Encore une journée ordinaire au paradis où l’ennui est ce qui semble le plus occuper les journées d’Ajjin. Décidément, il avait beau savoir qu’il partirait bientôt pour Prideland, ça ne l’empêchait pas de ne rien trouver de plus intéressant à faire que de tourner en rond. Encore. Il était de plus en plus difficile de traîner Jekhat dans ses escapades, celui-ci préférait tellement paresser dans les nids que ça en devenait lassant.

Quant à Heshima… Eh bien elle avait probablement mieux à faire ! Sa sœur savait comment s’occuper au moins. Et puis si Ajjin l’avait eu avec elle, ça n’aurait été que pour le surveiller. Ce n’était plus un bébé, il était devenu capable de mettre une patte devant l’autre sans se prendre dans une racine. C’est donc une journée où Ajjin s’enfoncerait encore un peu plus dans la jungle pour ne revenir que lorsque le jour serait entrain de décliner.

Marchant doucement, il observait tout. On ne sait jamais après tout ! Les prédateurs ça peut toujours sortir de nul part, vous attaquer d’un coup et BAM. Vous êtes morts. Enfin mis à part un singe, Ajjin ne savait pas trop sur quoi il pourrait tomber. Mais à mesure qu’il avançait, il ne se sentait plus du tout rassuré.

En fait, il se sentait suivi sans savoir pourquoi. Il n’y avait personne derrière lui, le nombre incalculable de fois où il s’était retourné le prouvait. Mais il avait cette désagréable sensation d’être observé et ça lui foutait la trouille. Ses oreilles se plaquaient un peu plus contre son crâne à chaque nouveau pas et pourtant la seule chose qui avait osé le toucher là tout de suite, c’est une large feuille. Frissonnant, le mâle brun s’arrêta et dit à voix haute mais tremblante :

« Vous pouvez sortir vous savez, je fais pas peur, je mords pas ! »

La bonne blague. Inutile de préciser que des deux, c’était juste Ajjin qui était mort de trouille et qui se demandait s’il devenait juste parano à force.

Si Ajjin savait bien que quelque chose clochait, ce qui se confirma d’ailleurs par la suite, il ne se serait jamais douté en revanche que ça serait… Un léopard. Ses oreilles se plaquèrent un peu plus contre son crâne et on pouvait lire dans ses yeux que le jeune adolescent n’était pas du tout rassuré par la situation. Le craquement des branches qui avait accompagné ses sauts rendait l’atmosphère encore plus pesante pour le lion.

« Bien sûr que tu es inoffensif, je n'en ai jamais douté petit. »

Mal à l’aise, l’adolescent brun lui offrit un léger sourire qui disparu presque instantanément. Pourquoi était-il parti seul déjà ? C’était évident qu’Ajjin ne ferait jamais de mal à une mouche, tout le terrifiait. En réalité, ce félin tacheté le mettait plus dans une position inconfortable que dans une réelle trouille absolue mais c’était pas important. En plus, c’était quoi ce sourire ? La situation était drôle ? Pas pour Ajjin. Il se racla d’ailleurs la gorge avant de parler d’une voix légère et probablement un peu tremblante :

« Je vous ai dérangé ? Je suis désolé, je voulais pas. »

Ajjin recula d’un pas, peut-être même deux en fait et s’asseyant, ramenant sa queue vers lui, de peur qu’on lui chipe, on ne sait jamais. Il toisait le léopard de long en large, sachant très bien ce qu’on racontait à propos des autres félins mais… Ce n’était pas le genre d’Ajjin de juger quelqu’un, pas vrai ? Pourtant lui… Lui, ce gros chat là, le perturbait grandement et le mositu ne demandait qu’à faire demi tour et rentrer chez lui mais quelque chose l’en empêchait et le bloquait sur place. Aussi le blanc de la conversation devenant pesant il posa la question la plus idiote du monde :

« Vous… Vous êtes un léopard, pas vrai ? »

Il se serait bien plaqué violemment la patte contre son visage mais bouger semblait être terriblement compliqué dans l’immédiat. Un petit rire nerveux le traversa. Bon sang ! Cet étranger ne lui avait rien fait…

« Pardon, c’était stupide... »

Un peu comme toi Ajjin.

