Le soleil brillait de mille feux, mais pas que. Le cœur de Masika se consumait en chantonnant des mélodies harmonieuses, sans que le Freelander puisse mettre un terme à cela. Il était content, aujourd'hui. Il était joyeux, de manière surprenante, présentement un jour pourtant lié à la Saison Sèche. L'air était pesant, les pierres étaient chaudes, les herbes étaient sèches et les animaux peinaient à trouver de l'eau. Pourtant, Masika se promenait d'un pas satisfait sur les routes terreuses de son Royaume, car il songeait à son prochain rendez-vous avec Ishana. Ces derniers temps, ils ne s'étaient pas beaucoup vus, mais une langue doucereuse était venue lui rapporter que la guérisseuse était désormais apte à l'accueillir de nouveau. Le Freelander savourait déjà le regard chaleureux de son amie, son pelage rouge flamboyant et ses marques sombres qui lui rappelaient inévitablement le milieu dans laquelle elle vivait. Il se demandait, parfois, ce qu'aurait donné sa vie sur les terres de Freeland. Elle aurait pu faire une belle Freelander … Enfin, que dis-je ? D'un sourire bête, il mit fin à ses pensées stupides et songea à la prochaine destination où il ferait une pause.

Il marchait depuis déjà plusieurs heures. Ses pattes étaient fatiguées, il le sentait, malgré tout il savait qu'il ne devait pas ralentir le pas. S'il ne rejoignait pas le Lac-au-Roi d'Ishana le plus tôt possible, il ne pourrait pas profiter de sa présence longtemps. La distance entre leurs deux territoires était très dérangeante mais, au fur et à mesure du temps, Masika sentait que la douleur n'était plus si présente et qu'il était capable de sacrifices pour sa Ishou chérie. L'idée de la retrouver était plus envoûtante que n'importe quoi. J'espère qu'on ne m'enverra pas bouler à mon arrivée … Parfois, il arrivait que des gardes Outlanders l'attrapent et lui posent de multiples questions.

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Après du temps et de la marche, le Freelander finit par se reposer vers l’Étang de Prideland. Des animaux plutôt propres à ce royaume s'y baignaient, s'y relaxaient et profitaient des bienfaits d'une bonne eau fraîche pour calmer les ardeurs du Dieu Soleil. Masika était fatigué, assoiffé, et l'après-midi pointait le bout de son nez. Allez. Je me repose juste un peu, et puis je repars. Ses efforts étaient fous, ses voyages étaient incroyables. Juste pour voir une personne … Il pouvait faire des choses insoupçonnées. Le mâle chocolat s'accroupit devant la mare d'eau et pencha la tête en avant afin de récupérer les premières gouttes d'eau qui mouillaient sa langue. Il ne fit pas attention aux bébés animaux qui s'agitaient près de lui, conscient que cela n'en valait pas la peine et qu'ils étaient petits, qu'ils devaient profiter de la vie.
Il ne s'attendait pas à ce qu'on lui parle, ce fût pour cela que Masi' détendit ses sens. Enfin, était-ce seulement une bonne idée ? Il l'ignorait.

En tout cas, l'atmosphère de Prideland était … eh bien, elle était plutôt différente de celle de son royaume, à n'en point douter. Les nuances de couleurs sur ce territoire s’harmonisaient convenablement et préféraient vénérer le Soleil et la Chaleur à la Nature et l'Humidité. Freeland était immense mais isolé : Prideland s'avérait plus modeste mais n'en demeurait pas moins le royaume le mieux installé parmi toutes les patries avoisinantes du coin. Les Pridelanders, dirigés par le Roi Kumpa, portaient des fourrures spécifiques et distinctives, à l'inverse des Freelanders qui ne possédaient quasiment jamais de marques fidèles au lieu où ils étaient nés. Enfin, c'était ce que voulaient les Grands Esprits du moins, car Masika avait entendu dire que certains lions étrangers au Rocher de la Fierté s'étaient tout de même intégrés à ses occupants. Ainsi donc, il se pouvait qu'il rencontre tout un tas de personnages aux allures différentes se prétendant soumis à l'appartenance Pridelander. Un moyen de le vérifier ? Il fallait simplement étudier le comportement de l'individu en question pour se rendre compte de s'il était un véritable Pridelander ou non.

