La démarche souple mais vive, la féline traversait les quelques lieux qui séparait le campement des Jangowas du marais. Elle avait besoin de s'isoler. Swayli était introuvable, à son grand désarroi. Alors qu'elle serpentait dans le camp plus tôt dans la journée, Angani avait surpris une discussion entre son frère et l'un de ses conseillers, tous deux discutant des potentielles compagnes pour l'Empereur. A peine ses mots eurent-ils trouvé leur chemin jusqu'aux oreilles de la lionne que celle-ci s'était enfui, sous le regard désespéré mais impuissant de son frère. Ils étaient condamnés. Cette réalité ne cessait de tourner en boucle dans l'esprit de la lionne. Elle allait le perdre, à jamais. Trop fière pour profiter de leurs derniers instants, Angani préférait fuir son jumeau et toute la peine qu'il lui apportait.

Le marais était calme et aucun félin ne semblait se profiler à l'horizon. Angani soupira alors d'aise. Elle s'approcha du bord de l'eau et bien que la soif lui fut absente, elle bu goulûment. Elle sentait son estomac se remplir du précieux liquide et elle continuait de boire, encore et encore, dans l'espoir de combler ce vide en elle mais rien n'y faisait, cela ne semblait pas fonctionner. Résignée, elle se redressa et entra dans l'eau. Près du bord l'eau était peu profonde mais plus elle s'avançait, plus le niveau de l'eau montait. Bientôt, ce fut tout son corps qui fut immergé. C'était frais, presque froid en comparaison avec la chaleur qui tourmentait les habitants du désert. Angani soupira, hésita, puis elle plongea. Plus aucun son ne se faisait entendre, seulement l'écho des battements de son cœur qui résonnait à ses oreilles. Elle resta ainsi jusqu'à ce que l'air lui manque. Ses poumons l'oppressaient et sa gorge la serrait. Finalement, elle remonta à la surface et regagna la rive.

Toussant violemment, la lionne cracha de l'eau restée dans sa gorge puis s'ébroua férocement, faisant jaillir une pluie autours d'elle. Des pensées bien sombres l'avaient habité quelques instants plus tôt, des pensées conduites par un cœur brisé. Elle soupira à nouveau. C'est alors qu'un miaulement fort aigu attira son attention. Un peu plus loin, là où se porta son regard, un jeune lionceau était tendrement bercé par les pattes de sa mère. Wema. Bien qu'elle ait peu conversé ensemble, Angani la connaissait ; tout le monde dans le clan se connaissait aussi la sœur de l'Empereur n'était pas sourde aux rumeurs qui circulaient quant à cette lionne. Trop gentille, trop douce, trop soumise, beaucoup la considérait comme indigne des Jangowas pourtant, son sang était pur. Angani hésita à la rejoindre puis un second miaulement se fit entendre. Quelque chose en elle réagit étrangement et sans même qu'elle ait eu le temps de prendre une décision, ses pattes la conduisait déjà vers la lionne.

Il semblerait que les conditions de naissance de la petite étaient bien vastes et peu connues, l'identité du père avait longtemps été tenue secrète. Si Angani avait été mise au courant de la grossesse de la lionne, c'était uniquement par sa mère qui faisait partie des « anciennes ». Alibi, un jeune mâle du clan, était apparemment le père de l'enfant. La végétation bien que plus peuplé dans ce lieu restait maigre aussi la jeune mère n'avait-elle pu manquer l'approche d'Angani. Celle-ci avait adopté un pas lent, comme pour préparée la lionne à sa venue. Finalement, elle arriva à sa hauteur et la salua :

« Bonjour Wema. »

Son ton n'était pas agressif, seulement calme. A vrai dire, Angani était curieuse quant à la petite. Longtemps, elle avait évité tout contact avec les jeunes lionceaux, les trouvant stupide et trop curieux. Mais Angani avait vieilli, elle était dans la fleur de l'âge désormais et ses opinions avaient changé, de même pour ses désirs. Basculant son regard vers la petite, elle l'observa quelques instants. Ses yeux étaient vairons, comme ceux de son père il lui semblait mais son pelage était plus proche de celui de sa mère. C'était une belle petite.

« Ce doit être Kaya, n'est-ce pas ? »

La voix de la lionne s'était alors fait plus douce et fait rare, un léger sourire étira les babines noires de la féline.