Le jeune adolescent fronça les sourcils à la réplique du léopard. Bien que le lion ait admis que sa question était stupide, en rajouter une couche n’était pas nécessairement utile. Aussi la pique du félin tacheté vint vexer légèrement le Mositu qui se renfrogna. Il oscillait entre peur et début de colère et c’était un mélange qui le mettait terriblement mal à l’aise. Prenant une grande inspiration, il tenta de calmer ses nerfs bien que celle-ci fut saccadée.

« Tu ne m'as l'air bien faible petit... »

Les oreilles du mâle se redressèrent immédiatement et ses yeux surpris par la remarque fixèrent le léopard. Avait-il bien entendu ? Bien sûr qu’il avait bien entendu ce qu’avait dit ce félin. Un grondement sourd sorti de la poitrine de l’adolescent sans qu’il en ait véritable le contrôle dessus. Cherchait-il à appuyer là où ça fait mal ? C’était réussi. Ajjin se sentait de moins en moins en sécurité mais aussi de moins en moins capable de rester calme.

Mais voilà qu’il se mettait à lui tourner autour et la sensation que l’étau se resserrait de plus en plus était insupportable. La queue d’Ajjin fouettait l’air à plusieurs reprises sous la tension. Il cligna des yeux lorsqu’il finit par se retrouver nez à nez avec la bête. Oscillant toujours entre la terreur et la colère, le mâle ne s’était pas attendu à ce qui suivit :

« Tu sais, cette jungle est dangereuse pour quelqu'un comme toi, on y trouve toute sorte de prédateur qui, contrairement à moi, n'aurons pas la miséricorde nécessaire pour te laisser en vie... »

L’adolescent déglutit, il se recula d’ailleurs encore de quelques centimètres, la proximité était vraiment trop gênante et de plus, avec ce qu’il venait d’entendre, rester près de cette chose n’était pas une bonne idée. Il put d’ailleurs remarquer ses griffes sorties, ce qui acheva de peindre l’atmosphère. La mine mauvaise, Ajjin perdit patience :

« Ce sont des menaces ? »

Il gronda de nouveau, dévoilant légèrement ses crocs avant de finalement se raviser. Ajjin n’était pas comme ça, il n’était pas un combattant et ne le serait sans doute jamais. Aussi il enchaîna, tremblotant à cause du maelstrom d’émotions qui le traversait :

« Je suis chez moi ici. Je n’ai pas besoin de vous pour savoir qu’il y a des prédateurs ici. Et puisque c’est votre miséricorde que vous m’accordez, vous êtes bien loin d’en être un. »

Essayant de paraître le plus convaincant, il fit un pas en avant, rétablissant la proximité des deux félins avant de déclarer avec un aplomb surprenant malgré la peur qui lui tordait le ventre :

« Si vous essayiez de me faire peur, c’est raté. Je m’en vais. »

Toujours tentant de sauver les apparences, le lion brun commença à faire demi-tour, ignorant la réaction du léopard. Il avait menti, il l’avait terrorisé rien qu’avec des mots. Mais il ne serait pas éternellement cette lavette que tout le monde voyait en lui. Il devait commencer à se réveiller, même si l’idée même de devoir affronter ses peurs était terrifiante.

D’accord, la situation devenait terriblement gênante pour Ajjin. En fait c’était carrément la panique puisque le tacheté ne semblait pas vouloir le laisser s’en aller aussi facilement. L’adolescent eu un mouvement de recul lorsque ce dernier s’était avancé pour lui barrer la route. Il inspira longuement, tentant de retrouver un calme qui n’avait jamais existé.

« Tu pense que je ne suis pas un prédateur ?... Petit, j'ai bientôt sept ans et je vis dans cet jungle depuis le début, j'ai vu ton clan venir, ta naissance, celle de beaucoup d'entre vous... S'il y a une chose que tu ne peux te permettre de faire, c'est d’appeler cet endroit " chez toi", ce serait mentir. Cette jungle n'est pas ton chez toi, tu n'es pas non plus un lion reluisant de courage très cher. »

Une boule se forma dans la gorge d’Ajjin, tandis qu’il fronçait les sourcils en même temps. L’adolescent était piqué à vif et bouillonnait à l’intérieur. Ce cocktail entre peur panique et colère grandissante ne faisait pas bon ménage en lui et il le savait mais serait bientôt dans l’incapacité totale de contrôler le moindre de ses actes. Prenant un peu plus d’assurance qui n’avait sans doute pas lieu d’être, le Mositu gronda :

« Je ne suis peut-être pas un exemple de courage mais je continuerai à dire que cet endroit est ma maison ! Les Lamasus en ont décidé ainsi – je suis né ici, c’est chez moi ! »

