Le Royaume du Nord se réveillait.
Le règne de la Lune prenait fin et sa domination sur le monde des vivants, représentée par la sombreur du paysage s'atténuait au fil des heures et des minutes. Timidement, les rayons du soleil éclairaient le Nord et leur Roi, le Soleil en personne, prenait siège dans le Ciel en surplombant ses sujets dans un silence absolu. Quelque part dans les « Terres Froides », précisément dans un coin qui faisait compagnie aux Sources Chaudes, le Clan des Nordiques avait trouvé refuge et s'animait désormais, quoique lentement, sous l'influence de la luminosité gagnant en puissance sur le Nord et dans l'avantage appréciable d'avoir vaincu la fatigue de la veille. Aujourd'hui, en cette journée à peine entamée, les Lions des Neiges paraissaient plus forts que jamais.

Non loin des Nordiques, qui s'étaient assurés de cette distance afin de permettre au fils et à la compagne de Késhia de vivre, se réveillait petit à petit la famille royale qui faisait tant d'indignés. Les Sources Chaudes procuraient une chaleur indispensable à la survie de Suki et Choyo, bien même si le Roi et la jeune Sungura craignaient moins le froid qu'eux. Malgré tout, ces deux derniers continuaient de dormir avec ces félins qui paraissaient tout droit venus du Grand Désert, car en plus d'être un groupe soudé face aux difficultés communes qui leur faisaient habituellement face, la princesse se voyait mal dormir autre part que contre sa mère. Suki était celle qui lui avait donné la vie, elle était une figure de courage et de force qui prouvait à tous qu'un étranger pouvait survivre dans un milieu opposé à celui où il était né. Sungura aimait la câliner, lui parler, passer du temps avec elle … Sa mère avait beau être une Jangowas de naissance, mais elle l'avait toujours accepté pour ce qu'elle était. Une Nordique impure. Voilà comment certains guerriers du Clan se plaisaient à la voir. Pour Suki, en revanche, elle était sa fille, sa princesse, une véritable Nordique qui vivait dans un Royaume pour les Nordiques. Qui aurait dit qu'une étrangère pouvait mieux visualiser des choses dans le contenu Nord que les Lions des Neiges eux-mêmes ? Sungura ne préféra pas davantage plonger dans le sujet. Les remarques et les compliments se bousculaient à l'attention de la famille royale, mais la petite avait la ferme croyance que le temps arrangerait les soucis et réparerait les cœurs en colère ou en peine. Un jour, tout comme sa mère, son peuple au complet verrait les choses comme il ne les avait jamais vues.

Couchée auprès de son père, à son tour, la jeune femelle se réveilla, petit à petit, prenant son temps comme si rien ne pouvait la préoccuper au point de s'empresser à s'habituer visuellement au monde des conscients. Ses mirettes turquoise s'ouvrirent et la déstabilisèrent lorsqu'elle reconnut la fourrure de son roi à la place de celle de sa mère, près d'elle. Elle se souvenait pourtant qu'elle s'était endormie contre elle, la veille … ! Et où était Choyo ? Sungura jeta un regard fatigué sur ses alentours, car même si la fatigue du jour précédent s'était volatilisée après une bonne nuit de repos, il fallait un petit temps avant qu'un jeune esprit ne se stabilise instinctivement au monde de la réalité, après avoir été en proie à un long sommeil. D'un simple coup d'oeil, elle remarqua l'absence de la boule de poils sablée qui lui servait de frère, en plus de la présence rassurante que lui offrait habituellement sa mère à son réveil. Assurément, et comme par hasard, c'étaient ceux qui ressemblaient le moins possible aux Nordiques qui ne criaient pas « présent » à l'appel.

À cet instant, Sungura eut peur. L'autre jour, une bande de lionceaux lui avait affirmé que leurs parents viendraient tuer les siens, un jour ou l'autre, tandis qu'ils dormiraient inconsciemment à l'écart du Clan entier. La féline, naïve qu'elle était, les avait cru et s'était inquiétée pour son père et sa famille. Elle savait que la plupart des Nordiques ne l'appréciaient pas, la rabaissaient à la moindre occasion – à la plus grande horreur de son orgueil qui bouillonnait au fur et à mesure des insultes – et l'ignoraient lorsque cela en devenait possible. La cruauté de ces lions à qui on donnait le titre de personnes sages la blessait profondément. Les méchants ne manquaient pas dans ce Clan … mais les gentils gagneraient toujours la bataille, quoi qu'il arrive. Elle ne rêvait pas particulièrement de voir souffrir et gémir ses ennemis à ses pattes lorsque l'heure viendrait à elle de les dominer de toute la justice qui luisait dans ses yeux, simplement … elle espérait qu'ils sauraient apprendre de leurs erreurs, en comprenant qu'au fond, elle était comme eux et que leur soi-disant haine n'était fondée que sur des préjugés.
La jeune princesse redressa les oreilles lorsque, par chance et fort heureusement, son regard croisa le chemin qui menait aux Sources Chaudes. Au loin, deux silhouettes s'y tenaient et lui rappelaient agréablement deux personnes.

