La journée était désormais bien entamée, et Inuwa atteindrait bientôt ce qu'elle cherchait à voir depuis longtemps.

"Fais attention à toi." lui avait dit son père plus tôt dans la matinée. Il n'était pas le plus réjouit à l'idée que sa fille parte seule en escapade à l'autre bout du territoire. Et pourtant, ce n'est pas non plus sa mère qui l'en dissuada, elle même qui avait su quitter sa propre terre pour venir jusqu'ici au Rocher. Cela avait un côté rassurant de voir qu'il y avait un début à toutes les découvertes, et que les lionceaux n'étaient presque plus dépendants de leurs parents.

Inuwa l'avait bien compris depuis le début. Elle qui avait toujours été un peu plus débrouillarde que le restant de se fratrie, elle éprouvait régulièrement le besoin de se faufiler hors du nid pour explorer les alentours et voir du pays. Rester au même endroit lui était tout bonnement impossible. Et cette expédition - quoique courte -, allait signé pour elle le début d'une grande aventure. Du moins, elle l'espérait.

Son voyage s'était relativement passé sans encombres et les exercices de camouflage institués par Kina lui avait été d'une grande aide pour éviter la harde de rhinos. Elle devait néanmoins toujours fournir un effort supplémentaire pour se fondre dans le décor avec une toison aussi sombre; bien qu'il fallait avouer que cela pouvait être un certain atout à une heure tardive de la journée, les reflets se faisant beaucoup moins visibles sur son pelage chocolat.

Sans ca, la seule de chose de malheureux qui lui soit tombé dessus n'est autre qu'une écharde récupérée au coussinet droit. Ainsi donc connait-elle désormais le fléau des troncs d'arbres désséchés, pour lesquels elle a eu la chance de n'avoir mis que ses pattes.

Heureusement pour elle, le trajet touchait bientôt à sa fin ; Un immense arbre touchant le ciel semblait tout surplomber autour de lui. Il était aussi large qu'une bonne quinzaine d'éléphants rangés les uns à côté des autres, si bien que la jeune lionne n'en croyait pas ses yeux.

-"Mais comment est-ce possible ?..." Se murmura-t-elle.

Claudiquante, elle avanca doucement mais sûrement vers cet énorme mastodonte du règne végétal si bien qu'il devenait de plus en plus gigantesque à vue d'oeil. Une fois à quelques mêtres de son pied - si tant est que cela en soit un - , la lionne chocolat ne put qu'encore plus constater sa grandeur, dans un "Woooouuuaaaaaaaaah" d'émerveillement.

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Encore une journée terriblement grisante pour le Mositu. Décidément il commençait à en avoir assez de paresser toute la journée, à attendre que quelque chose de fantastique se produise pour enfin déployer toute son énergie. Sérieusement, on aurait dit un clone de Jekhat ! Alors encore une fois il était retourné au Grand Baobab. Après tout c’était le seul endroit où il était certain de rencontrer quelqu’un qu’il ne connaissait pas et pouvoir se faire un nouvel ami ! Oui oui, la notion d’ennemi étant inexistante chez Ajjin, il n’y avait qu’une seule possibilité. Enfin… Non. Non, ce n’était pas son ennemi, juste une source de peur considérable. Oui, voilà ce que représentait ce lion à crinière noire.

« Woooouuuaaaaaaaaah »

Hm ? Ajjin était occupé à tourner autour du Baobab, encore et toujours et pourtant il était sûr et certain d’avoir entendu une voix. Se dirigeant vers la source du bruit, il s’arrêta nette quand il aperçut la responsable. Il fronça des sourcils en s’avançant. Ce n’était pas possible, il n’était pas aussi aveugle quand même ! Il l’aurait vu, remarqué, abordé ! Fait un truc quoi ! Sans s’en rendre compte il s’était considérablement rapproché d’elle. Elle devait avoir son âge, pelage brun principalement et sinon crème. Il lui tourna une fois, deux fois, trois fois autour avant de poser ses fesses sur le sol et de l’observait.

