Depuis qu'il avait revu sa sœur et apprit les différentes problématiques qui étaient survenues sur la Terre des Lions, Vita avait prit la décision d'aller à sa rencontre plus souvent. Ishana comptait évidemment beaucoup pour l'Enfant du Feu et il ne souhaitait aucunement qu'elle soit blessée, que sa douceur soit entachée ou que quelconque problème survienne. De plus, à cause de ce fameux Masika, Vita était dévoré par la jalousie. Cette jalousie qui brûlait en lui depuis sa tendre enfance, cette peur incroyable qu'il avait d'être remplacé. Il savait qu'il n'était pas le meilleur des lions, le meilleur des êtres et c'était un peu pour cela qu'il craignait être balayé dans le cœur de sa jumelle. N'était-ce pas un peu ridicule au fond ? Elle avait toujours été là pour lui, même après de longues années, même après les ennuis, même quand il avait eut l'impression que tout le monde était contre lui. Pourtant Vita gardait au fond de lui cette peur enfantine.

Alors il marchait au sein du Champ Herbeux, désireux de revoir le doux faciès de sa sœur. Autant pour elle que pour lui puisqu'au fond, l'Enfant du Feu avait toujours été égoïste. Ses larges pattes effleuraient les herbes jaunies par la chaleur et imperturbable, il scrutait d'un œil tranquille les herbivores se repaître. Il n'avait pas fallut bien longtemps pour qu'une douce odeur ne vienne lui faire tourner la tête et lui décroche un sourire, Ishana. La lune de ses jours, la lionne de son cœur. Il s'arrêta et l'observa à une certaine distance, le cœur léger. Pourtant elle paraissait fatiguée... tracassée ? Qu'est-ce que la vie avait encore pu lui faire porter, comme épreuve ? Le regard un instant plus dur, Vita approcha d'un pas plus vif.

« Ma sœur. » Héla sa voix suave tandis qu'il souriait tout de même, venant tendrement frotter son front contre celui de la Fille du Feu, ronronnant imperceptiblement, fermant brièvement les yeux sous le contact. Il descendit un peu, frottant sa tête contre son cou, son épaule avant de doucement cesser le contact. S'asseyant face à elle, il l'observait de ses prunelles enflammées. Quelque chose avait changé. Un point qu'il peinait à saisir. Avait-elle prit du poids ? Étrange au vu de son difficile travail de guérisseuse qui la forçait à marcher et parcourir ses terres à la recherche de plantes diverses.

« Comment vas-tu depuis ce temps ? Tu me parais... différente. » Fit-il remarquer en laissant son regard orangé couler vers ses flancs plus rebondis que la dernière fois. Vita n'était pas forcément le plus fin des observateurs mais il s'agissait là de sa sœur, sa jumelle, une partie de son âme. Comment pouvait-il passer à côté d'un changement ?

Vita conservait son regard sur elle, fronçant un peu les sourcils face à son attitude qui ne laissait présager rien de bon au mâle rouge. Pourquoi n'arrivait-elle pas à parler ? Pourquoi peinait-elle tant ? Le regard doux du vagabond changeait au fil des secondes malgré son envie de ne pas s'emballer. La fameuse plaisanterie, bien sûr qu'il s'en souvenait, sa réaction avait été enflammée en pensant que Ràna était véritablement le fils d'Ishana. Où voulait-elle en venir ? Pas une blague cette-fois ci, qu'est-ce qui n'était pas une blague ? Les prunelles orangées de l'Enfant du Feu vibrait d'un sentiment sombre avant-même que sa jumelle ne laisse entendre la suite. Et lorsqu'il l'entendit... Les flammes s'embrasèrent pour de bon.

« Tu es enceinte Ishana ?! » Grogna t'il d'un ton qu'il n'aurait pas voulu si mauvais, se relevant brusquement, le cœur battant terriblement fort. Vita avait depuis longtemps apprit à se détacher des choses, à avoir du recul et garder son calme, il n'était plus vraiment le jeune impulsif qu'il avait été mais... la donne changeait complètement face à sa tendre sœur, témoignant également de l'amour qu'il lui portait. Mais à cet instant, Vita était furieux.

