Les enfants confiés aux nourrices, la reine dorée avait enfin un peu de temps a consacrer à sa personne. Cela pouvait paraître égoïste mais dans cette nouvelle vie, Kuzali n'avait que peu de temps pour elle. Elle se dévouait essentiellement aux autres mais encore nostalgique de son passé de solitaire, l'envie lui prenait souvent de s'éloigner de toute cette agitation pour se retrouver seule avec ses pensées. Elle en avait besoin. Derrière les apparences et les sourires, Kuzali était profondément marqué par la Guerre passée et ses conséquences. Certes Prideland avait été restauré à ses dignes héritiers, Kumpa était devenu Roi et les Nyeusis vaincus mais toutes ces bonnes choses étaient insuffisantes à lui faire oublier la douleur engendré par la mort de Samekh. Elle souriait à tous, s'intéresser à eux et les écouter dans leur malheur comme le ferait toute bonne reine mais elle, personne ne pouvait l'écouter. Les Pridelanders ni même son propre compagnon ne pouvait comprendre sa douleur. A leurs yeux, Samekh serait toujours cet infâme exilé qui avait tué leur feu roi. Ils ne pouvaient pas comprendre le lien qui avait uni le maître et son apprentie. Personne ne le pouvait.

La pluie tombait inlassablement mais loin de lui déplaire, Kuzali était ravie du semblant de protection que ce déluge lui offrait. Sa démarche était souple quand bien même ses maux et elle avançait parmi la Savane, désireuse de se fondre dans le décors. C'était également son royaume désormais, une terre et un clan qu'elle avait juré de protéger. Le regard perdu vers l'horizon, la lionne dorée se remémorait tout son chemin parcouru. La route avait été longue et semé d'embûches mais au final, elle ne s'était pas si mal débrouillée.

Peut-être trop désireuse de faire oublier du monde, Kuzali fut prise au total dépourvu en devenant actrice d'une chasse au scarabée. Désireux de fuir son agresseur, l'insecte se faufila entre les pattes de la reine, bientôt suivi par un suricate qui, lui, ne passa pas la porte. Elle se demandait bien lequel des deux était le plus surpris.

« Oups ! 'Scusez-moi m'dame ! » articula la mangouste tout en se redressant.

Un sourcil haussé, Kuzali observait l'étrange animal. Cela avait beau être leur première rencontre, elle était persuadée de l'avoir déjà vu quelque part.

« Ce n'est rien, je devrais également m'excuser puisque je ne vous avais pas vu. »

Un sourire aux coins des babines, la reine se demandait si elle n'avait pas face à elle l'ami de son fils aîné dont il lui avait si souvent parlé. Les suricates solitaires ne couraient pas la Terre des Lions et puis la description semblait correspondre. La voix chaleureuse, elle demanda :

« Pardonnez-moi si c'est une erreur mais ne seriez-vous pas Akhet ? »

Un sourire élargit les babines de la reine. Ainsi donc ils se rencontraient enfin. Étonnamment, les paroles du suricate la touchèrent en plein cœur. Il disait vrai, tous ici la connaissait pour être la compagne du roi mais Akhet lui la reconnaissait avant tout comme étant la mère de Sadaka. La simple reconnaissance de son fils lui mettait du baume au cœur. Les Pridelanders avaient trop souvent tendance à oublier qu'il était son fils et qu'il comptait autant que les autres héritiers. Heureusement Sadaka avait su se faire d'autres alliés mais plus encore, des amis.

« Le plaisir est partagé. »

C'était la première fois que Kuzali rencontrait un ami de son fils aîné, elle était bien curieuse. Souriante et douce, elle éclata de rire à la question du suricate.

« Ah ah, ce qu'on dit sur vous est vrai, vous êtes d'un naturel très spontané. Je vais répondre à votre question mais avant cela, allons nous abritez voulez-vous. »

Après avoir adressé un signe de tête au petite animal pour lui intimer de la suivre, Kuzali se mit en marche vers un abri qu'elle savait non loin. Ironie du sort, la reine ramena le suricate à son précédent abri. Pour l'heure, elle n'était pas pressée de rejoindre les autres lions. Kuzali avait longtemps attendu cette rencontre et comptait bien en profiter tranquillement, sans sujets ou lionceaux pour la déranger. Quand cela touchait Sadaka, la reine en faisait une priorité.

