Au contact de Rhellaya contre moi, je sentis s'évacuer tous les soucis que mon rôle me contraignait à porter. Evidemment, j'aimais ce poste et je faisais absolument tout pour remplir parfaitement le rôle qui y était lié, mais il devenait chaque jour plus difficile avec les tensions de plus en plus présentes au sein du clan. Aussi, avoir un moment seul à seul avec ma compagne avait quelque chose de relaxant, reposant et surtout, cela avait le mérite de me décharger temporairement du poids harassant d'un royaume.

Nous nous mettions en marche pour rentrer chez nous, nous écoutant chacun raconter notre journée, et prévoyant notre soirée en famille. Cette vie semblait si paisible, si parfaite, si conforme à tout ce dont j'avais pu rêver lorsque j'étais encore Jangowa, qu'elle en semblait bien trop irréelle, trop...parfaite. Il fallait bien une nouvelle venue dans l'équation pour nous faire du mal...et cette inconnue s'appelait Fahari...

Lorsque nous l'entendîmes menacer Dahaan, nous accoururent, mais une fois sur place, j'étais sous le choc, incapable de bouger. Comment se pouvait-il que mon neveu, pour qui j'avais tant donné, le fils de ma soeur jumelle que j'aimais, puisse menacer de la sorte mon fils, son cousin ?! Un tel règlement de compte au sein d'une famille était si inconcevable que je ne pouvais réagir, à la grande déception de Rhellaya. Et, après tout, nous savions tout deux que mon intervention ne serait pas utile, qu'il s'en ficherait comme de sa première souris...Alors elle intervint.

Elle fut très violente, un peu trop, et je grognai tout bas, prêt à intervenir si elle devait trop se laisser aller, ce qui faillit arriver. Elle prit ensuite Dahaan dans la gueule pour le ramener, et lorsqu'elle s'éloigna de l'adolescent, elle me lança un regard qui me fit honte de moi-même. Elle avait raison, j'aurais dû intervenir, mais le choc d'une telle situation m'en avait empêché. Elle s'en alla enfin, et je bouillonnais de rage. Une discussion avec elle s'imposerait bientôt, mais dans l'immédiat, c'était Fahari qui avait besoin de comprendre les enjeux d'une telle dispute.

Je me retournais vers lui, le regard lançant des éclairs, grognant plus fort, m'approchant de lui tel un prédateur de sa proie. Il était temps qu'il comprenne, qu'il s'arrête. Une fois à sa hauteur, je lui décochais au visage une gifle dont j'espérais qu'il se souvienne, qui le fit retomber au sol. J'étais peut-être vieux, mais j'avais encore de la force dans ces pattes. Une fois qu'il était à terre, incapable de fuir, il était prêt à m'entendre fulminer. En espérant qu'il retiendrait cette leçon, dans son intérêt, car Rhellaya ne menaçait jamais en l'air. C'était pour lui une question de vie ou de mort. Ma voix rauque désormais célèbre pris le relais de ma compagne...

- C'est comme ça que tu considère respecter le mot famille ?! Tu sais ce que ce putain de mot veut dire au moins ? Non ! Tout ce que tu fais, c'est lui chier ouvertement à la gueule ! Même si je peux admettre que tu n'aimes pas tes cousins, même si je comprends pas, je ne peux pas tolérer que tu les maltraites, les martyrises et les menaces. Tu comprends ?! J'crois que ça fait pas tilt dans ton crâne, alors on va tout reprendre depuis le début ! Et ne cherches SURTOUT PAS à m'interrompre. J'crois pas que tu sois en position de l'ouvrir, alors tu la fermes.

Premièrement, Rhellaya est sérieuse. Rien que par instinct de survie, obéis-lui, ou elle n'hésitera pas une seconde à te tuer si tu recommence, fourres-toi bien ça dans le crâne, et tonton Chombo ou maman Valaka ne seront pas nécessairement présents pour te sauver le cul. Deuxièmement, je vais le dire franchement : tu me fais honte. Je t'ai consacré du temps, autant que j'en ai pu, et ne va pas croire que c'est uniquement parce que j'ai une famille avec Rhellaya et tes cousins que je ne t'en consacre plus ; même à eux, je ne peux pas leur consacrer la moitié du temps que j'aimerais. Tu n'es pas seul au monde, et jusqu'ici tu ne m'avais jamais donné motif à réellement me montrer dégoûté par tes actes. J'avais même un peu de fierté à voir ce que tu devenais, un bon guerrier, etc. Tu aurais pu me rendre véritablement fier de toi, mais toi, tout ce que tu veux, c'est montrer que tu es plus méritant de mon nom que mes enfants, alors que tu n'avais rien à prouver. Tu fais tout pour me décevoir. Des cons pareils qui saccagent leur vie inconsciemment, j'en ai vu beaucoup, et tous ou presque ont finis mort. Tu veux crever comme une merde toi aussi ?! Non ! Alors remue-toi le cul et fais quelque chose de bien pour la famille ou le clan, je sais pas, c'que tu veux, mais ne t'en vas plus jamais, tu m'entends ?! JAMAIS porter atteinte à la sécurité de mes enfants ! Il va sans dire que ta mère sera au courant, et qu'elle te fera une autre leçon de morale. Car tu semble ne pas comprendre la grandeur de ta connerie, alors il va être temps de te forcer à la regarder dans les yeux.

Tout était dit. Je me retournai sans attendre de réponse, puis je sorti. Une fois sur le seuil, je tournai une dernière fois la tête vers cet imbécile que j'aimais malgré tout pour lui lancer de nouveaux éclairs, et je lâchai ces dernières paroles :

- Ne t'avise surtout pas de nous chier à la gueule une nouvelle fois, et je dis ça pour t'éviter de crever sous les pattes de Rhellaya. Malgré tout, je t'aime, t'es mon neveu et tu es comme un fils que j'ai moi-même élevé, et je ne veux pas que tu y restes juste parce que tu es jaloux. La sécurité de mes enfants passe avant tout, et je t'inclus dedans. Pour ta propre sécurité, tu dois arrêter de les voir. T'as compris ?! Ne les approche plus, ou Rhellaya t'exécutera sur-le-champ. Elle, ça la dérange pas d'avoir à te tuer, alors réfléchis bien.

Et enfin, je partis définitivement. Il était impensable que je rentre immédiatement. Je prévins Valaka et Jango qui était avec elle. Je comptais sur lui pour le surveiller un peu. Ensuite, je ne savais pas quoi faire. Il fallait que Rhellaya et moi parlions, je savais qu'elle avait besoin que je l'écoute, mais je savais aussi qu'elle m'en voulait de ne pas être intervenu avant elle. Personnellement, je n'avais pas envie de rentrer de suite, et je savais aussi très bien que si discussion il y avait dès mon retour, je ne dormirai pas avec eux. Je préférais lui laisser une nuit pour se reposer, et le lendemain, nous pourrions discuter "calmement", sans trop nous énerver. Mais je pouvais déjà dire une chose : elle avait raison. Mes sermons restaient lettres mortes, et si je n'avais pas bougé, outre que le choc, c'était aussi pour une autre raison : elle avait raison quand elle disait qu'un sermon de plus ou de moins de ma part ne changerait rien. Il fallait qu'il réalise la gravité de la situation, et elle seule pouvait lui faire comprendre.