Comme si la foudre venait de le frapper il se rendit compte de son impolitesse et sa maladresse envers celle lionne. Décidément trop curieux il bafouilla des excuses en tentant de se justifier :

« Pardon, je suis vraiment désolé, j’ai cru que tu étais une Mositu… Tu viens pas de mon clan pas vrai ? Je t’aurai vu quand même… Dis moi que je t’ai pas ignoré ! »

Un jour, Ajjin se ferait à l’idée que tous les lions ne viennent pas de la jungle. Non mais il fallait bien avouer que la confusion était compréhensible. Mais elle ne portait pas l’odeur des arbres, de la mousse, des buissons, tout ça… Non, tout ça n’était pas imprégné sur son pelage. Mais ça ne lui était pas inconnu ! Il bafouilla encore :

« Je… Excuse moi vraiment… Je m’appelle Ajjin ! Tu viens d’où, dis moi ? »

Impoli encore une fois, mais ça le perturbait tellement qu’il n’avait même pas fait attention. Aussi il tenta de se rattraper tant bien que mal :

« Moi je viens de la jungle. Je suis gentil je t’assure, je suis encore désolé d’avoir déboulé comme ça et de t’avoir tourné autour, c’était impoli, désolé. »

Cette extase devant cet arbre si grand et si gros avait complètement déraillé l'attention de la jeune lionne. Si bien qu'elle ne remarqua l'intru qu'une fois qu'il fut presque à lui marcher sur les pattes.

Hein ? Mais qu'est-ce qu'il fait ? D'où il sort comme ca ? Pensa-t-elle, figée sur place, les oreilles rabattues, lorsque l'animal se mis à lui tourner autour. Cette situation était si inattendue qu'elle même ne savait pas comment réagir, et son expression du visage se partageait entre étonnement et vigilance.

-"Mais ca va pas la tête ?..." Osa-t-elle, d'une voix intimidée. Ne sachant où se mettre, ni quoi faire, et comment réagir, Inuwa ne pu que constater et mesurer la carrure de l'individu d'un bref coup d'oeil : Bien proportionné pour son âge. Et c'était déjà un critère de trop face à un petit morceau comme elle si jamais cela venait à tourner au vinaigre.
« Pardon, je suis vraiment désolé, j’ai cru que tu étais une Mositu… Tu viens pas de mon clan pas vrai ? Je t’aurai vu quand même… Dis moi que je t’ai pas ignoré ! »

Une Mositu ? Vraiment ? Cette phrase traversa son esprit tel un éclair si bien que son masque de pauvre gamine trouillarde tomba aussi vite. Laissant place à de la curiosité bien plus qu'une quelconque réserve vis-à-vis du total inconnu qu'il représentait. Faut dire que depuis qu'il avait relevé la tête, et ouvert sa bouche, pas la moindre once de méchanceté ne semblait pouvoir nicher dans son âme. Comme infertile, de telle sorte qu'aucune cruauté ne pouvait y grandir.

Cela donnait un côté mignon à la chose, et sa maladresse en était certainement la preuve : Lui même se sentait responsable d'un comportement qu'au fond il n'avait pas vraiment voulu, ou plutôt que son propre corps avait décidé pour lui.

« Je… Excuse moi vraiment… Je m’appelle Ajjin ! Tu viens d’où, dis moi ? »

-"C'est pas grave, "Ajj..." Avait-t-elle tenter de répondre. Du moins, elle avait bien tenté d'en placer une à chaque fois. Mais la nature trop agitée de ce "Ajjin" prenait beaucoup le dessus. Si bien qu'elle n'avait encore rien dit depuis le début.

« Moi je viens de la jungle. Je suis gentil je t’assure, je suis encore désolé d’avoir déboulé comme ça et de t’avoir tourné autour, c’était impoli, désolé. »

Soudainement, le mot "jungle" semblait sonner comme une révélation aux oreilles de la jeune Pridelander. C'était une évidence, mais le rapprochement n'avait visiblement pas été immédiat dans sa tête.

-"Ooooh ! Vraiment ? De la vrai jungle ? Mais... Vous êtes vraiment sûr ?!" Lui lança-t-elle alors, un peu bêtement. Mais cette réalité était tellement inespérée qu'Inuwa elle-même avait du mal à y croire. C'est avec des yeux grands ouverts et pétillants qu'elle détaillait le jeune mâle du regard, pour constater de sa propre personne la vérité indéniable, mais incroyable.

-"C'est pas possible... Dîtes-moi que je rêve. Oui ! Ce doit être ca !"

