L'excitation de Tahora était à son comble. Ce matin là, devant l'insistance de sa fille, Nawapa avait accepté de l'emmener découvrir les frontières du Royaume. Il était important que les plus jeunes connaissent les délimitations de leur territoire, afin de les respecter. Ce jour là, c'était près d'Outland qu'elles allaient aller. La petite femelle ne pu dissimuler sa joie, elle attendait ce moment avec impatience. Plusieurs mois auparavant, alors qu'ils étaient encore sur la Lande, elle avait rencontré Jango, un ancien Jangowas dont la famille vivait sur Outland. Elle s'était jurée de le ramener chez lui, auprès des siens, lorsqu'elle serait assez grande pour faire le voyage. Ce jour approchait, elle le sentait, mais elle ne connaissait toujours rien de ces terres, connues pour être arides et sauvages. Elle allait avoir l'occasion d'apercevoir ce territoire, et peut-être, si elle avait de la chance, d'y mettre les pattes. Elle espérait effectivement que Nawapa baisserait son attention quelques instants, ce qui lui permettrait de partir un peu plus à l'aventure. Tahora n'avait jamais eu de grandes envies de désobéir aux lois de Prideland, loin de là... Mais après tout, cela ne causerait de tord à personne si elle explorait un peu Outland, non ?

Nawapa ne semblait toujours pas de cet avis, car elle gardait sur la jeune femelle un regard acéré, surveillant chacun de ses gestes. Lorsqu'elles arrivèrent à la frontière, Tahora poussa un petit cri d'admiration, se perchant aussitôt sur un rocher pour observer l'endroit sous un meilleur point de vu. Outland paraissait plus vaste que dans son imagination, mais pas moins effrayant. Sa mère pointa les différents endroit du bout de la queue, lui indiquant le Champ Herbeux, qui se trouvait plus loin, la Termitière, dont on apercevait la silhouette, la Plaine Aride, inquiétante et non loin d'elles, la Rivière aux Crocodiles. Tahora sentit le frisson de l'aventure lui parcourir l'échine en attendant ce nom, ses yeux se mirent à luire d'un éclat familier. Elle le sentit, au fond d'elle, c'était là bas qu'elle devait aller. Elle coula un regard vers Nawapa, qui semblait plutôt détendue, même si près de la frontière. Elle lui rappela que les Outlanders n'étaient plus leurs ennemis, mais qu'ils étaient désormais leurs alliés. Tahora n'était pas sûre de comprendre la politique, mais depuis que Tahani était devenue reine, les tensions entre les deux clans s'étaient grandement apaisées grâce à l'amitié qu'elle entretenait avec Kumpa, le monarque de Prideland.

Alors que la petite féline essayait de comprendre toutes ces notions, sa mère poussa un bâillement sonore et s'étira. Elles avaient marchés une bonne partie de la matinée, et le soleil était à présent haut dans le ciel. L'heure idéale pour une bonne sieste. Nawapa fit signe à sa fille de venir avec elle et s'installa sous un arbre, à l'ombre. Tahora sentit son cœur s'emballer. Voilà l'occasion qu'elle attendait ! Elle fit mine de s'endormir auprès de la grande lionne, et lorsque la respiration de cette dernière devint régulière, elle se redressa. La jeune Pridelander vérifia soigneusement que sa mère était belle et bien endormie, puis tourna les talons, en direction d'Outland. Elle n'avait pas un instant à perdre ! Sans attendre, elle se dirigea vers cette fameuse Rivière aux Crocodiles qui l'intriguait tant. Cette dernière n'était pas très loin, Tahora eu juste à traverser un petit lac et aussitôt, le paysage se transforma sous ses yeux. La terre était plus sèche, des troncs d'arbres brisés jonchés le sol, d'énormes marques de crocs inscrites dans le bois. La jeune féline avait les yeux grands ouverts, mais resta à bonne distance de l'eau. S'il y avait bien des crocodiles ici, autant ne pas leur chercher des noises. Elle regarda autour d'elle, sa queue fouettant l'air avec énergie. Quelle merveilleuse journée !