S'éloignant légèrement de son compagnon d'infortune pour ne pas l'inonder, la reine dorée alla s'ébrouer un peu plus loin avant de vite s'abriter sous la roche puis désireuse de réduire la distance qui les séparait, elle s'allongea contre la roche humide ce qui lui arracha un frisson. Les lions du Soleil n'étaient définitivement pas fait pour louer la pluie. Attardant un temps son regard sur les troupeaux au-loin, Kuzali en revint au suricate et à sa question non élucidée.

« Alors, qu'est-ce que cela fait d'être reine... Je vous dirais tout d'abord que c'est un grand honneur mais surtout des responsabilités. J'ai longtemps été une exilée alors qu'un peuple dépende de moi me change bien la donne mais heureusement, je suis du genre à vite m'adapter. Les principales affaires dépendent de Kumpa mais je fais de mon mieux pour l'épauler et si possible lui alléger la tâche. J'écoute principalement les membres du clan et me met à leur disposition. »

Elle qui avait eu peur de l’accueil que réserveraient les Pridelanders à une ancienne exilée avait été bien surprise... Tout d'abord, ces derniers avait cessé de la voir comme une paria le jour où la lionne avait fait libérer la reine des Nyeusis. Depuis, elle était leur héroïne. Enfin, cela était le point de vue de Kumpa qu'elle ne souhaitait pas partager, la féline était bien trop modeste pour ça. Le simple fait d'être accepté par ce clan lui était suffisant mais l'amour qu'il lui donnait était tendre et chaleureux. Si seulement cela pouvait aussi être vrai pour son fils.. Kuzali ne se sentirait jamais pleinement ici chez elle tant que les Pridelanders continueraient de rejeter Sadaka. C'était son fils et sa personne était indissociable de la reine. Ils devraient faire avec.

Son regard se tourna doucement vers le suricate qu'elle observait avec un sourire.

« Alors dites moi, comment avez-vous été amené à rencontré mon très cher fils ? J'aimerai beaucoup savoir. »

Sadaka parlait peu de ses diverses rencontres, il n'avait jamais été très éloquent à ce sujet. Oh sa mère connaissait l'essentiel comme le nom de ces rencontres mais voilà qu'elle avait enfin devant elle un suricate dont elle avait mainte fois entendu parlé. Ils devaient être proches, Sadaka semblait beaucoup l'aimer. Curieuse comme jamais, Kuzali avait hâte d'en savoir plus et comble de la chance, Akhet semblait être du genre bavard.

Comme beaucoup s'étant interrogé sur la chose, le suricate en vint à lui demander les raisons de son exil. A ses premières heures sur la Terre des lions, Kuzali s'était montré très secrète et il lui avait fallu du temps avant de pouvoir s'ouvrir aux autres. Son exil avait longtemps était un mystère et peu de personnes en connaissaient les circonstances : Kumpa, Rono et Sadaka. Pourtant avec l'âge, la lionne dorée avait cessé d'en faire son secret le plus honteux.

« Sur mes terres natales, il est proscrit de se mélanger avec les étrangers. Mon père était très conservateur des traditions et il n'a pas supporté que sa fille fricote avec l'un d'eux, ni même mon frère. Ils l'ont tué alors que nous tentions de nous enfuir. Peu de temps après, j'ai été bannie pour ma trahison. »

Kuzali avait passé bien des détails de l'histoire pour n'en venir qu'à l'essentiel : bannie pour avoir aimé un étranger. Longtemps la rancœur l'avait animé, réveillant en elle des aspects de sa personnalité qu'elle ne soupçonnait pas mais le temps avait agi ainsi que la douceur des nouveaux êtres rencontrés. La lionne était prête au pardon. Elle avait cessé de trimballer son passé comme un lourd fardeau, il n'était plus nécessaire de s'en encombrer. Sa vie était sur la Terre des Lions à présent et garder une patte dans le passé l'empêchait d'avancer.

