Comme toujours pendant les dures périodes de sécheresses, le Clan errait d'un bout à l'autre du Désert, cherchant sans cesse un nouvel endroit où se reposer, quelques jours durant, avant de reprendre la marche. Cette fois, c'était non loin des frontières que les Jangowas s'étaient arrêtés, ayant trouvé un point d'eau non loin du Mur de Roche. Jalan profitait de l'occasion pour observer ce gigantesque édifice de la nature, aussi massif et impressionnant qu'il se l'était imaginé. Sa mère lui avait expliqué que par delà ce mur se trouvait le reste de la Terre des Lions, et notamment le Royaume de Freeland. Le lionceau ne savait que bien peu de choses sur ces territoires étrangers, et cela ne l'intéressait pas vraiment. Enfin, l'idée de voir des paysages différents était plutôt intrigante, mais, au delà du Désert, il y avait surtout des lions qui n'étaient pas des Jangowas, et ces lions, Jalan les méprisait. Shehk lui avait parlé des autres tribus, dans lesquelles leurs semblables vivaient, dans la mollesse et la nonchalance. Ils étaient faibles, et ridicule. On racontait que, quelques années en arrière, un minuscule groupe de lions noirs, les Nyeusis, avaient réussi à renverser le si célèbre royaume de Prideland ! Comment un si petit nombre de félin avait-il réussi à conduire un si grand nombre à sa perte ? C'était pitoyable !

Le lionceau ricana tout en continuant son observation du Mur. Les Pridelanders, quel Clan pathétique. Ils se croyaient sans doute bien à l'abri, dans leur terre soit disant bien fertile, mais dès qu'un puissant ennemi apparaissait, il se faisait balayer comme un grain de sable par le vent. Les Jangowas vivaient à la dure, entre les dunes, mangeaient de maigres proies et devaient sans arrêt changer de camp, mais ils étaient puissants, imbattables, courageux, loyaux. Personne n'avait jamais vaincu les Jangowas, personne n'avait jamais réussi à s'opposer à eux. Les Mositus avaient essayés, et ils avaient été rayé de la carte. Aujourd'hui, on ne gardait d'eux qu'un sinistre souvenir, que le Jardin des Os se chargeait d'éveiller, de temps à autre. Mais, malgré la faiblesse des autres Clans, il y avait quelque chose de fascinant dans ce mur. Était-il réellement infranchissable comme on le disait tant ? Jalan ne pensait pas que quelque chose lui fut impossible, mais il devait reconnaître qu'il était pris d'un certain vertige lorsqu'il levait les yeux vers le sommet. Il avait beau être brave, il ne tenterait pas l'expérience de l'escalader, il ne voulait pas se rompre le cou ! Heureusement que Wivu n'était pas dans les parages, son rival se serait fait une joie de l'inciter à relever le défi.

Le jeune mâle haussa les épaules et se détourna du Mur de Roche. Son observation commençait à l'ennuyer, il avait besoin d'action. Il chercha du regard quelqu'un à ennuyer, fidèle à ses habitudes, mais, déçu, ne trouva pas le visage familier de Kaya. Ses prunelles de sang s'arrêtèrent cependant sur une silhouette connue : Sayed, le cousin d'Aberash. Jalan n'avait jamais eu de grandes occasions de palabrer avec le lionceau grassouillet, mais il savait que son mauvais caractère était légendaire. Lui parler était-il une bonne idée ? Une fois de plus, Jalan haussa les épaules. Et pourquoi pas ? Mieux valait être mal accompagné que seul, pas vrai ? Le jeune mâle s'approcha donc, n'essayant même pas former un faux sourire sur son visage. A quoi bon ?

- Hep Sayed. L’interpella-t-il. Sale journée pas vrai ? On s'emmerde comme des fennecs morts. Mais ne t'inquiète pas, je viens illuminer ta journée !