Acquiesçant d'un signe de tête à la question de la lionne, la jeune mère n'en restait pas moins suspicieuse. Angani avait eu vent du traitement que lui réservait les autres membres du clan et sûrement mettait-elle la jumelle dans le même panier mais cette dernière ne lui en tenait pas rigueur, c'était instinctif et la méfiance avait sauvé bien des lions. Après tout même Angani ignorait la raison de sa venue, ses pas l'avaient simplement guidés. Un miaulement attira son attention et coulant un regard vers la nouveau-née, la féline fut surprise de voir celle-ci enjamber les pattes protectrices de sa mère pour s'approcher d'elle. Les yeux ronds, Angani observait la frêle créature l'approcher jusqu'à ce qu'un malheureux mouvement la fasse trébucher, heurtant directement les pattes de la lionne. Angani eut comme un hoquet de surprise, tétanisée par ce contact soudain. Heureusement, la jeune mère vint à sa rescousse et ramena l'assaillante contre elle. Angani soupira doucement bien que troublée.

« Ce n'est rien, ce n'est qu'une enfant. »

Le regard rivé vers la petite créature, la jumelle eut à nouveau un sourire. C'était la première fois qu'un être vivant l'attendrissait autant et surtout éveillait en elle d'étranges émotions. Mécontente de l'intervention de sa mère, Kaya grondait doucement bien que cela ressemblait davantage à un adorable petit miaulement. Le sourire d'Angani n'en était que plus large et sans surprise, elle en découvrit un semblable attendrir le visage de Wema. Voilà donc la plénitude qui nous habitait lorsqu'on devenait mère ? La voix douce de la lionne la sortir de son hébétement.

« Non non, rien en particulier. Je passais simplement dans le coin lorsque je vous ai vu toutes les deux... ne t'en fais pas, je ne souhaite nullement vous importuner. »

Attendrie par l'enfant, la jumelle laissait de côté son rôle de reine de glace et l'on pouvait découvrir un doux visage où se peignait un sourire sincère. Rares étaient les lions à avoir contempler la jumelle sous un tel jour mais tous ignoraient comment faire fondre sa forteresse, sauf Kaya... Celle-ci gesticulait tel un reptile entre les pattes de sa mère, cherchant à se libérer de son emprise. Quelle énergie...

S'asseyant non loin des deux lionnes mais de manière à respecter une certaine distance afin de ne pas intimider Wema, la féline lui demanda dans un sourire :

« J'espère que cette question ne va pas te paraître déplacée mais comment est la vie d'une jeune mère ? »

Angani s'étonnait elle-même d'être aussi avenante avec la lionne, elle qui d'ordinaire était si froide et distante avec les membres de son clan. Mais n'était-ce pas sa dépendance à son jumeau qui l'avait si longtemps maintenu éloignée ? Maintenant qu'elle se libérait de son emprise, Angani semblait se découvrir à nouveau et peu à peu, ses convictions ainsi que son comportement s'en voyait modifiés. Moins solitaire, plus ouverte, Angani semblait briller d'un nouvel éclat.

Angani souriait, comme apaisée. Jamais encore elle ne s'était vraiment intéressée aux lionceaux et s'était même efforcé de les fuir tant leur présence l'avait longtemps agacé mais maintenant qu'elle s'était assagi et portait un autre regard sur le monde, une étrange curiosité la prenait. Avait-elle des envies maternelles ? Non, Angani avait renoncé à cela bien longtemps auparavant lorsqu'elle avait trouvé l'être aimé. Malgré son honnêteté et sa passion, leur amour leur interdisait bien des choses et jour après jour, la liste semblait s'allonger comme si elle n'allait jamais en finir. Seraient-ils un jour heureux et ignorants des regards ? Son doux rêve s'effritait peu à peu et elle voyait son amour lui échappait. La lionne retint un soupir et posa son regard sur Kaya qui l'observait également.

Wema semblait surprise de sa question et à vrai dire, Angani l'était également. Un instant, elle craint que celle-ci refuse de lui répondre, trop suspicieuse quant à ses intentions pourtant nobles mais la jeune mère semblait comprendre. Calmement et un sourire amusé aux babines, Wema lui livrait son quotidien. La sœur de l'Empereur était étrangement intriguée et son regard passait successivement de la mère à la fille. Par son énergie, Kaya semblait beaucoup tenir de son père, Angani se souvenait de lui comme d'un lionceau turbulent. Échappant à la garde de sa mère, la petite lionne s'approcha discrètement de son aînée. Interdite, Angani l'observait sans trop savoir quoi faire. Volant au secours de la lionne, Wema rattrapa sa fille en pleine ascension et la cueillit contre elle. Angani retint un soupir, elle devenait étrangement paralysée lorsque l'enfant s'approchait d'elle et retenait maladroitement son souffle. Aurait-elle peur des lionceaux ? Angani déglutit, ce n'était pas ça non pas de la peur mais plutôt de l’intimidation. Ces petits êtres étaient ridicules à côté de son corps de guerrière et leurs miaulements étaient pitreries à côtés de ses rugissements mais quelque chose en eux la troublaient et sans même se battre, la féline capitulait. Pire encore que le désert et ses malices, cet enfant avait dompté la reine de glace.

