La journée commençait merveilleusement bien sur la rayonnante terre de Prideland. Depuis que les Nyeusis avaient été chassé, l'endroit avait retrouvé de sa sérénité. Peu à peu, les troupeaux reviendraient et le Cycle de la Vie reprendrait paisiblement son cours. Cela faisait près d'un mois que la bataille avait eu lieu et que le clan était revenu habiter au Rocher de la Fierté. Tahora n'avait pas encore eu l'occasion de beaucoup s'aventurer hors de l'immense roc, surveillé de près par sa mère. Une surveillance assez importante du territoire avait été mise en place, tous les Nyeusis n'ayant pas été retrouvé morts. Pour l'heure, les guerriers n'avaient trouvé que les cadavres de Gara et de Mopanga, deux grosses menace pour toute la Terre des Lions qui avaient enfin été éliminé. Mobaya et Mopango restaient cependant introuvable, chacun restait donc sur ses gardes. Nawapa refusait que ses enfants prennent des risques et les empêchaient donc de quitter le Rocher. Qui plus est, Kigeni avait réussi à sortir indemne de la bataille, et pour la fratrie, c'était sans doute lui qui représentait le plus gros danger. Il n'était peut-être pas au courant qu'il avait des enfants, mais s'il l'apprenait, il tenterait sans doute d'entrer en contact avec eux. Et cela, Nawapa ne l'accepterait pas. Tahora n'avait pas envie de faire connaissance avec son père, elle avait suffisamment entendu du mal de lui et savait quoi en penser.

En cette jolie matinée, la petite Pridelander décida, une fois encore, d'essayer de convaincre sa mère de la laissait quitter le Rocher. Elle n'avait jamais pu s'éloigner seule ou avec ses frères et sœurs pour le moment, et l'ennuie commençait à la gagner. Avec toutes ces patrouilles, elle était persuadée que Mobaya, Mopango et Kigeni devaient être loin de Prideland, elle ne courait aucun risque. Nawapa était encore réticente, mais Tahora sentait qu'elle était sur le point d'accepter. Sahale lui était d'une grande d'aide, sa soeur tannait également leur mère dans l'espoir de partir en exploration. Nedge était un peu moins enthousiaste, et il l'était déjà lorsqu'ils étaient sur la Lande. Tahora avait discuté avec lui, et avait appris qu'il n'était pas si heureux que ça à l'idée d'aller vivre sur Prideland. Cela avait beaucoup étonné la féline aux yeux pâles, elle qui avait attendu ce moment depuis sa naissance. Elle était à présent sur son véritable territoire, mais n'avait pas encore le droit de le visiter, une vraie torture ! Et alors que Djaili s'approchait de la petite famille, que Sahale et Nedge partaient jouer et que Sora contemplait la scène, Tahora suppliait sa mère de la laissait partir en vadrouille pour la première fois. Elle sentait bien que cette fois, elle allait dire oui. Cela faisait un mois maintenant, il n'y avait vraiment plus aucune raison de s'en faire ! La jeune femelle faisait donc les yeux doux à sa génitrice lorsque la voix familière de son ami retentit derrière elle.

- Bonjour Tahora, bonjour Nawapa. Enchanté de vous connaitre, je suis Djaili, fils de Kina.

La grande lionne esquissa un sourire et le salua avec gentillesse. Sa fille vit dans son regard qu'elle connaissait la mère de Djaili, et su qu'elle l'appréciait. Elle regardait le lionceau avec tendresse et un peu d'espièglerie, sans doute amusée par la grande politesse dont il faisait preuve et qui pouvait surprendre, venant d'un enfant. Tahora était, quant à elle, bien curieuse de savoir pourquoi son ami venait vers eux. Elle jouait souvent avec lui mais généralement, c'était elle qui allait le trouver. Se présenter "officiellement" devant sa mère était également une drôle d'idée, mais digne de Djaili après tout. Il était si cérémonieux par moment ! Tahora le soupçonnait cependant de quelques malices, elle le connaissait suffisamment pour savoir qu'il ne venait pas simplement dire bonjour pour le plaisir. Il avait quelque chose en tête, elle le savait, et il lui tardait de savoir quoi. Le lionceau enchaîna sans attendre, de sa petite voix courtoise, le regard tourné vers elle :

- Je voulais savoir si tu voulais venir découvrir Prideland avec moi ?

