Le vent soufflait comme une tendre caresse. Timidement, le Soleil pointait ses premiers rayons lumineux, éclairant la savane toute entière. Sûrement était-ce le moment préférée de la lionne, elle se sentait alors en étrange harmonie avec le monde. Il n'était pas rare de voir la reine de Prideland fièrement postée à l'extrémité du priderock, attendant l'aube et sa chaleur. C'était comme devenu un rituel. Kuzali parcourait de son regard doré l'étendu de la savane, les troupeaux qui se déplaçaient en masse, l'envol des oiseaux et puis une ombre qui s'éloignait. Kuzali n'avait pas besoin des yeux de l'aigle pour savoir qu'il s'agissait de Sadaka, son premier fils.

Elle se tourna rapidement vers la grotte commune d'où sortait paresseusement le roi. Leurs trois enfants les avait bien fatigué la nuit dernière à sans cesse demander de nouvelles histoires, il avait fallu de la patience pour les endormir. Kuzali sourit, amusée puis s'approcha pour le gracier d'une tendre lèche. D'un regard entendu, elle lui fit signe qu'elle s'absentait puis parti sans tarder en direction du nord, là où s'était évaporé l'ombre.

La lionne marchait d'un pas détendu et accompagnée d'un léger sourire aux babines, consciente qu'elle allait pouvoir passer du temps en compagnie de Sadaka. Il était peu présent au rocher si bien que malgré leurs moments à deux, elle ne voyait pas autant qu'elle l'aurait souhaité. Pourtant la carrure du jeune lion en devenir était difficile à ignorer, il grandissait et ce n'était plus un enfant. Ses muscles s'étaient développés, beaucoup même, et sa crinière prenait peu à peu de l'ampleur. Son pelage n'était pas une tare, il le rendait unique et aux yeux de sa mère, Sadaka est le plus beau jeune mâle de la Terre des Lions.

Il se tenait là, sur les brins dorés de la Colline du Peponi. Un nouveau sourire étira les babines de la lionne. Il semblait que mère et fils entretenaient le même jardin secret. Ce lieu était rapidement devenu le sanctuaire de la lionne dorée qui venait souvent s'y réfugier. Sans doute était-ce attractif pour un lion du Soleil. La féline laissa le vent apporter son odeur auprès du jeune mâle avant de s'en approcher, désireuse de ne pas interrompre ses pensées.

Il avait beau n'être qu'un adolescent, Sadaka rattrapait rapidement la carrure des lions adultes et bientôt, ce serait lui le plus grand des deux. Son précieux bébé n'en était plus un et bien qu'elle se réjouissait de le voir prendre en chair, Kuzali était également désireuse de préserver cette relation où c'était elle qui le protégeait quand il venait se réfugier contre sa poitrine. Il deviendrait un jour trop âgé pour ce genre d'étreinte mais jamais il ne serait trop grand pour le cœur de sa mère.

« Cette colline... elle me rappelle beaucoup la Terre du Soleil. » introduit-elle en prenant place aux côtés de son fils. « Tout le royaume est bénie d'une herbe dorée qui s'étend jusqu'à l'horizon et plus loin encore. Derrière nous, j'imagine la Cascade Sacrée et les trombes d'eau sauvage. Vers l'Est se trouve le Qwatsu, ce grand volcan endormi. Enlève la neige des montagnes nordiques et imagine le Soleil se dresser derrière elles pour venir nous illuminer de ses premiers rayons. Alors, les lions rugissent en cœur pour sonner le retour de l'astre. »

Sa voix s'éteignit dans un murmure, les souvenirs la tressaillaient. Il ne manquait plus que l'odeur chaleureuse de ses contrées natales pour que les yeux clos, elle s'imagine là-bas. Transportée par ces songes, la lionne se laissa aller à la mélancolie et poussa un puissant rugissement. Dans sa jeunesse, elle n'en avait jamais raté un seul.

