Les nouvelles de Lava lui avait donné un élan de courage et d’énergie, bien plus que celle qu’elle n’aurait jamais pu penser avoir. Et pourtant elle s’était retrouvée à courir comme une forcenée, laissant la guerrière rouge et la freelander en arrière, sans le moindre scrupule. Elle y avait pensé beaucoup trop longtemps pour se permettre d’attendre davantage. Ils ne cessaient d’être séparés depuis qu’ils étaient enfant – elle ne supportait plus ce genre de situation, il fallait que ça cesse. Maintenant.

Alors elle courait aussi vite que lui permettait son corps. Son cœur tambourinait dans sa poitrine sous le poids de l’effort mais aussi de l’émotion. Tout en elle n’était qu’émotion et toutes ces émotions ne demandaient qu’une seule chose depuis trop longtemps : s’exprimer. Alors qu’elle avait gagné les collines – un large sourire se figea sur ses babines tandis qu’une silhouette familière avançait elle aussi à un rythme endiablé. Alors qu’il l’entendit rugir son nom, la femelle accéléra encore sa course.

Ils s’étaient rapprochés tellement vite mais trop lentement à son goût. Quant au choc… Eh bien lui rappela tellement de souvenirs. Le souvenir d’un Nedge en larmes, trop heureux de retrouver son amie, mais tout aussi triste de l’avoir laissé aussi longtemps.

« Outch ! »

Elle n’avait pas réellement eût mal, puisqu’un éclat de rire vint suivre juste après. Oui, ces souvenirs elle les chérissait plus que tout au monde – c’était si proche mais à la fois si éloigné de la réalité. Nedge s’accrochait à elle comme on s’accroche à la vie. Et Jioni… Jioni ne voulait pas être lâchée, plus jamais. Aussi elle enfouit sa tête dans la crinière de celui qu’elle aimait tant. Celui qui au final comptait plus que tout au monde. Ce contact lui avait manqué et elle pensait que s’en passer encore une fois n’était pas concevable.

« Jioni... Jioni... »
« Je suis là. Et tu es là aussi, oui tu es là. Je suis tellement heureuse, tu ne sais pas à quel point tu m’as manqué ! »

Sa voix était tremblotante et elle luttait pour que des sanglots ne sorte pas – sa gorgée était serré et pourtant c’est une joie immense qui lui gonflait le cœur. Elle avait eu tout le loisir de pleurer sa disparition, elle ne lâcherait aucune larmes pour des retrouvailles.

« On reste ensembles pas vrai ? Pour toujours. Plus jamais séparés. Non, plus jamais. »

C’était si dur de se retenir de pleurer, se cacher dans sa crinière était la seule solution. On aurait dit un lionceau qui voulait ce genre de promesse éternelle, le genre de promesse que l’on peut difficilement tenir mais à laquelle on se sent obliger de plier.

Essayant de se montrer probablement plus forte qu’elle ne l’était, elle replaça son visage de sorte de faire face à celui de son meilleur ami. Non. Hors de question qu’il reste ainsi nommé – c’était tellement loin de la vérité. Un petit sourire taquin dont elle avait le secret figé sur ses babines, elle s’avança posa sa tête contre la sienne. Malicieuse, elle ajouta :

« De toute façon, ce n’est pas comme si tu avais le choix ! »

Son rire lui avait tellement manqué, ce sourire, ces yeux, tout de lui. Cela avait été une véritable de torture de ne pas être avec lui, d’aller jusqu’à penser que ce dernier pouvait être mort, enseveli par ces innombrables rochers. Sa promesse faisant écho à se demande lui gonfla le coeur et elle ne put s’en sentir que plus soulagée. Elle ne laisserait plus rien se mettre en travers eux. Désormais, plus rien n’aurait plus d’importance que lui & seulement lui.

Il avait l’air d’avoir changé d’ailleurs – peut-être était-ce l’effet des longs mois qui donnait cette impression mais d’un côté ça ne la dérangeait pas. Il dégageait cette espèce d’assurance qu’il n’avait pas autrefois et ça la ravissait. Elle ne lui avait jamais dis mais elle trouvait qu’il ressemblait de plus en plus à son père.

