Le soleil dorait ma fourrure tandis que je rêvais. Je rêvais de Jua, qu'il revenait... Il revenait, je le trouvais beau... Il avait changé. Son exil l'avait changé. Il était plus mûr, plus noble, plus musclé et bien plus puissant. J'espérais tant que la distance et le temps n'aient rien changé entre nous... Mais là, malgré le comportement séducteur des autres lionnes qui voulaient à tout prix se dégoter un compagnon pour fonder une famille, rien ne semblait plus l'ennuyer. Moi j'étais perdue dans la foule, dans un recoin, et je savais qu'il ne me verrait pas. C'était comme une évidence. Cependant, même si j'en étais persuadée, mes yeux ne pouvaient se détacher de son corps saillant qui me procurait un étrange sentiment d'envie. Lorsqu'il posa son regard dans le mien, aussi doucement que si j'avais pu toucher un nuage, je sentis mon cœur battre plus fort. Même son expression, l'étincelle de ses pigments bicolores... C'était nouveau. Il s'approcha de moi... Et j'entendais déjà sa voix, alors qu'il n'avait pas parlé.


- Wingu...

Ce murmure rauque, qui me fit frissonner, et me confortait dans la conviction que j'avais de vouloir lui appartenir toute entière... Le sable volait sous la douce brise du vent du désert, et son sourire me coupa le souffle, scinda mon être en deux, me statufia tout simplement sur place...


- Wingu... Je ne t'ai pas oubliée...

Il posait sa tête contre moi, je pouvais sentir son odeur de voyage, sa carrure de lion sanguinaire... Son souffle dans mon cou... Je devais lui dire que je l'aimais. Les larmes roulaient sur mes joues. Il s'éloigna, me considéra longuement l'air embarrassé avant de demander, la voix pleine d'inquiétude :


- Pourquoi pleures-tu ?

Et moi... Moi je n'avais pas remarqué que plus rien n'existait autour de nous. Moi je n'avais pas remarqué que le vent s'était arrêté pour nous laisser cet instant que je croyais vrai. Moi je n'avais pas remarqué que tout n'était qu'un rêve dans lequel j'étais si bien, dans lequel mes sentiments étaient si forts que j'aurais souhaité qu'ils soient la réalité. Je fermai les yeux, crispant mes paupières et hurlai ce que je ressentais depuis... Si longtemps...


- Mais... Mais... Jua je t'... !

Mes yeux s'ouvrirent subitement... Je sentais une présence, et je me tournai. Ma mère. Aussitôt, une ombre obscurcit mon visage. J'attendis qu'elle amorce un mouvement, mais elle resta statique. Alors pour finir, après avoir patienté un moment, je me redressai. Je sentais le mépris dans mon être, une colère montante qui courait dans mes veines. Je me retins de soupirer de lassitude et m'ébrouai. Je pris ensuite le temps de m'étirer, afin de voir si elle allait enfin envisager de faire quelque chose. Raté, elle ne bougea même pas un cil. Alors, bien campée sur mes quatre pattes et détestant toujours autant qu'on me surveille, je lui lançai un regard poignant. Je la dévisageai méchamment de haut en bas, comme si je la jugeais. Je savais que je la sondais de manière cruelle, comme si je la déshabillais de mes prunelles azures, mais je me fichais bien de ce qu'elle pouvait ressentir comme peine quand je faisais ça. Puis, après avoir longuement passé en revue tous les détails de son pelage, je lui reprochai :


- Tu sais très bien que je déteste qu'on me regarde dormir.

Ma voix était froide. Je ne sais pas très bien quand est-ce que, dans ma vie, quelque chose entre ma mère et moi s'est brisé. Je ne sais même pas si nous avons été proches un jour. En tout cas, si ce temps à existé, il est désormais bien loin.

Je perdis un instant mon attention sur un lézard du désert qui se dorait sur un rocher au loin, puis soufflai. Je voulais lui faire comprendre qu'elle me saoulait, et que sa présence m'importunait. Je pensais pourtant avoir été assez claire... Depuis que j'étais lionceau je faisais cela. J'étais adolescente, et j'avais néanmoins toujours la sensation d'être une enfant


- Ça fait longtemps que tu es là ?, pestai-je sans cacher mon envie qu'elle parte.