Il conclue sa tirade en posant ses fesses à côtés de son camarade boudiné. Il avait fait parti des lionceaux à s'être moqué de lui pour ses formes - mais en même temps s'il mangeait moins, il ne serait pas si gras ! - mais depuis qu'il traînait avec Aberash, il avait cessé les remarques blessantes. Peut-être, avec un petit effort, pourrait-il devenir ami avec Sayed ? Bon, d'accord, un gros effort.

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Comme il fallait s'y attendre, le lionceau rondelet ne lui accorda pas un regard et garda le visage fermé. Décidément, il fallait s'accrocher pour vouloir être ami avec cette tête à claque ! Mais Jalan était connu pour sa détermination, et il pouvait se montrer très têtu lorsqu'il le voulait. Lors de ses premières discussions avec Kaya, cette dernière avait failli l'étrangler à plusieurs reprises tant il était agaçant, mais elle avait fini par le trouver sympathique. A présent, c'était à lui de faire un effort pour supporter le pénible caractère de Sayed. Difficile, dites vous ? Mais pas impossible !

- Le soleil s'en est déjà chargé, tu peux te tirer. Non, tu sais quoi ? Je vais t'épargner cette peine, c'est moi qui me casse.

Le lionceau leva les yeux au ciel et regarda le mâle potelé s'éloigner. Il compta dans son esprit, et lorsqu'il arriva à trois, Sayed s'effondra au sol, visiblement incapable d'aller plus loin. Jalan poussa un soupir et le rejoignit, à pas tranquille. Son camarade avait commencé à grogner dans sa barbe, parlant visiblement d'Abe. En effet, ce dernier était introuvable aujourd'hui, et c'était bien dommage ! Son empâté de cousin était bien plus supportable lorsqu'il était là. Enfin, il allait falloir faire sans, pour le moment. Jalan ne voulait pas rester tout seul, et encore moins retourner vers ses parents. Il allait devoir se satisfaire de la compagnie du ronchon de service. Arrivé jusqu'à lui, Jalan se hissa sur ses pattes arrière et secoua le lionceau à l'aide de ses pattes avant.

- Aller, remue toi, par le Désert ! Tu vas pas rester là à baver dans le sable toute la journée, non ? T'es un Jangowas ou une pauvre crevure de Mositus desséché ?

Le petit félin arrêta de malmener son nouvel "ami" et se plaça devant lui, le regardant d'un air sévère. Sayed était plus massif que lui, il pouvait jouer les gros bras, mais ce n'était pas en restant étalé comme ça qu'il allait impressionner qui que ce soit. Jalan n'était pas une montagne, mais il courait vite ! Pris d'une idée soudaine, le lionceau déclara :

- Bon, si tu ne veux pas venir, je vais chercher Aberash tout seul alors. Dommage pour toi, je pensais m'arrêter en chemin pour trouver quelque chose à grignoter...

Jalan fit ensuite mine de s'éloigner, après avoir haussé les épaules pour mimer la déception. Pourquoi s'acharnait-t-il avec celui que tous surnommait "Bouboule" ? Peut-être pour se faire pardonner de toutes les fois où il s'était moqué de lui. Ou juste pour ne pas rester seul et passer pour un pauvre naze. Oui, c'était sûrement pour ça.

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Lorsque Jalan secoua son camarade, ce dernier s'agita avec colère, n'appréciant visiblement pas d'être bousculé. Le gros lionceau se redressa même sur ses pattes et menaça l'autre furieusement. Il avait vraiment un sale caractère ! Le jeune mâle aux yeux sombres ne parvint pas à masquer son sourire devant l'agressivité de Sayed. Il savait que le cousin d'Abe était connu pour être vif dans ses réactions, mais Jalan avait réellement du mal à l'imaginer se battre. Il était constamment en train de dormir, de manger, ou de râler. Quand les autres enfants s'entraînaient à la bagarre, lui avait pris l'habitude de les regarder en grognant. Ce n'était pas comme ça qu'il allait devenir le meilleur ! Pourtant, son mouvement de patte semblait indiquer qu'il était prêt à frapper son interlocuteur, ce qui n'inquiétait pas grandement Jalan.

