Le temps était clément ce jour-là, même ensoleillé, mais cela ne changeait rien. Même les rayons du soleil qui chatouillaient le dos de Rána ne lui donnaient pas envie de jouer. Cela faisait plusieurs semaines que son père était parti, et la petite boule de poils attendait toujours de le voir revenir. En attendant, il était seul. Bien sur, il y avait Ishana, et les autres lionceaux, mais ça n'était pas pareil. Il ne les connaissait que depuis quelques jours. Et même si la lionne rouge était comme une deuxième maman, aussi attentive et douce que Safi, ça n'était pas comparable. Comme elle lui manquait, sa maman ! Mais elle, elle ne reviendrait jamais. Ça, il le savait. Il était triste au fond de son coeur, mais son âme de lionceau avait finit par reprendre le dessus, et il s'était fait à cette brutale disparition, comme il se ferait sans doute à celle de son père, mais c'était encore trop frais. Et peut-être que le fait que Rána n'ait pas compris pourquoi son père l'avait laissé là l'empêchait également de redevenir un lionceau innocent et plein de vie.

Malgré tout, sa douceur de caractère et son attrait pour le monde extérieur le poussait à continuer de se lever chaque jour pour découvrir le nouvel univers qui l'entourait. Parfois, il jouait avec ses nouveaux compagnons de jeu, ses nouveaux amis qui l'avaient acceptés sans rechigner et le comptaient désormais comme un de leurs. Mais parfois, il se sentait un peu plus triste, alors il s'isolait pour réfléchir, mais sans jamais s'éloigner du clan. La petite boule de poils était bien trop respectueuse de l'autorité et des règles pour les transgresser. Et bientôt, tandis qu'il marchait en regardant le sol, une voix s'éleva :

─ Bonjour mon grand ! Que fait-tu ici tout seul ? Quelque chose ne va pas ?

Rána releva les yeux, et avisa la grande lionne au pelage or qui lui faisait face. Il ne la connaissait pas encore, mais il n'avait pas peur. Il était sur Prideland, à peine à quelques dizaines de mètres des autres, les patrouilles étaient bien plus loin encore pour chasser les étrangers. Non, cette lionne là était du clan, il le sentait à son odeur. La tête légèrement penchée sur le côté, il observa un instant avec curiosité les petits traits noirs qui ornaient les oreilles de la lionne, avant de finir par répondre :

─ Je n'avais pas envie de jouer, alors je préfère me promener.

Ses grands yeux bleus contemplaient la lionne tandis qu'il énonçait avec sincérité la raison de sa présence ici. Après tout, Rána n'avait rien à cacher, et ses propos trahissaient toute l'innocence du jeune lionceau.

La grand lionne le regarda d'un air doux, avant de lui demander à nouveau :

─ Je vois ... Je pense que tu ne connais pas encore tout le monde ici. Je m'appelle Zary. Et toi ? Quel est ton nom ?

Zary. Rána ne manquerait pas de s'en souvenir. Les petites marques noires sur les oreilles de la lionne l'y aideraient sans aucun doute, bien qu'il ait une bonne mémoire. Elles lui faisaient un peu penser aux siennes, de marques, à celles qu'il avait hérité de sa mère. Des petites marques qui ne s'effaceraient jamais, et seraient toujours là pour lui rappeler ses origines. Mais au fond, Zary avait raison. Il ne connaissait pas encore grand monde ici, même s'il commençait à faire sa place. A dire vrai, à part Ishana et quelques camarades, les autres ne le connaissaient pas. Bien sur, ils commençaient à s'habituer à sa présence, mais personne ne savait vraiment qui il était, et surtout, d'où il venait. Ce n'était pas réellement une tare, mais c'était peu ordinaire, et cela rendait les gens curieux. Rána n'avait seulement pas encore conscience de l'impact que cela aurait plus tard.

─ Je m'appelle Rána.

Il ne savait pas vraiment quoi dire d'autre. A dire vrai, ayant été élevé en dehors d'un clan depuis sa naissance, Rána n'avait que peu de notions de la hiérarchie, et ne savait pas trop ce qu'il pouvait se permettre ou non. De toute manière, il n'était pas certain d'avoir grand chose à dire. D'habitude, c'était les adultes qui lui indiquaient ce qu'il devait faire - ou qui menaient au moins les choses - pas lui.

Le regard de Zary était perçant, mais aucunement malveillant, si bien que Rána la laissa l'observer sans rien dire, tout en ayant plutôt l'habitude d'attirer les regards. Après tout, ses origines et son identité restaient flous pour nombres d'Outlanders, et cela en rendaient certains méfiants, et d'autres curieux. D'ailleurs, les autres lionceaux n'avaient pas manqué de lui poser la question - eux au moins ne s’embarrassaient pas avec le tact et les détails - et le petit mâle leur avait simplement répondu qu'il était là en attendant que son papa vienne le chercher. Ce qu'il espérait de tout cœur, sans être réellement capable d'imaginer qu'il ne le reverrait jamais non plus.