Une voix dans ma tête me disait que franchement, je pourrais être sympa avec ma mère. Mais je ne l'écoutais pas. Je secouai ma tête pour finir de me réveiller, et reposai sur elle un regard devenu glacé :


- Qu'est-ce que tu veux, maman ?

Comme je m'y attendais, elle restait là, mal à l'aise. Pourquoi m'approcher alors ? Pourquoi venir vers moi si c'était pour ne pas savoir quoi faire ensuite ? Quoi dire ensuite ? Elle m'exaspérait vraiment parfois... C'était à croire qu'elle le faisait exprès, et après on venait s'étonner qu'elle me faisait sortir de mes gonds... Franchement ? Personne ne pouvait comprendre la haine qui me tordait le ventre quand je me trouvais non loin d'elle.

Après un long moment de silence, tandis que je lisais sur le visage de ma chère génitrice qu'elle avait à me dire quelque chose qui semblait lui tenir fort à cœur, elle se lança. D'un ton étonnamment assuré pour ce que je la connaissais, elle me salua tout d'abord. Cependant... Elle ne m'appela plus « ma chérie » ou « ma puce » comme elle avait l'habitude de le faire, en me berçant de ses douceurs qui me répugnaient plus qu'elles ne m'apaisaient... Non, elle m'appela Wingu. Mon nom. Elle ne le prononçait que lorsqu'elle me disputait, alors ce revirement de situation me laissa statique à mon tour. Je grimaçai ensuite à sa remarque sur ma nuit passée. Je sentais que ça l'énervait profondément de savoir que je rêvais de Jua, et j'avais bien senti une pique acerbe dissimulé dans sa constatation qui se voulait anodine.

Elle m'interrogea sur ce qu'elle avait fait pour que nos relations soient si conflictuelles. Elle tapait juste sur l’entièreté de mon système nerveux. Je soupirai une fois de plus, et répondis sèchement, tout en regardant ailleurs d'un air profondément agacé :


- Je suis grande maintenant maman. Je ne suis plus le petit lionceau que j'étais, et je veux que tu me laisses tranquille.

Même lionceau, j'avais toujours voulu qu'elle me laisse tranquille. Je ne voulais pas qu'elle me parle de mon père, pourtant j'étais certaine que c'était l'un des sujets qu'elle était venue aborder avec moi. Mais c'était encore quelque chose de trop sensible, et je refusais d'évoquer le sujet avec elle. Ce lion avait été son compagnon, son amant d'une nuit, pas son père. Comment aurait-elle pu comprendre ? Tout me semblait trop compliqué, et je ne me voyais pas partager tout ça avec ma mère. L'écart d'âge était sans doute l'un de ces critères, qui m'empêchait de parler, ou de me dévoiler. Au fond j'encaissais et je ne savais même pas si je parviendrais à partager le poids de mon fardeau avec quelqu'un d'autre que Jua un jour.

Je fronçai les sourcils en songeant soudainement à quelque chose qui m'effleura les idées... Pourquoi ma mère changeait-elle sa manière d'approche avec moi ? Je ne croyais pas l'ombre d'une seconde à la seule et unique raison du « l'autre n'a pas marché je change de technique ». Qu'était son but en essayant de se rapprocher de moi autrement que d'ordinaire ?

Je la dévisageai brusquement, effectuai un mouvement de recul pour la garder à une distance raisonnable de moi, et je crachai :


- Bon, c'est quoi ta stratégie ? Qu'est-ce que tu veux à la fin ?

Je pris position assise. Il est vrai que dans d'autres familles, lors d'un événement marquant du type départ d'un proche, les liens ont plutôt tendance à se resserrer. Pour nous c'était différent... Je fermai les yeux, et levai un instant le menton, savourant le doux souffle du vent dans ma fourrure. Et je me surprenais à penser... Depuis quand... ? Depuis quand je m'étais mise à détester ma mère et pourquoi ? Une voix dans mon cœur me répondit que je n'aurais pas la réponse, que c'était inutile de chercher et que c'était comme ça. Il y a des choses dans la vie qui ne changent jamais... Et si certains fruits de la haine ne mûrissent jamais, d'autres en revanche étendent très loin leurs racines et il devient impossible de s'en débarrasser... Ils peuvent empoisonner l'âme d'un être, le pourrir jusqu'à la sève de son existence et même influer sur ses proches... Mais pourquoi pensai-je à cela ? Probablement à cause d'elle... Voilà qu'elle se la ramenait de bon matin pour m'embrouiller les idées hein... ?