Le regard de la petite Pridelander s'éclaira aussitôt. Elle se tourna vivement vers Nawapa, et lui offrit un sourire immense, crispant les muscles de ses babines presque douloureusement. Sa mère retint un petit rire puis lui donna son accord d'un petit hochement de tête, visiblement résigné. Une lueur d'inquiétude luisait encore dans son regard, mais elle faisait un effort pour le dissimuler. Tahora poussa un cri de joie et frotta sa tête contre les pattes de sa génitrice en la remerciant chaleureusement. Elle se tourna ensuite vers Djaili, une expression enthousiaste sur le museau. Enfin ! Elle allait pouvoir partir en exploration ! Depuis le temps qu'elle attendait cela, elle en trépignait d'impatience ! Qui plus est, elle ne serait pas seule pour cette aventure, elle allait être accompagné de son fidèle ami. Depuis qu'elle avait rencontré Djaili, elle passait beaucoup de temps avec lui, l'entraînant dans ses bêtises à chaque fois que l'opportunité se présentait. Le jeune mâle semblait toujours content de la voir, et sa bonne humeur ne pouvait être que contagieuse. Tahora répondit alors en s'approchant de lui, euphorique :

- Oh oui alors ! Si tu savais, je n'attends que ça ! Viens viens, ne perdons pas de temps ! Il y a tellement de choses à voir ! Par quoi on commence ? On pourrait aller voir la Colline du Peponi ou bien les Gorges !

Nawapa se racla alors la gorge, et offrit un regard sévère à sa fille. Elle n'appréciait visiblement pas les propositions quelque peu dangereuse de Tahora, qui ne manquait pas, comme toujours, de chercher l'aventure.

- Et pourquoi pas l'Etang, pour commencer ?

Les oreilles de la petite féline se rabattirent contre son crâne, un peu déçue. Elle pouvait cependant difficilement dire non. C'était sa première vraie sortie hors du Rocher après tout, elle ne devait pas viser trop haut. Elle aurait tout le temps pour voir le reste du territoire, autant commencer doucement.

- Oui l'Etang c'est bien aussi, répondit-elle à contrecœur. On y va ? lança-t-elle en se tournant vers Djaili, tout son enthousiasme retrouvé.

Elle avait à présent du mal à rester immobile, ses pattes tremblaient d'excitation. Elle y était, sa première exploration de Prideland, elle ne pouvait plus attendre davantage !

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Devant son enthousiasme, Nawapa ria avec amusement. Elle pouvait aisément deviner que sa fille ne tarderait pas à s'approcher des lieux dangereux, mais elle espérait que ces explorations pourraient attendre encore un peu. Ils n'était pas sur Prideland depuis très longtemps après tout, elle avait réussi à l'empêcher de faire des bêtises pendant quelques temps, c'était déjà ça. Tahora ne pouvait toutefois pas rester sage très longtemps, elle avait besoin de bouger, de découvrir, de vivre ses aventures, et de poursuivre son petit entraînement. Si elle voulait un jour devenir la meilleure des chasseuses, elle avait intérêt à connaître son terrain par cœur. La loi du Royaume interdisait de tuer à l'Etang, cette journée ne lui servirait donc pas autant qu'elle l'aurait voulu, mais c'était tout de même le premier pas vers l'immense savane, et cela lui allait très bien.

- Si on y va ? Eh, c'est toi qu'on attend depuis le début !