Un rêve, ou un premier pas vers la découverte. Elle qui souhaitait plus que tout un jour rencontrer ses grands-parents maternels et leur vie, elle avait devant elle un échantillon du groupe représentant des Mositus. Autre que sa propre mère, bien entendu. Et ca, c'était extraordinaire.

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D’accord… C’était pas prévu qu’il éclate de rire là maintenant tout de suite mais la question de la lionne le laissa tellement perplexe qu’il ne put s’en empêcher. L’adolescente avait l’air totalement émerveillée, surprise, heureuse, en bref elle bouillonnait littéralement d’excitation. Ajjin s’en amusait d’ailleurs beaucoup et loin de vouloir stopper cet élan de bonheur, il lui répondit joyeusement :

« Ahah, oui je sûr de venir de la vraie jungle, puisque je te le dis ! »

C’est que ça tournait presque à l’obsession. On aurait dit qu’Ajjin débarquait tel le lion prodigue. Pourtant il lui avait juste sauté dessus avec toute l’indélicatesse dont il pouvait faire preuve. Pas de quoi être enjouée à cette idée ! Quoiqu’il était certain que ça aurait fait rire certains de ses amis. Quant à cette adolescente qu’il avait en face de lui… Eh bien, s’il n’était pas lui même un hyperactif de nature il l’aurait probablement pris pour une folle ! Aussi il lui demanda, curieux :

« Dis moi, pourquoi est-ce que ça te perturbe autant ? T’as déjà dû en voir des Mositus, t’as presque le même pelage que nous ! »

Et le premier prix de la logique est décerné à Ajjin, nous pouvons l’applaudir bien fort, oui oui. Mais il percuta de nouveau sur son odeur et ne put s’empêcher d’humer un peu plus l’air. Un éclair le traversa soudainement. La même qu’Ahva ! A quelque chose prêt c’était ça ! Il en était quasiment certain et rien que cette nouvelle l’égaya presque autant que l’adolescente il y a quelques minutes.

« Tu viens de Prideland pas vrai ? C’est génial ça ! Tu sais comment va Ahva ? »

Oui parce qu’encore une fois dans un esprit de logique totalement transcendant Ajjin supposait que la lionne connaissait Ahva. Puis pourquoi pas après tout ? Ajjin connaissait bien la totalité des membres de son clan ! Il enchaîna très rapidement, s’excusant encore :

« Je suis vraiment désolé de t’avoir sauté dessus comme ça… En plus, je me rend compte que je t’ai même pas demandé ton prénom ! »

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Alors il ne mentait pas, le bougre. Elle qui avait toujours désiré un jour poser une patte dans cette jungle, voilà que c'était "la jungle" qui venait à elle. C'était fascinant, presque flippant. Il lui était impossible de détacher ses yeux du pelage d'Ajjin, si brun, et à l'odeur si sauvage.

-"Tu sens la fleur ! La jungle ! C'est donc ca ? Mais c'est merveilleux !"

Puis elle éclata de rire de nervosité, le rouge montant à ses joues. Elle trouvait ses réponses de plus en plus débiles, mais elle était pourtant si soulagée et si contente de voir que ca pouvait exister. D'autant plus que cette comparaison entre pelage venait de lui enlever un poids certain, qu'elle traînait depuis toute petite. Sur un ton un peu plus calme, elle s'exprima :

-"Ma mère est une Mositu, elle s'apppelle Asahi et elle vient de la jungle, elle aussi. Mais c'est l'amour qui l'a fait sortir de sa cachette jusqu'à notre fier et majestueux Rocher ! "

L'adolescente retint un léger gloussement lorsque le jeune mâle évoqua le nom de sa cousine Ahva. L'Intrépide était donc déjà venue jusqu'ici ? Mais que n'avait-elle pas déjà visité, au juste ?

-" Oh ! Oui ! Ma cousine ! Elle se porte bien ces derniers temps. Bien qu'elle soit toujours en quête de découverte.. Décidément ! Je ne pensais pas qu'elle s'était déjà aventurée par ici !"