- Je ne sais pas ce que vous voulez, mais j'en ai marre que vous soyez sans cesse sur mon dos. Je ne suis plus celle que j'étais, j'ai grandis... J'ai changé. Et peut-être que je ne changerai plus dorénavant, ce n'est pas à moi d'en décider.

Je l'avais vouvoyée pour symboliser enfin par des mots le vide qui nous séparait. Je repris, en cachant le nœud qui s'était formé dans ma gorge :


- Ce sont les obstacles que la vie met sur notre route qui nous forgent, nous font évoluer et devenir ce que nous sommes voués à être. Si vous n'aviez jamais aimé père, jamais vous ne m'auriez eu, et vous n'en souffririez pas tant.

La fin de ma phrase cingla l'air, frappante comme le soleil cuisant du Grand Désert, glaçant l'ambiance électrique comme l'auraient fait milles reproches.

Le changement de comportement que j'avais eu avec ma mère la laissa pantoise pendant quelques instants. On peut dire que si j'avais voulu la désarmer, à présent c'était chose faite. Tandis que les larmes lui montaient aux yeux, je tournai rageusement la tête ailleurs, reportant mon attention sur la pierre que j'avais observée plus tôt. Le lézard qui s'y trouvait s'était sauvé, sans doute intimidé voire terrifié à l'idée d'être si proche de telles prédatrices. Pourtant, l'ambiance de l'instant n'était nullement à la chasse.

Je ne voulais pas la regarder pleurer. C'était au dessus de mes forces. Parfois je m'en voulais de lui faire autant de mal, mais une voix dans ma tête me disait que tant pis, qu'il fallait bien passer à autre chose et que ma colère s'extériorise d'une façon ou d'une autre. Au fond, ce n'était qu'une raison de plus pour culpabiliser par la suite. Elle m'avait fait bien assez mal comme ça... Il fallait que je lui rende un peu l'appareil.

Elle poursuivit tout de même. Franchement, ce qu'elle pouvait être tenace des fois ! Selon elle, elle ne venait pas pour m'importuner. Sur ces mots déjà, je ne pu que serrer les crocs et laisser échapper sur un ton mauvais :


- Pourtant c'est chose faite.

Elle voulait être « au clair » avec moi ? Et elle avait attendu tout ce temps pour ça ? Non non, je refusai d'y croire. Ce qu'elle voulait surtout selon moi, c'était tout faire pour me garder sous ses ordres. Elle voulait juste m'avoir auprès d'elle, et comme elle constatait que je grandissais, elle prenait peur de me perdre, voilà tout. Elle voyait bien que toutes ses techniques pour m'éloigner de Jua ne fonctionnaient pas, parce que c'était lui et aucun autre que je voulais. Alors elle tentait juste une autre stratégie, et ce qu'elle dit ensuite me le confirma. Quelque chose qui me démange... Pfff, elle croit certainement que je vais sauter sur Jua des l'instant où il rentrera d'exil. Parce qu'il rentrera, je ne tolérerai pas qu'il en soit autrement.

Mais je ne suis pas comme ça. Je ne veux pas avoir d'enfants, ou alors pas tout de suite en tout cas. Je ne veux pas les faire souffrir comme je souffre, comme ma mère me fait souffrir et comme je la fais souffrir. C'est trop de douleur, et je ne désire en aucun cas vivre avec ce genre de ressentis sur le cœur toute ma vie.

Elle continua son numéro de pleureuse en disant que peu lui importait mes choix, elle m'aimerait toujours. Je m'éloignai, comme dégoûtée, et pestai :


- C'est un peu tard, maman. Je prévois de quitter le Grand Désert.

Je me relevai pour m'éloigner de quelques pas et me retournai pour lui faire face. J'haussai ensuite un peu plus le ton jusqu'à presque crier, mais cependant pas suffisamment pour que d'autres puissent m'entendre.


- Tu entends !? Je veux partir loin de toi !

Je soupirai ensuite intensément en fermant les yeux, et repris, la voix toujours aussi sèche mais le ton plus bas :


- Si tu veux savoir, ça fait même longtemps que j'y pense.