Son regard se tourna alors vers son fils et dans un sourire, elle conclut :

« C'est ça la Terre du Soleil. »

Sadaka ne verrait sans doute jamais ces terres dont il était pourtant prince alors à défaut, sa mère lui enseignait les quelques coutumes dont elle se faisait plaisir à partager avec lui. Ces moments-là n'étaient rien qu'à eux.

Mère et fils rugissaient en cœur et la lionne bombait le torse de fierté. Les miaulements aigus d'un lionceau avaient laissé place au feulement puissant d'un adulte. Sadaka avait grandi. Deux mères se battaient en Kuzali, celle qui aurait aimé que son bébé ne grandisse jamais et celle qui admirait son oisillon prendre son envol. Il était devenu grand, fort, puissant... Tout juste adolescent, on pouvait déjà le confondre avec un adulte. Que Kuzali savoure ce moment où elle pouvait encore baisser tendrement le regard vers son fils car bientôt, ce serait lui qui baisserait les yeux vers les siens. Dans les faits, la lionne n'en était pas étonnée. Elle avait donné naissance à ce lion, elle le connaissait mieux que quiconque et sa croissance phénoménale n'était plus un secret pour elle. Qui aujourd'hui pourrait croire que Sadaka était un lionceau né prématurément ? Il avait tellement changé, tellement grandi... mais pour l'amour de sa mère, il ne serait jamais trop grand.

La voix devenue rauque du mâle résonna et on pouvait percevoir la mélancolie de ses pensées. Kuzali passa son regard de son fils à l'horizon puis reprit le chemin inverse. Il ne semblait pas aussi heureux qu'elle aurait aimé le croire. Cette vie au rocher... n'était pas faite pour lui n'est-ce pas ? Dans sa parfaite idylle, jamais ils n'auraient quitté la lande, jamais les rouges ne les auraient quitté et tous ensemble, en famille, ils auraient prospéré à l'écart de la guerre et des conflits mais ce rêve parfait était définitivement devenu chimère à la mort de Samekh. Si cela avait été son rêve, quel avait été celui de son fils ? Certainement pas le priderock et la royauté. Kuzali baissa un instant le regard vers ses pattes dorées, songeuse. Voir son fils malheureux lui brisait le cœur et à défaut de le ficeler de bandage, elle voulait faire plus. Elle voulait le rendre heureux et réalisait peu à peu que cela ne serait probablement pas à ses côtés.

« Oui, un simple battement de cil et le monde semble déjà différent. » répondit-elle d'un ton un peu vague.

D'errants ils avaient intégré un clan, d'exilés et voyageurs, ils étaient devenus reine et prince. C'était un luxe dont peu de lions osaient rêver mais maintenant que la vie « parfaite » s'offrait à eux, un goût amer et inavouable se faisait ressentir. Qu'il semblait loin le temps de la Lande... tout était tellement plus simple à cette époque.

« Je me porte bien, les enfants grandissent et n'ont plus besoin de ma perpétuelle surveillance. J'ai du temps pour moi. » Et pour toi voulait-elle ajouter bien que l'idée était déjà présente et percevable. « Et toi comment vas-tu ? La solitude reste ta précieuse amie... »

Un reproche ? Non mais peut-être un remord. Sadaka peinait à son intégration mais il n'en était pas pour autant responsable, les Pridelanders n'étaient pas les plus avenants envers les descendants de Nyeusis. Tendrement, la reine offrit un sourire chaleureux à son fils. Elle l'aimait de tout son cœur et jamais elle ne voulait qu'il l'oublie, pas même le jour où il partirait loin d'ici, loin d'elle. Leurs cœurs seront toujours à l'unisson.

Il ne cherchait plus à tout cacher de son regard doré, il lui parlait de ses doutes et se confiait à elle mais bien que très unis et proches l'un de l'autre, elle savait que certains recoins lui restaient cachés et que Sadaka n’amènerait pas la lumière dessus. Il y avait certaines choses qu'un fils ne pouvait dire à sa mère et bien qu'inquiète, comme toujours, Kuzali abdiquait. Qu'il ne lui dise qu'une simple partie de vérité ou l'intégralité de ses doutes, elle l'écouterait toujours. La femelle doré capta le regard de son fils et comme lui pouvait lire dans ses yeux, elle su qu'il avait besoin d'elle.