Plongé dans ses pensées et occupé à s'abreuver au bord de l’Étang, le mâle chocolat ne fit pas attention, ou alors légèrement, aux animaux sur les côtés qui s'attelaient à différentes occupations. Les odeurs nouvelles titillaient la curiosité du Freelander. Il ne venait presque jamais sur Prideland, si ce n'était pour accompagner quelqu'un ou pour régler un petit problème. Ses informations sur les Pridelanders et le royaume de Prideland, il les tenait de rumeurs, de récits et de conversations. C'était ainsi qu'il fonctionnait afin d'assouvir sa soif de connaissances. Tactique un peu flemmarde, n'est-ce pas ?

« Bien le bonjour, Freelander. Que fais-tu ici ? »

Ses oreilles se redressèrent à la venue brusque d'une voix féminine, dont la provenance s'attardait sur ses propres arrières. Masika, étonné, se redressa et se retourna : non loin de lui se trouvait une jeune lionne – au vu de sa morphologie – au pelage de soleil et aux yeux bleus. Elle le considérait en silence, comme méfiante.
Elle se méfiait de lui ? Malgré son allure si peu effrayante ? Le Freelander se sentit secrètement embarrassé par ce constat, mais la loi de la logique l'apaisa : il était étranger au royaume de Prideland, il était normal pour une lionne aussi « frêle » qu'elle de se méfier d'un individu comme lui. Au fond, il aurait fait pareil, à sa place.

« Bonjour, Mademoiselle. Je profitais des bienfaits de l’Étang avant votre arrivée. Il faut dire que l'eau est d'un grand apaisement après tant de marche. » avoua-t-il dans un sourire amical. « Et vous ? Pourrais-je savoir à qui j'ai l'honneur ? »

Bizarrement, la féline lui disait quelque chose. Il ne pouvait prétendre l'avoir déjà croisé ou connu, ce n'était pas ainsi que ses pressentiments le voyaient, mais … Il lui semblait avoir déjà entendu parler d'une lionne lui ressemblant fortement qui aurait remué les actualités de Prideland et de Freeland. Une lionne, importante … peut-être même indispensable à la survie des Pridelanders. Se pourrait-il que … ?

Avec le temps, Masika remarquait une légère amélioration dans le comportement de sa cadette. Celle-ci finit par s'asseoir, la queue enroulée autour des pattes, un air moins méfiant à la commande. Peut-être était-elle rassurée par l'air détaché du lion chocolat ? Qui sait. Ce n'était pas le sujet le plus important, à ses yeux. Il attendait une réponse en silence et lorsque cette dernière parvint enfin à ses oreilles, ce fut d'une voix douce que la femelle dorée se prononça.

« Je me nomme Awena, je suis la fille de Kumpa et Kuzali le roi et la reine de Prideland, » se présenta-t-elle avant d'afficher un sourire un minimum amical. La fille des dirigeants de Prideland ? Wow ! Le Freelander ouvrit légèrement la bouche avant de la refermer, étonné. Il était donc face à la … princesse de Prideland. Intéressant. Voilà pourquoi ses caractéristiques physiques remuaient autant ses souvenirs. Qu'est-ce qu'elle avait grandi ! Elle n'était plus un petit bébé bercé par les rayons du soleil mais une jolie adolescente aussi rayonnante que sa mère et dotée d'une aussi grande prestance que son père. Awena, l'élue Pridelander. Masika se demandait bien si elle n'avait pas déjà parlé avec Kama et Naba, ses protégés. Ils pourraient bien s'entendre, le pensait-il fermement ... « Et vous, qui êtes-vous monsieur ? » demanda-t-elle, sur la même lancée.

Alors qu'il comptait lui répondre, quelque chose attira l'attention d'Awena qui jeta un œil sur le côté. Il l'imita, curieux, et aperçut un oiseau au beau plumage coloré s'étant déposé non loin d'eux. Joli. Il ne voyait pas beaucoup d'oiseaux de ce type, sur Freeland. Il fallait avouer que les espèces variaient selon les royaumes ! Mais, de toute évidence, la jeune féline aux yeux bleus devait s'en douter. Enfin, le volatile s'envola, et l'attention de la princesse revint sur le Freelander. Il répondit.

