Assit en hauteur, sur un perchoir rocheux le laissant dominer quelques cratères crachant une vapeur aux tons verdâtres à cause de l'ambiance du lieu, Vita semblait songer. Sa queue enroulée autour de ses pattes arrières, le mâle repensait à l'unique fois qu'il était venu ici : lorsque, branche dans la gueule, il était venu enflammer le bout de cette-dernière pour revenir au pas de course sur Pridelands. Le fameux jour où il brûla la dépouille de son oncle. Pourquoi y repensait-il ? Tout simplement parce que dernièrement avec les retrouvailles d'Ishana puis les heures passées en compagnie d'Ahva, cela lui avait fait repensé à cette époque lointaine. Pas forcément nostalgique, Vita ne pouvait pourtant pas s'en empêcher. Depuis tout ce temps, la vie de chacun avait évolué. Ishana chez les Outlanders, ses cousins devenus adultes, Kuzali avec sa nouvelle famille. Ainsi, le rouge s'autorisa à se demander ce qu'il adviendrait de lui, plus tard. Sa vie se résumerait-elle à cela ? Vivre de cette manière ? Alors, un sourire fendit ses babines et il plissa ses prunelles de Feu. Inutile de s'embêter avec toutes ces pensées futiles ; il verrait bien ce que la vie lui réserverait.

Par ailleurs, Vita n'était pas seulement venue pour songer en paix : il était ici pour une raison précise. Demander aux hyènes si les exilés Outlanders étaient venus dans les environs afin de rapporter quelques maigres informations à Zary. Oh, le rouge se contenterait de savoir si les félins patibulaires étaient dans les environs ou s'ils étaient partis plus loin ; il broderait ensuite un peu l'histoire pour faire croire à la lionne dorée qu'il avait longuement cherché, qu'il les avait déniché puis... Il trouverait un moyen d'avoir un supplément, de toute manière, il était déjà dans les bonnes grâces de la femelle.

Ses oreilles se tournèrent un peu à l'entente d'un bruit. Deux cratères crachèrent à tour de rôle de la vapeur qui embruma les lieux tandis que le mâle à la sombre crinière bondissait de son pseudo trône rocheux, retombant légèrement sur ses larges pattes, restant un instant immobile, le ventre proche du sol. A l'écoute, tentant de détecter d'où venait la source de bruit, Vita scrutait. Il ne dit rien, silencieux, ne bougeant pas un muscle. Il laissait l'être approcher, prêt à réagir au quart de tour si on tentait de s'en prendre à sa vie ; après tout, les hyènes étaient connues pour êtres vicieuses, non ?

Une voix féminine mais forte fut audible, laissant échapper quelques mots bien peu jolis. L'écho se répercuta quelques secondes et Vita soupire mentalement ; lui qui avait voulu passer inaperçu le temps de dénicher lui-même une unique rieuse, voilà que cette autre présence risquait de rameuter tout le monde. Un rire lointain sembla répondre alors à l'écho et le rouge s'empressa de bouger. Avançant silencieusement, posant une patte après l'autre, se faisant incroyablement léger, au ras du sol, il usait de toute la discrétion dont il pouvait faire preuve. La vapeur omniprésente ne l'empêcha cependant pas tellement de se déplacer et bien vite, à travers la brume, il aperçut une silhouette. Visiblement une jeune lionne qui était dos à lui. Furtif, il continua d'avancer et s'arrêta juste derrière elle, bombant un peu le torse, l'air neutre.

« Je n'ai aucune envie de mourir ici, jeune sotte, alors toi et tes désirs suicidaires, vous allez ailleurs. T'as quoi dans le crâne pour gueuler comme ça ? »

Si Vita avait murmuré entre ses crocs ses dires, il avait grondé doucement en les disant, foudroyant à présent la jolie demoiselle pourpre du regard, un petit air méprisant aux babines. Non, le rouge ne faisait aucunement dans la délicatesse et le fait d'être tombé sur cette femelle ne lui plaisait pas, mieux valait s'éloigner de ce danger ambulant rapidement. Il s'apprêtait d'ailleurs à filer après ces pseudos remontrances quand une voix aiguë mais pas moins très peu rassurante s'éleva dans le lieu.