La solitude pouvait être un abri comme une prison, il fallait prendre à garde à construire des ponts autant qu'on construisait des murs. Mais vers où Sadaka porterait-il ces ponts ? Les Pridelanders n'étaient pas prêt, pas même après tout ce temps. Kuzali craignait qu'ils ne le soient jamais et dès lors que ces pensées traversaient son esprit, celle qui était pourtant leur reine ne les portait plus dans son cœur. Elle leur en voulait, c'était indéniable mais gardait bien ces pensées pour elle. Ce serait mal vu de la part de la compagne de Kumpa et surtout, ils ne comprendraient pas.

« Tu voudrais devenir un Gardien ? » demanda sa mère en écho à ses mots.

C'était la première fois qu'elle entendait son fils formuler ce souhait à voix haute, sans doute cela expliquait-il ses entraînements quotidiens. Après tout, Kuzali n'était pas étonnée. Elle sourit maigrement. Bien sûr elle était fière de voir son fils porter une telle ambition mais les conditions de vie d'un Gardien ne lui était pas inconnu, il devrait rompre tout lien du sang. Ce ne serait plus son fils. L'en empêcherait-elle pour autant ? Bien sûr que non, son bonheur lui était primordial, qu'il soit à ses côtés ou non. Et peu à peu, tout devenait plus clair dans l'esprit de la féline.

Son amertume le poussa à parler de son fidèle ami Akhet afin d'exposer une vision plus large, la vision d'un pestiféré. Sa mère ne niait pas, elle pouvait tenter de le consoler comme à chaque fois mais avait cesser de se voiler la face. Tout ce que Sadaka disait était vrai. Laissant de côté sa parure de reine, Kuzali n'était plus qu'une mère en présence de son enfant.

« L'ère des Nyeusis les a démuni plus que jamais, ils se sont retrouvés exilés et meurtris. Ce n'est pas un peuple habitué à l'ennui, la pauvreté ou la guerre... Ils aiment ce confort que leur offre leur terre. La peur de revoir un jour l'ombre abattre sur eux les maintient éloignés de toi, mais tu n'es pas un Nyeusis ni même un fléau, tu es mon fils, un prince du soleil. S'ils ne peuvent pas voir en toi ce que Rono, Akhet ou moi voyons alors ils sont les seuls perdants. »

Des mots peut-être crus à l'égard des Pridelanders, ce peuple qu'elle avait juré d'aimer et de protéger mais entre le sang de son sang et un clan qui persistait à le rejeter, elle n'avait pas à choisir. Personne ne pouvait nier que les Pridelanders était un clan privilégié et en cela, ils avaient eu de la chance d'être intégré mais leur vie antérieure les avait façonner autrement. Sadaka était plus fort que les jeunes de son âge, pas seulement physiquement mais aussi psychologiquement.

« Comme tu le dis si bien, on ne peut pas aimer tout le monde. Toi mêmes aimes-tu réellement les Pridelanders ? Tu cherches d'eux une reconnaissance qu'ils ne sont pas prêt à te donner. Pas encore. Si tu tiens véritablement à être accepté par le clan, tu dois faire tes preuves. Des entraînements quotidien ou une carrure digne des plus grands guerriers n'est pas ce qu'ils attendent de toi. Ils cherchent une preuve de ta loyauté, un geste qui déterminera ton alignement. Un jour prochain, l'occasion se présentera et ton libre arbitre te guidera. »

Comme l'ensemble du clan et en particulier son compagnon, Kuzali espérait de lui qu'il ferait le bon choix mais si tel n'était pas le cas, elle ne le blâmerait pas. Ce serait toujours son fils. Le mal être du lion ébène lui brisait le cœur, comme à chaque fois. Elle avait espérait qu'avec le temps et l'usure, les Pridelanders accepteraient sa présence et lui tendraient même la patte mais passé plus d'une année, aucun changement ne s'était opéré. Avait-elle eu tort de croire en la bonté des Pridelanders ? Un véritable paradoxe animait la lionne dorée ; celle-ci était partagée entre son devoir de reine et son amour de mère. L'un lui criait que ce n'était pas de leur faute et qu'il fallait garder espoir tandis que l'autre crachait sa rage à leur visage. Comme quoi, même la grande Kuzali n'était pas si parfaite que ce que tout le monde pensait. Elle était même loin de l'être mais tous se focaliser sur sa figure d'héroïsme autant qu'il s'attachait à l'image d'un fils de Nyeusis pour Sadaka. Ils ne cherchaient pas à comprendre ce qui les entourait, ils se contentaient de voir.