─ Rána ... Je m'en souviendrai, c'est un joli nom ! Les rayures que tu as sur ton pelage ... D'où viennent-elle? Si je te demande ça, c'est tout simplement parce que je suis originaire d'une terre loin d'ici, où les orages sont très fréquents. Et il se trouve que les lions de cette régions ont ces petites marques similaires au niveau des oreilles.

Rána fronça les sourcils. C'était étonnant, ce que la lionne lui racontait. Malgré tout, à dire vrai, il ne s'était jamais penché sur les origines de sa mère. Il savait simplement qu'elle était Pridelander, et n'avait jamais songé à la possibilité qu'elle vienne d'ailleurs et ne soit pas née sur Prideland. Et désormais, il était trop tard pour lui poser la question. Alors, abandonnant son air soucieux, il répondit d'une voix calme :

─ C'est ma maman. Elle avait les mêmes marques que moi, mais pas mon papa.

Elle avait. Parlait de sa mère au passé était devenu quelque chose de normal pour lui, aussi dur que cela puisse être à accepter. Néanmoins, il était probable que la grande lionne le remarque, même si Rána n'avait pas fait exprès. La réalité était quelque chose de bien concrète pour les petits lions, et leur âme d'enfant était incapable de cacher la vérité d'une telle chose.

[Désolé pour le temps de réponse ]

Si la lionne releva le temps passé utilisé pour parler de sa mère, elle n'aborda cependant pas le sujet, du moins pas directement. De toute manière, ces détails rhétoriques dépassaient largement les préoccupations du petit lion. Si son envie de jouer n'était pas revenue, discuter avec quelqu'un lui plaisait. Bien que la plupart des lionceaux trouvent les bavardages futiles et ennuyeux, le petit mâle les appréciait, lui. Ils lui permettaient d'en apprendre plus, et surtout de découvrir ce monde social qu'il ne connaissait guère.

─ Je vois ... Mais dit-moi, tu vivait dans un autre clan avant d'arriver sur Outland ?

Un clan ? Rána n'était pas certain qu'il puisse désigner sa famille comme telle. Trois lions ne formaient guère un clan, juste un petit groupe. Et désormais, ils n'étaient plus que deux. Non, plus qu'un, en réalité. Il était tout seul, désormais, loin de ses deux parents, sans en comprendre la raison. Qui avait tué sa mère, et pourquoi ? La petite boule de poils n'en savait rien. Pourquoi son père était-il parti, et quand reviendrait-il ? Il n'en savait rien non plus. Peut-être, au fond, était-ce mieux pour lui d'ignorer la violence de la réalité dans laquelle il avait vu le jour. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il serait amené à affronter chaque conséquence en grandissant, et qu'il prendrait la réalité des choses de pleine face. Néanmoins, le temps saurait peut-être lui donner le temps de préserver son enfance.

─ Non. Nous étions seuls avec Papa et Maman. Je ne savais pas que des groupes plus nombreux existaient.

En répondant à la question de Zary, une autre germa dans son esprit tandis que son regard, vague, dérivait vers le sol. Reposant ses yeux d'un bleu innocent dans ceux de la grande lionne, il demanda d'une voix attristé :

─ Pourquoi est-ce que je n'ai pas grandit dans un clan moi aussi ? Est-ce que c'est parce que je n'ai pas été sage ?

Son regard tout d'un coup attristé en disait long sur ce qu'il pensait. Car après tout, Rána avait tout à apprendre de la vie, malgré qu'elle s'en soit déjà pris à lui plus d'une fois.

Tandis que Rána attendait de savoir s'il avait grandit éloigné des autres uniquement par sa faute, la lionne s'avança et lui lécha la tête avec douceur. S'il n'avait que peu de signification entre eux, ce simple geste maternelle éveilla bien des sentiments chez le petit lion qui frissonna, partagé entre le réconfort et la tristesse face à la réalité de l'absence de sa mère.

─ Non mon grand. Ce n'est pas parce que tu n'a pas été sage. Si tu n'a pas grandi dans un clan, c'est tout simplement parce que tes parents l'ont voulu ainsi. Et maintenant que tu vis dans un clan avec nous, il y'a beaucoup de chose que tu peux apprendre.

Et pourquoi ses parents avaient-ils décidé de vivre loin de tous les clans ? Pourquoi avoir renié leurs liens natals ? Rána savait que sa mère avait vécu dans un clan au moment de sa naissance, et avant de rencontrer son père. Mais concernant ce dernier, il ne savait que peu de chose. L'avenir saurait sûrement montrer à la petite boule de poils combien de choses se cachait derrière ce mystère qu'était son géniteur, mais il n'en savait encore rien. Bien sur, désormais, il faisait parti du clan, mais pas tout à fait à part entière. Rána se doutait qu'avec le temps, il finirait y appartenir totalement, mais son arrivée était bien trop récente pour qu'il puisse réellement se sentir chez lui. Et si une part de son âme d'enfant ne désirait que se fondre dans le décor, l'autre espérait toujours voir revenir son père pour repartir avec lui, peu importe s'il devait laisser sa nouvelle famille derrière. Hatari était tout ce qui lui restait de son enfance et de sa mère, et rien ne pourrait jamais remplacer ce lien unique.