« Hin, hin, hin... On vous voit les petits matous, on vous sent, on vous entend ! On va vous tomber dessus et... hin hin... ce ne sera pas beau.
- Tu l'as dis Minki ! Ce sera si laid que lorsque vous rentrerez, vos propres mères vous reconnaîtront plus ! »

Vita enfouit davantage ses oreilles dans son épaisse crinière sombre, découvrant quelques crocs tout en scrutant autour d'eux, l’œil méfiant. Deux hyènes ce n'était pas trop grave, il était capable à lui tout seul de les faire déguerpir. Mais si d'autres rappliquaient, la donne serait changée. L'Enfant du Feu savait que ces bêtes possédaient des mâchoires capable de briser les os des autres animaux peuplant les Terres. Fourbes, sournoises, il fallait constamment être sur ces gardes avec elles. La queue fouettant furieusement l'air, il braqua ses prunelles enflammées sur la femelle, le regard dur. Autour d'eux, de légers roulements de cailloux étaient audibles, signes qu'elles semblaient se rapprocher petit à petit de leur position.

« Je m'en serais bien sortis si tu n'avais pas hurlé comme une demeurée. »

Irrité ? Evidemment ! Le mâle continuait de scruter autour d'eux, tentant d'apercevoir les silhouettes des canidés. Impossible. Elles désiraient jouer avec leurs nerfs ? Visiblement aussi agacée que lui face à la situation, la lionne aux orbes rougeoyantes feula à l'encontre des hyènes qui, comme elle le disait si bien, semblaient jouer à cache-cache. Vita reposa son regard sur la lionne à la gorge blanche, l'écoutant parler d'une voix incroyablement froide. Il gronda alors à son encontre, plissant les yeux et effectuant un pas dans sa direction, la dominant un peu de sa hauteur.

« Ton point commun, tu te le gardes. Maintenant, tu peux rester planté là et servir de diversion, ce serait fort aimable de ta part. » Argua le rouge dans un sourire mauvais.

Ainsi, il fit volte-face et commença à s'éloigner d'elle parmi la vapeur crachée par les cratères. Il n'entendait plus les pas des hyènes ni aucun autre son, peut-être qu'elles s'étaient éloignées ? Vita ignorait à présent l'autre lionne, désireux de filer d'ici. Tant pis, il parlerait à une hyène une autre fois, il fallait d'abord sauver sa peau et le rouge n'avait pas envie de la risquer pour faire plaisir à Zary.

« Trouvé ! »

Un cri aiguë et Vita hérissa tout ses poils, les pupilles dilatées. Qu'est-ce que... ? La voix s'était répercutée dans tout l'endroit mais aucune présence détectable ! Argh. Saletés de bêtes. La lionne avait au moins été perspicace sur ce point ; les hyènes jouaient avec eux. Savaient-elles où ils étaient exactement ou n'était-ce que mensonges pour faire monter la tension ?

« Que voyez-vous mes amies ? »

La même voix que tout à l'heure. Elle étaient peut-être bien seulement deux, ce serait une aubaine incroyable. Mais l'infime espoir du mâle fut réduit à néant en une fraction de seconde.

« Je vois... une lionne ! Et un lion ! Alors les chatons, on tente le grand frisson ? »

Vita s'arrêta. Des rires résonnèrent, de nombreux rires. Bien plus que trois.

« Je propose qu'on arrête le jeu et qu'on tienne nos promesses ! »

Et avant que le rouge n'ait le temps de bondir de l'avant pour fuir rapidement, des silhouettes apparurent devant lui et sur ses côtés. Le piège se refermait et le nombre de canidés l'obligea à reculer. Arc-bouté, les oreilles en arrière, le mâle reculait lentement jusqu'à sentir un corps chaud contre son arrière-train. Il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que c'était la lionne. Ils étaient encerclés par une dizaine - ou une quinzaine ? - de rieuses remontées par le dernier affrontement contre les exilés et la perte de quelques uns de leurs membres. Vita siffla entre ses crocs.

« J'espère que tu es satisfaite. »

[T'inquiète, c'est fort bien comme ça !]