Le plan de ce dernier ne fonctionna qu'à moitié. Sayed avait réagit, et s'était d'ailleurs immobilisé dans son geste, en fronçant les sourcils. Jalan songea qu'à force de faire la tête, les yeux du mâle allait finir par complètement disparaître, mais tâcha de garder ses pensées pour lui. Ce fut lorsque le sujet de la nourriture fut aborder que le plus massif sembla réellement se calmer, comme interloqué.

- Pourquoi tu demandes pas à ta pote " La femelle qui la ferme jamais " de chasser pour m-.. toi ? C'est aux femelles d'aller chasser, pas à m-... nous.

Ce fut au tour de Jalan de froncer les sourcils. La mentalité des Jangowas était effectivement ainsi : au sein d'une famille, c'était la lionne qui ramenait le gibier pour son compagnon et ses enfants. Les mâles célibataires chassaient pour eux-même, cependant. Pour l'heure, Jalan se considérait comme un mâle célibataire, même si techniquement, c'était sa mère qui lui apportait sa pitance, mais elle lui avait montré comment attraper de petits rongeurs, et il devenait de plus en plus indépendant. De plus, il se doutait que son interlocuteur parlait de Kaya, il ne l'appréciait visiblement pas énormément, et cela agaça le petit félin. Il répondit donc, d'une voix sèche :

- Je suis pas un assisté ! Et puis, quand on sera en exil, personne ne chassera pour nous. On devra se débrouiller tout seul, alors autant s'entraîner maintenant ! Je refuse de mourir de faim parce que je serai devenu trop stupide pour attraper ma propre nourriture.

Le lionceau se rendit compte qu'il avait peut-être été un peu dur. Sayed ne survivrait peut-être pas à l'exil, il n'était pas taillé pour la survie. Jalan était mince et agile, il pouvait survivre en mangeant peu et ne s'en plaindrait pas. Mais qu'en était-il de l'autre ? Peut-être aurait-il du se réjouir que l'insupportable cousin d'Abe ne revienne jamais, mais...

- Je connais une super planque à suricate. Je pourrai te la montrer, si tu veux.

Evidemment, le lionceau boudiné allait probablement l'envoyer balader, une fois de plus. Jalan n'aurait alors plus qu'à partir à la recherche des autres, tout seul, en laissant Sayed derrière lui. On ne pourrait pas lui reprocher de ne pas avoir essayé !

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Alors que Jalan essayait de transmettre une idée essentielle, selon lui, à Sayed, ce dernier leva les yeux au ciel. Le petit mâle comprit bien vite que son corpulent camarade n'écoutait pas un traître mot de ce qu'il disait, et cela l'agaça. Il n'y avait décidément rien de sympathique chez lui ! Une fois encore, Jalan se demanda comment Abe faisait pour trouver son cousin agréable au quotidien, car lui n'y arriverait clairement pas. Peut-être avait-il des bons côtés, mais il n'était pas décidé à les dévoiler, pas avec lui en tous cas. Il maintint cependant sa proposition et ne fut pas surpris de la réponse.

- Je sais bien que tu restes avec moi parce que tu n'as pas d'autres choix, pas la peine en plus d'être hypocrite, espèce de chiard !

Baissant les oreilles, les yeux brillant soudainement de colère, le jeune mâle montra les crocs devant l'agressivité de son congénère. Jalan détestait qu'on l'insulte, et le comportement de Sayed l'exaspérait. Pourquoi essayait-il vainement d'être gentil ? Il aurait mieux fait de rester dans son coin et de s'ennuyer, plutôt que de se coltiner ce poids mort. Refusant de laisser éclater sa colère, le lionceau se contenta de tourner la tête, et commença à s'éloigner du gros félin, lorsque celui-ci ajouta :

- Maiiiis.... Je vais être bon prince et faire ma bonne action de l'année.

