu portes les marques te font-elles envie ?

Vita s'était accommodé à l'idée de ne jamais en savoir plus sur ces terres, sur son père, sur ce qu'il s'était vraiment passer. Bien qu'au final, il avait une petite idée là-dessus, basée sur ce qu'il avait pu comprendre, démêler. Rien de bien conséquent mais plus ou moins suffisant.

Un fin sourire orna ses babines. A l'instar d'Ahva qui pouvait s'exprimer sans retenue sur son rang parfois encombrant, il pouvait également s'exprimer sans recevoir de blâmes ou de jugements. Agréable.

Vita plissa un peu ses yeux tandis qu'il se rendait compte que son seul souhait d'enfant avait été balayé d'un revers de patte alors qu'il avait grandit. Il n'avait pas été comme les autres enfants à rêver de belles choses, d'être le plus grand guerrier des terres, le plus grand chasseur, il n'avait jamais désiré avoir un titre honorifique. Rien de tout cela. Il avait passé son enfance et son adolescence à s'éloigner le plus possible de la Lande, des interdictions et de sa famille. Pas seulement à cause des ressentiments de son oncle à son égard, pour tout ce qui lui avait été caché durant ce temps. Le rouge soupira mentalement, il n'avait guère envie de parler de son anonyme de père et Ahva sembla le comprendre, passant au sujet de ses terres. Celles dont elle portait l'héritage de part sa robe mais également de part ses valeurs. Attentif, il l'écoutait religieusement.

La fille du Soleil rêvait donc de fouler les terres dont sa mère lui parlait sans cesse. Vita ne s'en doutait guère, de ce qu'il avait comprit de Kuzali, c'était une lionne fière mais pas au point d'en être méprisante. Non, c'était une toute autre fierté, quelque chose qui lui procurait une énergie incroyable et sublime. Il tourna légèrement sa tête vers la dorée, la voyant sourire, transportée par ses propres dires. Il l'enviait de voir qu'elle parlait ainsi de ses terres, avec un ardent désir de les voir. Son plaisir était tel que Vita aurait pu avoir lui-même l'envie de repenser aux Terres du Feu, à revoir cette idée abandonnée. Il comprenait au final, la jeune Ahva était amplement différente des Pridelanders dont il avait entendu parler. Et s'il n'avait pas pu voir les autres héritiers, il se doutait que cette lionne-là était différente d'eux. Glissant son regard devant lui, il avait un léger sourire aux babines.

— Si j'en crois ce que tu me racontes, tu me sembles en effet être la digne descendante de ces lions-là. Il secoua la tête, l'air amusé. Je comprends ce désir, Ahva, le mien était similaire auparavant bien qu'il fut nourrit, au contraire du tien, par le fait que les Terres de Feu étaient peu évoquées et remplies d'un secret sombre, à tel point que ni ma mère ni mon oncle ne disaient rien à ce propos.

Pourtant, si Ahva était bel et bien une fille du Soleil, une digne lionne de ces terres, Vita ne le savait guère mais il était un digne Fils du Feu. Son caractère atypique et flamboyant lui aurait permit de s'élever parmi les hautes sphères de son Clan mais, peut-être aurait-il été bien pire affublé d'un père comme Jakko. Son sang coulait dans ses veines et transparaît sur son caractère, sa façon d'être. Pourtant, Vita n'était pas aussi extrême.
Un léger silence songeur fut bien vite remplacé par la douce voix de la demoiselle et le Rouge pencha un peu sa tête d'un côté, l'observant.

— Eh bien...

Il avait baissé le regard, ses prunelles pareilles au feu scrutaient le sol désertique. Il réfléchissait, se remémorant cette époque ancienne sur la Lande. Avec Samba, Ishana, Kuzali, Sadaka et Samekh qui venait les voir de temps à autre, ce jour où Tahani avait emmené Tadji et Waasi. Une famille immense, recomposée où Vita n'avait jamais vraiment été à sa place. Il reposa son regard sur Ahva, soufflant dans un léger rire.

— Enfant et adolescent, j'étais... particulier, je tenterais donc de mettre mes ressentiments de l'enfance pour te répondre au mieux.

