Time fly by but memories never go

Kuzali

Le temps passe. Lentement, mais sûrement, les changements viennent avec lui, faisant de toute âme en retraite le spectateur d’une vision aussi prenante qu’effrayante. L’idée d’un même monde sans soi-même, et qui même sans sa présence, continuerait de progresser comme si rien n’avait été. Comme si tout était parfaitement normal.

Les herbes, dansant sous le vent tiède du matin, miroitaient avec les premiers éclats de l’astre. Des vagues d’or, éphémères, parcouraient la plaine en silence, réveillant dans son regard fatigué une flamme encore intacte.

Un éclat que même le temps n’avait sût faire frémir. Inébranlable, l’âme du voyageur se laissait caresser par la lumière chaleureuse du levé de soleil, tandis que son corps, lui fatigué, demeurait coucher dans les herbes de la colline.

Ses yeux à demi-clos, la respiration profonde, le vieux lion profitait de ces moments de paix.

Un instant où son esprit pouvait faire le vide, franchissant les coups de tonnerres de ses sentiments les plus enfouis et les barrières de doutes pour s’échapper de son enveloppe et repartir, une nouvelle fois, vers d’autres horizons lointains, à la conquête de nouveaux paysages.

Doucement, sa tête s’abaissa et se déposa sur ses pattes, couchant les brindilles sous lui et se mettant au même niveau qu’elles. Ses oreilles retombèrent avec lenteur contre sa crinière, alors que son regard se perdait dans l’océan d’or dans lequel il venait de se plonger.

Une teinte fondamentale dans la fresque de sa vie. Une couleur emplie d’espoir, de douceur, d’amour et de souvenirs. Un éclat qui représentait l’un des piliers de son existence. Elle n’était pas ici, pas avec lui et combien aurait-il donné pour que ce soit le cas.

Fronçant doucement ses sourcils, le mâle sentit une pointe venir se glisser dans son cœur, telle une épine menaçante. Et s’il n’arrivait pas à la revoir avant la fin ? S’il n’arrivait pas à se retourner et regarder une énième fois le berceau paisible de ce territoire, son cœur, son nombril, le Rocher de la Fierté, que ferait-il ?

Seul l’éclat de ce lieu et de cette personne parvenait à apaiser la tempête présente en son âme et à chasser ses sbires.

Fermant ses paupières, le voyageur retrouva la force de redresser le menton et de se maintenir par-dessus la surface, poussant un soupir long et bas. Au moment où il rouvrit ses yeux, son cœur avait doucement bondi dans sa poitrine. Ils s’écarquillèrent bientôt de surprise, puis se plissèrent de soulagement, un sourire tendre naissant aux coins de ses babines.

Le soleil lui avait envoyé son ange, une nouvelle fois. La reine se tenait au bas de la colline, se fondant si bien avec le paysage qu’elle en devenait maîtresse dès l’instant où on l’apercevait. Et cette simple vision suffisait à lui faire oublier tout les soucis que ces derniers temps avaient apportés.

« Kuzali. » appela-t-il d’une voix douce, redressant lentement ses oreilles.

La journée avait été particulièrement calme, presque anodine. Le temps semblait désormais passer lentement, si lentement. Postée en haut des plateformes, la reine observait le quotidien des siens et songeait à bien des choses : la vie, la mort et l’au-delà. Ses quatre enfants avaient bien grandi, tous étaient adultes désormais et son travail de mère accompli. Dès lors, Kuzali se sentait apaisée. Autant qu’il avait conduit la Terre des Lions dans nombreux périples, le temps ne l’avait guère épargné. Nombreux poils blancs parsemaient à présent le pelage bien que toujours aussi scintillant de la reine. Kuzali n’en demeurait pas moins une belle lionne dont la grâce semblait immortelle, ses poils grisonnants lui donnaient même l’air plus sage. Bien qu’elle se sentait moins endurante aux épreuves du quotidien, la reine demeurait active. Les lions du Soleil étaient réputés pour avoir une longue longévité mais était-ce un don uniquement offert par leur terre ? Kuzali avait quitté ses terres natales depuis longtemps et peut-être sa bonne étoile était-elle restée auprès des lions dorés. Ah, la Terre du Soleil. La féline soupira, animée par de nombreux souvenirs puis dans un souffle, elle se redressa péniblement avant de prendre le large, s’éloignant sans mot dire de la populace et de Prideland.