Éloignant ces songes, le suricate accéda avec plaisir à la requête de la reine et lui confia sa rencontre avec le jeune lion ébène. Un sourire doux et maternel aux babines, Kuzali écoutait avec attention le récit de leur rencontre.

« Disons que notre rencontre s'est fait dans le plus grand des hasards ! C'était une nuit dans la Vallée Abandonnée très précisément ! Je suis tombé sur lui en m'y baladant sans but précis. Il avait l'air bien seul et je m'étais dit qu'un lionceau au milieu de nulle part, ce n'était pas normal alors que j'ai interpellé. A vrai dire...Il n'avait pas l'air très enclin aux bavardages mais j'ai quand même réussi à le rendre plus causant ! Au final, on a plutôt bien bavasser. C'est un chouette petit que vous avez là vous savez ? Je ne regrette pas de l'avoir rencontrer ! »

L'air bien seul... Le temps d'un instant, on pouvait lire la peine sur le visage de la lionne. Sadaka avait longtemps cherché son identité et aujourd'hui encore, il ne semblait pas certain de qui il était. Kuzali ne pouvait que le soutenir et l'aimer de tout son cœur mais jamais elle ne pourrait comprendre dans son intégralité les peines que connaissait son précieux fils. Alors comme toute bonne mère, Kuzali le couvait d'amour et de tendresse. Jamais elle n'avait vu en lui le fils d'un Nyeusis ni même le rejeton de Mopanga. Non, c'était son fils, un Prince du Soleil et Roi de son cœur.

« C'est mon joyau le plus précieux. » répondit simplement la mère dans une tendresse maternelle.

Son regard à l'intention du suricate était doux. Elle ne le connaissait pas personnellement mais son fils en avait dit le plus grand bien, c'était suffisant pour trouver grâce à son cœur. D'abord hésitante, la lionne dorée finit par se lancer :

« Vous dites qu'il semblait seul quand vous l'avez rencontré... Je sais qu'il peine à s'intégrer au clan et à se mêler aux lions, il sent différent et rejeté pour cela. Rares sont les personnes qui ont trouvé grâce à son cœur mais je sais que vous y êtes parvenu. Ne voyez pas cela comme un ordre de la reine mais plutôt comme une requête d'une mère inquiète pour son fils : ne le laissez pas. Il vous apprécie grandement et il a besoin de personnes comme vous, une personne qui ne voit pas en lui le fils d'un Nyeusis mais un simple lionceau à la bravoure inégalée et au grand cœur. »

Kuzali idéalisait peut-être son fils mais son amour pour lui ne connaissait aucune limite. Elle aimait Prideland, elle aimait Kumpa et leurs trois enfants mais elle ne cesserait jamais de tout donner à son premier né. Si un jour un choix lui était demandé, elle n'aurait pas à réfléchir. Elle savait qu'il serait sa réponse.

Partant vers d'autres songes, la lionne se fit alors une drôle de réflexion et ne tarda pas à la partager :

« Mais dites moi Akhet, préférez-vous la compagnie des lions à celle des suricates ? »

Bien des félins connaissaient le nom de ce suricate intrépide, après tout c'était le premier de son espèce à se tenir aussi près d'eux et il avait même été officiellement affilié à Prideland par Kumpa. Mais pourquoi ce choix ?

C'était étrange mais tellement relaxant. C'était la première fois que Kuzali rencontrait un ami de son fils, une personne qui voyait au-delà de son pelage noir et des apriori. Sadaka n'était qu'un lionceau innocent qui n'avait jamais eu à choisir ses gènes mais si peu de lions semblait le comprendre. Voilà la raison pour laquelle la reine appréciait grandement le suricate sans même réellement le connaître. Elle savait déjà sa noblesse.