Doucement, un sourire amusé se dessina sur les babines de la féline tandis que la mère vantait l'énergie débordante de sa fille. Oui, celle-ci semblait particulièrement vive et éveillée mais c'était bon signe, n'est-ce pas ? A la réflexion de Wema quant aux pouvoirs de sa fille sur les lions même les plus grincheux, la féline rit doucement. Oui, même elle avait été charmé.

« Elle semble t'apporter beaucoup de bonheur. » commenta-elle doucement et simplement.

Suivant le regard coulant de sa comparse, Angani réalisa à son tours que la petite s'était de nouveau échappé de sa garde et qu'elle n'était d'ores et déjà plus qu'à quelques mètres de ses pattes. Oh. Angani cessa tout mouvement, le regard fixé sur l'enfant. Un mètre seulement les distançait et la féline retenait difficilement son souffle. Elle semblait mal à l'aise en proximité du lionceau et celui-ci ne cessait de la fixer avec insistance. Que voulait-elle ? Soudainement, un miaulement aigu retentit : Gani. L'intéressée écarquilla ses grands yeux dorés tandis qu'un hoquet s'échappait malicieusement. Un petit sourire se dessinait sur ses minuscules babines et celui-ci suffit à détendre la lionne qui relâcha alors la pression dans un souffle.

Dans un murmure, la jeune lionne lui confiait que l'enfant semblait l'apprécier. Angani coula alors un regard en sa direction, un peu surprise. Elle devinait mal les intentions cachés derrière les intentions des jeunes lions mais heureusement, les mères étaient de vrais encyclopédie à ce sujet. Elle sourit doucement à Wema.

« Tu arrives à le savoir juste en la regardant... Ce qu'on dit sur les mères doit être vrai, elles connaissent leurs enfants mieux que personne. »

Une simple observation pointé d'une certaine admiration plus ou moins palpable. Abaissant légèrement l'échine vers Kaya, elle lui offrit un sourire. C'était une bonne petite. Soudainement rappelé à l'ordre par la courtoisie, Wema s'inquiétait de savoir comme se portait sa visiteuse. A ces mots, Angani resta un temps silencieuse avant de répondre simplement :

« Une journée comme une autre dans le désert aride. »

Elle mentait. Angani souffrait de la nouvelle distance avec son jumeau et regrettait les temps où Vako n'était pas Empereur. Ce rêve qui leur avait paru si beau semblait aujourd'hui les détruire. Malgré leur amour évident, le jeune mâle pressé par ses obligations se devait de prendre compagne et il semblait fin prêt à franchir le cap, quoi qu'en dise son amante. Angani coula un regard assombri vers ses pattes enfouis sous le sable. Non, elle n'allait pas bien mais heureusement, sa plus fidèle amie était présente plus que jamais à ses côtés et son affection pansait la plaie ouverte de la féline.

Motivée par son chagrin secret, son regard voilé se déposa sur la petite lionne. Un amour reconnu de tous, un enfant fruit de leur union, elle n'aurait jamais rien de tout cela. Wema l'ignorait mais la lionne l'enviait de sa liberté.

« Toi et Alibi... vous avez surpris tout le clan. Mais c'est une bonne surprise, pas vrai ? »

Reine des apparences, Angani retrouva un sourire calme et serein. Son intention n'était pas de mettre sa cadette mal à l'aise, elle voulait juste converser et peut-être en apprendre plus sur Wema. Depuis qu'elle s'était lancé dans sa quête d'indépendance, Angani tenait à se rapprocher de son clan et il lui semblait que la situation était propice à un tel exercice.