C'était bien mal la connaître. Et c'était pourtant le cas, puisque la lionne n'avait jamais cessé de vivre dans l'ombre des membres de sa famille. Elle n'était pas "brillante" dans tous les sens du terme, ou du moins, elle ne le croyait pas et ne possédait pas, jusque là, cette faculté d'aller vers les autres et d'imposer sa présence. Pourtant, elle semblait bien plus à l'aise de parler avec un lion comme lui que n'importe quel autre, et sa rencontre, bien que chamboulée, l'enchantait et elle tint à le rassurer sur ce point :

-"Ne t'en fais pas, Ajjin. Je suis bien contente d'être ici. Moi, c'est Inuwa, et je ne regrette pas du tout cette.. "agression". Haha ! J'ose même dire que finalement, ca en valait le coup !

Elle ne put s'empêcher de glousser à nouveau, encore euphorisée par la situation. Pourtant, l'adolescente brûlait d'envie de lui poser mille et une questions, mais elle essayait de se garder d'être aussi maladroite que le mâle l'avait lui-même été au début.

-"Qu'est-ce que tu fais ici, au fait ? Je pensais que les mositus restaient toujours dans la jungle, à l'abri de tout..."

Puis, elle observa un moment derrière-elle, comme pour y voir les frontières. C'était la première fois qu'elle s'aventurait aussi loin, et surtout sans personne pour l'accompagner. Une moue inquiète s'esquissa sur son visage :

-"Et tes parents ne sont pas inquiets ? Ils savent que tu es ici ? Oh.. et.. Qui sont-ils, d'ailleurs ? "

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Un rire léger vint secouer le corps d’Ajjin alors que l’adolescente s’extasiait devant lui et l’odeur qu’il transportait. Pour lui ça semblait tellement normal que l’émerveillement dont chacun faisait preuve à chaque fois l’amusait toujours plus. Ses oreilles frémirent lorsqu’elle évoqua sa mère ainsi que ses appartenances :

« Ma mère est une Mositu, elle s'apppelle Asahi et elle vient de la jungle, elle aussi. Mais c'est l'amour qui l'a fait sortir de sa cachette jusqu'à notre fier et majestueux Rocher ! »

Oh ! Alors ça expliquait bien que son pelage soit si semblable à ce que les Mositus avaient pour habitude d’arborer. Mais la réflexion du jeune mâle se poussa un peu plus loin et il resta perplexe quant aux derniers mots de la Pridelander. Par amour ? Mais… C’était bizarre. Enfin… Non. Si. Totalement. Il savait pertinemment que jamais quelque chose comme ça ne pourrait le faire quitter sa jungle. Il tenait beaucoup trop à son clan, son environnement, sa vie. Tout quitter, c’était comme tout renier. Cependant, de peur de froisser sa « nouvelle amie », l’adolescent se garda bien d’exprimer son point de vue et enchaîna :

« C’est pour ça que j’ai cru que tu venais de la jungle alors ! Mais vu que ta maman vient de chez nous, tu auras peut-être le droit de franchir la frontière. Ce serait génial ! »

Ajjin apprenait bien à ses dépends que la jungle ne se révélait pas être aussi accessible qu’il l’aurait bien voulu étant lionceau. Ses promesses de faire visiter la jungle, il n’était pas certain de pouvoir les tenir. Alors qu’elle évoquait Ahva, Ajjin se surprit à penser que le monde était bien petit au final. Paradoxal quand on tient tellement à franchir des terres entières pour retrouver quelqu’un. Sa cousine. Qui l’eût cru ? Aussi, le Mositu hocha vigoureusement la tête avant de répondre à l’adolescente brune :

« Oui ! Elle est venue, il y a presque deux ans maintenant. Je crois que ses parents étaient avec elle mais j’ai pas osé approcher plus que ça. J’avais bien trop peur ! »

Il acheva ses dires avec un petit rire gêné. Oui Ajjin, t’es le plus grand trouillard de cette fichue planète, y’a pas à dire. Elle se présenta sous le nom d’Inuwa, et un petit sourire vint s’afficher sur les babines du mâle, bien qu’il fut encore gêné un peu plus de part le terme « d’agression »… Oui, c’était vrai que dans un sens il lui avait un peu sauté dessus sauvagement.