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~ FAHARI PARLE EN FIREBRICK ~
Médaille d'or de la patience obtenu le 03/09/2014 à 20:06 par Hofu :p

La petite féline devait admettre qu'elle était un peu déçue. Certes, l'endroit était sinistre, mais il était également très calme. Avec un nom comme la rivière aux crocodiles, Tahora s'était attendue à autre chose. Il était sans doute préférable qu'elle ne se retrouve pas museau à museau avec un de ces gros reptiles, mais l'idée d'en voir un, de loin, lui procurait des vagues de frissons à travers l'échine. Les lionceaux aimaient se faire peur avec des histoires à dormir debout, et les crocodiles étaient souvent source de bien des récits. On lui avait un jour dit qu'un enfant s'était fait croquer tout entier par un de ces monstres, qui faisait la taille d'un tronc de baobab ! Tahora avait du mal à croire qu'on puisse être aussi gros. Et pourquoi pas un crocodile de la taille du Rocher de la Fierté ? Avait-elle répliqua ce jour-là. Mais pourtant, malgré son ton désabusé, l'intérêt de la jeune femelle était piquée. Elle regarda donc autour d'elle, ses grands yeux ouverts, ses oreilles s'agitant à la recherche du moindre bruit. Rien ne bougea cependant.

Elle ne sentit la présence du nouveau venu que lorsqu'il fit à quelques centimètre d'elle, trop tard. Elle sursauta en sentant des pattes se refermer sur elle, et un miaulement de lionceau retentirent. C'était plus de la surprise que de la peur, et même si elle avait été effectivement effrayé, elle n'aurait jamais voulu l'admettre. Son assaillant poussa un grognement féroce, en tentant de la mettre à terre.

- Tu n'as rien à faire ici !

Tahora sentit l'agacement la gagner. Elle joua des épaules pour se débarrasser de l'agresseur, et le regarda d'un œil courroucé. Elle n'avait rien fait de mal, par les Grands Esprits ! Elle n'avait volé aucun gibier - comment aurait-elle pu ? Elle se contenait de regarder ! Elle remarqua alors que celui qui l'avait attaqué était un enfant, de son âge sans doute. Son pelage était clair, et une petite touffe de poil brun apparaissait sur son crâne. Tandis qu'elle se débattait, elle cracha furieusement la première insulte qui lui passait par la tête :

- Lâche-moi, gros beta !

Elle parvint à le repousser après quelques coups de patte et une roulade sur le côté. Elle lui fit face, en posture défensive, les crocs dévoilés. Son pelage ébouriffé et son regard enflammé, elle ne comptait pas se laisser faire. Il n'était peut-être pas une bonne idée de répondre agressivement, elle était belle et bien une intruse après tout, mais elle n'aimait pas se faire traiter ainsi, surtout par un autre enfant ! Elle lança donc, d'un ton arrogant :

- Tu n'as pas plus le droit d'être ici que moi. Ta maman ne t'a pas dit de ne pas venir jouer avec les crocodiles ? Et n'essaye pas de me faire croire que la reine d'Outland ait engagé un lionceau comme garde-frontière.

Le défi brillait dans les prunelles de la petite Pridelander, tandis que sa queue fouettait l'air. Ses paroles étaient audacieuses, et Nawapa aurait sans doute été furieuse de l'entendre se comporter ainsi, mais il n'était pas question qu'elle se laisse marcher sur les pattes. Si le jeune mâle ne l'avait pas attaqué, elle aurait agi différemment.

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Comme il fallait s'y attendre, le lionceau n'apprécia absolument pas sa répartie. Tahora avait du mal à comprendre son attitude. Certes elle était ici en intruse, mais elle ne représentait aucune menace pour Outland. Elle risquait plus de se faire dévorer par un crocodile que de voler du gibier, gibier qu'elle n'était même pas encore en mesure d'attraper et qui n'était de toute manière guère présent dans cette zone de leur territoire. Ce gamin avait-il des choses à prouver pour réagir aussi brutalement ? La Pridelander restait prudente, elle sentait que son fougueux interlocuteur n'était pas prêt à la laisser tranquille.

- Ce serait dommage que ta môman ne retrouve que tes poils à la surface du lac... N'est-ce pas ? Alors sois raisonnable, je suis dans un bon jour aujourd'hui.