Surpris par ce revirement, Jalan s'immobilisa et regarda Sayed avec étonnement et perplexité. Pourquoi se décidait-il à l'accompagner, alors qu'il n'avait clairement pas envie d'être avec lui ? Peut-être Sayed se posait-il les mêmes questions à son propos, en fin de compte. Les deux lionceaux n'étaient finalement pas si différent, ils étaient juste trop têtu et rancunier pour le reconnaître. Il regarda donc le mâle potelé prendre les devants, une petite expression satisfaite sur son museau.

- T'bouges ou quoi le Chiard ?! s'écria-t-il avec humeur.

Une fois encore, s'alluma dans les prunelles rouge du petit lion une étincelle que l'on ne voyait que dans le regard des Jangowas. Cette étincelle de colère et d'indignation, de refus d'être insulté et de l'accepter sans rien, de ne jamais laisser son honneur être ainsi bafoué. Cette fois, ce n'était pas un incendie dévastateur qui animait Jalan, mais plutôt un vent glacé tout droit venu du Royaume du Nord. D'un pas lourd, il s'approcha de Sayed et lui cracha, dans un murmure :

- Appelle moi encore comme ça et je te jure que plus personne n'entendra parler de toi, comme ta foutue mère.

C'était bas, de rappeler à son interlocuteur que sa génitrice avait disparu - ou l'avait-elle abandonné ? - mais Jalan n'en avait cure. Il se détourna de son camarade et prit les devants, car après tout, c'était lui qui connaissait le chemin. La planque n'était pas très loin de toute manière, il ne faudrait que quelques minutes aux enfants pour l'atteindre.

- Maintenant suis moi, et ferme ta gueule. Je suis sympa, mais ma pitié a des limites.

Pour la première fois, mais sûrement pas la dernière, Jalan se sentait complètement Jangowas. Il avait entendu son père agir de la sorte à bien des reprises, et sa mère avait également ce ton sec et autoritaire. En vérité, tous les membres du Clan parlait ainsi, dès lors qu'ils atteignait un certain âge, l'âge où l'enfant réalisait qu'il ne se laisserait jamais malmener ou dominer par qui que ce soit. Cela variait, pour les uns et pour les autres, mais pour Jalan, cet âge, c'était maintenant.

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Evidemment, Sayed n'apprécia pas le moins du monde que Jalan lui parle ainsi, et offrit un visage surpris, puis outré. Jalan n'avait, cette fois, que faire des états d'âme du gros lionceau, il était bien trop remonté. Les deux enfants se tinrent tête durant une fraction de seconde, puis le plus épais cracha :

- Bouffe ta pitié et casse-toi!

Le petit lion feula en regardant son camarade s'éloigner. C'est ça, retourne donc tous seul comme le pauvre naze que t'es ! Tocard ! Pensa Jalan en le regardant se diriger vers son coin d'ombre. Il s'apprêta à tourner les talons pour vaquer à ses propres occupations, lorsqu'il remarqua qu'une silhouette avait élu domicile là où Sayed se tenait quelques instants plus tôt. Intrigué, Jalan plissa les yeux ? Cela ne ressemblait pas un lion, mais qu'était-ce donc ? Une sorte d'antilope ? Cela y ressemblait fortement en tous cas, avec son corps de bovidé, ses sabots et ses longues cornes. Sayed poussa aussitôt un cri, absolument scandalisé de s'être fait piquer sa place.

Ses hurlements, dont Jalan ne comprenait pas le sens, semblèrent agacer l'addax, qui venait de lui souffler dans le museau, et se redressait, d'un air soudainement plus menacé. Le lionceau potelé faisait tout d'un coup bien moins le malin, et Jalan ne pu retenir un ricanement. Pour lui, qui suivait la scène au loin, tout cela était hilarant. Il ria de plus belle lorsque l'antilope tenta de frapper Sayed, mais s'arrêta bien vite lorsqu'il compris que le danger était bien réelle. Il poussa un cri, de terreur cette fois, et commença à courir pour échapper aux cornes de son nouvel ennemi. L'addax courait cependant très vite, bien trop vite.