Alors de toute évidence, la réponse d'Akhet empli de joie la cœur de la mère. Il ne parlait pas dans le but de s'attirer la sympathie de la reine non, il parlait avec son cœur et c'était là toute la beauté de ses mots. Un frère lui disait-il... Le temps d'un instant, Kuzali songea à ses trois nouveau enfants. Sadaka les considérait-il comme des frères et sœurs à part entière ou continuait-il de les distancer par une frontière invisible ? Récemment, il semblait s'être rapproché de sa plus jeune sœur aussi la reine ne s'inquiéta-t-elle pas davantage. Toute chose prenait du temps mais elle avait foi. Un jour, son fils lui dirait « Maman, je suis heureux. » et ce jour-là, Kuzali n'aurait plus aucune crainte dans son cœur.

Le sourire fragilisé, le suricate répondit néanmoins à l'interrogation de la lionne :

« Après tout ce qui s'est passé depuis mon départ de la colonie, toutes ses rencontres, toutes ces boules de poils que vous êtes, je pense que la question ne se pose même pas. Vous autres gros matous avaient su me donner ce que les miens n'ont jamais pu m'offrir. »

Derrière ces paroles, Kuzali percevait la distance entre la mangouste et sa colonie. Tout comme elle, son départ s'était-il précédé d'un terrible différend avec sa famille ? Les relations de famille savaient être complexes et rares étaient ceux qui en échappaient.

« Je suis heureuse que vous ayez trouvez votre place parmi nous. » lui dit-elle avant d'ajouter, plus réfléchie : « Vous savez Akhet, après tout ce qu'il m'est arrivé, j'en suis arrivée à la conclusion que notre famille ne se limitait par aux liens de sang. Aujourd'hui, quand je parle de ma famille, je pense à toutes ces merveilleuses personnes qu'il m'est été amené de rencontrer et qui ont ramené la lumière dans mon cœur. Certains viennent des montagnes du Nord, d'autres de la Terre de Feu et d'autres encore de Prideland mais ce sont eux ma famille. »

Rono, Samekh, Kumpa... D'origines si différentes mais tous reliés par un lien invisible. Tous occupaient une place différente dans le cœur de la lionne et s'ils devaient être classés comme des membres d'une famille unie, Samekh serait le père autoritaire mais passionné, Rono le grand frère protecteur et altruiste et Kumpa l'amant doux et chaleureux. La petite famille s'était peu à peu agrandie et elle était aujourd'hui si étendue qu'elle se diversifiait au gré de toutes les contrées de la Terre des Lions. Oui, c'était eux sa famille.

Le regard doré de la reine coula doucement vers le suricate et elle ajouta d'une voix tendre :

« Si Sadaka vous a choisi pour être sa deuxième famille, ce n'est pas un hasard. Vous lui avez donné ce que les autres lions n'ont jamais vu lui offrir : un sourire chaleureux. »

La grande lionne élancée étendit paresseusement ses pattes devant elle et vint délicatement posé son menton contre son pelage humide. Akhet était franc et bavard, voilà l'occasion parfaite d'entretenir une conversation qui saurait changé de l'ordinaire.

« Maintenant dites moi, j'aimerais savoir comment un jeune suricate vadrouilleur s'est retrouvé allié de Prideland ? »

Cela devait certainement être une histoire très intéressante.

La reine appréciait la franchise du suricate. Les Lions du Soleil avaient toujours été des lions très fiers mais également francs et peu adeptes du mensonge, l'honnêteté était donc une qualité qu'ils valorisaient et savaient apprécier. Kuzali ne s'arrêtait jamais à l'apparence ou à la race d'un individu, seul son esprit l'intéressait ainsi que la force de son cœur. Fleck avait beau être un lycaon, il était l'un de ses plus valeureux ami. Akhet non plus n'était pas un lion mais il était grande par son âme. Ce n'était pas étonnant qu'il ait su trouver grâce aux yeux de Sadaka et Kumpa. Enfin une chose que ces deux-là avaient en commun... La féline sourit discrètement, amusée de sa propre réflexion.