La menace du petit mâle fit jaillir un nouvel éclat de colère dans les prunelles de Tahora. Elle n'appréciait pas vraiment de se faire ainsi agresser, et sa technique d'intimidation la mettait hors d'elle. Les yeux verts-jaune de la féline brillait désormais d'une lueur furibonde, elle avait soudainement envie de lui sauter dessus et de lui faire regretter ses paroles. Néanmoins, une voix au fond d'elle lui souffla que ce n'était pas la chose à faire. Il la provoquait délibérément afin qu'elle attaque, sans doute pour pouvoir s'en prendre à elle légitimement. Tahora ne tomberait pas dans le panneau, elle était plus intelligente que ça ! Et elle n'allait sûrement pas se laisser intimider par ce prétentieux lionceau. Il y avait bien peu de chance qu'il arrive à la noyer, il ne devait pas avoir plus de son âge et n'avait pas la carrure de Nedge. La Pridelander songea que si son frère avait été présent, il n'aurait fait qu'une bouchée de ce mâle stupide. Ce dernier commença alors un décompte, qui agaça profondément la jeune féline. Elle leva les yeux au ciel et lâcha, d'un ton sec :

- Tu crois que tu me fais peur, peut-être ? Tu es vraiment idiot.

Elle le reluqua de haut en bas, les babines pincées. Était-ce vraiment la bonne stratégie pour calmer le jeu ? Elle n'en était pas sûre, mais l'Outlander l'avait réellement énervé. Elle pris une grande bouffée d'air pour apaiser sa colère et ravala les répliques cinglantes qui lui brûlaient la langue. Elle n'avait pas été très fine, elle l'avait directement provoqué au lieu d'engager la discussion, elle ne referait pas la même erreur. Toujours très attentive à ces mouvements, elle déclara, d'un ton moins cassant :

- Je ne suis pas ici pour chercher la bagarre. Je voulais simplement voir à quoi ressemblait la Rivière aux Crocodiles de près. Elle marqua une courte pause, puis ajouta : Nos deux Royaumes ne sont pas en guerre, et je n'ai rien fais de mal. On peut discuter ou tu sais juste te battre ?

Bon, la dernière réplique n'était peut-être la mieux choisie, mais Tahora n'était pas connue pour son tact. Elle voulait simplement calmer la situation, et éviter que l'un d'eux ne se retrouve blessé. S'ils continuaient de se chamailler, ils seraient des proies faciles pour les prédateurs qui rôdaient, notamment des gros reptiles. La Pridelander avait sa fierté, mais elle savait également reconnaître quand une situation devenait dangereuse. Et si le lionceau ne l'inquiétait pas énormément, les énormes crocodiles qui ne devaient pas être bien loin n'étaient pas pour la rassurer.

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Devant les paroles de la petite féline, le jeune lionceau sembla quelque peu perplexe. Était-il habitué à se bagarrer sans arrêt pour que discuter soit si difficile ? Tahora se demanda à quoi ressembler la vie sur Outland, pour les enfants. Elle savait que cette terre n'était pas très riche en proie, ils devaient se montrer résistant pour survivre. Depuis longtemps, ils avaient une réputation de brutes, mais depuis que Massempo, puis Tahani, avaient repris les rênes du clan, les choses avaient quelque peu changé. Ils n'étaient plus un groupe d'exilés comme il l'avait été jadis, mais un véritable clan. C'était en tous cas ce que Nawapa avait dit. Devant l'attitude du gamin, Tahora se permettait d'en douter. Il ressemblait vraiment à la description qu'on faisait des Outlanders avant : agressif et sans cervelle. Elle tâcha néanmoins de ne pas avoir trop d'aprioris, sa mère lui avait maintes fois répété qu'il ne fallait pas juger les gens sans les connaître. Enfin, celui-ci ne donnait pas vraiment envie qu'on apprenne à le connaître.

- Discutons alors. Qu'est-ce qu'une idiote inconsciente comme toi pourrait bien envier à Outland ? Tu n'as jamais vu de crocos, c'est ça ?

La Pridelander fit de son mieux pour ne pas s'énerver, et ravala une fois encore une réponse désagréable. Elle avait plus ou moins réussi à apaiser la situation, ce n'était pas le moment de tout gâcher. Elle constata qu'elle devait être légèrement plus âgé que son interlocuteur, car elle le dépassait d'une courte tête. Elle s'en rendait compte à présent qu'il avait cessé de gesticuler dans tous les sens pour l'intimider.