Devant l'air coquin de Djaili, Tahora dévoila ses petits crocs, une lueur malicieuse dans le regard. La complicité et la rivalité des deux lionceaux n'avaient cessé de croître depuis qu'ils se connaissaient, la petite féline ne se vexait pas de pareils propos. Toujours aussi courtois, le jeune mâle se tourna vers Nawapa et la salua avant de se mettre en route, suivant de très près Tahora, qui ne voulait pas rester une seconde de plus ici. Elle n'avait qu'une hâte : quitter le Rocher de la Fierté. Elle avait l'impression d'attendre cet instant depuis toujours, et sans doute était-ce le cas. Lorsqu'ils étaient sur la Lande des Sans Terre, elle grimpait sur les hautes branches du Baobab et contemplait Prideland avec envie, tentant de s'imaginer à quoi ressemblerait leur vie quand ils auraient retrouver leur territoire. Et voilà qu'elle y était à présent, pour de vrai !

- On fait la course ?

Les oreilles de la jeune féline s'agitèrent en signe d'approbation. Djaili s'élança le premier, mais Tahora le talonnait. Son entraînement avait porté ses fruits, elle était désormais plus rapide et endurante que la majorité des lionceaux. Elle ne tarda donc pas à le devancer, une puissante sensation de liberté envahissant chacun de ses muscles. Elle avait l'impression que si elle courrait assez vire, elle parviendrait à s'envoler. Elle s'imaginait parcourir la vaste savane à toute allure, pourchassant ses proies. Lorsqu'elle était sur sa lancée, il était difficile d'arrêter la petite fusée, mais elle savait que Djaili n'était pas aussi endurant qu'elle. Il ne tarda pas à lui faire comprendre qu'il était à bout de souffle, et Tahora ralentie. Elle attendit qu'il soit à sa hauteur, et constata qu'il haletait effectivement. Il avait une fois de plus essayé de se surpasser, ce qui contraria quelque peu la jeune Pridelander. Elle savait son ami un peu plus fragile que les autres, et était toujours inquiète lorsqu'il tentait d'en faire trop. Il était malheureusement trop fier pour accepter cette dure vérité. Avec le temps, il avait cessé de faire le malin devant Tahora, et avouait plus facilement sa fatigue.

L'Etang était en vue, de toute manière, il ne servait plus à rien de courir. Ils n'étaient pas les seuls à se diriger vers cet immense point d'eau, quelques girafes et zèbres se dessinaient déjà, la tête penché, très occupé à se désaltérer. Tahora avait hâte d'arriver, mais elle tâcha de garder un rythme apaisé. Djaili devait reprendre son souffle, et ils n'étaient pas pressés. Ils étaient toute la journée pour explorer cet endroit, et tous les autres jours qui allaient suivre également. Plus rien ne les empêcherait d'explorer Prideland désormais, cette terre leur appartenait. La voix de Djaili l'extirpa de ses pensées, brisant le silence qui s'était progressivement installé entre eux.

- Comment vas-tu ? Et ta portée ?

Tahora fronça les sourcils. Elle aurait aimé pouvoir se réjouir pleinement de leur retour sur leur territoire, mais quelque chose lui trottait dans la tête depuis la fin de la guerre. L'attitude d'un de ses frères avait changé, elle ne comprenait pas vraiment pourquoi ni comment cela était arrivé. Elle n'avait pas encore eu l'occasion de parler avec lui, mais cette situation commençait à l'inquiéter. Pouvait-elle en parler librement à Djaili ? Si elle ne lui en parlait pas à lui, à qui pourrait-elle donc se confier ? Il était sans doute son ami le plus proche. Elle poussa un soupir, et répondit, hésitant encore sur le choix de ses mots.

- Je vais bien, ma fratrie aussi. Enfin... A l'exception de mon frère, Nedge. Depuis qu'on est arrivé sur Prideland il est... Distant. Il était très proche de Sahale, notre sœur, et maintenant c'est à peine s'ils s'adressent la parole. Il passe tout son temps tout seul, à broyer du noir.

Elle secoua la tête, affligée devant son isolement. Il avait toujours été proche du reste de la famille, doux, rêveur et protecteur. Pourquoi se mettait-il à changer soudainement ?