L'enfant semblait réagir au nom de son père et l'éclat qui illuminait soudainement son regard amusa la lionne. Angani n'avait jamais été particulièrement proche de ses parents et enviait cet amour qui lui était inconnu. Wema quant à elle semblait moins enjouée et même gênée. Simple timidité ou anguille sous roche ? Dissimulant son embarras, elle lui répondit que c'était effectivement une bonne surprise et qu'eux même avaient été étonnés. Angani se contenta de hocher la tête, un léger sourire aux babines. Elle n'insisterait pas sur cette question, elle n'avait pas pour but de malmener la grise.

Pourtant derrière son silence, la féline n'en pensait pas moins. Quelque chose sonnait faux dans le récit de la jeune mère, ce n'était pas une histoire ordinaire façonné par le cœur, cela crevait les yeux pour une lionne qui avait façonné sa vie autours de son unique amour. Pourquoi cette union dans ce cas ? Quelque chose avait bien dû motiver les deux jeunes parents mais cela n'avait rien à voir avec l'amour.

« Elle est déjà très agile, elle fera sans doute une bonne guerrière. Je pourrais l'entraîner quand elle sera plus grande. » proposa la lionne mais loin était l'idée de faire d'elle une machine de guerre aussi rassura-t-elle sa camarade : « Si cela te convient bien sûr et à elle aussi ; mon disciple part bientôt dans le Désert, j'aurais le temps pour un nouvel élève. »

Angani était exigeante avec ceux qu'elle prenait sous son aile et ne s’occupait que de ceux en qui elle voyait un potentiel. Karsha, ce lionceau qu'elle avait longtemps entraîné, serait bientôt en âge de partir en exil. La féline n'était pas inquiète pour lui, il avait parfaitement assimilé ses leçons et elle avait pris soin de le former ; il reviendrai.

Alors que son regard passait de la mère à la fille, Wema lui demanda :

« Et vous, Angani.. Avez-vous songé à avoir des lionceaux un jour? »

La lionne sembla se glacer sous le poids des mots et sa mâchoire se crispa. Elle savait l'indiscrétion de la féline sans arrière pensée et ses excuses confortaient cette idée aussi garda-t-elle son calme sans céder à la colère. Si la question avait été posé par un autre lion, Angani aurait agi en princesse capricieuse et hautaine, ne pouvait laisser passer une telle chose mais ce n'était que monnaie rendue, elle aurait du s'attendre à cette question. La mâchoire serrée et les sourcils froncés, elle détailla Wema du regard avant d'en revenir vers sa fille, amère.

« Je ne peux pas en avoir. » lâcha-t-elle finalement, le regard dur.

Son visage devenu glace ne laissait paraître aucune émotion tandis qu'elle fixait un point dans le sable. Cette triste réalité dans cette vie teintée de mensonges lui était pénible. Derrière sa légèreté, Angani était une lionne emprisonnée qui n'avait nul liberté. Comme sa camarade elle aurait aimé afficher au grand jour son amour et élever le fruit de leur union mais cet agrément ne lui était pas permis et jamais il ne serait toléré. Angani et Vako étaient différents et ils le savaient, leur relation devait être cachée ou l'Empereur serait mis à mal. C'était finalement ce lourd secret qui les détruisait tant ils ne pouvaient se révolter contre les lois ; Vako devait prendre compagne et faire sa vie avec une autre sous les yeux de sa sœur rendue impuissante parce qu'elle ne pouvait pas être la lionne à ses côtés, elle ne pouvait être que sa sœur. Alors oui, la féline avait plusieurs choix songé à une vie de famille, elle s'était rêvée endormie aux côtés de son mâle et de leurs lionceaux aux regards mêlant pureté du ciel et ardeur du soleil mais les songes n'étaient qu'éphémères tant la réalité tenait à la rattraper. Vako ne pourrait jamais lui offrir cette vie et elle non plus, ils n'en avaient pas le droit car c'était là un espoir qui viendrait briser son rêve, celui d'être Empereur. Quand bien même la plus fidèle et la plus dévouée de ses enfants, Angani avait plus d'une fois senti sa poitrine s'ébouillanter face au Désert et à ses lois.