Qu’était devenu sa famille rester au sein de leur royaume tant aimé ? Kazimu et Makaa devaient avoir rejoint le Soleil depuis longtemps déjà et quant à Hasire, celui-ci devait régner depuis plusieurs années déjà. Ah, Hasire, son frère… Voilà longtemps qu’elle ne lui avait pas porté ses pensées. Avec le temps, Kuzali avait offert son pardon à son frère ainé mais bien évidemment, celui-ci n’avait aucun moyen de le savoir. Elle aurait aimé le revoir, rien qu’une fois. Qu’étaient-ils tous devenus, ses premiers amis ? Menaient-ils la vie qu’ils avaient souhaité ? Et comment était la grande cascade, Va’aa, son précieux don continuait-il de couler le long des paroisses ? Seule et perdue dans ses pensées, Kuzali se permit de revivre mille et un souvenir qui animait encore ses songes. Comme la Terre du Soleil lui manquait.

A la recherche de son élément et de la sérénité qu’il lui apportait, les pas de la reine la guidèrent jusqu’à la colline dorée. Comme elle aimait fouler ces brins d’or et de lumière qui tendrement venaient caresser ses flancs. Elle soupira d’aise. Ne formant plus qu’un avec l’herbe dorée, la reine de Prideland errait dans l’immensité de la colline jusqu’à ce qu’une odeur familière parvienne à la stopper dans sa marche immortelle. Elle ferma les yeux, humant avec passion cette effluve qui savait la bercer plus que toute autre chose. Rono.

Doucement, son regard se porta vers le sommet de la colline. Son ange était là, posté tel un roi qui veillait à la sérénité de la colline. Le Soleil l’embrassait de ses rayons, comme il accueillait l’un de ses fils. Attirée tel un aimant par le son de sa voix, la lionne bifurqua et s’approcha de lui, gravissant la colline d’un pas calme mais sûr, poussée par l’envie de rejoindre son précieux ami. Arrivée à sa hauteur, elle l’observa d’un regard très tendre et lui sourit avant de frotter son front contre le sien, glissant doucement vers sa joue pour étendre son étreinte dans ses crins sombres, soupirant doucement. La féline demeura quelque temps logée contre le lion cendré avant de s’éloigner, presque avec regret, pour venir s’allonger à ses côtés, ses crins effleurant les siens.

Leurs deux regards dominaient la colline dorée et l’on aurait pu peindre l’un des plus beaux tableaux de si beau duo qu’ils avaient créé. Leur rencontre semblait dans un temps si loin et pourtant, elle ne l’avait jamais oublié. Là avait été le début de tout. Elle était émue par tout ce chemin qu’ils avaient parcouru. Son sourire s’élargissait doucement, mêlant paix et grandeur.

Time fly by but memories never go

Kuzali

Gracieuse, la reine s’approcha dans sa direction, gravissant la colline avec l’auréole du soleil dans son dos. Son regard ne la quittait pas durant le temps de ces quelques pas, remarquant en silence les changements du temps passé sur l’enveloppe de la princesse de l’astre.

Son pelage lui aussi s’était paré de teintes grisâtres, parfois blanches, mais qui de façon presque étonnante, restaient en accord avec sa toison dorée. Sa démarche n’était plus aussi vive qu’à l’époque et encore ici, il ne pouvait que compatir. Mais tout ceci n’était que superficiel. Leur âme, elles, restaient inchangées.

A l’arrivée de la lionne, son oreille droite eut un léger mouvement, particulièrement attentif à l’expression de ses yeux rayonnants. Toute la tendresse qui y miroitait le fit doucement sourire, accueillant avec joie le contact rassurant de son front contre le sien, déambulant jusqu’à sa crinière et s’y plongeant l’espace d’un instant, tandis que son museau se calait contre sa nuque durant ce mince laps de temps.

Elle s’éloigna alors pour venir se blottir contre son flanc, l’air serein. Ses yeux se perdaient eux aussi sur le paysage en contrebas, miroitant de plus belle sous les rayons du soleil qui s’intensifiaient au fur et à mesure qu’il se levait.

Du coin de l’œil, il vit son sourire s’élargir comme le sien, son cœur apaisé. Avec délicatesse, il déplaça l’une de ses larges pattes afin de la déposer sur la sienne, redressant son museau vers le ciel orangé.

Pendant plusieurs minutes, le vieux lion se laissa bercer par la présence de la reine à ses côtés, dans un silence presque religieux que seul la cymbalisation de quelques cigales interrompait.

Le voyageur finit alors par se détourner vers Kuzali, faisant élever sa voix douce sur un ton presque bas.