« On n'a pas forcément besoin d'une raison d'aimer quelqu'un, je me trompe ? » avança la mangouste. Interpellée, la reine haussa un sourcil en sa direction. Il n'avait pas tort. L'amour le plus sincère était dénué de toute raison ou de causalité, il trouvait son origine dans une connexion entre les âmes et ce genre d'événement ne demandait pas de raison terrestre. On ne choisissait pas d'aimer, ce sentiment s'imposait à nous de toute évidence mais on pouvait choisir de l'accepter ou non. Certains gardaient les yeux fermés devant un amour qu'ils ne cautionnaient pas, qu'ils savaient interdits. Le temps d'un instant, son esprit divagua entre Sheru, Uhucha et Mopanga. Chacun avait été un vice à sa manière et bien que plus ou moins assumé, la lionne les avait aimé. Mopanga était sûrement le plus inavouable et plus paradoxal, elle même peinait à comprendre ce semblant de relation qu'ils avaient eu mais derrière tout ce mal et toute cette haine, Kuzali savait qu'un rayon de lumière s'était immiscé. Ils avaient simplement tous deux été aveugle à cet espoir. Sa mort l'avait apaisé mais un goût amer lui restait en bouche, comme si une question n'avait toujours pas été élucidé. Kuzali était par moment trop sentimentaliste et elle croyait naïvement que tous pouvaient encore être sauvé, elle avait vu une lumière en Mopanga mais n'avait pas été assez forte pour le ramener dans le droit chemin. Peut-être tout cela s'apparentait-il à des regrets.

Heureusement, la mangouste la tira vite de ses réflexions moroses. Toujours désireuse d'apprendre et de comprendre autrui, la lionne prêtait une grande attention à ses dires et notait la différence de vie entre les mangoustes et les lions. Un clan prenait soin de tous ses membres, c'était une grande famille soudée mais cela semblait être un poil différent chez les suricates. Être oublié de sa propre famille, tout de même... Cela était inconcevable pour un Lion du Soleil. Néanmoins, derrière cette enfance qu'elle considérait peu idyllique, Kuzali était frappée par la bravoure de la mangouste. Comment un si petit être avait-il pu trouver la force nécessaire pour se soulever face aux Nyeusis ? C'était admirable. La féline ne pouvait qu'être heureuse de savoir Akhet fidèle ami de son fils. Il avait su bien s'entourer.

« Vous êtes donc notre héros de l'ombre, Akhet. » commenta la lionne dans un sourire chaleureux avant de poursuivre, plus sérieuse : « On vous l'a sûrement déjà dit mais je tiens à le faire personnellement : merci pour ce que vous avez fait. Entre nous, vous me rappeler mon vieil ami lycaon. Peut-être le connaissez-vous, il répond au nom de Fleck et a également servi aux comptes des Pridelanders comme espion. Vous avez beaucoup en commun. »

Son petit protégé avait bien grandi aujourd'hui, il était même devenu père. Difficile à croire quand elle repensait au jeune lycaon turbulent qu'il avait été. Kuzali se demandait si les deux espions s'étaient déjà rencontré. Le monde lui semblait aujourd'hui si petit, cela ne l'étonnerait pas. Lorsqu'il lui parla de rendre un service, la lionne doré tourna vers lui ses prunelles brillantes de spéculation. Sa demande la surprit, elle s'attendait à une toute autre chose. Finalement la lionne sourit, amusée.

« Seulement si vous me faites le même plaisir. » répondit-elle en riant légèrement.

La mangouste était d'une compagnie particulièrement plaisante, Akhet savait en effet se montrer drôle et très intéressant dans ses propos. Soupirant d'aise, la reine de Prideland observa silencieusement la pluie tomber. Une journée parmi les autres durant cette saison humide.

[Pardon pour la médiocrité de mon post >.<]

Kuzali écoutait non sans plaisir le suricate et riait de temps à autre à ses mimiques ou réponses. Il était d'une compagnie relativement agréable et la lionne dorée regrettait de ne pas avoir entrepris de le connaître avant ce jour, sans doute l'aurait-il plus tôt tiré de son ennui quotidien. Être reine n'était pas une tâche dont pouvait se plaindre la lionne, après tout elle était née dans cette directive et avait appris très tôt les rouages du métier bien que certaines règles différaient entre la Terre du Soleil et Prideland mais en soi, les pratiques restaient les mêmes ainsi que ce que l'on attendait des monarques : être juste, impartial et bon. C'était toujours agréable d'être au service des autres et de se savoir utile mais par moment, la féline était profondément nostalgique de sa vie d'exilée. Ironique non ? Sa liberté lui manquait ainsi que le temps passé sur la Lande en compagnie des rouges. La vie n'avait pas été aussi facile que sur Prideland mais étrangement, la lionne s'était sentie plus heureuse. Samekh était encore à ses côtés, son fils n'expérimentait pas le rejet et malgré la dureté de cette vie, tous avaient trouvé une place et ils avaient été heureux. Aujourd'hui la vie était plus facile mais de fait moins palpitante.