Elle soupira l'air lasse tandis que son regard se perdait vers Kaya. Être mère n'était pas son problème majeur, ça n'avait été qu'un songe, ce qu'elle souhaitait vraiment était d'être avec son frère mais même lui semblait désormais se tenir loin, comme un mirage qui ne cessait de s'étendre lentement dans les airs avant de disparaître. Angani dressa alors son regard vers la jeune mère dont la mine trahissait son embarras. Elle lui dit dans un murmure :

« Ne fais pas cette tête Wema, ce n'est rien. A l'avenir, je te demanderai juste de ne plus me poser cette question. »

Son visage semblait se fermer de nouveau tandis que son regard s'égarait. Depuis leur dispute, Angani s'était surprise à ressentir pour la première fois de la colère et de l'amertume envers son autre. Elle réalisait que leur amour ne les avait jamais porté haut dans le ciel et qu'il ne semblait que les enfouir sous les grains des dunes, condamnés. Ils n'auraient jamais une vie de couple normale, assumée devant les autres et acceptée. Ils ne pouvaient que profiter de la pénombre pour se retrouver mais même ces instants avaient cessé. Peut-être regretterait-elle ce choix à l'avenir quand son frère aura couronné sa compagne et qu'aucune issue ne leur sera donnée mais la peine rongeait son cœur et elle ne pouvait lui pardonner. Pas maintenant. Mais pour autant, malgré toute la peine que cela lui infligeait, Angani ne pouvait oublier cet amour. Il faisait parti d'elle.

La petite lionne qui ne comprenait pas bien leurs mots semblait toujours être aussi insouciante et turbulente si bien que ses petits pattes s’entremêlèrent et qu'elle manqua de tomber. Réactive, Angani plongea sa patte sous l'enfant et empêcha sa tête de frapper le sol. C'était bête, elle n'aurait pas eu mal en tombant. Ou peut-être que si, elle avait agi tout simplement. Elle délivra Kaya de sa patte protectrice pour l'étendre de nouveau devant elle. Son désir de maternité enfoui semblait être comblé par ces jeunes qu'elle prenait sous son aile mais son mal d'amour lui, ne pouvait être soigné. Vako était son autre, le seul dont la présence la complétait et lui donner un véritable souffle de vie.

Elle dressa alors un regard vers Wema et doucement, elle lui sourit. La jumelle n'était pas contrariée, elle savait pardonner d'autant plus qu'elle appréciait ce moment de répit. La jeune mère n'avait jamais été une lionne à problème, un peu effacée, elle était surtout connu par sa mère qui longtemps l'avait tenu sous sa jupe. Wema semblait s'être émancipé mais en vérité, elle était seulement passer dans les pattes d'un autre. La lionne semblait tout de même plus épanouie, sûrement grâce à sa fille. En leur présence, Angani savait qu'elle ne serait nullement juger ou même jauger, Wema n'aurait jamais la prétention d'agir ainsi et c'était bien ce qui la confortait, elle pouvait simplement souffler et s'amuser devant une enfant audacieuse.

« Allons, passons à autre chose. Comment se porte ta famille ? »

Elle avait remarqué la distance entre Anasa et sa fille et s'en étonnait, jamais encore les deux lionnes n'avaient été vue l'une loin de l'autre. Bien que cela l'intriguait, Angani ignorait l'étendu du problème.

D'abord surprise, la jeune mère concéda à lui parler de sa famille. Il était vrai que Wema n'était pas la lionne la plus intégrée au clan aussi devait-elle être surprise que l'on s'intéresse autant à elle mais derrière ses apparences froides et hautaine, Angani n'était pas une lionne méchante. A vrai dire, la guerrière appréciait tout particulièrement le calme et le tempérament doux de sa cadette lui était agréable tant il changeait de tous ces lions belliqueux. Un peu de grâce parmi la rudesse était reposant.

Si autrefois sa vie se limitait à sa mère, Wema semblait s'en être émanciper comme ses paroles le laissaient présager, seule sa famille lui importait vraiment. Elle semblait toutefois avoir conservé des relations cordiales avec sa sœur Rangi, une lionne avec laquelle Angani avait déjà patrouillé dans le passé. Quant à sa mère, le sujet semblait être plus délicat et la guerrière cru voir de l'amertume dans son regard. Wema s'expliqua finalement en annonçant qu'elle et Anasa n'avait plus de contact. Respectueuse des secrets de chacun, la jumelle se contenta de hocher lentement la tête.

Toujours en proie à la politesse, la grise lui retourna sa question en l'interrogeant sur sa famille. Angani dressa un regard vers elle.

« Nchi et Dunia se portent bien, ils vieillissent tout simplement. » dit-elle sans expression palpable.