Maman et Choyo.

Elle fut rassurée. Ils ne leur étaient rien arrivés. Comme quoi, les parents de ces lionceaux n'étaient pas décidés à dépasser la ligne ! Sungura se releva, s'ébroua et contempla, durant quelques instants, la mine endormie de son très cher père. Un sourire éclaira le visage de la gamine. Elle déposa une lèche sur sa joue, espérant qu'à cet instant-là, il faisait les plus beaux rêves du Royaume du Nord. La petite lionne se détourna ensuite de lui, pénétrant à l'extérieur de la grotte qui abritait généralement sa famille et elle. Le ciel était dégagé, l'air était frais, le soleil se montrait affectueux et le Nord offrait à ses habitants la possibilité de se balader dans de beaux décors. Un sentiment satisfait s'empara du cœur de la demi-Nordique. Chaque fois qu'elle s'ouvrait au monde qui l'entourait, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir … apaisée. Elle avait cette impression de vivre dans une réalité parfaite, elle avait l'impression que … qu'elle avait quelque chose à accomplir, un bonheur à offrir aux autres, un sourire à provoquer sur les visages de ses camarades. Son propre sourire refusait de disparaître de son visage, indiquant sans mal qu'elle était de bonne humeur en cette fraîche matinée. Ses pattes, une, deux, trois, quatre … s'enfoncèrent dans la neige, et alors, Sungura fut déterminée à rejoindre sa mère et son frère.
Plus elle s'approchait d'eux, plus elle avait envie de rire, d'embêter, de s'amuser avec Choyo. Son calme naturel et sa démarche claire et distinguée n'en donnaient pas l'air, mais la petite avait hâte de les saluer, d'engager la conversation avec eux pour bien débuter la journée.

Le vent s'amusait dans sa fourrure, tandis qu'elle arrivait bientôt au terme de son mini-voyage. Physiquement plus sensible que les autres Nordiques, Sungura souffrait davantage du froid qu'eux. Elle ne s'en plaignait pas spécialement, elle le supportait, sans toutefois affirmer qu'il ne lui faisait ni chaud, ni froid.
Ses yeux fixèrent la scène qui opposait sa mère à son frère, alors que ses pattes rentraient en contact avec le sol des Sources Chaudes. Lorsque la femelle grise atteint finalement une maigre distance avec eux, elle put entendre ces derniers mots, de la bouche de Choyo :

«  … aux côtés de ceux que j'aime ... »

De ceux qu'il aime ?
Ni une, ni deux, Sungura se demanda bien de quoi avaient-ils parlé avant son arrivée. Elle brisa involontairement la discussion, en lançant, toute souriante, à Suki et son frère :

«  Bonjour Maman, bonjour Choyo ! »

Sa voix n'était pas très forte, car le désir primordial de la princesse n'était pas de se faire entendre dans tout le Nord – confirmer son réveil aux ennemis de son père ne l'intéressait guère – mais de simplement faire constater sa présence à sa famille adorée. Elle ronronna en frôlant l'une des côtes de sa mère puis vint rejoindre Choyo, s'assurant d'accompagner son bonjour en frottant sa tête contre la sienne. Amusée, elle tenta de le titiller en ajoutant :

«  De quoi parles-tu ? Tu disais à Maman que tu comptais rester auprès des Sources Chaudes, car tu les aimes trop ? »

Sungura se calma, mais garda son sourire à la fois satisfait et taquin tout de même.

Ce qui lui plaisait le plus, c'était de passer du temps avec sa famille, avec ceux qui l'aimaient, ceux qui ne la considéraient pas comme une bâtarde. Avec eux, Sungura n'avait pas besoin de mesurer constamment ses propos et ses gestes : elle pouvait être elle, elle pouvait être Sungura. Et ça … La petite femelle ne pouvait pas toujours l'être. Pas avec les enfants Nordiques qui lui cherchaient des soucis, du moins. Avec eux, elle devait faire sourde oreille face à leurs moqueries afin de taire son cœur blessé.