« Alors, que fais Sadaka en ce moment ? Est-ce qu'il s'entend bien avec le reste de sa nouvelle fratrie ? »

Kuzali haussa un sourcil, tournant alors son regard vers la mangouste. Il était rare que son interlocuteur s'intéresse tant à son premier né, c'était une nouveauté mais cela lui était très agréable. Si rare parmi le quotidien, elle savait qu'elle s'adressait à quelqu'un dont le cœur était juste et qui ne voyait pas en Sadaka le fils d'un Nyeusis. Comme elle aurait aimé que tous les Pridelanders agissent de la même manière. Paradoxalement, bien qu'étant leur reine, Kuzali leur en voulait pour cela. Ces Pridelanders, réputés si bon et tolérants, ne cessaient de rejeter le lionceau ébène. Comme quoi l'habit ne faisait pas le moine. Pridelanders, Mositus, Freelanders, tous laissaient leur attitude être guidée par leur peur. Peut-être que s'ils avaient été voyageurs ou exilés comme elle, leur vision du monde serait différente. C'était un fait qui n'avait pas échappé au regard doré de la lionne, les voyageurs étaient des lions bien plus tolérants et ouverts d'esprit. Voir du pays était un remède contre cette xénophobie grandissante, exception faite des Jangowas bien sûr. Un demi sourire aux babines, la reine répondit à l'interrogation de la mangouste :

« Il passe beaucoup de temps seul à s'entraîner, c'est son nouveau hobbies. Je suspecte une ambition derrière tout cela mais j'attends encore pour me prononcer, Sadaka m'en parlera de lui-même lorsqu'il sera prêt. » répondit calmement la lionne dans un premier avant de continuer, moins souriante : « Quant à sa fratrie... je dirais tout d'abord que les choses se sont apaisées. Au début, il était réticent à l'arrivée de cette nouvelle famille, craignant d'être laissé pour compte. Mais le temps a fait son œuvre et il s'entend désormais bien avec Ahva, elle l'apprécie beaucoup. Quant à Azaan et Awena, il est moins entreprenant à leur égard mais cela ne veut pas pour autant dire que leur relation sont mauvaises. Je crois qu'il prend son rôle de grand frère à cœur. »

Cela n'avait pas été simple pour son premier né et la lionne en avait conscience, après tout ce n'était jamais facile de démarrer une nouvelle vie où l'on se sentait accessoire. Seulement, Sadaka n'avait jamais éré un « lionceau supplémentaire » mais bel et bien son premier fils, celui pour qui elle tuerait sans hésitation et pour qui son cœur aurait toujours allégeance. Plus dans l’approfondissent, la lionne reprit :

« Tu sais, notre famille est plutôt compliquée. Malgré nos efforts pour n'être qu'un, je t'avouerais qu'une scission semble néanmoins se former : Sadaka d'un côté et Kumpa et nos enfants de l'autre. J'essaye tant bien que mal d'apporter de l'harmonie à ce mélange mais ce n'est pas facile. Sadaka voit d'un mauvais œil son beau-père, c'était le cas dès leur premier rencontre. Les deux... ne sont pas fait pour s'entendre. J'aime mes trois derniers nés de tout mon cœur ainsi que Kumpa mais je ne peux m'empêcher de favoriser Sadaka. Notre passée et notre histoire a fait qu'un lien si fusionnel nous unis que je ne pourrais jamais le traiter également. Il sera toujours le premier dans mon cœur. »

Peut-être était-ce injuste pour les trois lionceaux mais eux avaient un père à leurs côtés, Sadaka n'en avait jamais eu. Il n'avait qu'elle, comment pourrait-elle le délaisser ? Dans un soupir, la lionne laissa doucement sa tête tomber contre ses pattes et coula son regard d'or en direction de la mangouste.