─ Les autres n'arrêtent pas de me regarder comme si j'étais étrange ou que j'avais fait quelque chose de mal.

Sa voix laissait entrevoir un soupçon de déception et de tristesse, comme un enfant qui n'aurait pas réussit à obtenir quelque chose et qui cherchait le réconfort de quelqu'un. Il n'avait fait ni bêtise ni méchanceté, mais pourtant il se sentait toujours un peu à part par rapport aux autres lionceaux. Bien sur, eux avaient encore leurs parents et appartenaient pleinement à Outland, mais Rána était trop petit pour comprendre ce que son sang étranger pouvait impliquer, et il ne voyait que le seul désir d'appartenir aussi à une famille soudée et aimante.

Le regard levé vers Zary, le petit lion écoutait avec attention ce que lui racontait la lionne :

─ Tu sais, moi non plus de je ne suis pas originaire d'Oultand. Lorsque je suis arrivé dans ce royaume, j'avais le même sentiment que toi. Non seulement je n'était pas à l'aise parce que je venait de mettre les pattes dans un milieu que je ne connaissait pas, et en plus de ça, les autres me regardaient avec insistance. Je pense que la plupart étaient curieux. Et je pense que la même chose se produit dans ton cas.

Mais pourquoi être curieux ? N'était-il pas comme eux, au fond ? Un lion faisant parti d'un clan ? Bien sur, il était nouveau, et alors ? Rána était sans doute trop concentré sur les choses visibles pour réaliser que les nouvelles « arrivées » n'étaient pas si courantes, notamment pour un lionceau. Il y avait les naissances, bien sur, mais le clan avait alors l'occasion - en général - de se préparer à l'avance. Dans son cas, personne ne l'avait vu venir. Il était arrivé de nulle part, fils d'un lion en exil et d'une mère inconnu. C'était fort probable que les membres du clans soient seulement en train de se questionner, mais c'était difficile à porter pour une petite boule de poils comme Rána.

─ Moi aussi je suis curieuse. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je t'ai poser quelques questions tout à l'heure et puis, j'ai aussi envie que tu sois un peu plus à l'aise parmi nous.

Tandis que les oreilles du lionceau pivotaient - trahissant peut-être son malaise - il reposa à nouveau son regard par terre. Cette curiosité cesserait-elle jamais ? Il n'avait pas envie d'être l'objet de toutes les conversations en permanence. Il voulait simplement s'amuser et se sentir bien ici, comme il s'était senti bien avec ses parents. Évidemment, rien ne serait jamais pareil, mais si Ishana lui faisait parfois oublier son douloureux passé, les autres ne pouvaient-ils pas simplement l'inclure ? Peut-être était-ce à lui de faire des efforts pour s'intégrer, pour cesser d'être une curiosité ?

─ Est-ce que tu crois que je pourrais faire parti du clan un jour ?

Ce disant, sentant la fatigue de la journée pointer le bout de son nez pendant qu'il se reposait, Rána ne pu retenir un bâillement qui laissait déjà entrevoir une future mâchoire des plus coriaces.

Tandis que les yeux azurs du petit lion balayaient tristement le sol, il sentit une patte se poser sous son menton. D'un geste plein de douceur, Zary lui releva la tête, l'obligeant à plonger son regard dans le sien.

─ Tu fait d'ores et déjà partit du clan mon grand. Maintenant, tu dois vivre dans le clan sans te préoccuper des regards extérieur, dans quelques temps, les autres seront tellement habitué qu'il ne regarderont plus pour se poser des question à ton sujet.

Sans doute avait-elle raison, par moment il parvenait même déjà à les oublier, mais ce n'était pas toujours facile. Les quelques moments de la journée où il se retrouvait seul n'arrangeait rien, aussi préférait-il passer du temps à s'occuper.

─ Il se fait tard...Il serai peut être temps de rentrer...

S'il ne répondit rien, la petite boule de poils n'en pensait pas moins. Il commençait à sentir ses paupières devenir lourdes, et ses petites pattes lui faisaient mal à force de jouer et de marcher toute la journée. Il ne voulait pas paraître faible, et voulait avoir l'air d'un grand, malgré tout l'idée d'aller se blottir contre Ishana était plutôt attirante, il devait le reconnaître. Il se mit donc en route à la suite de Zary, heureux d'avoir trouvé une nouvelle ressource au sein du clan.

[Désolé de ma réponse tardive. Du coup on clôture, et je vais demander les points si tu veux ]