Finalement, la féline soupira longuement, elle même prise par le poids de ses lourdes pensées. Par ses paroles, elle était aller dans le sens de son fils mais plutôt que de poursuivre dans cette voie, il était primordial de lui rappeler une chose importante de la vie. Mêlant douceur et sérieux, elle ajouta :

« Ne vis pas pour eux, vis pour toi. »

L'amour de ce clan le rendrait sûrement plus heureux mais avant d'être accepté par les autres, il devait s'accepter lui-même. Ils n'obtiendraient pas leur amour en le cherchant désespérément, celui-ci viendra de lui-même en temps et en heure. Elle ne niait pas la difficulté de la chose et du poids que cela devait faire peser sur les épaules du lion en devenir mais dans cette situation, Kuzali était impuissante. Elle ne pouvait agir si ce n'était par les mots et tenter de calmer ses peurs.

Le regard animé par de grandes réflexions, la lionne dorée observait son fils sans mot dire. Cette vie ne le rendait pas heureux et n'aidait certainement pas à son développement personnel. Plutôt que de lui faire déployer ses ailes, elle les retenait farouchement pliées. Ce n'était pas ce qu'elle souhaitait. Même si cela était loin d'elle, Kuzali voulait voir son fils voler. Un nouveau soupir. La lionne dorée avait toujours pensé que leur futur se poursuivrait sur Prideland mais peut-être s'était-elle trompée. D'abord hésitant, son regard reprit en puissance et animé d'une flamme nouvelle, la lionne lui dit :

« Si tout cela te fatigues alors partons. Toi, moi et ton parrain, allons jusqu'au Royaume du Nord, voyageons. Rono a toujours exprimé son souhait de te montrer les montagnes enneigées. J'ignore combien de temps, sûrement ne pourrais-je pas m'absenter trop longtemps mais faisons le. Le voudrais-tu ? »

Un voyage en famille. Juste eux trois. Pas de famille royale ni de cortège, il n'y avait là rien d'officiel si ce n'était l'envie de passer du temps ensemble et loin de tout, loin de ses ennuis. Rono et elle se faisaient vieux, Sadaka serait bientôt adulte et qui sait, son chemin le mènerait peut-être ailleurs. Ce serait alors un précieux souvenir qui toujours accompagnerait leur cœur. Un souvenir de famille heureuse.

Les mots de son fils frappèrent la lionne dorée. Lentement, elle abaissa ses paupières au souffle du vent qui de sa caresse ondulait vers tendresse leurs brins. Elle l'avait vu grandir jour après jour, ce petit lionceau frêle désormais fier adolescent... Ce n'était plus un enfant et pourtant encore si jeune, il lui semblait déjà être un adulte. Malgré les coups durs et une haine non méritée, Sadaka avait toujours trouvé la force de se redresser parce qu'il avait un but. Mère et fils se rejoignaient dans cet idéal : le bonheur de l'autre. Elle sourit tendrement tout en secouant la tête et dit :

« Sadaka, tu fais déjà ma plus grande fierté. Te voir grandir et devenir adulte est mon plus beau cadeau, c'est un bonheur brut pour toute mère. Sans être gardien mais simplement un petit être d'à peines trois jours, tu as su me protéger plus que personne. Tu n'as pas besoin de tout ça pour être mon fils. »

Derrière son sourire rassurant et protecteur, le cœur de la reine d'or se serrait douloureusement au souvenir de son mentor. Quelle ironie de savoir que le père de fils avait tué le sien. Kuzali ne pouvait que louer la volonté de son fils à la protéger de tout mais même avec le plus parfait des entraînements et un mental d'acier, il ne pourrait jamais la protéger de la mort ni même de la peine. C'était là des parties intégrantes de la vie contre lesquelles on ne pouvait lutter. Pour rire de bonheur, il fallait avoir connu le chagrin et la détresse. C'était une boucle qui formait un tout.

