Cette fois, Sobek reprenait fermement les rênes de la rivière ! Il comptait bien passer la majeure partie de son temps à aider les crocodiles et à préparer son « coup de force » contre les lions. Ainsi, les siens ne pourraient pas l'accuser de ne pas être présent. Il devait montrer qu'il n'était pas qu'un simple dominant avide de pouvoir. Il était le roi et par conséquent, il devait être sur tous les fronts et faire tout son possible pour aider et guider son peuple.

Aujourd'hui, il se trouvait en compagnie de quelques crocodiles qui étaient de jeunes adultes et surtout de futurs guerriers. Il s'était fixé pour objectif de peaufiner leurs aptitudes au combat et bien sûr tester leur maîtrise dans quelques duels amicaux. En guise d'échauffement, Sobek décida d'effectuer quelques séries de sauts au beau milieu de la rivière. Des simulations d'attaques de crocodiles qui se devaient d'être rapides, précises et foudroyantes.
Les bonds s’enchaînèrent dans un joyeux concert de vagissements et autres grondements rauques. Le crocodile géant observait attentivement sans un mot et finit par apporter ses commentaires :

C'est bien mais ça manque encore de rapidité ! Avec l'effet de surprise, vous devez frapper avant que votre proie ne réagisse... Si vous la manquez, elle détalera et vous resterez sur votre faim.

C'était au tour de Sobek de faire sa petite démonstration. Il plongea et disparu dans les eaux troubles de la rivière. Les autres écailleux attendaient, sans un bruit, cherchant à deviner où leur congénère allait réapparaître. Le roi de la rivière perça brusquement la surface de l'eau et la puissance de sa queue le fit s’élever dans les airs avant de retomber lourdement dans la rivière, éclaboussant les alentours. Pour un crocodile de sa taille et de sa masse, c'était un saut plutôt impressionnant ! Mais après tout, on ne devient pas le roi de la rivière par hasard...

Vu ? Exercez-vous dés que vous en avez l'occasion ! Je ne remet pas en doute vos talent pour la chasse à l’affût mais vous gagneriez en efficacité. Passons à autre chose... Toi, défends-toi !

Sans plus de détails, Sobek s'élança sur son congénère qui ne se fit pas prier pour entrer dans la danse. Aucune morsure n'était destinée à blesser et les coups de patte et de queue étaient maîtrisés quoique parfois un peu rudes. Là encore, à chaque fois qu'il réapparaissait à la surface, le crocodile géant commentait :

Bien ! Joli coup ! Mieux les réflexes, tournes sur toi-même si tu te trouve en difficulté. Allons sur la berge, tu peux aussi être amené à lutter sur la terre ferme et c'est un environnement bien différent...

Mais l'attention des autres crocodiles était captivée par autre chose. Sobek détourna le regard et crut apercevoir un lion dans les environs. Ironiquement, il déclara :

Un spectateur ? Ne bougez pas, je m'en charge.

Le crocodile géant s'empressa de rejoindre la berge et se laissa mollement échouer sur la terre ferme. Que voulait donc ce lion ? Ce n'était pas le moment de venir troubler le calme de la rivière, les hostilités s'affirmaient de jour en jour.

Alors qui donc était ce lion ? Simple curieux ? Provocateur ? Sobek se doutait que ses préparatifs ne pouvaient pas totalement passer inaperçu. Mais peu importe ! Il fallait faire ce qui devait être fait ! Récemment, il y avait encore eu quelques intrusions sur le territoire des écailleux. Cela faisait trop longtemps que les crocodiles restaient passifs. Il était temps de rappeler qui étaient les véritables maîtres de la rivière.
Le regard du roi de la rivière détailla le lion qui se trouvait sur la terre ferme. Un jeune mâle au pelage couleur sable. Un lion du désert ? Possible mais très peu probable... Il s'agissait plutôt d'un Outlander, à n'en pas douter. C'était étonnant mais Sobek avait l'impression de l'avoir déjà vu. Ou peut-être étaient-ce certains détails physiques ? Difficile à dire et à vrai dire, à part Chombo, l'écailleux ne connaissait pas beaucoup de lion... En tout cas, celui-ci prit la parole, avec un ton plutôt ironique. Pour bientôt ? Le crocodile géant eut un rictus et répondit avec la même ironie :

S'il doit se passer quelque chose ici, je pense que tu seras parmi les premiers informés. En partant du principe que ce lion était bien affilié à Outland. Mais que pourrait-il donc bien se produire ?

Secret de Polichinelle... Mais il était intéressant pour Sobek de vérifier si les tumultes et rumeurs de la rivière étaient prises au sérieux au point d'inquiéter le voisinage. Il n'aimait pas passer pour un « va-t-en-guerre » et quelquefois, la dissuasion et la menace était la meilleure des armes. Néanmoins, il était prêt à aller jusqu'au bout si ses exigences n'étaient pas entendues.
L'Outlander reprit la parole et ses mots eurent le mérite d'être plutôt étonnants ! Pousser quelques lions à la rivière ? Sobek hésita, cherchant à savoir s'il s'agissait d'une blague ou si c'était sérieux.

En voilà une proposition intéressante ! Même si je pense que mon peuple compte beaucoup de guerriers capables de se débrouiller par eux-mêmes. Néanmoins lion, ne te méprends pas ! Notre objectif premier n'a jamais été de répandre le sang et semer la mort dans le camp de potentiels ennemis. Je sais comment se finissent les conflits entres lions : en véritable charnier !

L'écailleux n'avait rien vu de l'ultime combat pour faire tomber les Nyeusis mais les histoires et rumeurs sur ce conflit abondaient !

Je préfère éviter cela ! Je connais même plusieurs crocodiles qui ont agit comme les pires traîtres à mon encontre et qui sont encore en vie. En revanche, si les choses ne changent pas rapidement, alors il y aura de fâcheuses répercussions...

Clairement, si la rivière se réveillait, elle pourrait bien faire trembler la savane ! Sobek se serait bien passé de ce petit discours politique mais autant éclaircir les choses tout de suite. Il poursuivit, sur un ton moins grandiloquent :

J'ai dit tout cela en supposant que tu es un Outlander. Je ne pense pas m'être trompé, n'est-ce pas ?

Restait le pelage clair du lion qui n'était pas dans les normes du lieu. Cependant, à sa connaissance, Outland accueillait régulièrement les exilés et autres solitaires. Voilà qui expliquait les petits détails physiques atypiques de certains des membres de ce clan...

Sobek eut un rictus en entendant la réponse du félin. Ce dernier confirmait bien son appartenance au clan d'Outland. Néanmoins, il ne semblait pas porter un grand intérêt à son clan, chose assez rare pour un lion... Cette particularité, si elle était exact, pouvait présenter un intérêt certain. Finalement, Sobek n'était pas forcément pressé de voir « l'intrus » quitter les berges de la rivière...
La suite fut tout aussi instructive. Le lion assura que pour les siens, il était impossible d'obtenir quelque chose sans se montrer belliqueux et conquérant. Le crocodile géant acquiesça, ne faisant hélas que dissiper ses derniers espoirs. Oui il avait vu ce que donnait la diplomatie sur les grands félins... Malgré les avertissements et les négociations, la situation n'évoluait pas. Les lions espéraient-ils que les crocodiles ne se lassent et reprennent leur statut de peuple soumis ? Ils pouvaient toujours rêver...

Une inquiétude ! Voilà tout au plus ce que représentait le peuple à écailles... Faire couler le sang pour être enfin respecté était donc l'unique solution ? Sobek ne voulait pas y croire mais chaque jour qui passait semblait donner raison à cette théorie. L'exemple des hyènes était en effet le plus marquant ! Durant des lunes, les charognardes étaient restée prisonnières de leurs terres désolées. Après la bataille de Prideland, elles avaient obtenu des terres semblables à celles des lions ! Néanmoins, Sobek n'avait rien du conquérant sanguinaire. Il voulait redonner à son peuple le respect et l'indépendance qui lui revenait de droit...

Bien ! Je n'aime guère cette option mais si je n'ai pas le choix... J'accepte ta proposition ! Si le conflit éclate, libre à toi de pousser les tiens dans les eaux tumultueuses de la rivière. Ce qui doit être fait sera fait...

La proposition paraissait tellement irréaliste pour l'écailleux. Jamais il ne pourrait se résoudre à sacrifier l'un de ses congénères à l'ennemi, même le pire des traîtres... Généralement, les conflits graves se résolvaient avec un duel. Si aucun des deux adversaires ne se soumettait, la mort se chargeait de les départager. Dans la rivière, il s'agissait parfois de la seule sortie honorable...
Les félins étaient étranges, s'entretuant en masse dans des conflits dont ils avaient le secret. Cependant, Sobek ne pouvait croire que ce lion agissait ainsi sans raison. Derrière cette proposition, il y avait sans doute autre chose...

Dis-moi lion, qu'espère tu obtenir en agissant ainsi ? Quel peut bien être ton intérêt dans cette histoire ? Je n'ai pas l'intention de t'offrir une place parmi les miens, l'un des vôtres ayant déjà ce privilège. Et tu prends beaucoup de risques envers ton clan, si ton plan venait à échouer...

Le crocodile géant s'extirpa entièrement de l'eau. Il fit quelques pas sur la berge, avançant mollement vers le lion. Il voulait voir de plus près le regard de celui qui envisageait de jouer « l'agent double ».

Sobek ricana lorsque le félin évoqua ceux qu'il désirait « pousser dans l'eau ». La phrase était bien trouvée et elle était plutôt plaisante. Tout le monde avait des ennemis et parfois, on aimerait que certains d’entre-eux disparaissent pour de bon. Malheureusement, il n'était pas toujours possible de faire le « sale boulot » soi-même... Avec le climat tendu qui régnait actuellement, les accidents risquaient fort de devenir monnaie courante sur les berges de la rivière. Si cela pouvait profiter à quelqu'un, tant mieux, le crocodile n'y voyait aucun inconvénient...

L'Outlander ne pouvait pas abattre seul des lions de son propre clan ! Déjà, il risquait de ne pas être de taille et s'il échouait, les conséquences pour lui seraient certainement désastreuses... Ensuite, en dehors de ses avis personnels, il n'avait aucun motif valable pour tuer un autre Outlander. Les écailleux possédaient en effet tout ce qui lui manquait...
Malgré l'approche du crocodile géant, le lion n'avait pas bougé d'un poil. Ce dernier prononça le nom de Chombo Hiki et là encore, il ne fit que confirmer les craintes du roi de la rivière. Chombo était devenu bras droit pour Outland et il avait désormais une famille. Il avait sans doute d'autres choses à faire et les problèmes de la rivière n'étaient plus qu'un vague souvenir... Loin des yeux loin du cœur... Amer, Sobek finit par répondre :

Ne t'en fais pas lion, je comprends où tu veux en venir. Autrefois j'ai toléré la présence d'un lion parmi les miens, pensant que cela rapprocherait nos deux peuples. Je comprends maintenant mon erreur et j'en tire les leçons qui s'imposent... Désormais, plus aucun lion ne sera toléré sur les berges de la rivière ! Je me fiche bien des combats passés de cette pseudo reine d'Outland ! Les habitants de cette rivière était là bien avant l'arrivée des lions et nul ne peut prétendre revendiquer cet endroit comme s'il s'agissait d'un territoire conquis. A croire qu'avec certaines espèces, la cohabitation est impossible...

Le message était clair : aucun lion, qu'il soit d'Outland, de Prideland ou d'ailleurs. L'inconnu évoqua d'ailleurs la possibilité que d'autres royaumes soient touchés par les soubresauts du peuple à écailles. Pendant un instant, Sobek parut songeur avant de répondre :

Aucun autre clan de lions n'a jamais eu de considération pour les miens ! Pourquoi en aurais-je en retour ? Les tiens semblent se croire supérieurs aux autres espèces mais c'est un leurre ! Je leur laisse leurs étendues de sable et de terre. Mais ici c'est différent... Amènes-moi le fou qui pense pouvoir dominer en ce lieu. Il plongera une patte dans l'eau et à cet instant, je te montrerais qui contrôle vraiment la rivière...

Le crocodile géant ponctua sa phrase avec un brusque claquement de mâchoires. Quel conquérant pouvait prétendre avoir des droits sur un territoire sans jamais y poser une patte ?

Je suis Sobek, le seul et véritable roi de la rivière ! Et ce titre, je ne l'ai pas usurpé, contrairement à d'autres... Je guiderai les miens sur le chemin de la liberté et gare à ceux qui se dresseront devant nous. Nos ennemis devront faire un choix, bon gré, mal gré... S'ils ont soifs, ils devront faire preuve d'un minimum de respect ou aller voir ailleurs...

Chaque jour, Sobek voyait germer en lui une certaine rancœur envers les lions. Et peu à peu, cela devenait plus tenace qu'une simple rivalité entre prédateur... Néanmoins, malgré cela, il se surprenait à discuter calmement avec cet adolescent Outlander. L'écailleux n'avait pas oublié Chombo et les longues discussions qu'ils avaient partagé. Mais la confiance s'estompait de jour en jour et le peuple à écailles ne pouvait plus se permettre d'attendre. La passivité ne mènerait à rien... Il fallait agir avant que leurs rivaux ne parviennent à les dominer.
Le roi de la rivière avait entamé les présentations et il attendait évidemment que le lion décline son identité. Il déclara se prénommer Mopenzi avant d'ajouter « avec vous ».

Sobek comprit que l'inconnu n'était pas prêt à lui dévoiler sa véritable identité ! Le crocodile fut d'abord vexé, estimant être quelqu'un de confiance... Mais rapidement, il comprit que le lion devait se faire discret. S'il tenait ses engagements, l'Outlander risquait gros et ce statut « d'agent double » n'était pas enviable. Ici, afin d'éviter les écarts malheureux, les habitants de la rivière ne devront donc connaître que ce nom de code.
Le lion assura être différent des autres et même si l'écailleux avait entendu cela à plusieurs reprises, il voulait bien lui octroyer cette chance. Cependant, quelques petits détails devaient être éclaircis afin de ne pas reproduire les erreurs passées...

Mopenzi ? Bien, en ce lieu, ce nom sera donc le tient ! Néanmoins, ne te méprends pas : ce nouveau statut au sein de la rivière ne te donne pas le droit d'agir ici en toute impunité. Inutile d'espérer commander les miens ou bien parler en mon nom... Les miens sauront te reconnaître et m'avertiront de ta présence ou me rapporteront tes faits et gestes.

Jusqu'à nouvel ordre, la main mise qu'avait Sobek sur la rivière restait entres ses pattes. Il était peut-être un roi juste mais il souhaitait garder une poigne de fer sur son peuple. Par le passé, il avait failli perdre la confiance des siens, il ne ferait pas deux fois la même erreur... Il avait lutter pour obtenir le privilège décrire la destinée des siens, il lutterait ardemment pour conserver ce privilège. Chez les écailleux le pouvoir ne se partage pas, il se mérite ! Un meneur devait prouver qu'il était bien plus qu'un lézard sous une armure d'écailles...
Visiblement, Outland traversait une période compliqué avec sans doute des raisons dont seuls les lions avaient le secret. L'adolescent évoqua même une guerre civile, ce qui n'était jamais une situation enviable pour un royaume. L'union fait la force, les crocodiles mesuraient toute l'importance de ce dicton. Les hyènes semblaient également emprunter le même chemin. Les lions restaient une énigme, comme s'ils se regroupaient pour mieux se déchirer ensuite... Quoiqu'il en soit, cela arrangeait grandement les affaires du royaume des écailleux.

Nous verrons cela mais pour un lion, tu sembles effectivement être quelqu'un de confiance. Prends garde à toi, les tiens sont parfois plus redoutables que certains troncs flottants sur cette rivière...

Cela faisait un moment qu’ils les épaient et qu’il se retenait de bondir entre l’écailleux et l’adolescent tellement cette scène lui paraissait iréaliste. Soto était étonné. A quoi jouait Fahari ? C’était la toute première interrogation que le lion doré s’était faite lorsqu’il les a surpris ensemble, se cachant ensuite dans les rares hautes herbes du lieu pour écouter la conversation. Et on pouvait le dire, il ne l’appréciait pas du tout.

Fahari qui présentait les politesses les plus propres à Sobek, Sobek qui semblait le considérer presque comme un allié. Comment peut-on sympathiser avec ces écailleux ? Soto en était presque à grogner dans son coin vis-à-vis de l’attide du Jangowas. Si lui-même venait à le trahir, ça n’allait pas bien finir.

Mais c’était trop gros pour ne pas cacher quelque chose. Et effectivement, Fahari semblait chercher un certain intérêt derrière son apparence trop mielleuse. Cela, Soto tenta de le comprendre avant de se précipiter pour peut-être , gâcher quelque chose de plus profond que ce que montrait la surface de la conversation.

Un sourire vint pour le lion doré lorsqu’il entendit Fahari parler de Chombo Hiki. Et enfin il commençait à comprendre où il voulait en venir. Il ne voulait pas faire des crocodiles ses amis, il voulait les retourner contre Chombo et peut-être même contre bien plus de lions. Quelqu’un qui ne connaissait rien de Fahari ne pouvait pas forcément savoir qu’il avait de mauvaises intentions, mais pour Soto cela lui crevait les tympans quand il entendait les accusations. Il sentait la bonne odeur de la jalousie du Jangowas lui chatouiller les narines, et il était bien tenté d’aller lui donner un coup de patte.

Malheureusement, Sobek connaissait le lion doré depuis sa plus tendre enfance. S’il imitait l’approche de Fahari, le crocodile verrait de suite que le lion doré marcherait dans une combine, et de toute manière, le lion de l’orage n’allait certainement pas se rabaisser à sympathiser même faussement avec des bestioles autres que des lions. Il fallait avoir l’air naturel, et pour cela quoi de mieux que de se comporter de manière...Sotoresque ?

Il s’avança enfin vers Sobek et Fahari. Il était sur ses gardes car il prenait l’hypothèse que ses prochaines paroles ne seraient pas très appréciés par le crocodile. Sur la terre ferme il avait l’avantage, mais il n’était pas encore complètement adulte et donc avec les moyens nécessaires d’affronter un crocodile géant.

-C’est noble de ta part d’avoir de la compassion pour l’espèce inférieure, Mopanzi mais…

Il démarra de façon bien moins distinguée que son partenaire.

-As-tu vraiment besoin de ses encouragements pour remuer ta grosse carcasse, Sobek ? C’est triste. Sait-tu pourquoi ton grand ami, Chombo, montre moins d’intérêt envers vous à présent ?

Il trouvait les propos de Fahari certes intelligents mais...un petit peu mou. Pour causer de véritables vagues, il fallait se montrer un poil plus dur. Si Sobek voulait prouver la valeur de son peuple aux yeux des Outlanders, il fallait qu’il se reveille.

-Il vous sait inoffensifs, ils vous savent tous inoffensifs, c’est bien pour cela qu’il a décidé de d’avantage se tourner vers sa famille plutôt que de continuer à vous « surveiller » inutilement. Car il te trouve faible à présent, Sobek, il ne s’en cache pas auprès des siens. Mentit-il. Tout comme la reine Tahani qui ne s’est jamais soucié de vous comme une menace, car vous n’effrayez que les lionceaux. Elle ne vous donnera jamais l’estime que vous souhaitez tout simplement parce que je te sais incapable de l’obtenir. Qui aurait peur de troncs d’arbres flottants inactifs comme vous ?

Il parlait au nom de Chombo Hiki et de Tahani, cela lui suffisait. Les crocodiles avaient eu le Prince Tadji et Khalakka entre les pattes et pourtant, rien n’avait été fait à leur personne malgré l’attaque qui avait eu lieu, cette histoire s’était propagé. Sobek n’avait jamais fait de véritable exemple en vérité, c’était difficile pour certains Outlanders de le prendre au sérieux.

-Tu ne sais même pas tenir correctement en laisse tes congénères à demi-cervelle et tu veux t’imposer avec eux face à l’espèce des lions ? Souligna t-il, en faisant référence à certains fauteurs de trouble dans ses rangs. Tu fais rire les Outlanders à chaque evocation de ton nom.

Il semblait que Misuli, un des crocodiles de la rivière, avait déjà causé des soucis ici. Qui dit que cela n’allait pas recommencer ? Si Sobek devait en plus de cela gérer des conflits intérieurs.

-Tant que tu leur laissera une seule goutte d’eau de disponible Sobek, même en échange d’un faux respect devant toi, tu seras toujours le faible lézard de qui ils se joueront. Ce que je ne doute pas.

La rivière était l’un des seuls points d’eau du royaume, cela ne manquerait pas de causer du souci si plus aucun Outlanders n’y a accès. Et cette situation serait déjà bien satisfaisante pour les petits fauteurs de trouble d’Outland. Lui, boire, ce n’était pas un problème. Il connaissait le chemin pour aller boire au Lac-Au-Roi même s’il n’en a normalement pas le droit. Un seul lion, ça ne se remarque pas. Mais si un clan entier se sentait obligé d’aller s’y abreuver, les problèmes allaient s’enchainer.

Certains crocodiles fauteurs de troubles allaient-ils donner raison à Soto ? Après tout, ils se montrent parfois bien plus extrèmes que leur chef et c’est l’effet que le lion doré tente de provoquer chez lui contre les autres Outlanders, alors….

-Ce sont les choses qui se disent à la Termitière, je n'invente rien. Libre à toi de voir les choses en face ou de te comporter comme toujours, en crocodile stupide qui pense que cela peut s'arranger en exigeant une reconnaissance qui n'existe pas et qui n'existera jamais. Tu te laisses toujours trop faire, mais après tout, cela est sans doute une caractéristique de ton espèce, non ?

Il serait bête que les crocodiles et les Outlanders retrouvent un terrain d'entente trop rapidement, il fallait chauffer un peu la piste. Le conflit n'avait pas encore réellement éclaté, mais avec un peu d'aide, ça n'allait pas tarder. Ça passe ou ça casse.

« Espèce inférieure... » Cette formulation avait suffit pour capter toute l'attention de Sobek qui détourna le regard vers le nouveau venu. Le lion doré ! Il avait bien grandi mais il s'agissait bien du lionceau que Chombo avait sauvé des eaux tumultueuses de la rivière. L'écailleux n'en gardait pas un très bon souvenir mais à l'époque, il avait imaginé que le caractère du lion évoluerait avec l'âge. A en juger par cette première phrase, rien n'avait changé. Et ce n'était que le début...
« Grosse carcasse », « inoffensif », « faible », « troncs d'arbres »... Sobek laissa échapper quelques grondements rauques, réprimant l'envie de vociférer un « ferme-là » pour mettre fin à ce monologue fort déplaisant. Le lion d'or jouait la carte de la provocation mais l'écailleux ne se laisserait pas prendre au piège si facilement. Il avait déjà enduré bien des provocations de la part des félins et il n'était plus si facile de le faire sortir de ses gonds.

Sobek prit un regard mauvais mais laissa la parole au nouvel arrivant. Ainsi les Outlanders se fichaient de lui ?! Il prit bien note de cette nouvelle même si extérieurement, il restait impassible. Il aurait tout le loisir de régler cela avec les autres Outlanders qui s'approcheraient de la rivière. Mais pour le moment il écoutait, sans bouger la moindre écaille. « Crocodile stupide » Un nouveau grondement se fit entendre mais là encore, l'écailleux attendait son tour en observant ses congénères aux alentours. Non il ne se donnerait pas en spectacle en se laissant submerger par la colère. Un rictus mauvais se dessina sur sa large gueule et finalement, sa voix se fit entendre. Inutile de mentionner que le ton était froid et un brin provocateur.

Je suis heureux de voir que tu n'as pas changé depuis notre première rencontre. A croire que tu seras toujours un lionceau, prisonnier dans un corps d'adulte. Tu parles sans savoir et finalement, au-delà de tes paroles, tout le monde réalise que c'est toi qui ne représente aucun danger ici...

Sobek remua la tête de droite à gauche, faisant mine de s'étirer pour chasser un ennui profond.

Tu sembles me manquer de respect mais à vrai dire, tu parles de si loin que j'ai grand peine à t'entendre d'ici... Pourquoi ne pas venir plus près, juste là sur la berge ? Ainsi nous pourrons voir si tu es aussi courageux que loquace. Je me fiche bien des ragots d'Outland et de leur tas de poils qui grognent de loin, je sais ce que mon peuple veut et je sais aussi comment l'obtenir...

Le crocodile géant pivota légèrement sur le côté afin d'être parfaitement parallèle à la rivière. Brusquement, il donna un coup de queue qui déchira la surface de l'eau et éclaboussa légèrement les alentours. Il était le maître ici et ce n'était pas près de changer... Son attention revint momentanément sur Mopenzi.

Le sang coulera mais ce ne sera pas celui du peuple d'écailles. Ils jouent peut-être les durs mais au fond, ce n'est qu'un ramassis de parias, de réprouvés et de misérables rejetés par leur clan d'origine. Ils avaient même perdu leurs terres au profit des hyènes qui en passant, se sont montré bien plus respectueuses en occupant les alentours. Quel vaste camouflet pour ce peuple de soi-disant guerriers... Quand il s'agit de vengeance, les crocodiles sont plutôt patients et je n'ai nullement l'intention de précipiter les choses. Des lions, rois ou guerriers, j'en ai vu mourir juste en observant les lunes s’enchaîner, je suis plus âgé que vos deux parents réunis. D'ailleurs, dans la rivière, il y a proverbe saurien qui dit : si quelqu'un t'a offensé, allonge-toi sur la berge et attends patiemment. Bientôt, tu verras passer son cadavre...

Sobek ricana légèrement, fier de mettre l'accent sur l'espérance de vie que Dame Nature ou les Grands Esprits lui avaient octroyé.

Pour une espèce supérieure et sage, vous êtes plutôt éphémères... Mais peu importe ! Le crocodile géant plongea son regard dans celui du lion doré avec un rictus amusé. Il questionna, sur un ton qui semblait las et totalement détaché : Dis-moi, lion, derrière quelle patte espères-tu donc te cacher aujourd'hui ? Celles de Mopenzi ?

Petite référence à leur première rencontre. Question mémoire, les crocodiles rivalisaient avec les éléphants...

Au vue des grognements du crocodile, Soto savait qu’au fond ses paroles faisaient mouche. Et c’est une colère qui retomberait tôt ou tard sur les Outlanders, il le savait. Sobek était fort pour ne rien laisser transparaître stupidement devant les siens pour garder de la crédibilité, mais le lion doré sentait l’agacement désiré.

-Tu fais référence au jour où les tiens s’en sont pris à plusieurs sur un lionceau de 3 mois qui regardait simplement son reflet dans l’eau ? Tu ferais mieux de ne pas évoquer ce passage devant les Outlanders, histoire qu’ils ne se rappellent pas trop vite de votre lâcheté. Répondit-il en rendant un sifflement suivi d’un rictus au crocodile géant.

Ces crocodiles d’ailleurs qui l’avait attaqué ce jour-là, ils ne perdaient rien pour attendre. Le temps que Soto grandisse et atteigne sa taille adulte, qu’ils en profitent. S’il faut qu’il y ait un seul crocodile qui paye pour tous les autres, cela sera fait. Mais le lion doré ne comptait pas laisser cela de façon impassible. Et c’était la même chose pour Ghoul, Rhellaya, etc.… Tous autant qu’ils sont.

-Il est heureux que tu ait encore la perspicacité de comprendre malgré ton grand âge qu’un adolescent n’est pas un danger pour une cinquantaine de crocodiles, belle réflexion. Mais n’ai pas peur Sobek, le lionceau sera au plus proche de toi seul quand il sera adulte… Dans le cas bien sûr où les Outlanders n’auront pas eu raison de toi, comme ils en sont si sûr.

Il rajoutait volontairement des piques sur les Outlanders, afin de ne pas apaiser trop vite la colère du crocodile sur le clan. Après tout, c’est pour ça qu’il est venu.

Sobek pouvait rire pour le moment sur les prétentions verbales du lion jaune, Soto s’en moquait bien. Le lion jadis systématiquement imprudent commençait à apprendre de quelques-unes de ses erreurs avec la présence de Fahari et il suffisait d’une seule confrontation avec les dents des lézards pour savoir qu’on ne s’y risque pas une deuxième fois sans pleine possession de ses moyens. Moyens qu’il n’avait pas encore, son développement anatomique n’étant pas arrivé à son terme. Il promettait d’être très proche de la taille d’Hourasi, qui lui, était déjà énorme, disons-le.

-Attendre que tes adversaires meurent tous de vieillesse ou de soif avant de te proclamer vainqueur, on peut effectivement appeler ça une grande patience. Peut-être même une trop grande pour certains de tes congénères qui en ont assez de la situation. Il ne manquerait plus que tu perdre ton autorité chez les tiens à cause de ta mollesse habituelle, prend garde, tu n'es pas cerné seulement par les Outlanders. Certaines situations passées ont montré bien des choses.

Des fois que le lion jaune donnerait des idées aux plus turbulents du groupe de crocodiles. Bien qu'il soit plus grand et fort que le reste des lézards, cela n'arrangerait sans doute pas le chef d'avoir à régler des problèmes de deux cotés à la fois. Sobek connaissait-il une pression de son rôle ? Peut-être ou peut-être pas, mais tous les coups sont à essayer.

Soto avait bien d'autres idées pour se moquer encore des crocodiles mais après tout, Fahari devait déjà les avoir bien cuisiné pour en tirer quelque chose… Il n’allait pas prendre plus de risques pour risquer de briser ce qu’il avait prévu, ainsi il ne le mêlait pas à ses paroles et s’arrêta là pour changer de sujet.

Soto se rapprocha du Jangowas, il devait lui parler sous peu de sa conversation avec Hourasi, elle avait été utile, très utile. Il lui glissa à l’oreille :

- « Mopanzi ». Ce n’est pas pour lui que je suis initialement venu, c’est pour toi. Rejoins moi vers la Plaine Aride quand tu en auras terminé ici, j’ai quelques nouveautés pour nous.

La plaine aride, ou le coin le plus désert d’Outland. Nul doute que ce lieu de RDV devait attirer la curiosité sur le sujet à confier.

Il se tourna ensuite vers Sobek.

-J’observerais les fruits de tes actions, s'ils parviennent à pousser ne serait-ce qu'un peu. Voyons jusqu'à quel point les Outlanders réussiront à profiter de toi et de leur eau que tu occupes. Termina t-il, toujours avec des déterminants possessifs bien choisi pour ne rien cesser dans la provocation.

Avec l’aide d’un lion, le jeu était différent pour la bataille. Il suffisait que Fahari pousse les bons lions dans la rivière pour que les crocodiles fassent les bonnes vagues. Sur ces mots, le lion jaune s'éloigna, en organisant les derniers évènements dans sa tête. La conversation avec Hourasi, la colère des crocodiles avec en nouvel "allié" Fahari... Rien en faveur de bon nombres d'Outlanders en somme.

Il commençait à avoir de bonnes cartes sous la patte pour réellement débuter son jeu.

[C'était une petite apparition rapide, merci pour la place ! =P]

Lâcheté ? Sobek ne cédait plus à ce genre d'attaque, surtout venant des Outlanders... Les lions s'imaginent être les plus puissants mais ils grognent de loin. Même le zèbre Matsukan s'était montré plus courageux en venant effleurer la surface de l'eau pour discuter avec l'écailleux ! Et il s'agissait pourtant d'un herbivore, congénère de ceux que beaucoup dépeignaient comme étant des êtres distants et craintifs... Bah, l'avis des lions ne comptait plus vraiment pour le roi de la rivière. Ils pouvaient tous s'entretuer et leur espèce pouvait bien disparaître, ce serait un bénéfice pour tous ceux qui se trouvaient contraints de les côtoyer...

« le lionceau sera au plus proche de toi seul quand il sera adulte… » Une menace ? Une prédiction pour l'avenir ? Sobek esquissa un sourire mauvais et laissa même échapper un petit ricanement ironique.

Ne t'en fais pas pour moi, je serai toujours là ! Mais il s'agit encore d'une promesse que tu seras incapable de tenir... Tout cela me lasse...

Nouveau simulacre de bâillement et d'ennui. Soto s'aventura ensuite sur un terrain plus « glissant » : la nécessité de maintenir une parfaite autorité sur l'ensemble du peuple d'écaille. Avec des traîtres comme Misuli, il s'agissait d'être vigilant sur les rumeurs qui pouvaient circuler. Sobek faisait tout son possible pour asseoir son autorité mais il ne pouvait se résoudre à abattre un traître sans y être véritablement forcé. L'exil était, selon lui, la meilleure des punitions...

J'ai toujours agit dans l'intérêt de mon peuple ! Si l'un des miens pense que je ne suis plus à ma place, je me plierai à la loi de la rivière...

Un duel ! Un éventuel prétendant pouvait toujours défier le crocodile géant et espérer ainsi, en cas de victoire, obtenir le privilège de devenir le nouveau roi de la rivière.
Le lion doré glissa quelques mots à Mopenzi avant de tirer sa révérence. « Leur eau ? » Un bref grondement corrigea ce possessif que l'écailleux n'appréciait guère. Il voulait répondre mais préféra une fois de plus rester silencieux afin de ne pas trop se donner en spectacle.

Soto parti Mopenzi revint à la charge, déclarant que les Outlanders ne constituaient pas un peuple estimable et qu'il tenait à ce venger de certains de ses semblables. Sobek n'avait que quelques mots à dire et l'adolescent se tiendrait prêt ! Après quelques minutes de réflexion, l'écailleux déclara :

Dorénavant, nous allons nous efforcer d'attaquer et de chasser tous les lions qui s'aventurent sur la berge. Amènes en ce lieu ceux que tu ne portes pas dans ton cœur, s'ils doivent mourir, ils mourront ! La rivière va enfin retrouver ses véritables maîtres !

Et Sobek comptait bien appliquer cette stratégie sur toute la partie de la rivière qui bordait Outland et peut-être même jusqu'au Lac au Roi. L'idée était d'obliger les lions a se trouver un autre point d'eau, ainsi cela déplacerait le problème ailleurs que sur le territoire des crocodiles...

Advienne que pourra... Cette fois, il était trop tard pour reculer. Sobek avait endossé bien des rôles dans sa vie... Mais cette fois, il devait redevenir un chef de guerre ! Le temps des négociations était terminé, celui des avertissements également. Dorénavant, les lions devaient risquer leur peau à chaque fois qu'ils s'approcheraient de la rivière. Il fallait les contraindre à abandonner les rives de la rivière, à étancher leur soif ailleurs !

L'écailleux se chargerait de faire passer le message : les lions étaient maintenant des ennemis, peu importe leur âge ou leur clan d'appartenance. La ruse était vivement conseillée. Comme pour leurs proies, les crocodiles devaient s'efforcer de frapper par surprise et entraîner la cible dans l'eau. Ceci fait, il serait aisé de l'achever.
Pour le moment, cette guerre ouverte était uniquement dirigée contre les lions. Il n'était pas question de faire fuir les herbivores et les autres prédateurs avaient un droit de passage aussi longtemps qu'ils se montraient respectueux et discrets.

A très bientôt, Mopenzi. Si certains des tiens ont une place dans ton cœur, prends soin d'eux et éloigne-les de la rivière...

Sobek rechignait à transformer la rivière, d'habitude si paisible et majestueuse, en un champ de bataille sombre et sanglant. Mais il n'avait plus le choix ! Les lions avaient abusé de sa patience depuis trop longtemps. Désormais, ils étaient temps pour eux de payer et les affronts se lavaient dans le sang...

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