Oh elle ne prétendait pas connaître Kigeni sur le bout des griffes mais ce dont Nedge avait le plus besoin quand ils ont quitté Prideland, c’était une figure paternelle, un exemple, un modèle. Aujourd’hui on pouvait facilement deviner qu’il avait eu ce qu’il désirait.

« Pardonne-moi. Pardonne-moi d'avoir laissé le monde nous séparer... »

Jioni fronça des sourcils. Lui pardonner ? Elle ne lui en avait jamais vraiment voulu – pas une seule fois à vrai dire. Mais alors qu’elle s’apprêtait à le rassurer, elle vit s’approcher d’elle et sa réaction ne se fit pas attendre. Elle colla son front contre le sien, ronronnant au passage, se délectant des bienfaits de ce simple contact. Oui, il avait définitivement changé. Mais elle ne put s’empêcher de répliquer :

« Je ne t’en ai jamais voulu. Jamais. »

Se jugeant beaucoup trop éloignée de lui, elle bascula sur le flanc pour venir chercher ce contact permanent dont elle avait tant besoin. C’était étrange la façon dont on pouvait se sentir tout à fait dépendant de quelqu’un.

«  Papa va bien. Je l'ai lâchement abandonné quand j'ai su que tu étais toute proche... Il me tardait trop de te revoir. »

Un rire secoua les épaules de Jioni – oh qu’elle imaginait bien la scène. Lava l’avait déjà rassuré en ce qui concernait l’état de Kigeni, mais elle était ravie d’entendre de la bouche de Nedge que son père se portait bien. Toujours rieuse elle répondit :

« Je dois avouer que quand j’ai su que tu n’étais pas loin, je les ai lâchement abandonnées aussi ! »

Elle ne s’inquiétait pas pour Lava & Nephtys. Son regard s’était porté sur l’horizon un instant et son sourire se fana doucement. C’était tellement irréel et pourtant il était là, avec elle – elle le sentait, sa chaleur, son visage, son regard, son sourire. Elle se damnerait mille fois pour ce sourire.

« Tu sais… J’ai cru que tu étais mort. »

Sa voix était chancelante et elle ne savait pas réellement si ces mots devaient sortir de sa bouche maintenant. Pourtant… Entre eux il n’y avait jamais eu de barrières, pourquoi se retenir ? La gorge nouée et les yeux humides, elle continua :

« J’ai cru que je n’aurai plus jamais la chance de te revoir… Que je n’aurai jamais l’occasion de te dire certaines choses. »

Elle reporta son regard émeraude sur lui et aussitôt un sourire ce dessina. C’était comme magique, l’effet qu’il avait sur elle. Elle déposa une tendre lèche sur sa joue, presque à la limite de ses babines et murmura :

« Tu es absolument tout pour moi. »

Le simple contact que Nedge engage entre leur deux museaux la fait sourire encore un petit peu plus et fermant les yeux, la lionne dorée savoure l’instant autant que ses paroles. Combien de temps avaient-ils perdu au juste à se tourner autour de cette façon sans jamais s’avouer quels étaient leur réels sentiments ? Beaucoup trop longtemps au goût de Jioni et si elle n’avait pas pu le retrouver, le goût aurait été bien plus qu’amer.

La jeune lionne passa délicatement sa tête sous le menton de Nedge et profita de la chaleur qu’il lui procurait, sentant la vie s’écouler dans le corps de se dernier. Les battements de son cœur, sa respiration, sa température, tout en lui participait au bien-être qu’éprouvait la voyageuse à cet instant. Dans un souffle, elle brisa le silence :

«  Je t’aime aussi. Pardon d’avoir mis aussi longtemps à te le dire.  »

Elle retira sa tête du torse du lion beige et vint croiser son regard. Mais briser le contact était beaucoup trop pénible pour le moment, même un quart de seconde et elle n’hésita pas un instant de plus avant de venir frotter sa tête contre la sienne dans un ronronnement doux. Au final, ils pourraient rester ainsi pour le restant de leur vie, collés l’un à l’autre, que ça ne la dérangerait pas et qu’elle arriverait même à trouver cela encore insuffisant.