HRP:

Une expression tétanisée planait sur le visage de ma mère. Parfait, je me fichais bien de ce qu'elle pouvait ressentir de toute façon. Je relevai la tête et fermai les yeux d'un air hautain, les paupières comme scellées accentuant ce geste. Je voulais bien montrer que son côté pitoyable ne m'atteignait pas. Loin de là s'en faut même... Au moins s'éloigna-t-elle un peu, ce qui me fit pousser un profond soupir de soulagement. Je lui montrais bien que je ne supportais plus sa présence, et si elle s'évertuait à vouloir faire celle qui ne comprenait pas, j'étais prête à tout pour que la leçon finisse par rentrer dans sa tête. Savoir que sa fille la quitterait bientôt ne l'affectait pas ? Normalement, étant le « fruit de ses entrailles », ça devrait lui pincer le cœur comme s'il eut été dans un étau, le broyer et imaginer que sa progéniture « chérie » parte trouver un paradis, un lieu baigné d'utopies illusoires... Rien que cette idée devrait lui être inimaginable, impensable, voire même carrément insupportable...

Je l'entendais grogner de colère. C'était bien la première fois, elle qui se montrait si douce d'habitude. Douce à un point écœurant d'ailleurs, parce que trop mielleuse. Ces grondements sourds témoignaient d'une certaine tension qui devait courir dans ses veines avant même que je ne sois conçue. C'était si dur à exprimer ? Pourquoi est-ce que les sentiments forts comme la colère et la haine, voire une infinie tristesse, ne se manifestaient pas, et prenaient un malin plaisir malsain et pervers à se loger au plus profond de notre âme, pour nous empoisonner ? Que se passait-il vraiment à cet endroit lorsque l'on voulait que ça sorte ? La voir pleurer, j'avais l'habitude, et même si je ne pouvais guère m'avouer que ça ne me faisait aucune peine, je n'en avais jamais rien laissé paraître.

En tout cas, son regard plein de détermination se planta en moi, et j'y vis tant de conviction que ça m'aurait presque effrayé. Si soudainement... ? Quelle pouvait en être la raison ? Ce revirement d'attitude me déstabilisa quelque part, si bien que je fis un pas en avant pour cacher mon déséquilibre. Heureusement, on ne devinait point le chamboulement que mon corps tout entier subissait en l'instant T, et je la laissai poursuivre. Eh bien, on pouvait dire que la menacer de partir avait été la parole de trop ! Moi qui pensais qu'elle allait céder à sa haine, elle se mit une nouvelle fois, à tout faire pour qu'on la plaigne... « Maman ne m'a pas soutenu » alors ça... Je ne pus m'empêcher de cracher :


- Et quand mère... Dites-moi... Quand ai-je eu votre soutient ?

Avant qu'elle ne réponde, et tandis qu'elle ouvrait certainement l'antre de ses crocs pour le faire, je répondis à sa place :


- Jamais.

Je lui tournai le dos, pour appuyer la rancune que je ressentais. Je ne voulais pas la voir, et si c'eut été possible, j'aurais aussi aimé ne pas l'entendre. Elle s'empressa de s'excuser. J'étais heureuse quelque part, d'avoir réussi à lui faire mal une fois de plus. Je l'avais blessée, j'avais atteins mon but. Bien joué Wingu, mais n'oublie pas qu'il y a des limites à la méchanceté, même gratuite. Au moins cela vengeait cruellement la partie de mon être qui lui reprochait tant de choses, tant de secrets inavoués...

Je devinai qu'elle s'était remise à pleurer, et décidai d'entonner une chanson dans ma tête pour ne pas y prêter attention. Je demeurai toujours indifférente à la détresse de ma mère, parce que je la détestais depuis trop longtemps pour que ça cesse... Et au fond de moi, je pensais et, j'étais même intimement convaincue, que ça ne cesserait jamais... Comment aurais-je pu lui pardonner et ne pas lui en vouloir ? Elle prétendait ne pas avoir conscience des causes de cette rancœur, mais je refusais de la croire. Après tout, comme on dit si bien... En cherchant un peu, on finit toujours par trouver, n'est-ce pas ? Alors il lui faudrait se remettre en question sur ses agissements, et son comportement général.