- Il faut avoir rien dans le crâne pour ne pas redouter ne serait-ce qu'un peu ces créatures-là.

Une fois encore, Tahora ignora l'insulte absolument pas voilée de l'Outlander, en levant les yeux vers le ciel. Il cherchait toujours la bagarre celui-là, mais elle ne lui donnerait pas satisfaction. Elle allait lui montrer que, contrairement à lui, elle était plus mature que ça. Il n'avait peut-être toujours pas compris de quel clan elle venait, il faudrait donc passer par des présentations. La conversation ne semblait pas s'amorcer dans ce sens, mais peu importe, Tahora ne s'avouait pas vaincu. Elle regarda autour d'elle, vérifiant qu'aucun gros reptiles ne venaient leur rôder autour, puis reporta son attention sur le petit mâle. Elle lui répondit, d'un ton néanmoins un peu sec :

- Qui a dit que je n'en avais pas peur ? C'est vrai, il faudrait être idiot pour ne pas craindre des animaux pouvant nous croquer d'une seule bouchée. Pourtant, tu es ici toi aussi.

Elle marquait un point. Elle ignorait pourquoi ce lionceau s'était rendu à la Rivière aux Crocodiles, mais il était tout autant en danger qu'elle. Les gros reptiles ne feraient pas grande distinction entre les deux enfants s'ils avaient faim, voilà qui était sûr. Elle ajoura, d'une voix légèrement plus aimable :

- Au fait, je m'appelle Tahora, fille de Nawapa, de Prideland. Et toi, comment tu t'appelles ?

Ils allaient peut-être y arriver, à avoir une conversation normale ! Enfin, la petite lionne restait quelque peu méfiante. Son interlocuteur n'avait pas l'air de l'apprécier grandement. Lui, il avait des aprioris, voilà qui était sûr !

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Ses petits canines toujours dévoilées, le jeune Outlander semblait toutefois s'être légèrement calmé. Les paroles de Tahora avaient eu un peu d'effet, c'était une petite victoire dont elle n'était pas peu fière. Elle avait réussi à lui rabattre le caquet, mais elle savait que cela ne durerait pas. Son interlocuteur était une vraie flamme, une boule d'énergie, ses parents devaient avoir du mal à le garder tranquille. Sans doute était du genre à s'attirer des ennuis. La petite féline ne pouvait pas vraiment le lui reprocher, elle se fourrait toujours dans de drôle de situation et se faisait bien souvent gronder. Mais elle ne risquait pas de l'avouer devant le lionceau, elle était bien trop fière pour ça ! Elle essayait de jouer la fille mature avec de la répartie pour le moment, et visiblement, ça marchait bien.

- Je suis Fahari, le neveu de Chombo Hiki, Bras-Droit de la reine, alors surveille bien ton langage à présent.

Ainsi, en plus d'être bagarreur, son interlocuteur était aussi vantard ! Il n'était décidément que des qualités ce garçon. La Pridelander leva les yeux au ciel, en éprouvant cependant un certain amusement. Même s'il était énervant, il était aussi drôle, il fallait le reconnaître. Il était tellement caricatural qu'il devenait rigolo ! Tahora essaya de cacher l’espièglerie qui brillait dans son regard et reporta son attention sur la rivière. Elle n'avait toujours pas vu de crocodiles, et espérait qu'elle en apercevrait un, même de loin. Elle n'était cependant pas suicidaire, elle voulait bien sûre éviter de se retrouver dans la gueule de l'un de ces énormes reptiles.

- Tu viens voir la rivière mais tu redoutes les crocos ? T'es pire que je ne le pensais... Tu es paradoxale, tu sais ?

Voilà qui était bien la première réponse du lionceau qui n'était pas agressive. Tahora pouvait se détendre, elle ne se sentait plus menacé par son interlocuteur. Il pouvait très bien changer d'avis et lui sauter dessus à n'importe quel moment, mais elle saurait répliquer, elle n'était pas impotente. Elle avait réussi à le repousser quelques instants auparavant, elle pouvait toujours recommencer. Elle n'avait cependant guère envie de se battre, elle voulait surtout voir un crocodile en vérité. Elle n'avait pas faussé compagnie à sa famille juste pour chercher la bagarre avec un inconnu, elle voulait vivre des aventures ! Lorsqu'elle serait grande et qu'elle chasserait, elle pourrait explorer un tas de coin effrayants de la savane, et personne ne viendrait lui chercher des puces. La jeune femelle remarqua alors que Fahari avait légèrement changé d'attitude.