« Enchanté, Awena. Je suis Masika, le fils de la Chef des Nourrices de Freeland, Kamba. » informa-t-il dans un petit sourire fier. Kamba avait joué un rôle dans la Libération de Freeland. Comment ignorer la vieille lionne ? En tout cas, lui ne négligeait pas sa force de caractère et son courage. « Je dois avouer que les oiseaux de Prideland sont plutôt jolis. Savez-vous, par tous les hasards, de quelle espèce était l'oiseau que nous venions de voir ? »

A vrai dire, il ne parvenait pas à mettre un nom dessus et l'idée de dormir moins bête ce soir s'insérait doucereusement dans son esprit. Maintenant, restait à voir si Awena connaissait la réponse à sa question. La future héritière savait-elle tant de choses sur son royaume, au point de nommer chaque espèce en son sein ?

« Enchanté Masika ! Oui, tu as raison, les oiseaux qui vivent à Prideland sont vraiment jolis. Celui-ci est un Accenteur alpin ! Ils sont assez rares et ne viennent pas ici souvent ... » l'informa Awena, accompagnant ces informations par un petit silence.

Un accenteur alpin. Je mémoriserai et le dirai aux enfants de Freeland, pour les amuser, songea-t-il dans un petit hochement de tête. Il imaginait déjà la tête des orphelins et leurs yeux brillants de mille éclats à la simple pensée de ce petit oiseau voyageur, rarissime et adorable.

« Merci. Je retiendrai. » prévint-il.

En parlant d'oiseau rarissime, la princesse sembla se rendre compte que son interlocuteur, ici l'aîné, n'était pas courant et souvent remarqué sur Prideland. Elle lui posa la plus normale des questions, que lui-même posait certaines fois aux voyageurs venus d'ailleurs pour contempler les terres d'Haki, histoire de se renseigner un peu sur l'individu, voire de comprendre à quelle catégorie de personnages il appartenait. Le Freelander écouta sa question sans s'en inquiéter, posant son regard émeraude dans celui, océan, de la fille de Kumpa.

« Pourquoi viens-tu à Prideland Masika ? »
« Je ne suis que de passage. Outland est ma destination. Une amie qui m'est chère vit là-bas, et je n'ai d'autres choix que de traverser Prideland ou les Terres des Hyènes pour la rejoindre. Ce n'est pas très pratique, je l'admets … Mais quand on aime une personne, on peut faire beaucoup de choses pour elle. » il se sentait déjà partir dans ses plus belles pensées d'Ishana, mais s'en retint, conscient qu'il avait un interlocuteur à contenter et qu'il n'était peut-être pas spécialement intéressé par sa relation avec une parfaite inconnue. A moins que … « Connaîtriez-vous une certaine Ishana, dites-moi ? C'est la guérisseuse d'Outland. Elle m'a déjà parlé de votre mère en tant que proche, il me semble. »

Lors de leur première rencontre, et même après, avant que de nombreux soucis ne les empêchent de se voir. Elle lui avait déjà parlé de sa famille, même de cœur, et il lui semblait que Kuzali était sorti du lot. Peut-être Awena connaissait-elle plutôt bien la femelle rouge ? Au nom du Grand Esprit, ce serait une chance, il pourrait ainsi peut-être récolter davantage d'informations sur elle ou les itinéraires à prendre pour la rejoindre plus vite … s'il y en avait, bien entendu.

Le Freelander brun répondit d'un ton pensif à la question de la jeune lionne :

- Je ne suis que de passage. Outland est ma destination. Une amie qui m'est chère vit là-bas, et je n'ai d'autres choix que de traverser Prideland ou les Terres des Hyènes pour la rejoindre. Ce n'est pas très pratique, je l'admets … Mais quand on aime une personne, on peut faire beaucoup de choses pour elle.

Awena sourit. Elle n'avait jamais connu ce que l'on appelait " l'amour ". Bien sûr elle connaissait l'amour fraternel et familial mais pas cette sorte d'amour. Avant que la princesse ne puisse songer à d''autres choses, la voix de Masika la sortit de ses pensées :

- Connaîtriez-vous une certaine Ishana, dites-moi ? C'est la guérisseuse d'Outland. Elle m'a déjà parlé de votre mère en tant que proche, il me semble.

Ishana ?! Awena sursauta à l'énnonciation de ce prénom. La lionne rouge était très proche de la famille, elle en faisait quasiment partie ! La princesse au pelage sourit et répondit joyeusement :

- Bien sûr que je connais Ishana ! Elle est comme notre cousine, fin' notre cousine de coeur ! Elle vient souvent nous voir. La féline au pelage d'or réfléchit quelques instants puis continua : Mais je ne l'ai pas vu depuis quelques temps maintenant ...