Les deux comparses étaient cernés. Les sourires mauvais des hyènes dansaient autour d'eux et elles semblaient se délecter de leur détresse, mais encore plus du fait qu'ils ne s'entendaient pas. Aussi acérés l'un que l'autre, ils se renvoyaient paroles acerbes sur paroles acerbes, parfois sarcastiques, ironiques et souvent moqueurs. Le rouge sortait lentement ses griffes sombres, oreilles en arrière, tentant d'apercevoir une infime ouverture mais rien. Finirait-il ses jours dans un tel endroit ? Mort aux côtés de cette femelle ô combien agaçante mais tout de même capable d'un certain répondant. Il lui accordait au moins ça. D'ailleurs ses dernières paroles le firent légèrement rire et il tourna un peu sa tête vers elle, sourire en coin.

« Seulement les femelles sans cervelles comme toi. »

Les hyènes hurlèrent de rire. Tout comme elles avaient rit aux paroles de la lionne. Vita arqua un sourcil, observant les rieuses qui pleuraient presque, certaines se roulant sur le sol rocheux. Doucement, une idée germait dans l'esprit du mâle. Là voilà leur ouverture ! Revigoré par ce pseudo plan qui était d'offrir un splendide spectacle aux hyènes, Vita eut un large sourire et se retourna complètement vers la femelle. Il paraissait bien moins irrité et au contraire, une lueur particulière luisait au fond de ses prunelles.

« T'as quoi dans le crâne pour nous avoir mené ici ? T'es vraiment la pire lionne du coin. Déjà que tu gueules sans cesse, tu ferais bien de la fermer un peu et d'être utile ! »

Il ne le pensait pas forcément mais les hyènes riaient. Et plus elles riaient, plus elles baissaient leur garde. Inévitablement, ils finiraient par parvenir à filer d'ici si les deux parvenaient à coopérer de leur mieux. Ainsi, du regard, il incitait la jeune lionne à elle aussi laisser échapper tout le venin dont elle était capable. Parce que visiblement, voir leur proie se s'insulter, c'était digne du meilleur des shows ! Ainsi, au milieu du cercle formé par les hyènes, les deux lions qui ne se connaissaient ni d’Ève ni d'Adam entamerait peut-être une petite joute verbale pour s'en sortir sans trop d’égratignures.

« Peut-être que j'étais là avant, en attendant, je connais le mot discrétion. » Souffla t-il d'une voix faussement agacée pour faire passer le message tandis que les hyènes ricanaient, permettant aux deux lions de commencer à s'esquiver doucement. Vita avait capté le mouvement de tête de la lionne et il lui emboîta doucement le pas.

« "Garce" ? T'es qu'une pauvre paumée, tu sais. » Vita imita la jeune lionne et ils s'étaient mit à courir le plus silencieusement possible tandis que son acolyte laissa échapper son venin une ultime fois, le traitant à son tour d'écervelé. Vita ne prit cependant pas la tête de répondre, se contentant d'afficher un air narquois, souriant intérieurement. Est-ce qu'ils avaient réussit à échapper à la vigilance des canidés ? Trop méfiant pour crier victoire tout de suite, le rouge se contenta d'accélérer un peu l'allure quand, soudainement, quelque chose mordit férocement le bout de sa queue. Retenant un rugissement furieux, l'Enfant du Feu du stopper sa course et avec rage, il envoya sa patte droite droit vers ce qui l'avait mordu. Griffes sorties, sa patte percuta de plein fouet le visage d'une hyène qui avait débarqué de nul part. Cependant, le couinement qu'elle laissa échapper sortit les autres de leur torpeur.

« Ils s'enfuient ! Ils se moquent de nous ! Ils nous attaquent ! »

Vita fronça ses sourcils, grondant. La hyène qu'il avait frappé tenait ses distances, le visage sanglant. Sans demander son reste, le mâle à la crinière sombre fit volte-face pour rattraper la lionne, allongeant de plus en plus ses foulées tandis qu'il entendait assez loin derrière eux les rires et les grognements ; s'ils avaient prit de la distance, elles connaissaient le lieu comme leur poche et elles savaient parfaitement coordonner leurs mouvements. Vita évita de peu un jet de vapeur.