- Tu veux... t'approcher de l'eau ?

Elle haussa un sourcil, un peu surprise. Avait-il toujours envie de la noyer ou voulait seulement la provoquer un peu ? S'approcher de l'eau était sans doute dangereux, mais faire machine arrière était impossible. Elle ne voulait pas perdre la face devant le lionceau, elle devait lui prouver qu'elle avait du cran ! Mettant de côté les risques, elle hocha fermement la tête, prête à en découdre. Une petite voix dans sa tête lui soufflait que ce n'était pas du tout une bonne idée, mais elle tâcha de ne pas l'écouter.

- Quoi de plus excitant que d'affronter ses peurs ?

Elle s'approcha à son tour de la rivière. Elle avait beau faire la fière, elle n'était pas vraiment rassurée. Elle scrutait l'eau avec attention, guettant le moindre mouvement suspect indiquant la présence d'un crocodile. Sa mère lui avait dit plusieurs fois que ces animaux étaient rapides, très rapides. Désireuse de changer de sujet pour dissimuler l'inquiétude qui naissait dans son ventre, elle déclara d'un ton nonchalant :

- Ton oncle ne risque pas d'être en colère s'il voit que tu traîne ici ?

Voilà qui était en effet une bonne question. Tous les Outlanders étaient-ils inconscients ou était-ce seulement le cas de Fahari ? Nawapa passerait sans doute un sacré savon à sa fille lorsqu'elle s'apercevrait qu'elle était venue ici, mais cela en valait la peine ! Malgré le danger, et le sale caractère du lionceau, Tahora devait admettre qu'elle s'amusait bien

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Le regard se baladant sur la surface de l'eau en quête d'un gros lézard, Tahora songea qu'elle devrait absolument raconter cette histoire à Djaili lorsqu'elle rentrerait. Il serait sans doute mort de jalousie devant son récit et son escapade, et cette idée lui tira un sourire de fierté. Sa rivalité et son amitié avec son lionceau au pelage clair la poussait toujours à donner le meilleur d'elle-même. Ils étaient différents, et pourtant semblables. Lui, petit et faiblard, et pourtant si orgueilleux, et elle, courageuse et ambitieuse, mais le cœur rempli de compassion. Elle éprouvait parfois de la peine pour son ami, lui qui encaissait de nombreuses moqueries à cause de sa santé fragile, mais elle tâchait de ne pas le montrer. Djaili serait furieux s'il pensait qu'elle avait pitié de lui. Les amitiés qui se tissaient étaient parfois étranges. Pourquoi deux êtres si différents s'entendaient si bien ? Tahora reporta son attention sur Fahari, et se demanda à quoi pouvait bien ressembler ses amis. Étaient-ils aussi furibond que lui, ou au contraire très calme et réfléchi ? Pourrait-elle un jour être ami avec quelqu'un comme lui ? Cela semblait peu probable, Fahari semblait posséder une aura énervante que Tahora ne pourrait supporter. Pourtant elle restait là, à lui tenir tête, sans de véritables raisons.

- Mon oncle sait que je suis ici.

La Pridelander haussa un sourcil, interloqué. Ainsi, il était courant chez les Outlanders de laisser les enfants faire des choses très dangereuses. Aux yeux de Tahora, ce n'était pas plus mal. De toute manière, elle se retrouvait toujours à enfreindre les règles, mais seulement dans le but de devenir plus forte ! Si elle voulait devenir la meilleure chasseuse du clan, elle devait apprendre à contourner les interdits, elle en était persuadée. Nawapa ne serait bien évidemment pas en accord avec cette idée, mais Tahora évitait de lui en faire part ouvertement.

- Contrairement à ta mère, il n'est pas une petite nature. C'est la loi du plus fort ici, il n'en est pas autrement. Vous faites quoi sur Prideland pour être aussi niais ?