Soudain, sous la question – qui n'en était pas vraiment une, en soit – de la princesse, la Reine du Nord laissa s'échapper un rire de sa gorge, amusée. La crainte s'empara du cœur de la petite durant un temps bien éphémère, lorsque sa mère sembla lui reprocher :

«  Allons Sungura ! On ne s'immisce pas dans une discussion comme ça ! »

Elle crut avoir fait quelque chose de mal, mais le ton tendre et amusé de son interlocutrice la rassura. Non, son erreur ne venait pas de là. Elle fut remarquée bien plus tard, après que Suki ai frotté sa tête contre la sienne, quand il fut le moment pour Choyo de revenir dans la conversation :

«  Nous reprendrons notre discussion plus tard, mon cœur. » déclara leur mère à l'adresse de son frère.

Sans que Sungura ne puisse faire quelque chose, la guerrière sablée l'attrapa par la peau du cou et l'attira vers elle, là où elle lui offrit de multiples coups de langue pour débuter sa toilette. D'abord surprise, la demi-Nordique se détendit en comprenant ce qui se passait et se laissa librement toiletter, bien qu'elle pouvait très bien le faire, seule.
Tandis que Suki cessait son action, la fille de Késhia s'interrogea alors sur ce qui s'était passé avant son arrivée : de quoi Choyo et sa mère avaient-ils parlé ? Etait-ce aussi important ? Oh, elle se doutait déjà du potentiel sujet en question. Mais, par-dessus la curiosité qui animait son esprit, venait par ailleurs le vain espoir de ne pas les avoir coupés dans un moment qui devenait davantage crucial … Elle ne voulait pas entraver son frère, elle ne voulait pas s'accaparer l'attention à elle seule. Il était autant le fils de leurs parents qu'elle, bien que sa place dans le Nord ne soit pas aussi acceptée que la sienne. Vraiment, Sungura s'en voulait, et espérait que Choyo ne lui tienne pas rigueur pour cette entrée irréfléchie.
En tout cas, il ne semblait pas vouloir lui adresser la parole. Le lionceau se contenta de garder un air silencieux, spectateur d'une nouvelle discussion qui s'installait au sein du trio :

«  Alors ma puce ? Incapable de rester à profiter de la nuit ? Tu es bien comme ton frère. »

A quoi bon ? Le soleil ne tarderait pas à briller dans le ciel, et puis, elle voulait profiter de ces rares moments où le Clan dormait à moitié afin de discuter avec eux comme le ferait n'importe quelle famille normale ! Sungura ne répondit pas à ce constat, mettant en avant sa bonne humeur par un simple sourire. Si, précédemment, elle s'était sentie malheureuse et guère satisfaite d'avoir causé un froid entre son frère et elle, désormais sa sensation ne paraissait qu'effacé et elle comptait bien faire profiter du restant de son optimisme à sa génitrice.

D'un nouveau rire, la compagne de Késhia ne chercha pas non plus à entendre les protestations de ses enfants et continua sur sa lancée :

«  Vous n'avez pas honte ? Que va dire votre pauvre père en se réveillant sans sa petite famille ? »

Cette fois-ci, la jeune lionne hésita à répondre. C'était vrai … Ils le délaissaient souvent. Mais c'était un peu normal, non ? Il était un monarque, son travail lui demandait beaucoup de temps et d'énergie, comparé à ses enfants et sa bien-aimée.
Désireuse de changer la donne pour une fois, bien même s'ils finissaient toujours par se retrouver avant que Késhia ne s'en aille s'occuper de ses devoirs obligatoires, Sungura proposa :

«  Nous pourrions aller le rejoindre, pour une fois ? C'est vrai que ça ne doit pas toujours le réjouir de devoir fouiller le Nord juste pour nous saluer avant qu'il ne parte accomplir son rôle … »

S'ils pouvaient l'accueillir à son réveil sans qu'il n'ait à bouger une patte, Késhia serait sûrement content.
Brusquement arrachée dans son petit instant où elle se sentait changer le monde, Sungura tendit l'oreille en direction de Choyo, le Nordique légèrement oublié, qui lui lançait en signe de défi :

«  Eh Sungura ! Je pari que t'arrivera pas à m'attraper ! »