« C'est ce Masika n'est-ce pas ?! » Question rhétorique, encore une fois, l'Enfant du Feu n'en doutait pas. Il avait comprit la dernière fois que sa soeur ne portait pas que de l'amitié à ce lion, ce-dernier ne faisait pas tant de chemin pour voir une "amie" n'est-ce pas ? Ishana, romantique et tendre comme elle l'était, n'aurait sûrement pas rencontré un autre mâle et accepté une relation charnelle aussi rapidement, c'était évidemment ce Masika. Ce Freelander. Mais là était le problème justement. Il était Freelander, Ishana avait déjà un enfant à charge et son travail était épuisant, où serait ce fichu Masika pour la soutenir ? Comment se débrouillerait-elle ? Vita faisait les cents pas, le regard furibond et braqué vers le sol tandis que ses griffes sorties le labourait sans pitié.

« A quoi pensais-tu Ishana !? Je te croyais plus maline que cela, ma sœur ! Tu seras capable de t'occuper de Ràna, des Outlanders, de ton poste et en plus de ces nouveaux venus sans l'aide d'un père ?! Parce que bien sûr, il habite des terres fort lointaines ! » Aboya t-il presque en braquant à nouveau son regard de Feu sur la jolie lionne, les muscles bandés et le corps incroyablement tendu. Ce corps qui tremblait sous la colère et l'incompréhension, ce corps qui n'avait pas endurer une telle fureur depuis bien longtemps. Vita était presque à deux doigts de courir vers Freelands pour mettre une raclée à Masika, le ramener de force ici et l'obliger à devenir Outlander. Le souffle fort, l'Enfant du Feu n'accordait même plus un regard à sa jumelle, les crocs serrés, fixant le sol, incapable de réfléchir à quoique ce soit tant de sombres émotions habitaient son esprit.

Lorsqu'il entendit la voix de sa soeur si forte, lorsqu'il comprit qu'elle craquait jusqu'à lui hurler dessus, Vita se stoppa soudainement. Comme si la voix de sa jumelle avait eut l'effet d'arrêter le temps. Griffes enfoncées dans la sol, la musculature bandée, l'air à la fois furieux et surprit, il scrutait Ishana la gueule entrouverte. Peu de fois ils s'étaient hurlés dessus, Ishana avait toujours passé l'éponge pour tout et Vita avait rarement été si furieux après elle, voir jamais. Mais aujourd'hui tout cela le dépassait et sa sœur n'avait pas besoin qu'on cri dessus davantage, qu'on l'accable encore plus, pourtant cela avait été plus fort que lui, sa colère avait incendié les alentours. Et il voyait au coin des beaux yeux de sa tendre sœur, des larmes commencer à s'accumuler. Son cœur se serra autant que ses crocs l'étaient, déchiré entre l'envie d'hurler encore sa rage et l'envie de rassurer Ishana.

Le regard à nouveau braqué vers le sol labouré par ses griffes devenues terreuses, il écoutait de son mieux sa jumelle, se contenant, l’œil sombre. Elle avait complètement raison, il avait perdu les pédales sur le coup, il s'était enragé soudainement et comme il ne l'avait pas fait depuis longtemps. Vita releva légèrement la tête et plongea ses prunelles dans celles de sa sœur, les yeux un peu plissés, la fixant sans mot dire. Quand elle continua, il crut qu'il allait défaillir pour de bon. Elle n'était même plus avec Masika ? Il ne voulait pas la rejoindre ? Oooh mais il allait aller le trouver ce satané Freelanders ! Elle allait donc élever ses petits seule, en plus de Rana et de tout le Clan ? L'Enfant du Feu fronça les sourcils, secouant doucement sa tête devant sa sœur en larmes. Apaisant de son mieux le feu qui grondait dans son corps, ses muscles, son sang et sa tête, Vita s'approcha de sa jumelle. Le plus tendrement possible, il passa une patte derrière la tête de sa sœur et la rapprocha de lui, la forçant presque à enfouir sa tête dans sa crinière et à se blottir contre lui.