Eh oui, entre ces leçon avec son père et ses balades dans la savanes, Awena n'avait pas forcément beaucoup de temps. De plus, Ishana était la guérisseuse d'Outland, elle était tout aussi occupée si ce n'est plus !

Masika était un Freelander et Ishana une Outlander ... Se voir souvent ne devait pas être très pratique ! Comme l'avait dit le lion brun quelques instants auparavant, il fallait soit traverser Prideland, soit traversé le Territoire des Hyènes. Quitte à choisir, il fallait mieux traverser Prideland ... Curieuse, Awena demanda :

- Tu connais Ishana depuis longtemps ?

La femelle dorée ne semblait pas très stoïque face à l'affection évidente que portait le mâle brun à la guérisseuse d'Outland, pourtant, excepté un sourire accroché à ses babines, elle ne commenta nullement le lien qui les reliait. C'était bien ce qu'il pensait, et doucement, lui aussi sourit à son tour, intérieurement amusé par la situation. Un jour, ma grande, tu comprendras ce que je veux dire par-là.
Il ne parlait pas forcément de l'amour, l'amour avec un grand A, l'amour qui désignait deux individus et les rendait fous amoureux l'un de l'autre. Non. Il n'avait pas cherché à lui insérer cette image en tête, voyons, lui, être amoureux d'Ishana … ? Il voulut déglutir, un peu gêné par cette hypothèse fortement embarrassante. Non. Lui, il avait parlé d'un amour différent, celui qui te reliait à un ami ou une amie, celui qui te donnait le courage et la force d'avancer en sa compagnie, celui qui te montrait à quel point quelqu'un, sur la Terre des Lions, pouvait te ressembler et te comprendre quand nul autre ne le pouvait. Masika, il aimait énormément Ishana, parce que tous deux se comprenaient, pour diverses raisons, et s'entendaient parfaitement au vu des personnalités qui leur furent forgées à la naissance. Deux pièces dans un petit puzzle qui, une fois assemblées, formaient un beau dessin, aussi considéré comme une force, un rocher indestructible que même les tempêtes et les orages ne pouvaient briser. Quoi, ça c'est aussi de l'Amour ? Non, non, non … !

Le fils de Kamba songeait de nouveau, mais le sursaut de son interlocutrice le ramena très vite, comme tout le monde se plaisant à le faire ces temps-ci, à la réalité, cette réalité qui, parfois, sans prévenir, le poussait dans des situations compliquées. La princesse sourit davantage, et d'une voix tout aussi joyeuse, elle lui fit parvenir :

« Bien sûr que je connais Ishana ! Elle est comme notre cousine, notre cousine de cœur ! Elle vient souvent nous voir. » Alors comme ça, il ne s'était pas trompé. Un soulagement délicieux s'empara immédiatement du cœur du Freelander, avant qu'il ne se ravise : et si elle ne voulait pas l'aider ? Et refusait ainsi de le renseigner davantage sur ce que la femelle rouge lui taisait ? Il eut comme un mini-vertige nerveux, qu'il sentit intérieurement, mais qui n'eut aucune répercussion sur l'extérieur. Le mâle se sentait défaillir, mais son corps, se fichant ouvertement de la bêtise de son propriétaire, ne bougea pas, et garda les pattes solidement enfoncées dans la terre. « Ah oui ? » reprit-il en la considérant avec davantage d'attention, malgré tout.

« Mais je ne l'ai pas vu depuis quelques temps maintenant ... »

Oooh … Déception. Pourquoi avait-il espéré que les choses seraient différentes avec Awena  ? Si lui ne pouvait, alors qu'il voyait régulièrement Ishana, dire mot sur certaines choses, alors il ne doutait pas de l'impuissance de l'adolescente à lui en dire plus, alors qu'elle ne l'avait pas vu depuis longtemps … Bon. Ce n'était pas si grave.
Il hocha légèrement la tête, s'apprêtant à lui assurer qu'il lui donnerait de ses nouvelles, si elle le désirait, sur le chemin du retour, une fois qu'il aurait rendu visite à la demoiselle au pelage flamboyant.

« Tu connais Ishana depuis longtemps ? » s'enquit finalement la Pridelander.