Était-ce la curiosité, l'intérêt d'Ahva qui déliait ainsi la langue de Vita - bien qu'il n'en disait pas trop non plus sur cette enfance chaotique, elle devait bien avoir une petite idée de ce point - ? Fort possible, régaler l'adolescente de ses propos et l'écouter réagir lui plaisait. Elle était dégourdie la jeune princesse. Réfléchissant encore quelques secondes, le mâle à la crinière brune accrocha pour de bon son regard sur la Pridelanders.

— Je n'ai jamais prit garde à toutes les histoires de la Terre des Lions, les nombreuses guerres, les conflits incessants cependant je me souviens que cette époque était particulièrement houleuse. Ta mère était déjà une lionne forte et fière, je veux dire, personne ne pourrait nier cette énergie particulière qui l'habite. Je me souviens qu'elle défendait ton demi-frère de toute ses forces, c'était incroyable. Il marqua une légère pause. Tu lui ressembles sur de nombreux points Ahva, bien qu'elle m'ait parut moins arrogante et malicieuse que toi.

Il eut un sourire entendu, l’œil brillant d'une lueur taquine.

— Et part ses actes qui lui ont coûté cher, elle a su être acceptée et reconnue par les Pridelanders, à devenir leur Reine. Une Exilée devenue Reine de Prideland, une histoire digne d'un conte. Mais... J'imagine que tu connais l'histoire. Il leva un peu les yeux au ciel. As-tu une question en particulier ? Je dois t'avouer qu'à cette époque, je me faisais un plaisir d'être loin de ceux qui étaient proches de Samekh alors au final, je ne sais quoi te dire de ta mère.

Et ses multiples escapades n'avaient pas aidé à se familiariser avec cette grande famille. Bien qu'au final, il n'en avait guère eu envie. Maintenant ? S'il n'éprouvait plus la même rancœur et colère face à tout ça, l'indifférence avait remplacé ces sentiments. Connaître Tadji, Waasi, Sadaka ou revoir Kuzali... Eh bien, il comptait plutôt sur le hasard pour cela. Il n'irait guère de lui-même à leur rencontre pour raviver les souvenirs de la Lande.

Il hocha vaguement la tête, pensif. C'était certainement ce qu'ils avaient tous retenus de lui : un lionceau puis à adolescent distant, à problèmes. La jalousie était un sentiment particulièrement nocif et Vita en avait toujours fait les frais, depuis sa tendre enfance, enragé par toute l'attention que son oncle s'accaparait. Pourtant... Pourtant lui aussi, au plus profond de lui-même, il l'avait sincèrement admiré. Dégageant ces pensées, il lui rendit ce sourire mutin avant qu'elle ne reprenne. La Lande la fascinait tant que cela ? Ayant toujours été plongé dedans, Vita avait peut-être un peu de mal à comprendre bien qu'au final, il était normal que la jeune lionne soit tant intriguée par cette époque révolue. La Lande. Lourde de souvenirs, bons comme mauvais. Mêlant une certaine souffrance à un bonheur évident. Qu'il reniait alors qu'il l'avait parfois aimé. Lorsque, dans le calme de la nuit, plongé dans l'obscurité, ses prunelles rougeoyantes se posaient sur les corps endormis de Samba, Ishana, Kuzali, Sadaka et parfois, celui de Samekh. Une famille recomposée, lourde de secrets mais, une famille exemplaire. Vita y songeait ainsi, souvent et s'il aurait aimé en parler ainsi à Ahva, il avait du mal. Quand s'était-il véritablement confié ? Même à sa sœur Ishana, il ne disait pas tout.

— Oui, Samekh était... un lion comme on en voit rarement. Il a laissé derrière lui une immense famille et des lions qui le pleurent encore. Mais surtout, après tant d'années, on parle encore de lui.

On aura beau dire, ce Fils du Feu restera gravé dans les mémoires de ceux l'ayant croisé. N'était-ce tout de même pas impressionnant ? On parlait encore de cet exilé, hors-la-loi ayant fait des choix souvent controversés mais, les Rois passés, les héros, on en parlait bien moins. Indéniablement, Samekh avait été une personnalité flamboyante, à l'instar de ses origines. Vita soupira mentalement, observant un peu devant eux avant d'être véritablement interpellé par les paroles d'Ahva. Il posa sur elle un regard amusé, un sourcil arqué. L'adolescente parlait une nouvelle fois avec passion et fierté, le poitrail bombé et le regard emplit d'une détermination que rien ne semblait pouvoir ébranler. Dans un rire, le mâle à la crinière brune effectua une révérence.