« Qu'est-ce que tu fais ici, au fait ? Je pensais que les mositus restaient toujours dans la jungle, à l'abri de tout... »

Alors qu’il s’apprêtait à lui répondre, il n’en eût même pas le temps qu’elle enchaîna sur une autre question, ce qui le fit bien rire. Il attendit qu’elle ait terminé avant de se lancer :

« C’est vrai qu’on est souvent dans la jungle… Elle nous protège ! Ils ne sont pas nombreux à s’aventurer par delà les frontières et à rester sur la Lande, mais comme je me suis toujours fais pleins d’amis ici, je viens assez souvent. Mes parents, Nsaï et Baradi, savent très bien que je ne tiens jamais en place et je ne sais pas vraiment si ça les inquiète… Je me suis jamais réellement posé la question je crois. »

Peut-être était-il temps de s’y mettre ? De se poser les bonnes questions. Il fronça légèrement les sourcils avant de finalement hausser les épaules. Peut-être, mais pas maintenant. Il reporta son attention sur Inuwa avec un petit sourire :

« Et toi ? Tes parents ne sont pas inquiets de savoir que tu viens sur la Lande et que tu peux te faire « agresser » par un lion de la jungle ? »

Il avait décidé de prendre ça de manière totalement dérisoire, aussi il se moquait autant un peu d’elle que de lui. C’était pas bien méchant et au contraire, Ajjin pensait que ça ne pouvait que faire rire !

La réponse de son semblable l'avait fait doucement rire. Peut-être le mot avait-il été un peu fort, mais elle n'avait rien trouvé de mieux pour décrire cette situation avec une pointe d'humour. Pour autant, l'idée de se faire réellement agresser ne lui avait pas encore traversé l'esprit jusqu'à maintenant, et il faut dire que la violence était naturellement quelque chose qu'elle préférait éviter.

-"Euh.. Disons que mes parents sont toujours plus ou moins inquiets. Même quand il s'agit de chasser des scarabées ! Et puis pourquoi devrais-je automatiquement me faire agresser ? Les gens ne sont pas forcément tous des monstres..."

La jeune lionne avait laissé échapper un rire jaune. Il lui était arrivé une fois de subir le courroux de son père en rentrant un peu plus tard que prévu, et elle l'avait amèrement regretté, si bien qu'elle s'était juré ne plus jamais recommencer, ni même de dire qui elle avait pu rencontrer.

-"Je pense être assez grande pour pouvoir me détacher d'eux... Même si j'ai toujours souhaité partir voyager à leurs côtés pour voir la jungle. Plus le temps passe et plus j'ai l'impression que ce rêve s'éloigne... "

Son visage laissa se dessiner une moue attristée un bref instant. Depuis toute petite on lui parlait de ce "retour à la source", de ce petit coin où jouait sa mère étant petite, où elle avait grandi. Ce petit coin qui lui manquait un peu chaque jour, mais qu'elle parvenait à retrouver dans le regard de ses propres enfants. Inuwa comprenait cette peine, ou du moins, elle essayait d'égayer un peu plus ses jours quand il était possible de faire taire son diable de frère auto-proclamé "pur-sang".

-"Mais je me suis ravisée ! J'ai bien l'intention d'aller où bon me semble, seule, bien ou mal accompagnée ! Héhé. Mon père a bien trop de choses à s'occuper pour le royaume, et ma mère doit veiller sur d'autres désormais. J'ai pour projet de retrouver mes grands-parents Mositus dont on m'a si souvent parlé, même si le temps est compté pour leur âge certainement bien avancé.. Je veux voir autre chose que ce cher Gros Caillou, autre chose que les immenses plaines, et autres choses que des lions jaunes."

Voilà, un peu amèrement sur la fin, mais c'était dit. Les "lions jaunes", oui. Pas désagréables, et plutôt bien aimables. La crinière bien ajustée pour les mâles, et la démarche délicate et grâcieuse pour les femelles. Ils sont beaux, forts, bien propres sur eux, bien comme il faut. C'était ca qui la chagrinait tant, ce côté "parfait", flanqué de cette fameuse couleur soleil que tout le monde remarque, et dont tout le monde se souvient. En grandissant, ce "fossé" entre elle et les autres semblait se réduire, mais ne garantissait en rien une complicité indestructible, ni même une complicité tout court. Un changement d'air semblait se révéler nécessaire pour trouver se trouver une voie, et des réponses pour la construction de sa propre identité.