Il ne s’en était pas rendu compte mais ses paroles étaient devenues rugissement. Le mâle débordait – c’était trop d’humiliation, plus qu’il ne pouvait en supporter. Les frasques de sa sœur, ce n’était rien à côté. Ce léopard n’avait pas le droit de sortir de nul part et de tout remettre en question à cause d’un simple ego mal placé. Quoi que, dans cette situation, on pouvait clairement se demander lequel des deux mâles avait la fierté beaucoup trop engagée…

« Je suis un prédateur petit, le pire que tu puisse trouver par ici, je vois et j’entends tout de cette jungle... Je suis partout, toi tu ne me vois pas, personne ne me vois jamais venir. Tu as beau jouer au lion fort et fier, tu reste un lionceau faible et pitoyable... Et je vais m'empresser de te prouver à quel point je suis un prédateur pour toi, très cher. »

Effronté, Ajjin savait qu’il ne pourrait pas gagner cette partie – pas tout seul en tout cas et il comptait bien sur l’odeur qu’il avait reconnu pour que cette dernière se manifeste très rapidement. Il priait intérieurement pour qu’Uhta se montre aussi vite qu’il le pourrait :

« Vous êtes peut-être un prédateur, peut-être même le pire. Mais vous, vous êtes tout seul. »

Spoiler:

Encore une journée parfaite dans ce paradis sur terre. La température était chaude et le calme berçait les animaux de Zawadi. On pouvait facilement entrevoir des rayons de soleil transperçaient la végétation pour venir s'écraser sur le sol ou sur ma fourrure sombre, la réchauffant et procurant une agréable sensation de bien-être. Mes aventures au sein de la jungle n'étaient pas des plus palpitantes, mais ce havre de paix nous permettait de souffler et de nous reposer comme bon nous semble, sans devoir se préoccuper de problèmes certains. Notre seule mission était de surveiller les frontières, chose que nous faisions à tour de rôle.

Je marchais d'un pas nonchalant, observant la végétation et les alentours pour découvrir de nouveaux paysages, des choses nouvelles qui m'auraient échappé depuis notre arrivée et qui pourrait à nouveau envelopper mon regard de beautés nouvelles. Néanmoins, à la place d'une vision, je pus sentir deux odeurs qui semblaient proches. L'une d'elle provenait d'un lion que je reconnus. La première provenait d'Ajjin, un jeune lion du clan. Quant à la deuxième, je peinais à mettre une tête sur celle-ci. Elle ne m'était pourtant pas inconnue.

M'approchant discrètement, je pus apercevoir le jeune lion face à un autre félin, un félin tacheté qui m'était familier. Étant de dos, je n'arrivais pas à savoir qui s'était. Je pris soigneusement le temps de reculer et de me mettre sur le côté pour voir son visage. Pas de doute possible, c'était bien Masbat, le léopard que j'avais rencontré par le passé. Que faisait-il ici et que voulait-il à Ajjin ? J'attendais quelques temps dans les broussailles, me camouflant et écoutant leur conversation. Cette dernière semblait se diriger vers une future confrontation entre les deux félins. Néanmoins, l'approche de Masbat vers le jeune mâle ne me laissa pas indifférent. J'imaginais mal Ajjin se battre, étant donné son caractère. Au moment où Masbat s'approcha au plus près du jeune lion, mes muscles, raides, se mirent à se détendre, me permettant de sauter à hauteur de Masbat, tout en poussant un rugissement contre le félin tacheté.

Je n'étais aucunement amateur de ce genre de situation, mais pour défendre un partenaire, c'était différent. Je pris une voix grave et peu amicale, alors que j'avais renversé le Léopard sur le dos.

-Retourne d'où tu viens. Tu m'avais dit que tu ne toucherais pas à notre clan. Alors que fais-tu ici à provoquer ce lion ?

Mon regard était sérieux et pénétrait celui de Masbat.