Elle ne pouvait pas imaginer. Suffisamment longtemps pour qu'il ressente le désir de voyage comme une « drogue », un calmant à ses angoisses et ses peines. Et au bout de ce chemin magique, l'y attendait Ishana, et ses sourires aussi doux que le miel lui-même. Alors non, il ne se souvenait plus exactement des années exactes qui s'étaient écoulées depuis leur rencontre, car depuis déjà longtemps il ne comptait plus les jours et avait même l'impression que son amie n'avait jamais cessé d'être avec lui même quand il était petit. Et pourtant … petits, ils vivaient dans deux mondes différents, l'un dans la guerre et les cris d'orphelins, l'autre dans le cocon familial d'une famille doucement soudée. Juste pour dire à quel point il ne rigolait pas avec l'affection qu'il lui portait, il se sentait stupéfiant, des fois.

« C'est difficile à déterminer. Quand je l'ai rencontré pour la toute première fois, elle n'était qu'une enfant, et moi un adolescent. Nous avons parlé ensemble pour une histoire quelconque ; puis après, elle est partie, et je ne l'ai revue qu'une fois adulte. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que nous avons véritablement commencé à nous rapprocher et à partager nos connaissances. » raconta-t-il posément, avant de sourire, taquin. « Sinon, pour faire plus court, oui, je la connais depuis longtemps. Vous devriez faire attention, je parle beaucoup, et me perds facilement dans mes souvenirs et mes radotages si on ne me repêche pas à temps. »

Et ce n'était pas faux, d'une certaine manière. Masika enchaîna sans plus attendre :

« Et vous ? Vous vous entendez bien ? J'imagine que oui, je ne connais aucun lion à ce jour qui la déteste ... » exception faite pour Luja, son amie d'enfance, qui semblait agir bizarrement en présence d'Ishana. On lui avait déjà confié des faits étranges à son sujet … pourtant, le Freelander ne s'en inquiétait pas. Bizarrement, l'idée qu'une amie d'enfance fasse des choses étranges lui paraissait trop improbable. Il ne l'avait jamais connue ainsi, enfant. « Connaîtriez-vous des raccourcis pour atteindre Outland, d'ailleurs ? Nous pourrions continuer la conversation en chemin si vous le voulez, non pas que l'étang me soit inconfortable, loin de là, mais je ne voudrais pas faire patienter davantage Ishana. »

En espérant qu'elle ne croie pas qu'il veuille se débarrasser d'elle en pleine conversation, ce serait un comble !
Ils discutaient, et le temps passait. Il avait déjà bu et ses pattes s'étaient suffisamment reposée pour la pause. Peut-être qu'une petite balade leur permettrait à tous deux d'atteindre ou plutôt de s'approcher davantage de la destination de chacun … si bien sûr, Awena n'était pas occupée ou estimait qu'elle n'avait rien à faire sur les terres Pridelanders en voisinage avec celles d'Outland.

Le lion chocolat semblait plongé dans ses pensées. Awena préféra ne pas le déranger et elle attendit patiemment la réponse à sa question. Finalement, Masika répondit avec un petit sourire taquin sur le visage :

- C'est difficile à déterminer. Quand je l'ai rencontré pour la toute première fois, elle n'était qu'une enfant, et moi un adolescent. Nous avons parlé ensemble pour une histoire quelconque ; puis après, elle est partie, et je ne l'ai revue qu'une fois adulte. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que nous avons véritablement commencé à nous rapprocher et à partager nos connaissances. Sinon, pour faire plus court, oui, je la connais depuis longtemps. Vous devriez faire attention, je parle beaucoup, et me perds facilement dans mes souvenirs et mes radotages si on ne me repêche pas à temps.

Awena ne put s'empêcher de rire. Le fait que Masika parle beaucoup ne la dérangeait absolument pas, elle aimait beaucoup entendre des histoires ou anecdotes ! Après quelques secondes de silence, le Freelanders reprit :

- Et vous ? Vous vous entendez bien ? J'imagine que oui, je ne connais aucun lion à ce jour qui la déteste ...

- Bien sûr ! Elle est tellement gentille ! répondit joyeusement Awena.

Masika continua :

- Connaîtriez-vous des raccourcis pour atteindre Outland, d'ailleurs ? Nous pourrions continuer la conversation en chemin si vous le voulez, non pas que l'étang me soit inconfortable, loin de là, mais je ne voudrais pas faire patienter davantage Ishana.