« J'espère que je ne t’ennuie pas avec mes états d'âmes, il est si rare que je puisse converser avec quelqu'un qui ne voit pas en lui le fils d'un démon. Le pauvre, il n'a rien choisi de tout cela et doit vivre avec le poids de mes erreurs. »

Rares étaient les moments où Kuzali osait évoquer le père de son fils, de manière indirecte ou non. Cela avait toujours été un sujet tabou, même avec son feu mentor. Mopanga... il avait toujours été un songe controversé dans son esprit. Un Nyeusis serviteur de l'Ombre, fléau de ces terres et au cœur aussi dur que la roche. C'était ce qu'on disait de lui et la lionne ne se déviait jamais de ce sens pourtant, elle seule connaissait l'autre facette du lion, celle qui aurait pu prendre le dessus si elle avait choisi de l'aider plutôt que de se tourner contre lui. Longtemps durant son temps auprès des Nyeusis, la lionne d'or avait été tiraillée entre amour et raison. Son choix, tous le connaissaient mais ses doutes et ses hésitations n'étaient connus que d'elle seule. Comment d'autres auraient-ils pu comprendre que l’héroïne de Prideland, celle qui était devenue leur reine, avait failli succomber aux charmes de l'Ombre ? Elle-même n'avait jamais osé évoquer cela de vive voix. Certaines choses étaient mieux à rester secrète et silencieuse.

« Je me demande quand est-ce qu'ils l'accepteront enfin à leurs côtés. Les Pridelanders me sont si étrangers par moment. Sans hésitation, ils accueillent un lycaon et un suricate parmi leur rang -sans offense- mais ils rechignent à accepter un de leur semblable. Je ne vois aucune logique à cela, ils se laissent dompter par leur peur. »

Voilà des doutes que la lionne n'avait confié à personne d'autre. Alors pourquoi choisir d'en évoquer les mots auprès de la mangouste ? Peut-être parce qu'à instant, Akhet lui semblait le plus apte à la comprendre. La reine aurait-elle trouvé un confident ? Non, jamais elle n'oserait voler le seul véritable ami de son fils, elle l'aimait trop pour cela. Et puis après toutes ces années d'exil, Kuzali avait appris à garder bien de ses idées pour elle. La solitude l'avait façonné d'une étrange façon mais ce moule lui avait permis de survivre et de s'élever.

La reine s'amusait de cette conversation avec la mangouste, cela lui changeait tant de son quotidien. Beaucoup voyaient en elle une reine et une figure d'héroïsme, d'autres -moins nombreux- la voyait comme une simple lionne. C'était avec ces derniers qu'il était tout particulièrement plaisant de converser, elle n'avait alors plus à se soucier des règles et des apparences. Autant que le suricate se mettait à l'aise et s'adosser contre la pierre, la femelle positionnait confortablement son menton au creux de ses pattes.

Elle écoutait d'une oreille attentive les paroles d'Akhet. Renforcer les liens entre Sadaka et ses trois cadets... Oh la reine y avait déjà songé et jusqu'ici, son plan semblait avoir fonctionné à merveille, lui et Ahva semblaient maintenant proches et cela ravissait le cœur de la lionne. Réagissant aux précédentes excuses de la lionne, la mangouste se redressa et s'avança vers elle, plaçant une main bienveillante sur son épaule.

« Qu'est-ce que tu racontes ? C'est moi qui veut tout savoir ! Si c'est ta façon de voir les choses alors saches que Sadaka m'a plus d'une fois déjà ennuyé avec ses états d'âmes à lui ! Héhéhé ! Ah ! Ne crois pas si bien dire, il est bel et bien le fils d'un démon et ça, eh bah, on ne pourra rien y changer. Il a le pelage comme la forme d'un affreux Nyeusis ! Mais qui d'autres que toi et moi sommes les mieux placé pour savoir que l'apparence ne compte en rien ? Eh, il a reçu l'âme d'une vraie battante et un coeur noble et vaillant ! Alors ne parle pas d'erreurs quand tes actions t'ont offert un fils aussi incroyable et unique en son genre ! »

Les yeux de la lionne s’écarquillaient au fur et à mesure de ses mots. Jamais personne ne lui avait parlé de son fils avec tant d'honnêteté. La lionne dorée lui offrit un grand sourire, charmé par ses mots et son enthousiasme. Elle ne pouvait nier qu'entendre de telles éloges à l'égard de son fils comblait son cœur maternel de fierté.