Spoiler:

Image par Yesta

" Vous êtes peut-être un prédateur, peut-être même le pire. Mais vous, vous êtes tout seul. "

Les derniers mots du jeune mositu que Masbat comptait vaincre aisément attisèrent sa curiosité, perplexe, le léopard redressa les oreilles en fronçant les sourcils. Il n'y avait personne ici, sur qui comptait donc l'adolescent ? Il était tout aussi seul que lui, cependant, le grand mâle prit tout de même le temps de humer l'air, ouvrant doucement la gueule sans quitter sa proie des yeux. Il sentit alors cette odeur. Trop tard.
Il se maudit intérieurement de n'avoir été d'avantage sur ses gardes comme il l'était d'ordinaire, il avait sauter un peu trop vite sur la facilité, pourtant il était expérimenté et plutôt malin.
Poussant un rugissement terrible, tel un coup de tonnerre, un lion adulte sortit des fourrés. Son corps brun écarlate où roulait une puissante musculature atterrit lourdement entre les deux félins, soulevant un léger nuage de poussière.
Le félin tacheté redressa le buste, reculant à demi, abaissant son bassin. Sa queue se gonfla sous la demi surprise et la soudaine crainte qui venait de mûrir dans son estomac. Le lion était bien plus grand et plus puissant que lui, si Masbat était agile et rapide, nul doute qu'Uhta pourrait tout de même le vaincre. Car oui, le lion aux yeux de braises était bien Uhta, Masbat avait d’ors et déjà conversé avec lui.
Il ne sait trop comment, Masbat se retrouva sur le dos, ses pattes arrièrent se dérobèrent et il tomba lourdement sur sa colonne vertébrale en grimaçant. Le ventre et la gorge en évidence, vulnérable, le léopard dont la lâcheté ne faisait plus aucun doute ramena ses pattes contre son poitrails, grimçant, craintif.

" Retourne d'où tu viens. Tu m'avais dit que tu ne toucherais pas à notre clan. Alors que fais-tu ici à provoquer ce lion ? "

Son regard de sang pénétra littéralement les billes d'ors du vieux léopard. Celui-ci sentait sa respiration s'accélérait, il devait rester calme, à tout prit... Alors, il poussa sur ses pattes arrière pour s'extirper un peu d'en dessous d'Uhta, glissant sur le dos. Puis il se força a afficher un sourire purement hypocrite.

" Voyons, tu me connais bien, jamais ne le l'aurais provoquer délibérément... Nous ne faisions que... Discuter ? N'est-ce pas petit ? D'autant plus que j'ignorais qu'il était des tiens ! "

Tout en parlant il joignit une gestuel qui se voulait calme, appuyant son propos, il pointa du museau l'adolescent, sa queue se repliant craintivement contre son corps. Masbat lâcha un rire nerveux, il se laissa basculer sur les flanc puis se le ventre, allongé, les oreilles plaquées contre son crâne. Il observa les moindres faits et gestes du grand mâle tout en se redressant avec une lenteur insoutenable, son sourire toujours rivés sur ses babines.

" Bien bien bien... Je pense qu'il est grand temps pour moi de tiré ma révérence, après tout, il est inutile que je m'attarde d'avantage... "

Mais il ne comptait pas partir sans laisser un jolie souvenir au mâle brun. S'il s'imaginait qu'il pouvait intervenir ainsi, gâchant la proie du léopard il avait tort ! Évidement, celui-ci jaugea d'abord ses chances d'en sortir sans une égratignure, sa survie comptait bien plus que tout. Puis, faisant mine de s'en aller, il frappa violemment le sol de sa patte griffue, envoyant dans les yeux du mâle musculeux une traînée épaisse de poussière. Il comptait l'aveugler.
Son sourire se déforma en quelque seconde, passant d'une fausse courtoisie à un sadisme pur, poussant un mugissement rageur il se dressa sur ses deux pattes, museau froncé et regard éclatant de haine, il abattit sa patte droite sur le visage du lion. Elle alla du front jusqu'aux babines en passant par les yeux, mais le léopard ne sut pas s'il avait réussit à le toucher. D'ailleurs, il s'en ficher pas mal à présent, car maintenant il devait fuir.
Dès que ses pattes avant touchèrent le sol, il fit volte-face en ricanant, commençant à courir vers la dense jungle.

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Jogoo grogne en #990000 !

Un grand soupir de soulagement frappa Ajjin quand il vit Uhta sortir des buissons. Il n’avait pas eu tort et avait bien senti la présence du lion. Comme quoi, le jeune Mositu n’était pas si incapable que ça. Ajjin se positionna bien derrière l’adulte, sachant pertinemment qu’il n’avait aucune chance de s’en sortir en un seul morceau le cas contraire.