Peu satisfait à la simple idée de ne protéger que sa mère, Sadaka avança qu'il prendrait soin de tous ceux chers à son cœur, qu'ils soient de son sang ou non, ses amis ainsi que leurs amis et tout un peuple s'il le fallait. Profondément touchée, la lionne plissa ses paupières autours de son regard doré.

Un soir, elle se souvenait que la petite Ahva était venu à son chevet ; elle semblait alors très peinée. Entre deux sanglots, la petite lui avait confié que la vieille Thoruba était partie rejoindre les esprits. Alors inconsolable, sa mère lui avait susurré que le départ de nos proches était une terrible épreuve mais que la peine finissait par s'atténuer avec le temps. Prise par le chagrin et l'incompréhension, Ahva avait demandé à sa mère si celle-ci pleurait toujours la mort de Samekh. La reine avait été surprise de cette question à laquelle elle n'était pas préparé, son mentor était un sujet tabou dans la famille et rares étaient les fois où les trois princes et princesses avaient entendu c nom. Contrariée à l'idée de trahir ce secret, Ahva finit par lui apprendre que Sadaka lui avait fait juré de ne jamais parlé du lion de feu.

Cette nuit avait été très importante pour Kuzali ; non seulement parce qu'elle avait appris à sa fille le Cycle de la vie et l'histoire de Samekh mais également parce qu'elle avait saisi que son fils veillait constamment sur elle et son bonheur. Ce qui était le rôle des parents, Sadaka se l'était accaparé. S'extirpant alors de ce souvenir, la lionne dorée dressa doucement sa patte vers le visage de son fils et elle lui caressa tendrement la joue dans un geste purement maternelle.

« C'est à moi de veiller sur toi Sadaka, c'est mon rôle de mère et n'oublie pas que mon bonheur ne peut être que lorsque je saurais ton cœur comblé. » lui rappela la lionne avant de terminer dans un souffle rieur : « … mais pour autant, je ne peux pas t'empêcher de me protéger n'est-ce pas, tu es bien trop têtu pour cela. »

Elle sourit tendrement, il avait bien hérité de l'entêtement de sa mère. Partageant alors son ressenti quant à cette proposition de voyage, Sadaka laissa éclater sa joie. Oh comme il était rare de le voir si heureux et souriant... La lionne d'or se gavait sans appétit de ce spectacle délicieux. Euphorique, l'adolescent se permit un retour en enfance et bondit sur sa mère, l'emportant avec lui dans sa chute. Mêlant son rire à celui de son fils, Kuzali riait aux éclats. Une particularité étonnante mais sublime de leur relation qui permettait aux deux lions d'être également deux amis. Jamais mère et fils n'avaient été aussi fusionnels que ces deux-là.

Tandis qu'ils avaient échoués au beau milieu de la colline dorée, la féline reprenait péniblement son souffle tant elle était encore secoué de gloussement. A ce moment très précis, Kuzali était la plus heureuse des lionnes. Coulant son regard d'or vers son fils, la lionne s'allongea à ses côtés, posant avec délicatesse son menton contre ses pattes avants.

L'euphorie envolée, le jeune lion observait le ciel saisonnier tandis que sa mère ne le quittait pas du regard. Elle aimait l'observer en silence, comme pour enregistrer chaque détail de son visage pour jour après jour constater combien son fils grandissait. Elle voyait également la crainte apparente dans le regard de certain vétéran à l'approche du mâle ébène quand eux, voyaient l'ombre des Nyeusis apparaître. Pourtant, l'habit ne faisait pas le moine. Un Nyeusis jouerait-il comme un lionceau avec sa mère ? Non. Un Nyeusis pourrait-il protéger toute la Terre des Lions pour le bonheur d'une seule lionne ? Définitivement pas. Sadaka n'était pas de ceux là, il était son ange.