Sans réfléchir - Jalan ne saurait jamais expliquer son geste ce jour-là - le jeune mâle s'élança vers l'antilope, une puissante détermination dans les tripes. Par le Désert, il ne laisserait pas Sayed se faire empaler sous ses yeux ! Il pris son élan sur une dune qui surplombait la scène et bondit sur l'animal, s'agrippant à l'une de ses cornes. Aussitôt, l'addax s'immobilisa et agita la tête pour se débarrasser de l'intrus, qui hurlait :

- COURS SAYED, COURS ! VITE !

L'antilope braillait également, dans un langage incompréhensible aux oreilles du lionceau, qui se tenait toujours fermement à la corne. Il ignorait combien de temps il tiendrait et surtout, que ferait-il lorsqu'il devrait lâcher prise. Mais pourquoi j'ai fais ça bordel ?! Meeeeeeerde ! hurla-t-il en son fort intérieur. Ses yeux se mirent à chercher une solution, mais son estomac lui criait de descendre immédiatement, au risque de rendre tout ce qu'il avait englouti au cours de ces dernières heures. La situation était absolument catastrophique.

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Jalan, perché sur l'addax, se tenant à l'une de ses cornes avec ses pattes, était persuadé que Sayed s'enfuirait sans attendre un instant profitant de la diversion parfaite qu'il offrait. C'était cependant sans compter sur l'obstination très caractéristique des Jangowas, qui animait visiblement le petit grassouillet avec beaucoup d'ardeur. Ainsi, au lieu de tourner les talons et décamper, Sayed fonça droit sur l'antilope en braillant.

- Fuir ?! Jamais! Ce truc a osé défié mon autorité!

Le petit mâle aux yeux sombres se demanda quelle mouche avait piqué son camarade, puis songea qu'il avait de la chance qu'il reste l'aider. Seul, il ne faisait pas le poids contre l'herbivore, qui continuait de bouger la tête avec force, tout en tapant dans le sable de ses sabots. Jalan ignorait toujours comment cette situation aboutirait si personne ne venait à leur secours, et les pires scénarios se dessinaient dans son esprit. Finirait-il écrabouiller par la masse de cet animal affreux, sans aucun espoir d'en sortir vivant ? Il en était hors de question ! Il devait partir en exil et revenir en héros, c'était son destin !

- Tu vas mourir, saleté de machin à cornes! hurla Sayed en s'attaquant à la cuisse de l'addax.

Jalan ne pouvait que respecter le courage du mâle rondouillard, mais il n'était pas sûr de l'efficacité de son action. L'antilope avait désormais deux moucherons à écarter, ce qui semblait grandement l'agacer. Elle ne mettrait de toute manière guère de temps à se débarrasser des lionceaux, et sembla avoir une idée pour accélérer le processus. La bête bondit, envoyant Jalan valser dans les airs, en poussant un cri de terreur. C'était fini. Il allait s'écrouler par terre, percuté un rocher, et mourir, le crâne fendu en deux. Voilà. Il n'avait qu'à faire ses prières.

Et pourtant, cela ne se produisit pas. Le lionceau avait fermé les yeux, refusant de voir la mort arriver, hurlant à plein poumons, lorsque sa respiration fut brutalement coupée. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un, venait de le saisir au vol. Une fois au sol, tremblant, Jalan reconnu sans mal la carrure de son père, Shehk, qui venait à leur secours. Le grand mâle n'attendit pas un instant et bondit vers l'addax, en poussant un rugissement féroce, ce qui eu immédiatement l'effet escompté. L'antilope s'immobilisa, terrifiée, laissant à Sayed le temps de se détacher et de se mettre à l'abri, puis décampa, sans demander son reste.

