A la fin de ses quelques tirades, Wema resta silencieuse. Gaalbruniik espérait que la lionne avait comprit tout ce qu'il venait de dire.
Alors qu'il commençait à en douter, celle-ci répondit :

"C'est facile pour vous, d'ignorer les rumeurs, de faire comme si de rien n'était! Vous cachez la moindre expression sur votre visage, vous mentez comme vous respirez.. Ce n'est pas mon cas. "

Le lion sourit légèrement en coin. C'était une chose qui s'apprenait. Faire fi des dires des autres ne lui avait pas été facile, mais il avait apprit à faire de son visage un bloque de roche. Sauf lorsqu'il se battait, bien sur.

"Ils ont peur de vous, parce que vous êtes plus Jangowas qu'eux ne le sont. Vous êtes différent, mais vous leur inspirez le respect et la crainte !! Pourquoi? Parce que votre différence est une force, à la fois pour vous comme pour eux. Tant que vous parviendrez à arracher la vie des intrus qui frôlent le désert, ils ne vous feront rien. "

Voila qui n'était pas faux. Sa différence venait du fait qu'il était beaucoup plus Jangowas que la plupart. Enfin, allez savoir...un Jangowas aurait tué ou trahit des étrangers qui seraient venus dans le désert. Mais il n'en avait rien fait lorsqu'il avait rencontré Niwata. Pourquoi aurait-il essayé de la tuer ? Elle n'était pas une ennemie...

"Que voient-ils en me regardant? Une incapable, une lionne n'étant pas capable de se défendre. Je ne suis pas une guerrière comme vous ! Je ne suis pas capable de tuer de sang froid!! Je ne leur sers à rien.. A part à faire prospérer la race. Si leurs regards ne vous font rien, ce n'est pas mon cas.. Je n'ai pas votre force d'esprit, Gaalbruniik.. Croyez-moi, j'aimerai pouvoir faire comme vous.. Mais je ne suis pas comme vous."

Gaalbruniik entendait dans le ton de la voix de Wema quelques pointes de colères. Voila qui en disait long sur son agacement quant à sa situation.
Cependant, force était pour lui d'admettre que son argument était solide. Tous deux étaient différents, mais pas de la même manière.
En entendant la dernière phrase de Wema, le lion ricana doucement.

"Crois-tu que j'ai réussi à me moquer des dires du clan à mon égard ? Au début, j'ai essayé de me défendre, de leur prouver que j'étais comme eux. Mais voyant que rien n'y faisait, j'ai décidé d'adopter une autre stratégie. Et plus je faisais comme si de rien n'était, moins les autres trouvaient à y redire. Mais il m'a fallut apprendre à jouer ce petit jeu. Apprendre à cacher mes émotions. Comme ne pas regarder le sol lorsque l'on ment ou qu'on est en tort, par exemple, et toujours regarder son interlocuteur dans les yeux."

Gaalbruniik finit sa phrase en souriant légèrement à Wema. Au moins elle avait retenu cela. Il termina sur un ton plus grave :

"Et une dernière chose : je ne tue pas de sang froid. Lorsque je tue, c'est toujours lors de bataille."

Etrangement, voir cette petite lionne avoir de tels problèmes donnait au lion le sentiment de se revoir. Une idée lui vint timidement en tête. Peut-être devrait-il lui venir en aide, lui apprendre ce que lui-même avait mit au point...mais il hésitait quelques peu. Lui, apprendre quelque chose à la jeune Wema ? Voila qui risquait d'être fort étrange...

Wema n'avait pas baisser les yeux à nouveau. Bien. Elle apprenait vite.
Elle semblait cependant ne jamais être rassasiée et posa à nouveau une question :

".. Comment avez-vous réussi?.. Je veux dire, comment avez-vous appris à rester de marbre face aux injures? Aux moqueries?"

Gaalbruniik tourna la tête vers la jeune lionne.
Elle semblait désirer une seule chose : que le lion aux yeux rouges lui apprenne à surmonter ses craintes, ses problèmes.
C'était légitime. Sa vie au sain du clan ne devait pas être facile tous les jours si elle était considérée comme une faible.
Imaginer la petite Wema narguer par la plupart des autres membres du clan à cause de sa différence ne laissait pas Gaalbruniik indifférent, à sa plus grande surprise.
Cependant, le lion hésitait...il avait du mal à se voir apprendre quoi que ce soit à Wema, lui qui avait failli l'attaquer il y avait de cela quelques minutes.
Il s'aperçu que cela faisait plusieurs longues secondes qu'il était plongé dans sa réflexion. Il lui fallait tout de même répondre...