L'esprit sûrement perdu dans les montagnes nordiques, l'adolescent lui confia son impatience. Captant son regard, Kuzali sourit à son tour.

« Nous partirons le plus tôt possible. »

Redressant alors le buste, la lionne porta son regard vers le nord lointain, là où tout n'était que pureté. Elle ressentait déjà la joie de son précieux ami en foulant ses terres natales ; elle lui enviait ce plaisir. Les paupières alors closes, Kuzali emplit ses poumons de l'air des collines, s'imaginant plonger dans les terres de son enfance. Ce mirage pourtant éphémère lui était délicieux.

« Tu verras, là-bas... c'est un tout autre monde. J'espère que nous aurons la chance qu'il neige -enfin tout de même raisonnablement-, j'aimerais beaucoup que tu assistes à ce phénomène. C'est très beau. » lui confia la lionne avant d'ajouter : « J'ai un jeune ami dans ces montagnes du nom de Macha, il aimerait beaucoup te rencontrer. »

Coulant un regard vers son fils, elle lui adressa un petit sourire amusé. Elle n'avait aucune crainte quant à la réaction du jeune nordique, Sadaka ne pourrait que l'apprécier.

La réaction du lion de suie ne se fit pas attendre et Kuzali retint un petit rire cocasse, comme si elle ne s'en était pas douté. Le jeune lion avait toujours peiné à croire qu'il existait de la bonté et de l’innocence en certaine personne. Mais pouvait-on réellement l'en blâmer ? Elle secouait légèrement ses crins, ses mèches dorées balayant légèrement son regard.

« Cesse de râler, Sadaka. » grondait-elle doucement, un sourire amusé en coin.

Très vite, s'en suivit les interrogations de l'adolescent quant à ce mystérieux individu. Il ne cachait pas sa méfiance. Sourire aux babines et un brin nostalgique, sa mère lui raconta :

« J'ai rencontré Macha du temps du feu roi Theluji, il n'était alors qu'un lionceau. J'étais rendue maussade par la guerre à venir et ce petit lion est venu égayer mon quotidien, je l'ai remercié en lui contant mes quelques récits d'aventure. Lorsque j'ai quitté le Nord cette fois-là, je lui ai promis d'un jour revenir. Après plusieurs années, je l'ai revu aux frontières du royaume. Il avait bien grandi... nous nous sommes relater nos vies et quand je lui ai appris avoir un fils, il a demandé à te rencontrer. C'est mieux que de la curiosité Sadaka, c'est de la bienveillance. Macha est un lion au cœur très pur et il me semble voir encore l'enfant en lui. Ça peut te sembler enfantin mais il ne souhaite te rencontrer que pour découvrir qui tu es et le connaissant, sûrement avec l'espoir d'être ton ami. »

Elle adressa à son fils un regard doux et chaleureux. Kuzali aimait son fils de tout son cœur et le chérissait comme nul autre mais elle regrettait parfois qu'il n'ait pas plus d'espoir en le monde. Sadaka était un fataliste et à nouveau, elle pouvait le lui concéder seulement, était-ce vraiment mal de chercher le bien chez les autres ? Elle soupira légèrement avant de revenir à l'assaut, d'une voix très royale et capricieuse :

« Roi de mon cœur aime se montrer exigeant avec ceux qu'il daigne rencontrer. » se moqua-t-elle doucement, le regard malicieux.

Plus qu'une mère et un fils, ils étaient aussi deux amis. La dorée avait fait tout son possible pour combler le manque de compagnie qu'avait eu son fils dans sa tendre jeunesse aussi s'était-elle souvent prêtée à des jeux avec lui, redevenant souvent elle-même une enfant. C'était un tout qui avait construit cette complicité qu'ils avaient aujourd'hui. Elle rit doucement, couvant tendrement son fils du regard.

L'éclat de la reine pouvait parfois sembler terne quant les souvenirs l’accablaient mais jamais on ne l'avait vu plus radieuse qu'en compagnie de son fils.