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L’adolescent brun ne savait pas trop sur quelle patte danser, le visage et les paroles de la femelle se faisaient tantôt joyeuses et par moment c’est une pointe de tristesse qui apparaissait. Elle était malheureuse ou non ? Ajjin ne comprenait pas bien, il fallait qu’elle se décide ! C’était un peu comme savoir quel œil du caméléon il fallait regarder, un vrai casse-tête.

Il hésita même à la rassurer quant à ses rêves de voyage. Mais il la connaissait à peine et se demanda s’il avait le droit d’aller aussi loin. Quoique. On l’avait bien fait pour lui, pourquoi il ne se permettrait pas de lui dire qu’elle avait tous les droits d’y croire encore ? Mais il n’en eût même pas le loisir qu’elle rétorqua :

« Mais je me suis ravisée ! J'ai bien l'intention d'aller où bon me semble, seule, bien ou mal accompagnée ! Héhé. Mon père a bien trop de choses à s'occuper pour le royaume, et ma mère doit veiller sur d'autres désormais. J'ai pour projet de retrouver mes grands-parents Mositus dont on m'a si souvent parlé, même si le temps est compté pour leur âge certainement bien avancé.. Je veux voir autre chose que ce cher Gros Caillou, autre chose que les immenses plaines, et autres choses que des lions jaunes. »

Finalement elle n’avait pas eu besoin de lui, si bien qu’un large sourire apparut de nouveau sur les babines du Mositus. Mais malgré tout ce qu’elle avait dit et le fait qu’elle semblait bien déterminée à rencontrer sa famille du côté de la jungle mais… Voilà, il ne comprenez pas bien. De ce qu’il avait entendu de Prideland et des Pridelanders, c’était plutôt génial ! Dans sa bouche, on aurait dit que toute la vision de sa terre natale était comme fanée…

« Je ne comprend pas bien… Tu n’aimes pas les lions jaunes ? Et puis d’abord, c’est quoi ce Gros Caillou dont tu parles ? Ahva m’avait parlé de Prideland et m’avait dit que c’était plutôt chouette comme endroit… C’est pas le cas pour toi ? »

Malgré tout il se devait aussi de la prévenir… Bien que pour Ajjin ça ne poserait aucun problèmes, il savait que d’autres lions n’hésiteraient pas à bloquer les frontières de la jungle pour l’empêcher d’entrer.

« Tu sais… Les étrangers ne sont pas acceptés dans la jungle. Normalement vu que tu as de la famille chez nous, je ne pense pas que ça soit un problème… Mais je préfère te prévenir ! Peut-être que tu ne pourra pas franchir nos frontières. C’est notre mission. »

Mission qu’il commençait à intégrer un peu plus chaque jour bien qu’il ne puisse pas encore en saisir toute la portée. Un peu triste de devoir probablement briser ses rêves, il avait achevé sa réplique avec un petit air penaud.

Visiblement, le jeune mâle peinait à perçevoir la réelle gêne évoquée. Après tout, même elle ne se comprenait pas elle-même, alors pourquoi les autres le pourraient ? Sans compter que, c'était là un problème qu'Ajjin ignorait, un sentiment que peut-être n'avait-il jamais éprouvé.. De quoi ajouter un élément de plus sur la liste de l'incompréhension.

Pour autant, Inuwa n'était pas déçue de sa réaction, elle n'attendait pas de lui de l'empathie, ni aucune empathie de personne. Et bien au contraire, tout ceci au fond d'elle la faisait sourire, car c'était ainsi qu'elle avait appris à prendre les choses, bonnes ou mauvaises. Malgré tout, l'idée de voir son rêve inaccessible l'attristait, c'était son objectif, son but, l'unique qu'elle s'était fixé... Mais le Mositu avait raison. Il est temps de redescendre de son nuage, la vie n'est pas si facile, et tout n'est pas livré sur un plateau d'argent.

-"Tu es très drôle tu sais. Déclara-t-elle en souriant. Je ne déteste pas les miens, ni mes propres terres, ni les "lions jaunes", évidemment... C'est juste une vision différente de Prideland, et de la vie là bas. C'est vrai que c'est idéal, c'est un paradis... mais pas pour moi. Pas pour les gens comme moi."