Elle se retourna, et découvrit le sourire provocateur de son frérot en son attention. S'il n'avait rien dit … Elle aurait sûrement argumenté auprès de sa mère. Mais, comment pouvait-elle résister à l'envie dévorante de prouver le contraire à sa moitié ? Il était là, au loin, entrain de l'attendre !
Gentiment, la femelle au masque blanc se dégagea des pattes de Suki et s'ébroua dès lorsqu'elle fut libre de ses mouvements, sur ses quatre pattes, prête à poursuivre Choyo si sa détermination lui criait de le faire. Alors comme ça, son frère ne lui en voulait pas pour tout à l'heure … ? Tant mieux. Sungura était même prête à exaucer ses souhaits, pour qu'il puisse comprendre qu'elle n'avait pas pensé à mal en l'interrompant avec leur génitrice adorée.

D'un ton rempli d'orgueil, elle le prévint d'un sourire :

«  Dans ce cas, prépares-toi à courir vite ! Je suis certaine que je vais t'attraper, en deux, trois secondes maximum. »

Par-dessus son épaule, elle tourna la tête vers Suki. Son visage se fit moins fier et railleur lorsqu'elle lui miaula :

«  Je reviens, Maman. Tu vas voir, Choyo ne fera plus le malin avant longtemps ! »

Sungura se détourna de sa mère, puis s'élança en direction de l'intéressé. Quoi qu'il puisse en penser, elle serait toujours la meilleure des deux !

« Surtout, ne vous approchez pas des geysers, les enfants ! Et ne vous éloignez pas ! » lança Suki, au loin, alors que Sungura fonçait tout droit sur Choyo.

Pour qui les prenait-elle, au juste ?
La petite lionne soupira doucement, ignorant les avertissements de sa mère. Ils savaient ce qu'ils faisaient, et puis, de toute façon … Pourquoi les geysers seraient-ils dangereux pour eux ? S'ils s'en approchaient un tout petit peu à la limite, ils ne risqueraient rien !

Néanmoins, Sungura n'eut pas le temps de se poser des questions concernant les Sources Chaudes. Non loin d'elle, son frère s'immobilisait et pivotait en sa direction. Un sentiment de victoire s'empara du cœur de la Nordique. Il n'est pas doué ! Ce sera trop facile de l'attraper, maintenant !
Elle crut qu'elle pourrait lui sauter dessus facilement, mais voilà que le jeune mâle usa de sa ruse afin de piéger sa fausse jumelle : il fit mine de sauter du côté droit, alertant l'instinct de la fille de Késhia sur ce côté, avant de bondir, fourbe, sur le côté gauche pour s'enfuir. Il s'apprêta à détaler à toute vitesse vers leur mère commune mais, dans un dernier mouvement maladroit, elle se jeta sur le mini-guerrier. La chance sembla lui sourire car ses pattes frôlèrent, puis s'enfoncèrent dans la courte fourrure sablée de Choyo. La déplaisance sembla masquer les traits de ce dernier.

«  Grr, t'as gagné ! La prochaine fois tu ne m'auras pas aussi facilement ! »

Si la décision n'était revenue qu'à la jeune princesse, elle l'aurait maintenue au sol durant toute la journée, juste le temps qu'il fallait afin de faire savoir à son frère à quel point elle était forte et à quel point il était un bien mauvais coureur. En plus de ressentir orgueil et satisfaction d'avoir pu gagner, Sungura ne se doutait tout simplement pas de la volonté de perdre ou non venant de Choyo. Pour elle, il avait perdu parce qu'il n'était pas aussi bon qu'elle dans tous les domaines qu'ils exerçaient, c'est tout.

Tandis qu'elle le libérait, le prince laissa s'échapper un petit rire. En attendant, la femelle sourit, haussant un sourcil, l'air provocateur :

«  Tu es sûr ? On verra ça la prochaine fois. Tu sais bien que tu n'es pas aussi fort que moi. »

Cet air ne resta pas bien longtemps ancré sur son visage, car tel n'était pas son véritable but : embêter les autres, les écraser via sa supériorité, énerver tout le monde et recevoir les réprimandes de Késhia et Suki ... Non, Sungura ne venait à être insupportable que lorsque les conséquences restaient inoffensives à l'égard de sa personne et celle de sa famille …
Choyo s'éloigna en trottinant. La princesse grise le suivit, silencieusement.

En quelque temps seulement, ils finirent par rejoindre leur mère.