« Tout est si calme qu’on ne voit guère le temps passé. »

Son sourire s’élargit pendant un instant, avant de reprendre une expression emprunte de sérénité et de tendresse.

« Comment vont les enfants ? »

Ils avaient grandi si vite. Rono parfois avait l’impression que ce n’était encore qu’hier que les trois lionceaux gambadaient innocemment dans la savane au pied du Rocher, pas plus haut que trois pommes.

Mais il était heureux. Heureux d’avoir eu la chance de les regarder s’épanouir dans leur royaume, et désormais, de les observer dans la force de l’âge.

Azaan était devenu un lion fort, à l’image de son grand-père paternel. Awena était une lionne intelligente, brillant de par son héritage et Ahva, une aventurière accomplie, que disait-il, même peut-être une future voyageuse. Et... Sadaka.

Son fils était parti il y a maintenant un temps de cela, du jour au lendemain. Même si le lion grisé s’en était douté depuis longtemps, il ne pouvait empêcher ses doutes de refaire surface. Avait-il été un bon père ? Se plaisait-il là où il était maintenant ? Vivait-il la vie qu’il aurait voulue ?

Il aurait souhaité le revoir, au moins une dernière fois, mais... tous les souhaits ne peuvent se réaliser.

Leur douce étreinte appuyée par la patte offerte du lion se prolongeait dans le temps, doucement rythmée par le chant des cigales et de la nature. Ils étaient comme seuls au monde. L’un comme l’autre n’avait besoin que de la présence de son âme sœur pour déconnecter de la réalité. Tout aussi harmonieusement que la mélodie naturelle, la voix grave du voyageur s’éleva pour chaleureusement bercer les oreilles de la lionne d’une note plus tendre encore. Elle délogea son regard à la contemplation de la colline et s’attarda dans les iris violacées du lion, tout aussi souriante que lui. La course du temps était indéniable mais ils étaient toujours là, ensemble.

A la question de son ami, la lionne eut un léger sourire. Voilà quelque chose qui ne les rajeunissait pas. Ils n’étaient pas de son sang mais tous, en particulier Sadaka, étaient ses enfants. La proximité entre la lionne dorée et le lion cendré voulait que celui-ci soit partie intégrante de sa vie et de celle de ses petits. Oncle Rono ou Parrain, ils les avaient toujours connus et vu grandir. Kuzali était heureuse de ce lien privilégié qu’il entretenait avec son premier fils, leur fils. Dépourvu de père, Sadaka avait toujours pu s’inspirer et trouver réconfort à ses peines dans les mots du nordique qui n’avait jamais failli à sa tâche.

« Ce sont presque des adultes désormais. C’est fou comme le temps passe vite … Je persiste à les voir comme mes petits bébés mais ils n’ont plus besoin de moi. Du moins, pas comme avant. Chacun semble avoir trouvé sa voie et se montre épanoui, j’en suis heureuse. Ils me rendent très fières. »

A ces mots, la lionne sublima de son aura maternelle, son visage tendre tourné vers le priderock et sa famille. Kuzali avait la conviction que ses enfants deviendraient grands, pas seulement de taille mais par l’esprit. Ils étaient son héritage, ces marques dans le temps qu’elle laisserait après son départ. Plus loin encore que l’ombre du rocher, la féline observa l’horizon et les frontières qui s’y cachaient. Où était Sadaka ? Elle ne savait rien de sa destination. Son départ l’avait beaucoup peiné et chaque soir, elle demeurait jusqu’à la nuit complète aux abords du promontoire, guettant l’arrivée d’une ombre familière mais il n’en était rien. Dans un petit soupir, elle confia :

« J’attends le retour de notre fils. Sa présence me manque terriblement. »

Personne n’avait son égal dans le cœur de la reine dorée, pas même ses autres enfants. Sadaka était son unique, son si précieux joyau qu’elle chérissait plus que tout autre chose au monde. Presque tout. Lentement, son regard coula vers le lion cendré et elle le contempla d’une lueur aimante.

« Ces derniers temps, je m’absente souvent dans mes songes. Je me rappelle ces temps anciens, c’est agréable mais aussi douloureux par moment. Je pense à la vie, à ceux qui sont partis et ceux qui plus tard, prendront notre place. Sans le doute le départ de Sadaka a-t ’il accentué ma mélancolie. C’est étrange mais au travers de ces innombrables pensées, je suis heureuse du chemin parcouru à tes côtés. »

Au fil des années, une pensée certaine était venue s’ancrer dans l’esprit de la lionne, celle que le lion cendré était un ange envoyé par son défunt aimant pour veiller sur elle et la protéger, pour que plus jamais elle ne se sente seule. Sa mission avait dépassé l’entendement et plus qu’un ami, Rono était devenu une partie d’elle dont jamais la lionne ne pourrait se défaire. Sheru avait vu juste, la simple présence du nordique suffisait à Kuzali pour oublier ses maux et pour, doucement, se laisser bercer par sa voix suave.