Cette fois, la jeune féline ne parvint pas à ravaler les remarques acerbes qui lui chatouillaient la gorge depuis le début de la conversation. Ce lionceau continuait de lui chercher des puces et de l'insulter alors qu'elle avait essayé d'apaiser la situation, et cette fois, il avait dépassé les bornes. Elle tourna brusquement la tête vers lui, oubliant complètement l'eau et les crocodiles, oubliant le danger, oubliant même qu'elle se trouvait en plein milieu d'un territoire interdit, et cracha :

- Et vous, les Outlanders, vous faîtes quoi pour être des grosses brutes sans cervelle ? Les termites vous la rongent à la naissance, c'est ça ? Puisque vous êtes si fort, pourquoi vous n'habitez pas dans une terre digne de ce nom plutôt que dans ce nid de vautour minable ?

Voilà, elle avait éclaté. Tahora était une lionne pleine de compassion, mais sa langue pouvait également être acéré, bien plus que ses griffes de lionceau. Elle sentit qu'elle était aller trop loin, mais elle ne parvint pas à regretter ses propos. Il l'avait cherché aussi ! S'il s'était montré un peu plus gentil, elle n'aurait pas eu à s'énerver et à dire des choses désagréables.

Alors qu'elle faisait les comptes avec sa conscience, la petite lionne n'entendit pas le bruit de pas rampant et menaçant d'un crocodile qui se glissait jusqu'à eux, attiré par les feulement de la Pridelander.

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Devant l'expression satisfaite de l'Outlander, la colère de la petite Prindelander redoubla. Il avait vraiment la tête vide celui là ! Elle avait encore bien des choses à lui dore, des vacheries bien senties qui lui piquaient le bout de la langue, et elle n'allait pas se retenir ! Pour qui il se prenait, ce gamin stupide ? Elle allait lui faire regretter de l'avoir traité ainsi, et tant pis pour la politesse ! Elle n'en avait plus rien à faire à présent, elle était sortie de ses gongs. Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, lorsqu'elle remarqua le regard de Fahari, posé derrière elle. Tahora, vexée de ne plus être le centre de son attention, se racla la gorge, puis remarqua la lueur d'inquiétude qui s'était allumé dans le regard du lionceau. Elle entendit alors le raclement des pas des reptiles qui s'avançaient vers elle, lentement mais sûrement. La jeune féline se figea, n'osant pas se retourner, l’œil soudain affolé et l'échine hérissé. Fahari avait commencé à reculer, quant à lui, et lui lança de son habituel ton extrêmement énervant :

- Bouges-toi, ou tu te feras dévorer tout crû petite idiote !

Elle oublia un instant le danger et la peur, une nouvelle flopée de remarques désagréables à lui envoyer, mais un grognement sourd dans son dos la ramena à la réalité. Leurs disputes d'enfant allaient devoir attendre, il y avait peut-être plus urgent, comme leur vie. Fahari ne semblait cependant pas particulièrement effrayé. Peut-être était-il complètement inconscient ? Ou idiot ? Ou bien les deux ? Tahora ne comptait, quant à elle, pas perdre la face. Les situations dangereuses, ça la connaissait. Elle s'attirait une bonne dizaine d'ennuis par jour, alors un crocodile ou deux, ce n'était pas la mort, non ? Elle n'en était pas convaincue, mais l'heure l'était de toute manière plus à l'hésitation, et l'Outlander le lui fit comprendre.

- Bouge !

D'un bond, la Pridelander se jeta devant elle, et entendit les crocs du reptile se refermer brusquement. Fahari venait d'envoyer de la terre dans le visage du monstre écailleux, ce qui l'avait visiblement surpris, et sans doute énervé également. Tahora lui lança un regard noir, mais s'abstint de commentaire. Il ne manquait pas de courage, elle devait le lui reconnaître. Cependant, comment comptait-il affronter les crocodiles ? Ils n'étaient que des lionceaux, et les reptiles étaient immenses ! Même un lion adulte aurait du mal contre eux, alors des enfants... Au moins ils étaient sur la terre ferme, les crocodiles devaient être moins rapides et agiles hors de l'eau. Voyant que le monstre tournait à présent sa tête vers Fahari, Tahora décida de reprendre sa technique et lui jeta une flopée de terre accompagnée de petites cailloux sur le visage, tout en criant :

- Eh la grosse bête, viens voir un peu par ici !