« Tout ira bien Ishana... Tu n'es pas seule, tu ne seras jamais seule tant que je serais encore vivant. »

Fit-il de sa voix suave, le regard cependant un peu assombrit. A vrai dire, il n'en voulait pas à Ishana, comment aurait-il pu lui en vouloir ? A elle ? Non, il était furieux envers Masika. Pourquoi ? Parce qu'il lui fallait un coupable et à ses yeux, Masika n'était qu'un petit imbécile qui n'avait pas su se contenir et qui, à présent, n'assumait pas. Se gardant bien de grogner à ces pensées, le vagabond préféra serrer un peu plus sa jumelle contre lui.

« Je serais là, ma sœur, je t'aiderais. »

Souffla t-il à ses oreilles avant de se reculer légèrement, essuyant les larmes de sa sœur d'un doigt, lui souriant légèrement. Il l'aiderait, assurément. Il serait là lorsqu'elle offrirait la vie, lorsqu'il faudrait l'épauler. Elle avait toujours été là, figure angélique de sa vie, moitié immaculée. Alors aujourd'hui, les prochains jours, il l'aiderait. Mais avant, il devait faire un détour par Freelands et mettre la patte sur ce petit plaisantin. Il n'en dirait rien à Ishana : elle risquait de vouloir le retenir.

« Il faut croire que les Enfants du Feu ne sont pas les plus doués en histoires d'amour. »

Fit remarquer Vita dans un sourire un peu plus doux, restant proche de sa jumelle pour lui communiquer toute sa chaleur et son amour, le cœur encore gros et le feu brûlant son corps. Mais il se retenait, Ishana n'avait pas besoin d'être davantage accablée.

[Pas de soucis !]

La serrant contre lui, Vita appréciait le contact de sa jumelle dont il ne se lassait pas. De qui avait-il besoin d'autre tant qu'Ishana était-là ? De personne, le seul être au monde qui lui importait était sous ses yeux, blottit contre son épaisse crinière. Il sentait les légers tremblements de sa sœur tandis qu'elle se laissait aller, pleurant à chaude larme et serrant le cœur, pourtant si endurcit, de son frère. Quand elle ricana un peu suite aux dires de Vita, ce-dernier baissa un peu le regard vers elle, un sourire en coin, admirant le beau visage de sa jumelle. N'était-elle pas la plus charmante et la meilleure des lionnes de ces terres ? L'amour que lui portait était inconditionnel, pour elle, il serait capable du pire comme du meilleur, pour eux, leur amour était évident. Cela n'avait rien d'incestueux, de malsain comme, peut-être, certains l'imaginaient. C'était certainement plus fort et pur que tout.

« Quel genre de lion ne pourrait pas tout quitter pour toi, Ishana ? »

Fit Vita d'un air un peu renfrogné malgré le ton doux qu'il avait employé. Pour lui, c'était évident, ce Masika était en faute, tout simplement. Aux yeux de Vita, il aurait dû tout quitter pour rejoindre Outlands, épauler celle qu'il, soi-disant, aimait et à qui il avait laissé ce cadeau non-désiré qu'elle chérirait évidemment. De mauvaise foi, l'Enfant du Feu l'était assurément, il préférait renvoyer tous les maux du monde sur ce pauvre Masika qui n'avait fait qu'aimer une lionne d'une terre lointaine. Parce que pour Vita, ce n'était pas Ishana qui, de toute manière, aurait dû quitter Outlands et il lui fallait une cible, de toute manière, le Rouge n'appréciait pas Masika. Il ne l'avait peut-être jamais rencontré - cela ne tarderait pas, il comptait définitivement lui démontrer sa manière de voir les choses -, il ne l'aimait pas. Point final.

« S'il abandonnait tout ça, ce serait pour trouver un bonheur encore plus merveilleux. Qu'est-ce qui l'empêcherait de, parfois, retourner sur ses terres pour entretenir son lien avec son Roi ? » Fit-il, un peu dédaigneux.