La Princesse du Soleil sourit, elle ne savait que d'aller de Freeland à Outland était assez loin. Elle répondit :

- Eh bien, le plus court est de passer par le territoire des Hyènes je pense. Mais puisque tu est passé par là, mieux vaut continuer par la Savane ! Je veux bien t'accompagner !

Awena se leva et invita Masika à la suivre.

Le rire de la demoiselle dorée retint l'attention des oreilles marquées du mâle brun. Il lui semblait amusant d'écouter ainsi son interlocuteur relever ses défauts, comme si c'était chose inhabituelle dans la vie de tous les jours. Le sourire du mâle s'accentua lorsqu'elle révéla sur un ton des plus joyeux :

« Bien sûr ! Elle est tellement gentille ! » affirma-t-elle.
« C'est vrai. »

Malgré l'évidence, l'intéressé n'en fut que plus d'accord avec ses propos. Gentille. Adorable. Admirable. Réconfortante. Les plus téméraires pouvaient aller jusqu'à insinuer que la guérisseuse d'Outland était « mignonne » mais, comme toujours, Masika regardait toujours ces cas-là d'un œil suspicieux. Comme si ces compliments cachaient une demande secrète. Un sous-entendu dangereux pour la demoiselle rouge. Qu'il devait mettre en déroute, et ce afin de la protéger. Le sourire d'Awena, en attendant, fut définitivement conquis lorsqu'elle ajouta, toujours plus informatrice que précédemment :

« Eh bien, le plus court est de passer par le Territoire des Hyènes je pense. Mais puisque tu es passé par là, vaut mieux continuer par la Savane ! Je veux bien t'accompagner ! »

La Terre des Hyènes fut, il est vrai, un territoire plus pratique que celui de Prideland il y a un temps mais n'en demeurait pas moins plus dangereux que celui-ci, au plus grand damn du fils de Kamba qui n'appréciait guère les hyènes s'étant installées dans cette contrée et qui l'avaient, quelques fois déjà, attaqués pour des raisons plus ou moins stupides à ses yeux. Au moins, la princesse lui apprenait des choses et cette balade ne pourrait être que bénéfique pour eux deux, pensait-il alors avec optimisme. Il la remercia d'un hochement de tête.

« Merci. C'est gentil de votre part. » dit-il d'un ton sincère, avant de suivre au pas sa cadette dorée.

Dès lors, les paysages commencèrent à changer, et la vision du félin changea progressivement au fur et à mesure où ses pas l'éloignaient de l’Étang. A ses côtés la Pridelander, il demeurait tranquille, paisible, partagé entre songes et l'envie d'engager une nouvelle conversation avec elle. Il était rare pour lui de croiser des rois, des chefs, des héritiers, outre son propre roi à qui il avait juré fidélité, Haki, et ses protégés, Kama et Naba. Il finit par couler un regard mi-curieux, mi-taquin à Awena qui cheminait non loin de lui, à sa hauteur.

« Sinon … S'en vouloir être indiscret ou impoli, Awena. Comment se portent les Pridelanders ? Le royaume ? Votre famille ? Tout le monde a l'air de se porter comme un charme ici mais ne sait-on jamais, peut-être que des heureux ou malheureux événements se sont immiscés dans le quotidien du Clan alors que les Freelanders l'ignoraient. »

Un véritable curieux, mais qui voulait bien faire en divertissant un peu les pensées de la jeune adolescente au cours du trajet. Il se demandait bien si les Pridelanders avaient intégré de nouveaux lions parmi eux, accueilli de nouvelles portées, fait le deuil de l'un de leurs pairs … plusieurs sujets qui s'avéraient plutôt personnels mais qui, Masika l'espérait, ne froisserait pas son interlocutrice alors qu'ils progressaient pourtant sans accroche jusqu'aux frontières d'Outland. Sa curiosité le rongeait, et peut-être que si Awena lui posait les mêmes questions, il lui répondrait.