Alors qu'elle comparait la situation de Sadaka avec celle du lycaon et de la mangouste, Ahket fit mine d'être blessé dans son égo et sans attendre, il joua l'indigné.

« Sir Akhet, vous êtes un élément essentiel du clan dont on ne saurait se passer ! » plaisantait-elle dans un souffle taquin.

Jouant le jeu jusqu'au bout, la mangouste passa fièrement sa main dans ses crins tandis qu'il statuait telle une diva. Fort amusée, la lionne dorée partit dans un petit rire joyeux et frais. Elle en oubliait presque la tempête qui faisait rage. De nouveau tourné vers elle, Akhet reprit ses louanges de l'enfant maudit. Inconsciemment, la lionne bombait le torse en entendant de tels propos sur son fils adoré.

« Oh mais je te fais confiance Akhet ! » lui répondit-elle aussi enthousiaste.

Tous ces pessimistes qui longtemps avait douté de la pureté de son cœur se rongeraient les griffes face au lion qu'il deviendrait, c'était une certitude. Souriante et décontractée, la féline rebondit sur le sujet pour demander :

« Et toi alors je ne t'ai pas demandé, est-ce qu'un grand héros comme toi as le temps pour songer à l'amour et à une famille ? On dirait que toute la Terre des Lions s'est mise d'accord pour repeupler la savane, c'est une pluie de nouveaux-nés ces derniers temps ! »

Elle rit doucement, le rocher semblait récemment s'être transformée en une garderie géante et les lionceaux pullulaient de toute part. Ce n'était pas son beau-frère qui allait dire le contraire, il venait tout de même d'avoir quatre lionceaux... En ajoutant les deux fils de Mina, la famille royale était certaine de voir son sang perdurer pour des générations à venir. Mais et les mangoustes alors, partageaient-elles ce temps de fête ?

Tantôt souriante, tantôt hilare, la reine passait un bon moment avec la mangouste qui était d'une compagnie délicieuse. Il lui semblait parler à un vieil ami. Mais lorsque vint le moment de parler famille, Akhet glissa son manque de désir entre quelques plaintes. Certains n'étaient pas fait pour ça, après tout. La lionne dorée songeait à Itan devenu Gardien ou bien même à son plus précieux ami, Rono bien qu'elle lui ait donné un fils. L'agitation semblait se ternir et la mangouste en vint alors à aborder un sujet plus sérieux qui attira tout spécifiquement l'attention de la lionne.

« Oui, c'était le mieux que l'on pouvait espérer. Malgré leur quiétude, les Pridelanders ont su rebondir. »

Elle soupira brièvement, le regard porté vers la pluie du dehors qui semblait miraculeusement s'atténuer. Était-ce un rayon de soleil qu'elle voyait admirablement percer l'épaisseur des nuages ? Oui. Chassant ses noirs idées, la belle lionne sourit avec douceur.

« Ne dit-on pas qu'après la pluie vient toujours le beau temps ? »

La féline plissa légèrement le regard de malice puis se redressa noblement avant d’ébrouer son pelage une dernière fois. Hmm parfait, elle semblait sec et la pluie touchait à sa fin. Fière et digne, la lionne d'or s'abaissa vers la mangouste et lui dit ces quelques mots :

« Très cher Akhet, ne m'en tiens pas rigueur mais je vais te fausser compagnie ; j'ai un mauvais pressentiment quant à mes jeunes enfants qui profitent souvent de ce temps pour s'échapper de la surveillance de leur père. Tu comprends, les mâles... si facile à berner. »

Elle lui adressa un clin d’œil malicieux puis sur une bouffée de rire, elle se redressa avant de saluer la mangouste d'une légère courbette.