Time fly by but memories never go

Kuzali

Kuzali eut un doux sourire. Pratiquement adultes... Et lui qui les voyait encore lionceaux. Un bas soupir s’échappa de la barrière de ses babines à ses mots, nostalgique. C’était comme si en un pas, des mois et des mois s’étaient écoulés, filant entre ses doigts comme un cours d’eau impossible a arrêter.

Le ressenti était le même pour les deux félins maintenant bien âgés. Seulement une année les séparait et bien que ce n’était absolument rien dans toute une vie, la différence se voyait tout de même à cet instant. Il serait le premier à partir, il le savait.

Chassant cette pensée de son esprit aussi vite qu’elle s’était présentée, Rono sentit son regard s’adoucir et son expression transcrire sans retenue toute la compassion et la sérénité qu’il ressentait, faisant écho aux derniers mots de la reine. L’aura maternelle de celle-ci rayonnant presque aussi fort que le soleil sorti de sa torpeur.

Son regard s’était tourné vers le lointain, là où l’ombre du rocher de la fierté s’étendait comme elle l’avait toujours fait. Plus encore, son esprit sembla vagabonder aux frontières, rejoignant son vieil ami dans ses plus secrètes pensées. Son soupir fit délicatement baisser le museau du mâle grisé vers l’une de ses joues, l’y frottant tendrement dans un signe de réconfort.

« Il me manque aussi. »

Et l’idée qu’il parte sans pouvoir lui dire au revoir réveillait en lui une douleur particulière. Un vide qui ne pourra pas être comblé... ou du moins, ne croyait-il pas en cet instant. Mais le lendemain était fait d’incertitudes.

Se décalant quelque peu de la lionne pour pouvoir croiser son regard de nouveau, le voyageur redressa ses oreilles tombantes et se montra entièrement attentif à elle. Comme pour lui, chaque journée et forts moments de sa vie lui revenaient en mémoire, tel de vieilles connaissances disparues.

Sa dernière phrase fit agrandir le sourire discret du nordique, à la fois heureux et mélancolique. Depuis qu’il l’avait connu, il ne pouvait plus imaginer sa vie sans elle. Plus qu’une sœur, plus qu’une reine, une ancienne exilée ou une princesse de terres lointaines, elle était son âme-sœur, un équivalent qu’il ne pourrait retrouver dans aucun autre lion.

Elle était unique à ses yeux.

« Je le suis aussi... Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi. A vrai dire, je ne pourrais imaginer mon existence sans la tienne. » confia-t-il d’une voix douce.

De seconde en seconde, son air se fit alors plus... lointain. Non pas grave, mais plus serein que jamais.

« Kuzali... Plus les heures défilent plus je me demande... Une fois dans l’au-delà. Est-ce qu’on se retrouvera ? »

Cette question pouvait presque sonner... innocente. Naïve. Inattendue ? Le mâle redressa son regard vers le sien et pencha légèrement sa tête.

« Je t’ai fait la promesse que même cette barrière ne pourra nous séparer. Et je la tiendrais. Si tu souhaite me retrouver là-bas. »

Puisse les Grands Esprits l'accordaient.

Tendrement, sa joue se pressa contre la sienne tandis que leurs cœurs pleuraient ce fils partit. Sadaka est le point culminant de leur relation, ce fils qu’elle lui avait donné et qu’ils avaient tous deux aimés avec tant d’ardeur. Leur voyage dans le Nord, terre natale du lion cendrée, demeurait l’un des plus souvenirs de la petite famille. Ils étaient si heureux et plongés dans leur bonheur qu’ils en avaient tout oublié du monde qui les entourait. Le retour à la réalité avait été brutal. Comme il lui manquait ce temps où Rono et elle parcouraient fièrement les Landes, aspirant à demain comme ils regrettaient déjà la veille.