"C'est assez simple. Il suffit de se dire que, tout ce qui compte, c'est ton avis personnel. Celui des autres ne compte pas. Même si cela demande d'être soi-même quelques peu solide au début. Et tu as dis manquer de sang-froid et être un peu trop sensible..."

Marquant une petite pause, il se demanda si ce qu'il s'apprêtait à dire était une bonne idée, tant pour sa sécurité que pour celle de Wema...mais il pouvait toujours tenter le coup...

"Je peux essayer de t'apprendre à t'endurcir. A avoir une armure en toi-même. Tu pourras mieux vivre les moqueries des membres du clan. Même si je crains que cela ne s'apprend pas réellement..."

Gaalbruniik tourna la tête. Il s'attendait presque à entendre Wema rire de cette proposition en tout point absurde. Lui, essayer d'apprendre quelque chose à quelqu'un...voila qui était assez ironique.

En entendant la proposition que Gaalbruniik lui faisait, Wma parue des plus étonnées. Après avoir vivement redressée les oreilles, celle-ci le regarda avant de dire sur un ton trop hésitant au goût du lion :

"Vous pensez que c'est possible..? Je veux dire, vraiment..?"

Gaalbruniik grogna légèrement de rire. Cette question paraissait tellement peu censée.

"Bien sur, que c'est possible. Tout est possible, du moment que tu as assez de volonté."

Il fixa Wema de ses yeux rouges et rapprocha de quelques centimètre son visage du sien, avant de demander avec un sourire naissant :

"La question est la : as-tu réellement assez de volonté ?"

A peine eu-t-il fini sa phrase que le lion bondit sans crier gare sur la lionne aux yeux bleus.
Il mit rapidement cette dernière sur le dos et bloqua avec une de ses pattes le bras gauche de Wema. Il avait sortit ses griffes et garda sa patte libre sous la gorge de la lionne, faisant mine de vouloir la tuer directement.
Gaalbruniik ne doutait pas qu'il avait dût lui faire une peur bleue, mais son agissement n'était pas cruel.
Il comptait ainsi voir très rapidement de quel fer était forgée Wema. Allait-elle avoir le reflexe de se défendre avec férocité, ou juste celui de fermer les yeux en demandant à son ennemi de le gracier ?
Ce genre de reflexe ne se dévoilait que lors de moments désespérés. Il fallait donc que Wema ai réellement l'impression d'avoir en face d'elle un adversaire redoutable avec lequel elle n'avait pas l'avantage.
Même si dans un coin de sa tête, Gaalbruniik espérait quelques peu ne pas avoir été trop brutal...

Face à la provocation de Gaalbruniik, Wema ne fit que répliquer :

"Qu'est-ce que vous faites?! "

Sans en montrer quoi que ce soit sur son visage, le lion était un peu déçu de cette première réaction. Lorsque quelqu'un vous attaque, le temps n'est plus aux questions !
Puis la lionne tenta de le repousser, et se débattit d'avantage en constatant que son assaillant de bougeait pas d'un centimètre.

"Lâchez moi! Par le Grand Désert, à quoi vous jouez?! "

S'écria celle-ci.
Voila qui était mieux. Il y avait peut-être une petite lueur d'espoir pour cette lionne soit-disant non guerrière.
Gaalbruniik retira ses griffes de sous la gorge de Wema et la laissa se relever.
Un sourire peu habituel était affiché sur son visage. Cela lui aurait grandement déplu si la lionne n'avait pas fait preuve d'un peu de courage.

"Bien. je vais peut-être faire quelque chose de toi."

Se doutant que son interlocutrice devait toujours se trouver dans l'incompréhension, le lion aux yeux rouges lui expliqua :

"C'était un test. Il fallait bien que je vois de quel bois tu te chauffais face à l'adversité. Tu as été un peu longue à la détente, mais au moins, tu as fini par tenter quelque chose. Certains auraient surement implorés qu'on ne les tue pas."

Regardant l'horizon, il poursuivit :

"Le soleil est bien bas. Nous devrions rejoindre le clan."

Gaalbruniik se secoua légèrement pour enlever du sable qui était tombé dans sa crinière et se rapprocha de Wema.

"Il y a une petite chance pour que je puisse faire quelque chose de ton cas. Mais je te préviens, je ne veux pas entendre de gémissements ou de plaintes. Il n'y a rien de tel pour détruire ta volonté et ta confiance en toi."

En effet, si il avait dût se plaindre avec ce qu'il avait vécu, il n'en serait pas là où il en était aujourd'hui. Peut-être n'aurait-il pas non plus développé cette soif de sang...