Shehk ne profita pas de sa victoire. Il se tourna vers son fils, et lui offrit un regard sévère.

- Peux-tu m'expliquer à quoi tu jouais ? Ne t'avons-nous donc rien appris ? gronda-t-il avec fureur.

Le petit mâle sentit ses oreilles se baisser aussitôt. Il coula un regard vers Sayed, se demandant si ce dernier interviendrait, puis garda son regard rivé sur ses pattes. Il devait néanmoins se défendre, pas question de passer pour un idiot ou un trouillard ! Reprenant un peu d'assurance, il s'écria :

- C'est que... C'est lui qui nous a attaqué ! On devait bien se défendre !

Shehk poussa un grognement, incitant son fils à garder le silence. Malgré sa colère, il était plutôt fier de l'attitude téméraire de Jalan, digne d'un vrai Jangowas. Le jeune mâle allait cependant devoir apprendre à jauger ses ennemis, car s'attaquer à plus fort que soi n'était pas du courage, mais de la stupidité. C'était une leçon qu'il apprendrait à ses dépends, durant l'exil.

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Alors que Jalan sentait le regard froid de son père peser sur lui, il fut surpris de constater que Sayed gardait le silence. Le jeune lion avait cessé de regarder ses pattes pour se confronter à son géniteur, mais les prunelles sombres et froides de ce dernier l'obligèrent bien vite à détourner le regard. Il entendit soudain un bruit sourd, et tourna instinctivement la tête vers son camarade de Clan, qui venait de tourner de l’œil. Jalan eu un hoquet de stupeur, s'attendant à voir une flaque de sang apparaître. Il n'en fut rien. Sayed n'avait pas été blessé par l'addax, sans doute était-il seulement assommé. Le petit mâle interrogea son père du regard, ne sachant pas trop comment gérer cette étrange situation. Shehk paraissait plutôt agacé, et poussa un soupir méprisant. Puis, il secoua la tête et ne prêta plus attention au gros lionceau. Il déclara, d'un ton sec, en regardant en direction du reste du Clan, qui était rassemblé un peu plus loin.

- Réveille ton incapable d'ami, on va le ramener à Majya. Elle va devoir apprendre à son neveu à garder contenance.

Guère ravi d'avoir l'ingrate tâche, le félin aux yeux rouges ne voulu pas contredire son père, et s'approcha de Sayed. Il se pencha au-dessus de lui, se demandant pourquoi il était tombé dans les pommes. Certes, Jalan s'était senti assez nauséeux lorsqu'il s'était fait brutalement ballotté par l'antilope, mais pas au point de s'évanouir... Comment le lionceau rondouillard allait-il faire, pendant l'exil ? Il ne survivrait même pas trois jours ! Quelle mort ridicule, dévoré par les vautours, à cause d'un malaise dû à la chaleur... Retenant le rire qui lui montait à la gorge, Jalan appela :

- Sayed ? Sayed ! Debout !

Tout en criant, le jeune mâle donna à son comparse plusieurs coup de patte dans les côtes, puis dans le visage. D'abord hésitant, il y alla plus franchement en constatant le manque de réussite. Il frappa férocement sa joue puis son flan, bien content de pouvoir se venger de l'attitude mauvaise de Sayed en le malmenant à son tour. Lorsqu'il le sentit proche du réveil, il s'écarta rapidement pour éviter la riposte, et déclara d'un ton narquois :

- Aller gros bébé, on va te ramener à ta tante.

Shehk leva les yeux au ciel, mais n'intervint pas. Intérieurement, il était satisfait de voir son fils agir de la sorte, comme lui-même s'était comporté lorsqu'il avait son âge. Il savait que les deux mâles partiraient en exil très bientôt, ils devaient être prêt et pour cela, un peu de compétition ne faisait pas de mal.



[Je pense qu'on va pouvoir conclure, à moins que tu ai encore des choses à ajouter !]

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