Le soleil était à peine levé ce matin là, quand la Mandrill s'était levée pour entamer une nouvelle journée sur les Terres paisibles de Prideland. Malgré l'été qui s'estompait, les températures étaient encore clémentes, et le soleil réchauffait les plaines chaque jour. Kuzaidia aimait cette météo ; se faire chauffer le dos sous le soleil, ou bien rejoindre les sous-bois pour apprécier leur fraîcheur. De plus, cette saison était idéale pour trouver les fruits et les noix qu'elle utilisait pour peindre ses fresques. Si elle parvenait toujours à les trouver - ou à les remplacer - l'hiver, elle était cependant parfois contrainte de chercher pendant plusieurs jours avant de trouver ce dont elle avait besoin. Toutefois, ce matin-là, ses activités furent interrompues par une voix provenant de dehors :

─ Kuzaidia ! Vous êtes-là ! Je dois vous parler c'est assez important

Légèrement étonnée - d'ordinaire, peu de lions venaient la chercher jusqu'ici, surtout à cette heure-ci - la jeune chaman ne se posa pas plus de questions, et se dirigea vers la sortie de la grotte. Tandis que le lion - ou plutôt le lionceau - en question se présentait, Kuzaidia eu loisir d'observer la mince silhouette immobile devant la grotte, qui patientait comme elle pouvait, la tête haute. Son bâton à la main, la jeune singe ne fit donc pas attendre son invité plus longtemps, et s'approcha d'elle d'un pas lent et mesuré, un air serein sur le visage. Puis, arrivée à la limite de la grotte, elle s'installa sur l'une des excroissance formée par la roche - qui faisait un parfait petit promontoire où se tenir - et posa son regard brillant d'intelligence sur la jeune pridelander. Tout en lui faisant signe d'avancer, elle parla d'une voix calme :

─ Tu sembles bien pressée pour être debout si tôt, Amaya. Viens, approche-toi, et raconte-moi.

Ce disant, elle laissa reposer ses mains, et attendit calmement que son interlocutrice lui explique la raison de sa venue. Non pas que Kuzaidia soit dérangé par cette visite - bien au contraire - mais elle était intriguée, et heureuse à la fois. Amaya était une lionne de plus à venir se confier à elle, et cela la confortait dans son intégration au sein des Pridelanders.

Une fois l'accord de la Chaman donné, la petite lionne s'avança dans la caverne et vînt s'allonger devant la mandrill. Puis elle déclara :

─ Merci de recevoir une croisée ici Kuzaidia ! Je ne sais pas par où commencer à vrai dire ! J'ai peur de ne pas être à la hauteur, pour Prideland surtout auprès de la future reine qui-suis-je vraiment ? Une inconnue de passage où une croisée qui veut la paix ? Je ne sais plus où j'en suis Kuzaidia.

Ce disant, Amaya laissa une cri de rage s'échapper de sa gorge, témoin - sans doute - du doute et de la colère qui l'animaient. Kuzaidia la laissa faire en silence, jusqu'à ce que les larmes se mettent à couler. Se laisser aller n'était jamais quelque chose de très agréable, pourtant c'était parfois la clé qu'il manquait. D'une voix faible, la jeune pridelander ajouta qu'elle n'était pas certaine d'avoir sa place sur Prideland. C'était là une interrogation qui revenait régulièrement chez les lions ; la question de l'appartenance à un groupe. Que ce soit au clan, ou à la famille - notamment lorsqu'il s'agissait d'orphelins ou de demi-frères. Il était bien plus facile de douter que d'être certain de soi, mais c'était là une remarquable preuve d'intelligence aux yeux de Kuzaidia. Après tout, celui qui ne doutait pas ne se remettait pas en question, et ne changeait jamais, or la clé de l'évolution était cette capacité à s'adapter que détenait la plupart des êtres vivants. Lorsque Amaya évoqua Hotaru, Kuzaidia resta silencieuse. Elle savait que le neveu du Roi n'était pas toujours des plus faciles, malgré un bon fond. Ce fut donc d'une voix apaisante qu'elle rassura la jeune Pridelander :

─ Il n'est jamais simple de trouver sa place au sein d'un groupe, même pour celui qui y a vu le jour. Le simple fait que tu te poses la question montre que tu es en train de grandir. C'est une étape par laquelle beaucoup de lions passe, et il faut savoir la dépasser sereinement. Si tu vis sur Prideland, c'est que Kumpa ne doute pas de ta loyauté et de ta façon d'être.

Les paroles du singe semblèrent apaiser la jeune lionne, au moins un peu. Évidemment, elle n'avait pas réponse à tout, mais son expérience lui avait appris que pour mieux cerner un problème, il était important de savoir s'en détacher. Prendre du recul n'était jamais simple, après tout, il était facile d'avoir l'esprit embrumé par les sentiments. Le plus important, avant de commencer à chercher à démêler une situation, était de savoir se défaire des ces ressentis néfastes à la réflexion. Quelques sages paroles étaient toujours utiles pour apaiser les esprits échauffer, Kuzaidia l'avait déjà constaté maintes fois.