«  Tu m’as tellement manqué, ton absence était insupportable. Compte sur moi pour plus jamais te laisser une seule minute de répit.  »

Elle acheva sa phrase dans un rire léger et vint doucement agripper une de ses mèches qu’elle avait sous le nez pour jouer avec. Mais au fond elle était la plus sérieuse du monde. Elle se laissa aller contre celui qu’elle pouvait désormais considérer comme son compagnon (TOO MUCH FEELS) et calqua sa respiration sur la sienne dans une symphonie agréable. Plusieurs minutes s’écoulèrent et elle pensa un instant que s’endormir serait la chose la plus naturelle du monde mais un nœud se fit à son estomac – et si au final tout cela n’était qu’un rêve, une illusion de plus ? Non.

Il était bien là et toutes les sensations étaient aussi réelles que ne l’était cet accident – ça, elle aurait tellement voulu que ça soit un horrible cauchemar et avait espéré de nombreuses fois se réveiller en sursaut aux côtés du clan. Mais il n’en était jamais rien. Sans pour autant se redresser elle lui demanda :

«  Tu crois qu’ils mettront longtemps à nous rejoindre ?  »

En réalité, elle espérait qu’ils traînent tous le plus possible pour ne pas briser cette bulle magnifique dans laquelle elle était actuellement avec Nedge. Elle prenait conscience petit à petit que l’intimité ne serait pas nécessairement quelque chose de très évident.

Un doux sourire s’étira et elle ne put rire que de bon coeur lorsque Nedge parla de son père. Il faudrait qu’elle pense à le remercier. Notamment pour ce moment d’intimité mais pour tant d’autres choses aussi.

« Et toi ? Tu as dit que vous étiez plusieurs... ? »

Ses oreilles se redressèrent et elle eût un petit regard étonné. Elle l’avait dit ? Réfléchissant cinq secondes elle se rappela avoir dit qu’elles les avaient effectivement laissé en arrière comme une malpropre. Mais elle ne lui avait pas donné d’explications et de toute façon ça lui été passé bien au dessus de la tête. Aussi, avec un sourire et les yeux brillant, elle lui dit :

« Oh, oui ! C’est vrai, j’avais oublié. J’ai tant de choses à te raconter. »

Elle réfléchit à d’abord lui donner la réponse à sa question directement mais jugea qu’il était préférable de commencer par le début. C’est à dire l’accident. Pas vraiment enchantée à l’idée d’y repenser, c’est d’abord peu sûre d’elle qu’elle commença son récit :

« En fait… Après l’éboulement on m’a trouvé inconsciente et je dois t’avouer que je sais même pas comment je me suis retrouvée à cet endroit. J’ai encore des zones d’ombres en ce qui concerne l’éboulement aussi. »

Afin de ne pas l’inquiéter et même pour se rassurer elle même, elle avança sa tête vers la sienne dans un geste tendre et affectueux. Elle en avait tellement besoin, c’était devenu nécessaire, une véritable drogue. Elle reprit ensuite :

« Des Freelanders m’ont aidé. J’étais à peine capable de marcher et ils ont dû me soutenir à deux pour me faire gagner le repère de leur clan. Ils ont été très gentils avec moi. J’ai pu me rétablir grâce à eux. »

Elle se remémora chaque visage. Il y avait eu Sabaru et son fils mais aussi Nephtys et puis tous les autres freelanders qu’elle avait pu brièvement côtoyer pendant sa convalescence.

« On peut dire que j’en ai kidnappé une. »

Elle acheva sa phrase dans un rire franc. Elle n’avait pas vraiment eu à batailler longtemps pour que Nephtys se joigne à elle. Et c’était à se demander si c’était pas plutôt Nephtys qui avait le plus insisté pour voyager. Peu importe.

« Nephtys, c’est elle qui a pris le plus soin de moi, elle fait partie de ceux qui m’ont trouvé et m’a beaucoup aidé ensuite. C’est une très bonne amie ! Du coup elle est partie avec moi, elle voulait voyager de toute façon. »

Elle lança un regard dans la direction par où elle était arrivée, avec un petit sourire et reporta son regard sur son compagnon. Malicieuse elle dit :

« Je pense que Lava a dû autant ralentir le rythme que ton père. Je vais devoir les remercier tous les deux. »