Les Mositus se succédèrent les uns après les autres devant les carapaces. Et kunga ne manqua pas de lever les yeux lors du passage d’Uhta. Uhta un chef ? C’était un grand solitaire et tout le monde le savait. Ses vocations ne viennent que pour ennuyer le fils de Siri, et ce dernier était persuadé de cette idée. Par la suite, Ajjin piqua une colère sans nom envers sa sœur quand celle-ci le qualifia d’enfant. Ajjin n’était pas pris au sérieux. Ce que Kunga pouvait comprendre, bien trop comprendre en ce moment même.

Une fois le dernier mositus votant passé, tous les singes prirent en duo une carapace pour les emmener de l’autre coté du Baobab, à la vue de tous les Mositus qui patientaient. Si certaines d’entre elles étaient bien légères, d’autres devaient être portées à plus de deux tellement le poids des pierres était importante. Les tas de pierres avaient des tailles bien différentes et visibles à l’œil nues, et seules deux carapaces présentaient un score serré où il nécessiterait de compter.

Bien évidemment, pour faire durer l’attente des lions bruns, les primates prirent soin de déposer les carapaces devant eux, tout en maintenant les initiales de chacunes d’entres elles cachées derrière, dans l’autre sens. Siri, qui se trouvait derrière eux, collé au Baobab, put observer les lettres des carapaces avant tout le monde, et son expression faciale se détruisit bien rapidement, laissant un avant-goût aux Mositus attentifs qui avait pu observer son visage à ce moment-là.

Les primates alors tournèrent les carapaces ensemble, laissant apparaitre les lettres aux yeux de la foule. Toutes étaient remplis d’au moins une pierre, mais on s’aperçut bien vite que le duel qui nécessitait un comptage était celui du T et du U. Leurs carapaces étaient d’avantage remplis que les autres. En effet, Wajibu, Vukia, Kunga ont tous au moins une pierre, même Ajjin qui avait alors pourtant abandonné la course, mais leur carapace était largement moins remplis que pour Uhta et Tenzin.

C’est alors que les primates se mirent à retirer les pierres des deux seules carapaces garnies. A plusieurs, cela allait vite. Ils retirèrent à tour de rôle une pierre dans chaque carapace, l’une après l’autre. Tandis qu’ils arrivèrent à la dernière pierre de la carapace d’Uhta, ils renversèrent celle de Tenzin. Et le résultat fut immédiat : il possédait trois pierres de plus.

Le vainqueur était Tenzin. Le brouhaha de la foule s’éleva alors. De la joie, de la colère ? Surtout de la surprise. Car c’était une issue imprévisible, même pour Siri qui ne s’attendait pas à un tel engouement pour cette idée de révolution dont peu de lions avaient entendus parler avant ce jour.

Kunga quant à lui ne fit pas dans un premier temps attention au vainqueur, mais à sa propre carapace. Il fut couvert de honte face à la seule pierre qu’elle contenait. En effet, avec son air assuré, il n’avait convaincu personne d’autre que lui-même. Si personne ne le prenait jamais au sérieux les jours ordinaires, celle-ci fut de loin l’apogée de la chose.

Et les singes riaient de sa mine déconfite, lui qui avait tant fait le fier auparavant. Le jeune Mositus ne manqua pas de les regarder en fronçant les sourcils, bien mécontent des résultats.

-Vous avez joué avec les pierres. Accusa t-il pour se justifier une telle défaite. Stupides macaques.

Le jeune Mositus s’apprêta alors à s’éclipser, il voulait quitter cette foule, cet endroit dont la plupart des regards étaient à présent tiré vers Tenzin. Il se fichait de ce que ce lion pourrait de toute manière dire pour célébrer son élection, il n’était plus dans la course, cela ne le concernait plus. Mais Amka quitta Uhta bien vite pour rejoindre Kunga qui commençait à partir en ronchonnant.

-Kunga, attend ! Laisse au moins une chance à Siri de t’expliquer. Je suis sûre qu’il a ses raiso…

-Il a eu 4 ans pour venir m’expliquer, je me fiche de ce qu’il pourra raconter. Et de toute façon, maintenant, il va être bien trop occupé à former son successeur, hein ? Oui, qu’il s’occupe donc de Tenzin.

Transmettre son savoir est habituellement ce que fais un père à son fils, Kunga en a très souvent été témoin sur la Land et dans la Jungle. Et là encore, Kunga n’en sera pas l’héritier avec Siri, car Tenzin venait de lui prendre cette place. Une place qui aurait malgré tout pu le rapprocher de son géniteur, mais qu’il n’a pas finalement obtenu.

Siri n’avait rien dit depuis son passage devant les carapaces. Mais il était au fond de lui, plus que déçu. Déçu du comportement de Kunga,oui, mais surtout parce que Les lions bruns venaient d’élire celui qui risquait, dans le futur, de réduire tous ses efforts à néant. Cette fois-ci, il ne pourrait plus redresser la situation lui-même, comme il l’avait fait au sujet d’Haramu, puis de Kwadja. La vieillesse l’avait trop gagné et il ne pourrait plus rien contrôler.

Il devait, de plus, assurer ses fonctions jusqu’au bout, offrir son expérience à son jeune successeur, et pourtant, il n’en avait pas la moindre envie. A quoi bon partager son expérience avec le lion qui va détruire les efforts de toute une vie ? Un lion qui veut leur faire quitter cet endroit tant recherché pour un paradis peut-être imaginaire ? Il n’avait pas le choix, les choses ne se feraient pas de gaieté de cœur si Tenzin venait à le solliciter. Mais elles se feraient.

Il se leva pour se diriger d'abord vers les autres candidats, en dehors de Kunga qui ne se trouvaient pas avec eux. Eux, avaient défendus avec ferveur ses efforts passés. Ils avaient défendus les valeurs Mositus, et n'avaient pas accablés ceux qui ont eu la générosité de partager leur territoire. Il aurait préféré chacun d'entre eux à Tenzin, ne le cachons pas.

- Merci à vous quatre, Wajibu, Vukia, Uhta, Ajjin. Vous avez largement montré votre loyauté au clan, tous s'en souviendront.

Puis, il se dirigea ensuite vers Tenzin, celui qui avait su toucher beaucoup plus de Mositus que le vieux chef pensait.

-Félicitations, Tenzin. Tu as su convaincre. Se contenta t-il de dire au jeune adulte. Et tu sais où me trouver dans les prochains jours.

Il repartit alors vers la Clairière, non sans avoir porté un dernier regard vers son fils qui faisait actuellement subir une fois encore ses infantillages et râlements à Amka. Il n'entendait pas leur conversation à cause du brouhaha Mositus, mais il se doutait bien de ce qu'il se passait. Le jeune lion n’est pas prêt à l’écouter, et sans doute cherchera t-il à l’éviter dans les jours qui suivront. Si ce n'est pas jusqu'à sa mort proche, car Siri n'en avait plus pour longtemps.