- Est-ce le rôle d'une mère d'importuner sa fille de la sorte ?, assenai-je violemment.

Je ne lui tenais jamais de propos injurieux ou déplacés, mais mes gestes irrespectueux, et le ton sec de ma voix eux, ne se gênaient pas pour témoigner de l'agacement qu'elle générait, ou plutôt, que sa présence près de moi générait.


- Quand vas-tu enfin me laisser en paix ?

Mes yeux turquoises à ce moment-là, étaient plus sombres que le ciel les jours d'orages. Je ne pouvais me douter une seule seconde que, lorsque je les posai sur ma mère, c'était comme si similaires à ces jours gris, il lui lancèrent milles éclairs en plein cœur.


- Quand... Répondez-moi... Quand allez-vous donc partir !?

J'explosais. Si là elle n'avait pas compris que j'étais au summum du supportable, alors elle n'allait pas tarder à retenir quelles étaient les limites de ma tolérance...

HRP:

Je voyais ma mère s'énerver, et cela alimentait ma propre colère. Les nerfs sous tension, je me mordais la babine inférieure pour essayer de me tenir face à elle. Mon comportement, mes paroles et mes gestes auraient du lui faire comprendre que je n'étais pas d'humeur à tergiverser.... Mais non ! Elle ne comprenais toujours pas ! C'était vraiment à croire qu'elle le faisait exprès ! Je tremblais sous la fureur qui, elle, grandissait, me prenant à la gorge. Saisissante...

J'avais entrepris de partir pour éviter d'en venir aux actes. Je ne voulais pas franchir la limite ultime, de peur de mourir sous la honte et la culpabilité ensuite. Je m'efforçais de m'éloigner, déjà parce que je n'étais pas sûre de pouvoir en supporter d'avantage, mais aussi parce que je me sentais de plus en plus capable de la frapper, de devenir incontrôlable... Et je désirais garder le contrôle justement. Mon courroux devait rester en moi, et ne pas marquer le corps de ma génitrice. Car même si je lui vouais une intense rancœur agressive, sans elle, jamais je n'aurais pu profiter de spectacles tels que les paysages que j'admirais tant. Mais ça je l'avais oublié. Je ne savais pas quelle était cette voix qui me priait de ne pas m'en prendre à elle... C'était la voix de la raison peut-être, mais je ne la comprenais pas. Il me faudrait certainement de l'aide pour cela, même si je refusais de l'admettre, aveuglée...

Elle se plaça devant moi, ce qui me fit émettre un puissant grondement :


- Écarte-toi !

Un rugissement emprunt d'animosité suivit cet avertissement grandissant. Mais elle non plus n'écoutait pas. Elle hurlait aussi. Je croyais que la frontière avait été dépassée, que c'était trop tard pour revenir en arrière, et que nous allions finir par nous battre ici, jusqu'à nous entre-tuer. Elle me plaqua sur le sable, me maintenant de son poids. Je plongeai mes yeux pleins d'éclairs dans les siens, plus menaçante que jamais. Elle pleurait, elle haussait le ton, elle m'exposait son amertume, sa détresse, sa plus profonde souffrance... Mais elle le faisait dans un de ces moments où je n'étais pas prête à entendre tout ça. Je n'étais pas réceptive. Je ne l'étais plus depuis longtemps.

Avec un dédain princier, je pivotai hautainement la tête en crachant :


- Tu n'as pas compris que quelque chose s'est, depuis longtemps, brisé entre nous ? Tu n'es plus ma mère, tu ne l'as jamais été pour moi. Et cette fois, tu me trempes de tes sales larmes impures. Va-t-en maintenant. Je ne voudrais pas en venir aux griffes avec toi.

Je la repoussai avec violence, sans toutefois lui faire mal. Mes gestes étaient brusques, je voulais qu'elle comprenne. Lui tournant le dos, je m'éloignais insensiblement et, tandis que ma queue fouettait hargneusement l'air qui s'emplissait de mes ondes électriques, je grognai :


- Et ne m'approche jamais plus. J'ai suffisamment perdu mon temps avec toi.

[Fin du RP pour moi. Désolée du temps de réponse, ce RP m'a bien plu quand même ! Malheureusement pour elle, Sukuma n'aura pas réussi à faire ouvrir les yeux à sa fille ]