Suite aux prononciations de ces questions plutôt personnelles, Masika songea à sa propre patrie, et répondit intérieurement à sa propre interrogation. Ses mirettes coulèrent en même temps sur le visage d'Awena pour qui l'eau de jouvence n'aurait probablement jamais servi à rien. L'un de ses sourcils vint se froncer et abîmer la facette amicale de la jeune Pridelander, sous le poids des questions indiscrètes du fils de Kamba. Silencieux, le mâle brun réfléchissait légèrement aux statistiques de Freeland de son côté, tandis que sa cadette le lui révélait, simplement :

« Eh bien il n'y a pas grand-chose qui a changé, il y a eu un incendie, rien de grave ! »

Un incendie … Masika se demandait par quelle invitation s'était-il autorisé à brûler les Terres de Prideland, et où fut-il déclenché. Est-ce que les animaux aux alentours s'en étaient sortis sans séquelles ? Le Freelander espérait qu'aucun grand dommage avait été recensé au Rocher de la Fierté. Il n'aurait pas aimé, lui, devoir apprendre de la bouche de quelqu'un ou assister de lui-même aux caprices de ses ancêtres sur les terres sublimes où il était né. Et puis, peut-être s'inquiétait-il pour rien. « rien de grave » … Awena ne lui aurait pas dit que ce n'était pas grave si de nombreux morts avait été déploré. Sûrement Prideland était-il plus habitué au feu que Freeland. Mais, tout de même ! Pourquoi les risques de leurs royaumes étaient-ils différents ? Pourquoi les incendies étaient-ils plus fréquents sur Prideland que sur Freeland ? Météo ? Position ? Ennemis ?

« Et vous, du nouveau sur Freeland ? Je n'ai pas vraiment l'habitude de quitter Prideland je ne suis pas vraiment au courant de tout ... » enchaîna-t-elle dans un nouveau sourire.

Elle n'était pas la seule dans cette situation-là. Masika lui-aussi, de ses propres yeux, n'avait guère aperçu quelque chose n'appartenant pas un minimum à Freeland ou à Outland. Il avait déjà entendu parler du Royaume du Nord, du Grand Désert, de la Jungle du Zawadi. Mais aucun de ces royaumes n'eut jamais l'occasion de sentir ses pattes fouler leur repère. Le Freelander était un connaisseur pour certaines choses, et bien que la curiosité le poussait à se demander ce que les voyageurs devaient ressentir en touchant la neige froide ou en s'enfonçant dans les températures endiablées du Palais des Sables, il savait que sa place serait sur Freeland pour toujours. Lui ne pourrait jamais goûter à ce plaisir. Son corps n'était pas sculpté pour le voyage, et le temps n'arrangeait en rien son cas.

« Je comprends. Moi aussi, si ce n'est pour rendre visite à Ishana, je n'ai guère l'habitude de voyager dans les royaumes. » la rassura-t-il en lui rendant son sourire, toujours un peu pensif, néanmoins. « Freeland se porte bien. Nous sommes de nature très ouverte, il n'est pas rare pour nous d'accueillir des têtes venues d'ailleurs. Les lions vivent pour la plupart en harmonie, notre vie de maintenant est bien meilleure que celle que nous devions subir sous le joug de Sharkan. » Il étudia plus attentivement les traits d'Awena à la prononciation du défunt tyran. Il se doutait que la princesse avait dû au moins entendre une fois son nom dans sa vie. Qui pourrait ignorer le nom de Sharkan ? Pas Masika, en tout cas. Il ne lui avait fallu qu'un seul affront pour que le nom du Tyran soit inscrit en rouge dans sa liste de personnages méprisables. Pourtant, et même si ceux dits « gentils » étaient censés désapprouver les agissements du lion sombre, il n'était pas dit qu'Awena serait de cet avis. Tiens ? Qu'en pensait-elle ? Rapporterait-elle son avis à des personnes bien moins appréciables qu'elle ? Masika en doutait. Dans tous les cas, et même si parler de politique n'était pas toujours aussi aisé, il assumait sa pensée. « Vous dites que vous n'avez pas l'habitude de quitter Prideland. Aviez-vous au moins envisagé une fois de le faire ? Enfin, pas pour toujours bien évidemment, mais pendant quelques jours au moins, histoire de découvrir un peu les alentours ? Vous me rendez curieux. J'imagine que les Pridelanders attendent beaucoup de vous. »