— Quel honneur pour moi d'être toléré dans vos rangs, Princesse du Soleil ! J'en suis bien reconnaissant ! Il s'ébroua un peu, ne quittant pas un instant son sourire malicieux. Je te taquine mais en voilà une agréable idée, j'imagine que la route est plus amusante à plusieurs. Et de tels lois sont plaisantes...

Et dangereuses ! Ahva devait tout de même bien savoir qu'avec un lion tel que lui dans cette fameuse famille, les dégâts seraient... importants. Alors qu'il allait ajouter quelque chose, le sol se mit doucement à trembler et les petites pierres crépitaient dans la poussière. Vita fronça ses sourcils, baissant un peu l'échine tout en scrutant le sol avant de lever son regard devant eux. Un troupeau. Un rire fut audible et le rouge regarda sur leur droite, apercevant le lion roux les toisant du haut de son promontoire. Un sourire mauvais se dessina sur les babines de Vita qui braqua alors son regard sur la demoiselle dorée.

— Vous aurez souvent... ce genre d'aventures, avec moi à vos côtés. Vita avait parlé calmement, il regarda de nouveau devant eux, voyant la masse du troupeau de gnous approcher bien rapidement. J'espère que tu es prête, Ahva, il va falloir trouver une échappatoire.

Il entendit le lion qu'il avait berné hurler quelque chose, certainement des paroles de vengeances. Ce fou avait titiller un troupeau entier pour qu'il passe ici... et pour que Vita soit écrasé dans le flot de proies. Sans piper mot, le mâle rouge pivota sur ses appuis puissants et avant de démarrer, poussa un peu Ahva pour la faire bouger elle aussi. Rapidement, il courrait sur le terrain poussiéreux, cherchant un promontoire suffisamment haut, une entrée dans la roche ou un moyen de remonter.

Vita observait avec attention tout autour d'eux, ses prunelles orangées volaient dans tous les sens à la recherche de leur moyen de fuite. Derrière eux, le bruit des sabots frappant le sol était chaque secondes de plus en plus puissant, les bêtes semblaient complètement terrifiées. Et ce n'était clairement pas la présence du lion et de la lionne qui les arrêteraient : ils finiraient écrasés s'ils ne se sortaient pas de là. Le Rouge sentit alors la présence de l'adolescente à ses côtés mais il ne la regarda pas, occupé à chercher ce qui permettrait leur survie. Le cœur battant de plus en plus fort, Vita arborait un air sérieux mais intérieurement, il jubilait. Typiquement le genre de situations qui le galvanisaient ! Seulement, il y avait un problème capital : il ne connaissait pas le lieu et ne parvenait pas à dénicher ce qu'il voulait. Fort heureusement, la Dorée avait de la ressource. Il glissa son regard vers elle.

— Je te suis.

Il n'avait de toute manière pas d'autre choix mais lorsqu'il aperçut ladite souche servant à se hisser sur la plateforme, il eut un sérieux doute. Est-ce qu'elle soutiendrait son poids ? Est-ce qu'elle survivrait à leurs deux passages ? Il balaya bien vite ces réflexions de son esprit pour ralentir légèrement son allure alors qu'Ahva accélérait. Vita plissa un peu ses yeux puis souffla un bon coup, au moment où un sourire se dessinait au coin de ses babines, il reprit une vitesse conséquente. Ahva semblait s'en sortir assez bien, faisant preuve d'une puissance certains dans ses pattes avant de se hisser de son mieux. Le mâle sur la souche qui craquait sous son poids, effectua un saut également puissant, rassemblant une bonne partie de sa force dans ses appuis arrières. La souche émit un craquement encore plus sinistre alors que le rouge s'agrippait aux abords de la plateforme, jetant un œil derrière lui. La souche était complètement brisée. Dans un soupire, il força sur ses muscles et parvint à se retrouver complètement aux côtés de la jeune lionne. Ils étaient saufs ! Comme d'habitude, bien sûr, c'était évident non ?

— Aaaaah...