Cela fonctionna un peu mieux que prévu, car le crocodile pivota vers elle, et chargea, de sa démarche anguleuse. Tahora déglutit et s'élança sans réfléchir sur un arbuste pour se mettre à l'abri. Le reptile ne tarda pas à se retrouver au pied de son perchoir, et l'entailla de son énorme mâchoire. La Pridelander sentit l'arbre trembler, et regarda autour d'elle, en quête d'un échappatoire. Sa cachette ne la protégerait pas longtemps, elle ne tarderait pas à se briser sous les assauts du monstre. Prenant son courage entre ses pattes, elle pris une grande bouffée d'air et bondit sur le crâne du crocodile, faisant se fermer sa gueule, et sauta à nouveau pour rejoindre Fahari. Elle se tourna vers lui, et lui demanda en haletant :

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Le crocodile qui l'avait attaqué venait de lâcher l'arbre et s'était de nouveau tourné vers eux, visiblement prêt à les dévorer. D'autres reptiles observaient la scène, se demandant peut-être s'ils pourraient prendre part au festin. L'Outlander avait-il un plan ?

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Le lionceau aux yeux rouges ne semblait pas plus à l'aise que la Pridelander. Il regarda autour de lui, se rendant également compte de l'impasse dans laquelle ils se trouvaient. Ils n'étaient que des enfants, mêmes s'ils s'armaient de toute leur bravoure, ils ne faisaient pas le poids, ils pouvaient le reconnaître. Ils n'étaient sans doute pas les premiers à s'attirer de pareils ennuis, et ils ne seraient pas les derniers, mais pour l'heure, ils devaient se sortir de là. Fahari lâcha alors, visiblement très agacé d'en arriver là :

- Nous devons nous éloigner du lac, vite !

Tahora haussa un sourcil. Le chemin qui menait vers son territoire était bouché par un énorme crocodile qui voulait apparemment les dévorer. La seule route possible les ferait donc aller vers Outland, et la jeune lionne n'avait pas vraiment envie de s'éloigner davantage de ses terres. Elle n'avait cependant pas le choix, à moins de vouloir finir en amuse-gueule pour reptile géant. Elle s'élança donc à la suite du lionceau, essayant de chasser ses craintes. Comment rentrerait-elle chez elle ? Fahari allait-il lui mener la vie dure maintenant qu'ils seraient enfoncés sur son territoire ? Tahora s'y attendait, et c'était peut-être plus cela qui l'inquiétait que de s'éloigner de chez elle. Elle espérait également ne pas tomber sur d'autres gamins Outlanders, ils promettaient d'être tous pénibles s'ils étaient comme Fahari. Le petit mâle avait toutefois su prendre les choses en main contre les crocodiles, elle pouvait au moins le lui reconnaître. Il était un peu bête, mais courageux. Elle se garderait bien de le lui dire, bien entendu, mais elle pouvait au moins le penser.

Une fois qu'ils furent en sécurité, la petite femelle observa les alentours avec curiosité. Outland n'avait rien à voir avec Prideland. La terre était plus sèche, plus arides, moins attrayante. La végétation n'était pas belle à voir non plus, et de grandes termitières se dessinaient au loin. Il y avait que chose de menaçant en elles, sans que Tahora sache très bien pourquoi. Fahari n'avait pas l'air très content, de son côté. Il fronçait les sourcils, et regardait autour de lui avec énervement.

- Bon bah, faut contourner le lac pour te mettre dehors. A moins que t'aies envie de te faire dévorer, maintenant que tu es en plein territoire. J'imagine que tu es complètement paumée ici.

Tahora devait admettre qu'il avait raison : elle n'avait aucune idée de là où elle se trouvait, et comment rejoindre son territoire. Elle allait avoir besoin de l'aide de Fahari, qu'elle le veuille ou non. Et ce dernier ne semblait pas particulièrement enjoué à l'idée de l'aider, mais il n'avait pas non plus le choix, à moins de vouloir qu'une intruse se promène librement sur son territoire, ce qu'il ne semblait pas désirer. Ainsi, ils allaient devoir contourner le lac ? Cela risquait de prendre un certain temps, Nawapa se serait sans doute réveillée entre temps, et ne manquerait pas de s'apercevoir de la disparition de sa fille. Tahora soupira, puis lança, d'un ton vaincu, presque boudeuse :

- Il va falloir que tu me raccompagne jusqu'à la frontière, on n'a pas vraiment le choix. Sauf si tu veux que je me balade ici sans surveillance.