Il se doutait, d'une quelconque manière, que la vie d'une princesse ne devait pas être des plus joyeuses tout le temps. La famille, les responsabilités, les traditions, les complots, les histoires, les contraintes engendrées par tout et n'importe quoi. Plus encore pour une héritière telle qu'Awena qui devrait bientôt diriger ce royaume recouvert d'or et dont le nom se résumait à celui de Prideland. La petite n'avait guère voyagé dans sa vie. Elle était encore bien jeune, et même si Masika ne connaissait pas le chiffre exact correspondant à son âge, il ne lui suffisait que d'un regard pour se rendre compte que cette femelle n'avait pas encore terminé de grandir et de s'endurcir. Sa fourrure et son caractère lui donnaient un certain charme qui ne cesserait de s'affirmer et de lui permettre de survivre aux difficultés de son peuple, bien que le temps serait son plus précieux allié, pensait-il avec fermeté. Elle lui rappelait un peu sa propre adolescence, pressée par les caprices de Sharkan et dominée par la mort et les rebelles. A cet époque-là, fils de Kamba et enfant rejeté par les entraînements martiaux, Masika s'était senti avec moins de responsabilités sur les épaules que les autres Kulishas mais avait tout de même réussi à s'en plaindre et gâcher une partie de sa jeunesse qui aurait pu servir à assouvir l'ambition et le besoin de grandeur qu'il avait nourri enfant. Le mâle brun espérait alors que sa cadette dorée ne ferait pas les mêmes erreurs que lui et mettrait en avant sa jeunesse et son intelligence pour des choses bien plus importantes que celles qu'ils avaient jugées à la même enseigne quand il avait son âge.

La lionne du soleil confirma ses spéculations, quant à elle.

« Eh bien, j'ai pas mal de responsabilités et je ne peux pas me permettre de quitter Prideland plusieurs jours. Bien sûr, je peux aller jusqu'aux frontières mais je ne vais rarement plus loin. »

Sur ces mots, ses yeux bleus balayèrent l'étendue de leur entourage. Le Freelander hocha doucement la tête, désolé pour elle. Elle manquait bien des choses en restant sur Prideland, mais que pouvait-il y faire … C'était le prix à payer pour être le joyau des Pridelanders. Que le Destin te soit clément, Awena. Il adressa une simple prière aux Grands Esprits en espérant que ceux-ci l'entendent et accordent une faveur à l'adolescente.

« Nous sommes presque arrivés, regarde ! » s'écria soudainement Awena, indiquant du museau la direction des terres Outlanders. Étonné, Masika suivit du regard la direction indiquée. A l'horizon, la terre perdait de sa beauté et de son éclat. Le paysage devenait plus terne, le sol plus craquelant. C'était bien Outland. Et s'il continuait la route de cette même manière, sûrement retrouverait-il son fameux lac aux merveilles avant les premiers patrouilleurs.

« C'est juste ! Nous sommes bientôt arrivés. Vous ne me croirez pas mais notre discussion m'a fait perdre la notion du temps. Je ne me suis pas rendu compte de la vitesse que nous prenions pour atteindre les frontières. » Ils avançaient toujours, jusqu'aux frontières. Surtout lui. L'image brumeuse d'Ishana lui revint en tête. Son cœur tambourina contre sa poitrine avec une certaine impatience. Il ne comprenait pas cette nouveauté et était presque amusé de voir son corps trahir autant sa gaieté à l'idée de retrouver son adorable amie. Son regard émeraude se posa sur la silhouette d'Awena. « Merci à vous de m'y avoir emmené, jeune demoiselle. » Sincèrement reconnaissant envers la jeune et sa gentillesse, il ne dit mot et ils continuèrent leur route, conversent ou non, jusqu'à Outland. Au moment où Masika comptait poser sa patte sur la terre de sa précieuse Ishana, il se retourna et adressa un dernier regard reconnaissant à sa compagne de route.

« Il est temps que nos chemins se séparent. Merci encore. Je vous souhaite une bonne continuation pour la suite, princesse de Prideland. Je donnerai de vos nouvelles à Ishana. Si nous nous retrouvons un jour et que vous ne l'avez toujours pas revus, je vous dirai de ses propres nouvelles. A la prochaine ! »

Il inclina une dernière fois la tête, respectueusement, avant de faire un signe de salut avec la queue. Il attendit une dernière réaction de la part de la demoiselle aux yeux bleus, avant de s'en détourner et de s'enfoncer sur Outland. L'harmonie des terres Outlanders ne valait assurément pas celle de Prideland. Mais la vie était ainsi. Ça ne voulait pas dire que les Outlanders étaient moins appréciables que les compagnons d'Awena.