Son souffle était quelque peu irrégulier, cela était visible sur ses flancs un peu maigres qui se soulevaient dans un rythme désaccordé. Le rouge s'ébroua un peu, se retournant alors pour apercevoir le troupeau qui filait à toute allure, émettant un bruit d'enfer et une poussière montant bien haut. Plissant un peu ses yeux à cause du nuage de poussière, Vita eut un léger rire, déviant sa tête vers la princesse de Pridelands. Une lueur presque fière trônant dans son regard de Feu.

— J'ai vécu beaucoup de choses mais c'est la première fois que je manque d'être écrasé par un troupeau.

Tandis qu'il se raclait la gorge, prêt à dire quelque chose, il fut une nouvelle fois coupé par un rugissement furieux. Certainement le rouquin enragé mais de là, Vita ne le voyait pas. Tant pis ! Il n'avait pas que ça à faire, s'embêter avec un énième être le détestant. Au pire, il recroiserait sa route et devrait faire preuve d'assez de ruse pour échapper à ses griffes et sa fureur. L'ignorant donc, l'Enfant du Feu reprit.

— Pour répondre à ta question laissée en suspens... Peut-être que je marcherai, qui sait. J'aime la nouveauté. Il eut un sourire, l'observant d'un air charmant. Est-ce que cette fameuse famille foulerait un jour des terres éloignées tel que celles du Soleil ? Il l'avait demandé de façon presque innocente, l'air de rien, regardant un peu de côté tel un enfant.

Sentant la patte de lionne contre son visage, le repoussant sans brusquerie d'un léger mouvement, Vita suivit simplement le mouvement en riant à doucement, baissant un peu la tête avant de regard Ahva du coin de l’œil. Le rouge avait ressortit un étrange côté joueur que la jeune dorée avait suscité en parvenant, à sa manière, à lui faire baisser ses gardes faîtes de moqueries et de sarcasmes, voir parfois, de cynisme.

— Bien sûr que si elle me va, tu n'as juste pas la capacité de le voir. Fit-il d'un petit air à la fois faussement offensé et malicieux.

Cessant sa pseudo blague, le rouge prit garde aux paroles d'Ahva. Un sourire presque fier se dessina sur ses babines, étirant les commissures de ses lèvres. Elle avait l'âme voyageuse et un bon esprit, un recul suffisant sur les choses mais aussi un caractère fort qui était bien utile dans de nombreuses situations. Il fallait après tout bien souvent des nerfs d'acier face à la dangerosité du monde. Et visiblement, elle était du genre à savoir se débrouiller par elle-même comme la demoiselle l'avait prouvé en leur dénichant la sortie. Sans aucun doute, elle ferait une voyageuse exemplaire.

— J'aime cette attitude, suivre ses pas sans réfléchir est une expérience géniale, tu verras bien lorsque le courage et la capacité de voler de tes propres ailes seront à ta porte. Il ne disait pas cela méchamment ou dans le but de la vexer. Vita avait parfaitement conscience du statut d'Ahva, du moins, il parvenait à se l'imaginer assez bien en dépit du fait que ce soit un peu absurde à ses yeux. Mais après tout une princesse - en plus, celle de Pridelands - avait forcément des responsabilités, des devoirs particuliers - notamment d'être un modèle - et... une famille royale à soutenir. Alors que lui n'était rien qu'un vulgaire hors-la-loi, elle représentait une figure incontournable de la Terre des Lions.
Un instant, il songea aux Terres du Soleil, à celles de Feu. L'idée de fouler la terre de ses ancêtres ne lui procuraient étrangement pas tant d'émotions que cela et pourtant, bien qu'il n'en avait pas forcément conscience, au fond de lui résidait l'enfant qui avait toujours voulu connaître celui l'ayant engendré. Mais aussi ces terres, ce Clan, ces lions.

Sans piper plus de mots, il la suivit d'un pas tranquille, sortant ses griffes sombres pour se maintenir un peu mieux dans la descente qui leur permettrait ensuite le saut. Laissant Ahva sauter, il rentra ses lames obsidiennes puis bondit agilement à son tour. Après tout, Vita n'était pas un lion très lourd, taillé tout finesse, svelte en dépit d'une musculature indéniablement présente. Le rouge leva un peu la tête, posant son regard sur la dorée. Un nouveau sourire étira ses traits anguleux.