Le visage de la lionne s'était subtilement assombrit, comme un voile de tristesse venu se poser sur sa tête. Il était vrai que Prideland était beau, et bien, mais on comptait dans sa population des gens "indésirables", ou du moins en décalage avec le reste, en quête constante de ce morceau d'eux-même qui leur manquait.

"Prideland c'est comme un magnifique tableau, où tout est bien, tout est beau. Seulement, il y a quelques détails qui contrastent avec le reste, qui ne seront jamais en accord, ni avec eux-mêmes ni avec le reste du clan. Parce qu'ils ne le veulent pas, ou n'y arrivent pas. C'est un peu comme les gouttes noires sur un vaste fond blanc."

Une vision triste, mais bien réelle. Elle ne souhaitait pas trop ternir l'image idyllique du jeune lion plus longtemps, si bien qu'elle enchaîna sur un ton plus optimiste.

"Mais ca reste un chouette endroit ; un jour peut-être que tu poseras ta patte sur notre grand Rocher. Qui sait ? De là, tu pourras voir à quel point les gens qui y vivent ont de la chance. Et pour ceux qui s'y sentent mal, libre à eux d'aller voir ailleurs, ou de suivre leur propre chemin, personne ne leur en voudra pour ca. Généralement, on finit toujours par se retrouver de là où on vient, et si c'est Prideland, la porte est grande ouverte. Même les voyageurs passent de temps en temps et c'est aussi grâce à ces gens là qu'on connait les ragots des autres territoires. Elle éclata de rire. Toi aussi tu viendras un jour nous raconter des ragots de la jungle ?"

Après tout, s'il n'était pas possible de chercher les Mositus, la deuxième option se trouvait peut-être dans celle de les faire venir jusqu'à Prideland même.

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Drôle ? Lui ? Il leva un petit sourcil interrogateur puis finalement sourit. S’il l’amusait, ça ne pouvait être qu’une bonne chose en soi, non ? C’était davantage son frère qui le faisait rire, donc il associait plus le rôle du petit rigolo de la famille à Jekhat, mais pourquoi pas. Ceci dit, au fond, il comprenait ce qu’elle voulait dire. Les pelages clairs étaient quelque choses de très mal vu au sein des Mositus, enfin, surtout s’ils ont une ascendance Jangowas en réalité.

Mais, les Mositus et les Pridelanders n’ont jamais été ennemis. Ils ont même cohabité – pourquoi cela posait-il tant de problèmes ? Et alors qu’elle lui exposait le tableau Prideland, le mâle resta attentif tout du long, mais ne pouvais s’empêcher d’éprouver une petite pointe de tristesse. Aucun endroit n’était parfait au final.

« Je ne comprend qu’à moitié je dois te l’avouer… On a aussi nos tâches sur le tableau mais les Mositus et les Pridelanders ont une histoire commune. On ne s’est jamais fait du mal...  »

Les préjugés naissaient des anciens conflits – du moins dans le cœur d’Ajjin et dans sa tête, c’est ainsi qu’il fonctionnait. Mais elle n’avait pas l’air de porter tout ce malheur sur ses épaules, certes ça l’affectait même elle ne décriait pas Prideland pour autant, pas tout le monde, pas dans son intégralité.

« Toi aussi tu viendras un jour nous raconter des ragots de la jungle ?  »

Le mâle redressa la tête et planta son regard dans celui de la Pridelander, un petit sourire vint se figer sur ses babines tandis qu’il hochait vigoureusement la tête :

« Oh oui ! J’aimerai beaucoup ! En plus j’ai prévu de venir sur Prideland dans pas longtemps. Je dois y retrouver Ahva, je pourrai passer te raconter les histoires de la jungle.  »

Ajjin jeta un rapide coup d’œil sur le soleil – une petite moue le traversa et il reporta son attention sur la Pridelander :

« Je vais devoir y aller mais je suppose que je te reverrai bientôt ! J’espère que tu pourra rencontrer tes grands-parents aussi. Ils doivent avoir pleins de choses à te raconter sur nous. Probablement plus que moi !  »

Il ne manqua pas de ponctuer sa phrase avec un large sourire. Il lui adressa un au-revoir avant de finalement s’en retourner vers la jungle où on lui demanderait sans doute pour une énième fois, où il avait encore bien pu disparaître aussi longtemps.

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