─ En fait si je viens vous voir Kuzaidia ce n'est pas seulement, pour ce que je vous ai dit tout à l'heure c'est pour vous dire que j'entends des voix aussi et, je voulais savoir si je ne suis pas entrain de devenir folle.

C'était un problème plus délicat que révélait Amaya à cet instant.La peur de ne pas appartenir à Prideland était-elle seulement un prétexte pour approcher Kuzaidia ? Une façon de voir si elle pouvait lui faire confiance ? Sans doute, et la chaman ne pouvait lui en vouloir. Après tout, les secrets les plus difficile à porter n'en étaient pas moins compliqués à révéler. C'était déjà un pas de fait. Néanmoins, c'était là une chose étrange que ces voix que la jeune lionne entendait, et Kuzaidia n'aurait su dire d'où cela venait. Elle n'était ni devin, ni doté d'extraordinaire capacités, elle se servait simplement de sa mémoire et de son sens de l'observation pour interpréter les choses. Toutefois, le regard implorant qu'Amaya leva vers elle lui fit comprendre qu'elle devait faire quelque chose. La Chaman ne cessa donc pas de regarder son interlocutrice, et continua d'une voix douce :

─ La folie n'est pas toujours ce que l'on croit. Être fou ne se résume pas à un comportement ou à un état, Amaya. Il s'agit de pensées bien plus profondes et déterminées. Ce n'est pas parce que tu entends des voix que tu es folle, c'est simplement quelque chose de peu commun. Les différences ne sont pas forcément quelque chose de mauvais.

[Heu ... par contre, il va falloir voir où on va, parce que je n'ai pas de pouvoirs surnaturels :')]

Kuzaidia ne su réellement si ses quelques paroles avaient aidé Amaya, néanmoins cette dernière garda le silence quelques instants, et ne revînt pas sur le sujet. Peut-être avait-elle obtenu les réponses qu'elle souhaitait, ou peut-être s'était-elle résignée, mais cela importait peu. Kuzaidia lui avait donné son avis, elle ne pourrait faire plus. Tandis que l'adolescente observait les peintures apposées sur les murs, un air serein se dessina peu à peu sur son visage, et la chaman fut soulagée de voir que ses dire avaient quelque peu apaisé la jeune lionne.

─ Vos dessins sont magnifiques Kuzaidia, je me demandais justement si ce dessin représenter la naissance des lionceaux de Kumpa ?

La mandrill acquiesça en silence.

─ Vous pouvez me raconter un peu l'histoire de Prideland, je sais que vous êtes arrivée il n'y a pas longtemps de cela. J'aimerais savoir ce que vous savez, par rapport aux dangers qui menacent Prideland y aura-t-il une autre guerre à votre avis ?

L'Histoire de la Terre des Lions, voila bien longtemps que Kuzaidia s'efforçait d'en apprendre les moindres détails. De par son nouveau statut, elle avait à cœur d'être la mémoire des générations qu'elle croiserait, tant pour ce qu'elle pourrait apporter que pour comprendre. Elle n'était pas un lion, et ne le serait jamais, et si proche qu'étaient les deux espèces, elle ne ressentirait jamais les choses de la même façon, parce qu'elle les vivrait toujours différemment. Néanmoins, cela ne l'empêchait pas d'utiliser les facultés propres à son espèce pour se mettre au service des autres, car c'était là tout la nature de son nouveau rang ; exister pour autrui. Alors la jeune chaman conta. Elle raconta comment Wazimu et Farao régnèrent sur Prideland comme elle raconta Uzazi et Malkia, ainsi qu'Azari. Elle parla de l'exil et de Misaada, ainsi que de Kumpa et de Damu. Il y eut également Massempo et les Outlanders, ainsi que les Nyeusis les Freelanders et les Hyènes. Il y eut la perte de Prideland et la vie au Grand Baobab, il y eut Kuzali, Fantôme et les Lamasus ; Assam, Kazan et tant d'autres. Les Gardiens virent le jour, tout comme Azaan, Ahva et Awena. Tant de vies mêlées les unes aux autres, et à la fois ne ne formant qu'un seul être. L'Histoire ne cesserait jamais, même lorsque les générations se succèderaient. Il n'y aurait pas de fin ; jamais.

Et tandis que Kuzaidia contait toute l'histoire, sans oublier un détail alors même que c'était des choses qu'elle n'avait pas vécu ; le soleil continuait sa course dans le ciel, et Amaya écoutait toujours. Elles ne furent pas interrompue, et l'Histoire entière fut contée, jusqu'à ce que le silence s'installe enfin. Alors, avec un léger sourire, Kuzaidia posa un regard plein d'affection sur la jeune lionne, et ajouta d'une voix sereine :

─ Tu devrais rentrer, maintenant. Il est temps pour toi de continuer ta route.

[Ça te va si on termine sur ta réponse ? ]