La lionne n'avait jamais été particulièrement proche de ses parents. Ils entretenaient des relations cordiales mais rien de personnels, Angani ne s'était jamais ouverte à eux malgré leurs efforts. A ses yeux, sa famille s'était toujours limité à son jumeau et bien que désormais leurs chemins semblaient les éloignés, il était trop tard pour rattraper le temps perdu avec eux. Leur lien avait été brisé il y a longtemps de cela. Connaissant la curiosité des Jangowas à l'égard de son frère, la lionne reprit :

« Quant à Vako, il a l'air de tout aussi bien porté. Comme toujours il est occupé par ses affaires mais c'est la lourde responsabilité d'un Empereur. »

Une nouvelle fois, aucune expression n'était audible dans ses mots. Maîtresse dans l'art de dissimuler ses émotions, Angani avait appris tôt à voiler son regard ainsi que son cœur pour que jamais personne ne puisse lire en elle mais pourtant, depuis leur affrontement, Angani ne cachait plus son amertume. A vrai dire, même le clan avait du remarquer l'éloignement entre les deux jumeaux. Angani avait cessé de paraître à ses côtés et leurs conversations publiques se faisaient rares mais c'était pourtant les seuls moments où ils se retrouvaient. Blessée dans son orgueil mais surtout dans son amour, la féline persistait à entretenir cette distance qui était alors le seul moyen pour elle de montrer à Vako combien il l'avait blessé et brisé son cœur.

Perturbant le silence du désert, un miaulement aigu attira l'attention des deux lionnes. Profitant de leur discussion, Kaya s'était mise à ramper en direction du plumeau de la queue de l'aînée et sa mère ne manqua de la rappeler à l'ordre ce qui amusa la guerrière. Wema était une bonne mère et malgré tout ce que pouvait penser les Jangowas, Angani considérait qu'il était important pour les parents de faire savoir à leurs enfants combien ils les aimaient et qu'ils étaient présent pour eux. La vie dans le désert était suffisamment rude pour se passer d'une enfance heureuse et sereine.

En observant sa fille, Wema se remémora la proposition de la lionne.

« Vous avez proposé de l'entraîner, toute à l'heure.. Je suis sure qu'elle serait ravie de recevoir l'enseignement d'une guerrière aussi haut placé que vous. Elle semble quelques peu dissipée mais je suis persuadée qu'elle saura vous écouter en temps voulu. Enfin.. Si vous êtes toujours d'accord lorsqu'elle en aura l'âge, bien entendu. »

Angani sourit doucement à la jeune mère et hocha de la tête. Ses activités de mentorat étaient récentes mais la lionne s'était trouvée un certain intérêt dans cette expérience. La plupart de ses apprentis étaient des femelles qu'elle souhaitait rendre autonomes pour qu'elles n'aient pas à vivre sous le joug d'un mâle mais à de rares occasion, la jumelle s'était occupé de certains mâles dont un dénommé Matuta qui l'avait particulièrement marqué. Son exil devrait bientôt prendre fin et la lionne était confiante quant à son retour qu'elle attendait impatiemment tant elle s'était prise d'affection pour lui.

« Ma proposition tient toujours et évidemment, ce sera aussi en fonction de Kaya si elle l'accepte. Elle est encore jeune aussi peux-tu la laisser profiter de son insouciance, elle sera tôt ou tard confrontée à la vie du désert mais il n'y a nul besoin de forcer ce genre de chose. Elle viendra à moi quand elle sera prête. »

Son regard doré se posa alors sur le lionceau qui semblait moins agité qu'auparavant bien que l'évocation de son nom lui ait fait dresser les oreilles. Chaleureuse, la guerrière lui sourit.. Ce partenariat pourrait annoncer de grande chose, pensait-elle. Reportant son attention sur la jeune mère, elle ajouta d'une voix plus douce :

« Ne t'en fais pas Wema, je n'ai pas pour habitude de maltraiter mes élèves et je leur porte une attention toute particulière. »

Un sourire amusé naquit sur ses babines. Oui, oui, c'était possible. Élégante, la guerrière se redressa lentement et secoua son pelage clair d'où tombèrent quelques grains de sable. S'avançant lentement vers la lionne, elle lui dit :

« Je m'en vais retourner au campement, veux-tu te joindre à moi ? »

Sa proposition n'avait rien d'une obligation et Angani espérait sincèrement que son interlocutrice ne lui répondrait pas par simple courtoisie mais avec honnêteté. Si Angani n'avait pas retrouvé sa précieuse amie pour lui faire oublier ses problèmes et lui alléger le cœur, Wema et sa fille y étaient miraculeusement parvenues bien que sans le savoir et pour cela, la guerrière leur tendait à son tour la patte.