Elle se redressa et regarda autour d'elle, se demandant quel chemin ils devaient prendre. Impatiente de rentrer, et d'éviter les réprimandes de sa mère, elle pivota vers Fahari, et déclara :

- Eh bien ? On y va ?

Elle n'avait pas vraiment envie de passer davantage de temps en sa compagnie, ce lionceau était terriblement agacent ! Courageux, elle l'avait reconnu, mais vraiment très énervant.

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Fahari ne releva pas et mena la marche en silence. Tahora sentait bien que le jeune Outlander était dépité mais qu'il s'efforçait de garder la tête haute. Il guida la petite féline à travers ses terres, lui laissant ainsi la possibilité de l'observer attentivement. La Pridelander ne se priva pas, quelque peu surprise devant tant de désolation. Contrairement à son propre territoire, qui était florissant et radieux, Outland était plutôt morose. Il y avait bien de la végétation, mais elle semblait sèche, manquant cruellement d'eau. Les habitants de ces terres trouvaient-ils de qui se nourrir ? Tahora coula un regard vers Fahari, pour constater qu'il n'était pas aussi bien portant que les lionceaux de Prideland. Il n'était pas rachitique, mais il n'avait pas les rondeurs de l'enfance. Tout ceci expliquait sans doute son attitude hargneuse : les Outlanders ne partageraient pas le peu de proie qu'il pouvait trouver. Néanmoins, il fallait être sacrément idiot pour penser qu'une petite lionne allait attraper du gibier.

Un peu plus loin, la Pridelander pouvait également voir la Terre des Hyènes, impressionnante et menaçante. La curiosité de Tahora était piquée, mais elle ne posa pas de question. Elle ne voulait pas passer pour une ignorante aux yeux de l'Outlander, et se contenta de regarder. Elle n'avait encore jamais rencontré de hyène, et savait que ces dernières étaient actuellement en paix avec les lions. Cela n'avait pas toujours été le cas, et les choses pouvaient changer si facilement sur la Terre des Lions, il valait mieux rester prudent. Tahora ne comptait pas sortir de Prideland de si tôt, elle avait retenu la leçon. Enfin, en partie du moins. Elle n'irait plus sur Outland, les habitants de ce territoire étaient bien trop énervant ! Elle devait néanmoins reconnaître que Fahari s'était montré brave et rusé, il l'avait tiré d'affaire, elle ne pouvait le nier.

- On s'approche de la frontière.

La petite lionne ouvrit de grands yeux, surprise d'être arrivée si vite. En effet, en levant la tête, elle pouvait voir Prideland, qui contrastait pleinement avec Outland. Tahora hocha donc la tête, un peu déçue de ne pas avoir vu davantage de ce territoire si mystérieux. Elle n'était cependant pas mécontente de s'éloigner du lionceau clair, il était vraiment grognon. Elle ne parvenait pas à le détester sincèrement toutefois, elle l'admirait même un petit peu. Elle avait cependant sa fierté, elle n'était pas prête de reconnaître tout ça. Elle s'éloigna donc de Fahari, et lança :

- Au revoir alors. Elle hésita, puis ajouta d'une petite voix : Merci au fait.

Sans attendre de réponse, elle décampa, se dirigeant à vive allure vers Prideland. Elle devait retrouver l'arbre sous lequel sa mère ainsi que sa fratrie se reposer, et espérait ne pas être trop sermonné. Lorsqu'elle arriva, Nawapa était réveillée bien sûre, et furieuse. Tahora évita de dire à sa mère qu'elle s'était bagarrée avec un Outlander, elle préférait garder cette histoire pour sa fratrie, qui ne risquait pas de la gronder ! Elle jeta un dernier regard vers les terres arides des Outlanders, se demandant si Fahari irait, quant à lui, raconter leur rencontre à ses amis.


[Fin du RP pour moi ! Merci pour cette rencontre pleine de piquant !]

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