Leurs regards échangèrent longuement et silencieusement, comme ils en avaient le secret. Finalement, Rono lui délivra ses confidences qui déposèrent sur le visage si serein de la reine un sourire éclatant. Ils étaient intrinsèquement liés. Elle plissa le regard d’émotion, lui confiant combien il était également essentiel à la sienne. L’éclat du jour déclinant reflétaient prudemment leur ombre qui s’accentuait chaque instant. Tant de chose à admirer et pourtant, le regard de la lionne ne quittait pas celui du lion. Voilà qu’il parlait de partir, d’un voyage sans retour. Son cœur se serra.

« Ne s’est-on pas toujours retrouvés ? Même dans les instants les plus sombres ? Dans cette plaine illuminée, je sais que je trouverai mon chemin jusqu’à toi. N’aie crainte. »

A ces mots, après un énième regard plein de passion, la lionne déposa tendrement sa tête contre les crins du lion cendrée et soupira, humant son odeur si familière et bienfaitrice.

« Nous demeurons éternellement aux côtés l’un de l’autre. C’est écrit. »

Pressant davantage son front contre le torse volumineux du mâle, Kuzali se dégagea presque à regret et l’observa avec tendresse. La reine avait toujours été porté vers les esprits et parmi ses croyances, elle croyait bien évidemment en ces âmes-sœurs qui se retrouvaient même dans l’au-delà. Leur chemin n’était pas fini, il ne le serait jamais et si les Grands Esprits n’étaient pas en accord avec cela, alors Kuzali se battrait inconditionnellement pour rejoindre son précieux ami car c’était à ses côtés qu’elle espérait trouver le repos éternel.

« C’est une belle pensée qui me permet de me préparer à ce qu’il adviendra. Savoir que je te reverrai, toi, Samekh, Uhucha, Sheru… Nous ne serons pas seuls, bien au contraire puisque nous retrouverons tous nos amis disparus. Par moment, je me hâte même à les rejoindre. Une impatience sordide qui me fait pourtant sourire. Nous reprendrons notre voyage à travers ces landes infinies, nous retrouverons ton père, Theluji… Notre aventure battra de nouveau de l’aile. »

Sa peine et son chagrin d’avoir perdu son mentor n’avaient jamais guéri et son cœur était marqué d’une plaie béante. Seule cette idée apaisait ses maux. Elle sourit délicatement à son ami, elle avait la conviction que rien ni personne ne pourrait les séparer.

Time fly by but memories never go

Kuzali

C’était vrai. Même quand le tonnerre avait frappé la terre et que le ciel était plus noir que le plumage d’un vautour, ils avaient réussis à se retrouver. Même si le monde s’écroulait demain, leur route se croiserait encore.

Même cette barrière invisible n’était que pure fantaisie à leurs yeux. Une chimère qui ne pourrait les entraver, ou bien un miracle qui leur permettrait de renouer avec le passé. Les craintes qui pesaient alors sur le cœur du lion s’évaporèrent, au même moment où la lionne dorée posa sa tête contre sa crinière.

Déposant tendrement son museau contre son pelage rayonnant, il se laissa bercer par ses doux mots. Comme le soleil chasse la neige aux frontières des montagnes blanches, la voix salvatrice de Kuzali lui permettrait d’obtenir un moment de paix, parmi toutes les interrogations qui tournaient infiniment dans son esprit.

Elle se détacha avec regrets et le mâle la laissa partir, sans pour autant détourner son regard d’elle. C’est d’une oreille attentive qu’il l’écouta à nouveau, ne prononçant pas un mot.

Revoir les proches qui les avaient quittés. Quelle vision précieuse... Elle avait raison. Si une part de lui redoutait plus que tout d’atteindre la fin du chemin dans ce monde, l’autre ne rêvait que de pouvoir se détacher de ces entraves mortelles et partir rejoindre ceux qui avaient laissés un vide derrière eux. Lukah, Sikma, Theluji, Héra...

Tous. Sans exceptions. Ils pourraient vivre éternellement et en paix, puisqu’il n’y aurait plus aucuns tourments, là-bas.

Doucement, il hocha la tête, un sourire s’étira tendrement aux coins de ses babines. Toutes leurs blessures allaient disparaître.

« J’en suis aussi certain désormais... »

Sa voix était douce et son ton empli d’espérance. Il ferma un instant les yeux, soupirant silencieusement l’air encore frais de la plaine ensoleillée.

« Il ne nous restera plus qu’à veiller sur la prochaine génération. »

Ses paupières se soulevaient de nouveau, cette fois qu’à demi, tandis qu’il pencha légèrement la tête d’un côté. N’était-ce pas ce que faisaient les esprits ? Ils accouraient quand leurs proches avaient besoin d’un guide.

Et il en ferait de même, pour tous ceux qui en auraient besoin.