— Nous verrons ça, alors. Vita arqua alors un sourcil, l'air faussement suspicieux. Tu m'abandonnerais donc au beau milieu de nul part, affreusement seul et démuni ? L'air suspicieux fut alors un instant remplacé par sa mine de chien battu, Vita démontrait là un véritable panel d'expressions. Le lion à la crinière brune était en effet plutôt doué pour cela et, si Ahva n'avait pas su qui il était vraiment, elle aurait bien pu être bernée !

— Maintenant que j'y repense, je me demandais, pourquoi as-tu eu des gardes du corps ? C'est comme ça pour tout les princes et princesses ? Et puis, il y avait aussi le fait que tu avais mentionné le fait que tu t'entraînes au combat. Je suis curieux alors... As-tu déjà réussit à t'attirer des ennuis de part tes escapades ?

Il avait reprit une marche tranquille, coulant ses prunelles de Feu sur elle. Au final cela ne l'étonnerait guère qu'une demoiselle comme Ahva ait pu tomber dans une embrouille, sa fierté et son arrogance ne pouvaient pas plaire à tous.

Vita ne se souvenait plus à quand remontait la dernière fois qu'il avait rit et taquiner un autre animal, de façon à ce que la joute verbale soit réciproque. Mais Ahva était fine et la lionne avait su s'attirer le bon œil du mâle rouge qui, lui, avait grand plaisir à lui faire miroiter la liberté et lui conter ce qu'elle désirait. Et s'ils ne s'étaient pas rencontrés depuis bien longtemps, le Fils du Feu se sentait à l'aise avec la Fille du Soleil, comme s'ils avaient pu développer un certain lien, une certaine connexion plaisante. Ainsi, silencieux, il l'écoutait. Elle avait semblé soudainement un peu plus sérieuse, ses jolies orbes ambrées avaient changé de lueur et deviner qu'il avait touché un point délicat était aisé à comprendre.

Outlands ? De ce qu'il avait vu de l'endroit, c'était un repaire pour les lions aux mines patibulaires, un lieu où régnait une loi qui était celle du plus fort. Ces lions-là, exilés ou descendants d'exilés n'étaient pas forcément doux. Vita se demandait souvent ce que faisait Ishana là-bas, le rouge n'aimait pas du tout cela mais, après tout, que pouvait-il y faire ? Sa jumelle avait un petit côté têtu quand elle le voulait. Faisant fi de ces pensées, il écouta la suite, fronçant un peu ses sourcils. Ah. Les Outlands étaient donc assez lâches pour s'attaquer à une jeune lionne, à plusieurs ? Vita avait beau ne pas être un exemple, un hors-la-loi qui n'en faisait qu'à sa tête, l'idée de s'attaquer à un être plus faible que lui, avec des compagnons... Hm, l'idée ne la séduisait pas. Oh, il usait d'autres stratagèmes pas forcément honorifiques, souvent vicieux mais il ne s'abaissait pas à cela. Surtout qu'au final, la violence physique directe n'était plus vraiment dans ses désirs premiers.

— De braves lions. Fit Vita d'une voix frôlant le mépris.

Mais toujours, Ahva avait cette façon de penser particulière. Surmontant l'épreuve avec force, elle la retournait à son avantage pour n'en devenir que plus puissante. Une intelligence rare que Vita ne voyait plus beaucoup depuis quelques temps. L'inconscience de sa jeunesse, la naïveté, elle balayait cela d'un revers de patte.

— Il faut croire que les choses nous arrivent rarement par hasard.

Et alors, reprenant sa malice, Ahva piqua le rouge, arrogante. Un large sourire fendit le faciès de Vita et à nouveau, ses prunelles de Feu s'embrasèrent, l'air joueur.

— Vraiment ? Tu seras ma gardienne personnelle ?

Il ricana légèrement avant de, soudainement, bondir sur Ahva. Il la poussa fortement à l'aide de son épaule droite et la fit chuter dans la poussière, plaquant ses larges pattes sur ses épaules avant de se coucher à moitié sur elle - l'avant de son corps était sur le sien - l'arrière de son corps élancé couché sur le sol sableux : il y mettait son poids et prit un air faussement désolé, arborant une moue piteuse.

— C'est comme ça que tu me protégeras face aux grands dangers de ces terres, délicate princesse ? Il souriait, à présent, mutin.

Et oui, même un grand méchant Vita se prenait aux plaisirs du jeu. Après tout, Ahva l'avait bien provoqué non ? Mais, bon joueur tout de même, il cessa de mettre son poids sur la demoiselle.