« Retourne d'où tu viens. Tu m'avais dit que tu ne toucherais pas à notre clan. Alors que fais-tu ici à provoquer ce lion ? »

Hein ? Le jeune adolescent arqua un sourcil et une petite mine étonnée fit son apparition. Ils se connaissaient tous les deux ? Pourtant, Ajjin était certain de n’avoir jamais entendu parler d’un félin tacheté rodant dans les environs… Ou alors il n’avait pas fait attention ce qui au fond serait tellement probable.

« Voyons, tu me connais bien, jamais ne le l'aurais provoquer délibérément... Nous ne faisions que... Discuter ? N'est-ce pas petit ? D'autant plus que j'ignorais qu'il était des tiens ! »

Discuter ? Bien sûr ! Les sourcils froncés, les oreilles plaquées, Ajjin se retenait de ne pas le provoquer davantage. C’était la pire idée qu’il n’aurait jamais eu et maintenant qu’Uhta était là, inutile d’envenimer les choses. De plus il ne tenait pas tant que ça à être coupé en petits morceaux pour être jeté dans le Sheshayo.

Tirer sa révérence ? Quoi ? Ajjin ne s’attendait pas à un ce qu’un grand nuage de poussière suive cette dernière phrase et il ferma les yeux au contact de la terre et des petits gravillons. Il grogna et maugréa. Que ça faisait mal. Ses yeux lui brûlaient mais Uhta avait agit en parfait bouclier et il ne s’en plaignit que quelques secondes. Ouvrant les yeux il s’aperçu non seulement que le félin avait pris la fuite mais qu’Uhta était blessé.

Affolé il se précipita au devant de ce dernier et examina son visage. Une entaille partait du haut de son front pour traverser l’arcade sourcilière et s’échouer à la limite de ses babines. Paniqué, Ajjin piétinait le sol comme un enfant apeuré et ne cessait de répéter des excuses en boucle.

« Pardon pardon pardon Uhta, je suis vraiment désolé… Est-ce que ça va ? Dis… T’as pas trop mal, hein ? »

Il voyait bien le sang qui perlait sur la blessure et pourtant il priait de toute ses forces pour que ça ne soit pas si grave que ça. En fait il allait jusqu’à espérer que la blessure de ce fauve n’est pas altéré la vision du Mositu. Ajjin était tellement paniqué qu’il ne se rendit pas compte qu’il en pleurait presque.

Absolument pas rassuré par la situation, le jeune adolescent fouettait activement l’air de sa queue et cessait de bouger la tête dans tous les sens pour examiner Uhta sous toutes les coutures. La plaie était quand même assez large et saignait assez pour qu’Ajjin culpabilise et ce malgré les dires du lion en face de lui.

Il hocha cependant la tête – oui, ça aurait pu être bien pire, ils auraient pu être gravement blessé tous les deux ou bien si Uhta n’était pas intervenu, Ajjin serait déjà à même le sol dans son propre sang. Il ne faisait pas bon d’être un Mositu… Mais il s’empressa de rassurer son aîné en tournant sur lui même pour qu’il constate :

« Non. Regarde, je n’ai rien. Et c’est grâce à toi ! »

Il aurait voulu le remercier avec plus de mots mais l’inquiétude se lisait toujours sur le visage de l’adolescent qui ne voyait pas comment venir en aide à Uhta. Il se sentait faible et inutile. Il pensait aussi aux nombreux reproches qui découleraient de cette mésaventure et voyait déjà sa sœur lui faire un sermon. Il en soupirait d’avance, il n’avait vraiment pas besoin de ça, mais allez le faire comprendre à Heshima. Il fut vite sorti de ses pensées troublées :

« Tu devrais être vigilant, ce léopard ne nous veut pas du bien. »
« Je ne pensais pas qu’il serait si agressif… »

Mais tu l’as provoqué, n’est-ce pas, Ajjin ? Oui. Il l’avait provoqué mais au début il aurait bien aimé s’enfuir en courant, ne laissant que derrière lui l’image d’un animal légèrement menaçant. Maintenant il en avait une vision presque cauchemardesque. Il chassa la petite voix qui résonnait dans sa tête et reporta son attention sur le grand mâle :

« Je suis désolé Uhta… C’est ma faute si t’es blessé. »

Et on ne manquerait pas de le lui rappeler. Cependant il secoua la tête, bien décidé à aider Uhta à regagner le clan et soigner sa blessure. Il se posa contre son flanc et intima le lion à s’appuyer sur lui si nécessaire :

« Viens, il faut qu’on rentre pour soigner tout ça. »

Spoiler: