Le Rocher de La Fierté apparaissait enfin dans toute sa splendeur. Nous y étions, ça y est... Après tant de jours de marche, et toute la nuit passée à poursuivre notre chemin jusqu'à Prideland, nous y étions ! Mon cœur battait plus vite à chaque instant... Il fallait dire que cette nuit, j'avais été particulièrement coriace, presque autoritaire avec les guerriers tant j'avais hâte de retrouver ma famille, mon frère, l'élue de mon cœur, nos enfants...

Les étoiles au-dessus de nos têtes ne me faisaient plus d'effets cette nuit là. Un guerrier, à un moment, avait osé me demander si une pause était prévue, et moi je répétais inlassablement la même phrase :


- Hors de question de s'arrêter, nous y sommes presque... Nous arriverons bientôt. Chaque pas me rapproche d'elle plus encore que le précédent...

J'étais comme fou, cette absence me tenaillait depuis trop longtemps déjà. J'étais infatigable et si on m'avait dis auparavant que j'avais les capacités de me donner autant toute une nuit pour retrouver une seule lionne, jamais je ne me serais allé à croire ce que j'aurais pris pour des foutaises, ou une simple taquinerie. Quelle lionne aurait pu m'attendre de toute façon ? J'étais tellement timide que même face à un suricate, je pouvais bégayer... Mais Asahi elle, m'aimait. Je n'en avais jamais douté, et n'en douterais jamais... Jusqu'à ce qu'un autre des guerriers, épuisé sans doute de me voir ruminer que nous anniverions bientôt, ne partage une hypothèse fort déplaisante :


- Mais Messire Damu... Et si, pendant votre absence, Asahi avait rencontré un autre lion ? Si elle était partie, retournée chez ses parents ? Peut-être que Prideland ne lui plaît pas... Peut-être que sa famille lui manque...
- Comment... ? A-Asahi ?, balbutiai-je.

Ç'avait été comme si les mots refusaient de me parvenir tant la chose me semblait possible... Quel lion étais-je à ses yeux ? Et aux yeux des autres ? Quelle image pouvait bien renvoyer un félin, conseiller du roi, qui s'intimidait au moindre geste emprunt d'une part de tendresse ? Tout s'accéléra suite à ces questions, et je m'étais laissé croire l'espace d'une seconde que ma tête fumerait sous les innombrables pensées qui l'assaillaient tout à coup. Nous étions tous fatigués, alors réfléchir n'était plus permis. Je n'avais plus la force physique possible, plus l'énergie... Plus rien. Seul mon cœur refusait de lâcher la route, et chaque battement rythmait mes pas. Je n'eus bientôt plus que l'image de cette lionne qui m'avait offert 4 lionceaux aussi différents et uniques les uns que les autres et qui pourtant, se partageaient notre amour en parts égales...


- Dire qu'elle ne me fera pas ça parce que je la connais serait égoïste... Pourtant c'est ce que j'ai envie de vous répondre vous savez. Asahi... Asahi fera ce qu'elle voudra. Si elle veut partir, je respecterai son choix. Nous verrons si elle est encore au Rocher. Pour ça, il nous faut redoubler d'effort. Pensez à vos familles, cela vous donnera la même puissance que moi pour marcher jusqu'à eux. Vous verrez, même dans un certain chaos, l'amour peut tout.

Le reste du chemin s'était fait en silence, et lorsque la cime du Priderock avait été visible, tous avaient accéléré le mouvement. C'était comme une symphonie, une douce harmonie du cœur des guerriers qui enfin, retrouveraient les leurs... Et le soleil derrière nous se levait enfin...


- Arrêtez-vous, ordonnai-je subitement. Quelqu'un vient...

En effet, une silhouette rapide pourfendait la savane, la traversait à la vitesse d'une flèche pour venir se planter dans mon cœur. Asahi. Je pu réaliser que c'était elle seulement au moment où ma tête percuta le sol de la savane, me tirant d'un profond et long sommeil de solitude, qui loin d'avoir duré une éternité comme j'en avais la sensation, ne s'était épris de moi que durant 3 mois. Mes doutes s'envolèrent comme de la fumée. Comment ce guerrier avait-il osé les répandre dans mon être, et comment diantre avait-il pu s'y prendre de façon aussi aisée... ? Il était si facile de me déstabiliser ? De bousculer mes convictions ? Non... Convictions n'était pas le mot exact. On ne peut parler de convictions lorsque l'on évoque les états d'âme du cœur, car rien n'est jamais acquis.


- Asahi... T-Ton amour pour moi est toujours aussi vrai..., soufflai-je. Oh, si tu savais comme tu m'as manqué !

Les guerriers n'apparaissaient plus. Rien n'était plus qu'elle à mes yeux. Lorsqu'elle était là, mon univers changeait. Tout, se tranformait. C'était notre monde à nous, ou mes yeux ne voyaient que les siens. Personne d'autre, aucune distraction... Juste le loisir de voir sur son visage se dessiner un sourire, et dans la flamme de ses yeux se peindre quelque douceur exclusive à mon égard...


- Asahi, le feu qui brûle dans ton regard est le même que celui qui fait battre mon cœur à ta simple vue... Si tu savais comme j'ai eu peur pour vous... Pour toi, pour mon frère... Pour nos enfants. Comment vont nos enfants ?, m'enquis-je hâtivement. Et... Et toi ? Oh ma douce, je pourrais m'excuser mille fois de mon interminable absence.

J'avais tant de choses à lui demander, à lui raconter... Je blottis ma tête contre la sienne dans un ronronnement merveilleux. Elle seule pouvait offrir à mon âme tant de fougue et de passion... Si elle disparaissait un jour, je n'étais pas sûr de les ressentir encore une fois s'enticher de celui que j'étais... Mais je n'y pensais pas. Elle était là en ce moment, et ce moment pendant que je le vivais, comme chaque même instant passé à ses côtés, semblait n'être qu'une éternité ; jusqu'à ce que la séparation temporaire qui s'en suivait, ne me fasse ressentir l'émotion qu'il avait duré seulement la moitié d'une pauvre seconde, torturée par le temps...