«  Sungura avait raison, on pourrait peut-être aller voir père avant qu'il ne se réveille, ou du moins avant qu'il ne parte à notre recherche. »

Sungura ne dit mot. Elle se contenta d'hocher la tête, en signe d'accord.

«  Maman ? Tu sais ce que va faire Père en tant que roi, aujourd'hui ? » profita-t-elle pour l'interroger.

La petite attendait l'accord de Suki pour revenir ensemble dans la grotte, tout en se demandant ce que ferait son père en cette journée « normale ». Allait-il diriger les autres du matin jusqu'au soir, comme tout chef se devait de le faire ? Corrigerait-il un défaut venant des familles voisines vivant dans le Nord ? (Elle ne pensait pas spécialement à des lions, mais plutôt à d'autres espèces …)

Assurément, le rôle de son père avait des ouvertures de partout, et même s'il pouvait lui arriver de conter ses aventures à sa famille avant de s'endormir, le soir, Sungura ne voulait cette fois-ci pas attendre. Enfin … Seul sa mère pouvait décider de ce qu'elle avait le droit de savoir ou non.

Suki soutint la proposition que Choyo avait volée à sa sœur, sans pour autant que celle-ci y trouve la force de la revendiquer en toute légitimité. Après quoi, la reine nordique s'apprêta à ramener ses enfants auprès de son compagnon profondément endormi, mais la question reflétant la curiosité de la princesse l'arrêta. Enfin, « arrêter » était un bien grand mot … car au lieu de tarder sur leur emplacement, la femelle sablée préféra tout leur expliquer sur le chemin.

«  Oh tu sais, il est toujours difficile de dire ce que ton père va faire en journée. » répondit sa mère, adoptant une courte pause le temps que Sungura comprenne les choses. Elle ne savait pas ce que faisait Késhia lors de la journée ? La petite était déçue. Malgré tout, elle ne lui en voulut point et l'écouta continuer : «  Les devoirs d'un Monarque sont divers et variés, chaque jour apporte de nouvelles choses, toujours imprévisibles. Mais il va s'en doute recevoir les doléances des lions ou des animaux du Nord, ce genre de chose. »

Et elle ? Que devra-t-elle faire lorsqu'elle sera grande ? La Nordique se berça des paroles de Suki et s'en servit comme appuis afin de construire le potentiel futur qui l'attendrait, lorsqu'elle serait en âge de servir les lions du Nord. Serait-elle toujours aussi rejetée des siens, plus tard, par faute d'être et de ne cesser d'être le fruit de l'union de deux êtres « différents » ? Son regard bleu se posa sur la silhouette de son frère, qui ressemblait tant physiquement aux Jangowas, ces affreux lions du Désert qui apportaient le malheur et la tristesse autour d'eux. Autant Sungura se posait des questions concernant tout ce qui se rapportait à son sang et autres divers choses, autant elle ne préférait pas croiser le regard de sa famille maternelle, qui ne semblait pas être bien agréable, tiens. La petite lionne argentée hocha la tête en guise de remerciements, puis se tût, accompagnant ses compagnons de sang jusqu'à leur demeure royale.

Arrivée à l'entrée de la grotte, Suki s'y engouffra en première. Puis vint Choyo qui, au passage, jeta un œil à Sungura en l'encourageant à venir d'un signe de tête. La princesse répondit à cela par un autre hochement de tête, talonnant son faux jumeau dans un silence qui se voulait respectueux à l'égard du repos du roi du nord. La féline aux prunelles azurées remarqua sa mère qui s'installait déjà aux côtés de l'intéressé, avant de lui faire signe de s'approcher, à son frère et elle.
En revanche, si le jeune prince obéit immédiatement et s'en alla se coucher entre les pattes de sa mère, quant à Sungura, elle s'approcha instinctivement de son père. Il dormait. Ignorant tout ce qui s'était dit et fait durant son absence, son père se reposait. Et c'était tant mieux. Il devait taaant avoir besoin de repos, après ces folles journées à diriger tout un peuple !

Elle frotta délicatement sa tête contre la sienne. Puis, s'installant à son tour contre Choyo et Suki, la petite posa sa tête entre ses pattes. Un faible ronronnement se dégagea de sa gorge. Elle était si bien, ici, auprès de sa famille ...
Elle espérait que rien ne changerait jamais les liens qui l'unissaient à sa famille, et que les lions qui voulaient les voir disparaître ne les vaincraient jamais. Ils étaient forts, et ils le resteraient ...