« Bouge ta croupe, lionne, elles sont déchaînées. »

Le fils de Jakko prit les devants en accélérant encore, bifurquant sur sa gauche, il aperçut un rocher pas très haut leur permettant cependant de prendre un peu de hauteur. Ainsi, il effectua un bond pour atterrir sur le premier rocher avant de sauter à nouveau, se retrouvant sur un bord assez escarpé qu'il longeait à pas prudent. Usant de sa queue pour conserver un certain équilibre, il vit plus loin sur le chemin étroit une plateforme... Où des hyènes les attendaient, de grands sourires perfides. Vita grondait, jetant un œil derrière son épaule, voyant que derrière la lionne, des hyènes suivaient. Argh. Ils étaient dans un sacré pétrin. Sans réfléchir davantage, Vita effectua un bond vers l'avant et tomba sur la plateforme au milieu de quatre hyènes qui tentaient de venir le mordre tandis qu'il se défendait de son mieux, offrant de furieux coups de patte, tentant en même temps d'avancer, feulant d'irritation.

Les deux lions se défendaient avec hargne des quatre hyènes vite ralliées par trois autres. Le mâle rouge avait le poil hérissé et les crocs à découverts. Vita ne faisait cependant que repousser les attaques sans vraiment blesser ses cibles, les griffes à peine visibles. Soudainement, il poussa un rugissement puissant et les canidés se stoppèrent, reculant d'un pas, le regard posé sur le mâle.

« ASSEZ. »

Le regard enflammé, le souffle saccadé, il grognait doucement face à leurs adversaires. Les deux lions sur la plateforme étaient en mauvaise position, encerclés pour de bon. Vita n'avait aucunement envie de gaspiller son énergie à ainsi batailler et il voyait déjà quatre autres hyènes arriver, la bave aux crocs.

« Je n'étais pas venu en ennemi, vous m'avez forcé à sortir les crocs. Et votre compagnon qui m'a mordu la queue n'a fait que déclencher chez moi un simple réflexe de survie. »

Les regards se firent suspicieux, les hyènes toisèrent le mâle rouge qui inspira un bon coup et gonfla fièrement son poitrail, l’œil arrogant. Vita comptait bien se sortir de là de n'importe quelle manière et déjà, il semblait avoir oublié la femelle à ses côtés.

« Je ne désirais que quelques informations sur les exilés Outlanders. Je suis à leur recherche. Je quitterais les lieux sans faire de grabuge. »

Claquements de crocs, grondements, les hyènes ne semblaient guère apprécier le fait de repenser à ceux ayant causé tant de torts dans leurs rangs. Vita s'était à présent assit, griffes et crocs rentrés afin de démontrer qu'il n'était pas là pour chercher querelle.

« En effet ils sont passés ici et ont voulu s'installer contre notre gré avant d'êtres emmenés sur d'autres terres. »

Vita hocha la tête. Bien, c'était amplement suffisant. Il tisserait une jolie histoire pour Zary. Le mâle eut alors un sourire mauvais, observant du coin de l’œil la jolie femelle à ses côtés. Son regard ne présageait rien de bon et il reposa son attention sur les hyènes.

« Je partirais donc, si vous désirez veiller à cela, j'accepterais d'être mené aux frontières. » Il marqua une légère pause, le sourire terriblement mielleux. « Je vous laisse cette chère lionne, elle n'était pas venue avec des attentions aussi avenantes que les miennes, je vous l'assure. Avez-vous vu sa haine, sa rage dans son regard lorsqu'elle posait l’œil sur vous ? Voyez, j'ai tenté de ne pas vous blesser tandis qu'elle combattait avec ardeur pour vous détruire ! Mes chères, vous semblez bien remontées, quoi de mieux qu'un moyen de se libérer de sa colère ? »

Charmées, les hyènes commençaient à poser leurs regards sur Kusafiri tandis que Vita, malicieux, s'éloignait rapidement de la lionne et se dégageait du cercle qui se formait autour de la femelle. Vita était libre au détriment de la femelle. Il avait envoyé toute l'attention sur Kusafiri et, narquois, il la narguait d'un mauvais sourire tandis que deux hyènes se mettaient à ses côtés pour le conduire.

« Au revoir, très chère. »

Il détacha alors son regard d'elle et se laissa emmener.

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