Sa vieille mère ? S'il ne lui restait que ça... Vita pouvait bien s'en charger, les accidents arrivaient vite. Et le royaume, le Roi, foutaises ! La famille était primordiale, les enfants, le sang de son sang, sa compagne, la jeunesse, l'amour, cela valait plus qu'un pseudo royaume et ces ridicules histoires de Clan. Vita sentait presque la colère remonter mais le contact d'Ishana l'apaisait, il inspira profondément, frottant tendrement son front contre celui de sa jumelle.

« Tu es courageuse ma sœur mais si sensible... Dans tous les cas, ces enfants auront la plus tendre des mères et je serais là. Je resterais près d'Outlands pour t'épauler à l'accouchement et je veillerais, de loin. »

Mais il comprenait, même si Masika la rejoignait, elle irait mal. Cela n'arrangerait pas, si ce serait un soulagement pour l'éducation des petits, elle s'en voudrait qu'il ait tout abandonné pour ça. Dans les deux cas, sa tendre sœur souffrait, c'était difficilement supportable de la voir si peinée. Aurait-il fallut que ce fichu Freelanders soit plus spontané et décide par lui-même, immédiatement, qu'il voulait la rejoindre ? Vita grogna légèrement, les oreilles en arrière.
Et il songeait, est-ce qu'il allait aimer ces enfants ? Il ne le savait pas encore, ils représentaient avant tout un poids, de la fatigue et sans aucun doute, ils auraient des ressemblances avec Masika qui dégoûteraient l'Enfant du Feu.

« Alors il aurait du te faire Reine de son Cœur et de son Âme, Ishana. »

Vita eut un sourire en coin à la fois doux et amusé, le regard tendre. Si c'était vraiment ce qu'il voulait ? Pour elle, oui. Pour elle, il ferait tout. C'était aussi limpide que la plus claire des eaux, évident. Ne l'avait-il pas dit précédemment ; "quel genre de lion ne pourrait pas tout quitter pour toi, Ishana ?" Lui-même, avec sa réputation de vil animal fauteur de troubles, ne résistait pas aux beaux yeux de sa jumelle. Elle avait une partie de son cœur et de son âme, tout simplement. Alors oui, il avait besoin de sa liberté, il avait ce besoin insatiable de marcher, voir du pays, errer, rencontrer, admirer et faire tout simplement ce qu'il désirait quand il le désirait. Oui, il avait besoin de se mettre à marcher sans savoir vraiment où il se rendait, le regard perdu dans les nuages et se nourrissant du chaos qu'il créait sur son passage. Mais ne pouvait-il pas se passer de cela quelques mois ?

« Je t'aime Ishana, c'est tout aussi simple que cela. » Lui souffla t-il doucement, venant frotter son front contre le sien. Vita n'était pas un grand sentimental et pourtant, il aimait le prononcer à sa jumelle, lui rappeler qu'il était là, qu'il l'aimait, l'épaulait et qu'il était son pilier. Comme elle était le sien, son point de repère. Cette douce voix dans ses songes solitaires, cette présence invisible dans ses longues errances en milieu hostile.

« Tu as toujours été là pour moi, c'est à mon tour de l'être. Tu ne me forces à rien, c'est mon choix. »

Déclara t-il de sa voix suave et déterminée. Têtu, il n'accepterait aucune négation de la part de la guérisseuse et ça, elle le savait pertinemment. Tout ce qu'elle pouvait bien dire ne changerait rien au fait qu'aujourd'hui, Vita rentrait à ses côtés et y resterait quelques mois pour prendre soin d'elle. Alors oui, tout ce qu'elle avait décrit ce n'était pas lui, lui, c'était d'être un lion prêt à tout pour les êtres qu'il aimait sincèrement. Alors, c'était lui de se couper les ailes quelques temps.
Les jumeaux restèrent là encore un temps, profitant de leur proximité, se rassurant, apaisé au sein de ce lieu baigné par une douce brise, ce lieu qui leur offrait l'impression d'être seuls au monde. Eux contre les autres, comme d'habitude. Pour toujours, jusqu'à la fin et bien plus encore.