- Avant la guerre, il m'a dit qu'il ne voulait pas qu'on quitte le Baobab. Je ne comprends pas pourquoi il est plus attaché à la Lande des Sans Terre qu'à notre véritable chez nous.

Et c'était d'autant plus difficile à comprendre pour elle, qui avait passé toute sa vie à rêver au jour où ils retourneraient habiter au Rocher de la Fierté. Mais qui pouvait deviner ce qu'il se passait dans la tête de son frère ?

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Après s'être allégé du poids de ses révélations, Tahora se sentait un peu mieux. Elle n'avait, pour l'heure, pu parler à personne de son ressenti. Sora et Sahale étaient bien trop concernés pour qu'elle puisse se confier à eux, et leur mère aurait été blessé plus qu'autre chose. Elle n'avait pas réussi à ouvrir son coeur à qui que ce soit, voulant à tout prix paraître forte et inébranlable. Pourtant, aux côtés de Djaili, elle savait qu'elle pouvait se permettre de douter. Elle était bien trop fière pour l'admettre, évidemment, mais elle était heureuse que son ami soit là pour l'écouter. Ils grandissaient, tous les deux, et une lueur de sagesse brillait dans le regard du jeune mâle depuis quelques temps. Il n'était peut-être pas le plus costaud des lionceaux, mais il était bien plus mature que la plupart des enfants de son âge, et Tahora aurait volontiers fait avaler sa langue à quiconque dirait le contraire. Elle attendait à présent l'avis de son ami, sans doute plus posé que son propre esprit enflammé.

- En ce qui concerne Negde et Sahale, peut être qu'en grandissant, leurs caractères se sont affirmés, et les empêchent d'être aussi proches qu'avant ? Après tout, de ce que tu m'as raconté, ils peuvent être assez explosifs tous les deux. Si Nedge en a eu marre de se faire marcher sur les pattes, et que Sahale ne supporte plus le rôle de grand frère de Nedge, ça expliquerait les étincelles, non ?

La jeune féline acquiesça silencieusement, une petite moue dubitative sur le visage. Elle doutait que cela soit si simple. Elle n'osait formuler à voix haut le véritable problème - leur père - et avait même du mal à se l'admettre à elle-même. Elle aurait voulu mettre ce sujet là de côté pour toujours, mais ses conversations avec Sadaka et les disputes de Nedge et Sahale le ramenait dans ses pensées. Une fois de plus, une barrière se forma automatiquement dans son esprit, chassant brutalement l'ombre de Kigeni. Une voix murmura cependant son nom au creux de son oreille, ce qui l'agaça. Elle l'avait décrété depuis longtemps : elle n'avait pas besoin de lui. Elle leva les yeux vers l'Etang, se perdant un instant dans sa contemplation. Une étendu d'eau large et profonde, où de nombreux animaux venaient s'abreuver en paix. Il n'y avait rien de tel sur la Lande, elle fut donc subjugué par la beauté de l'endroit. La chasse y était interdite, si bien qu'il s'agissait du seul lieu où les proies pouvaient se prélasser en paix sans crainte d'être traqué.

- Je sais bien que toi, tu as toujours rêvé de Prideland, tu es attachée à cette terre que tu n'avais pourtant jamais connu, avec la même détermination et fierté que tu es attachée à notre Clan.

La voix de Djaili tira Tahora de ses pensées et la ramena à ses problèmes. Il avait mis la patte sur une vérité, qui loin de la faire grimacer, la fit bomber le torse de fierté. Elle avait toujours voulu retrouver le territoire de Prideland, et se sentait plus proche de cette vaste savane que de la Lande où elle était née. Nawapa n'était pourtant pas originaire de Prideland, son sang n'appartenait donc pas à ce clan, mais pour elle, cela ne faisait aucune différence. Peu importe ce que les autres pouvaient penser, elle était une Pridelander, qu'ils le veuillent ou non. Elle était au-dessus de leur jugement, leur regard ne pesait plus sur elle. Elle avait des amis, une famille, et un clan. Que pouvait-elle demander de plus ? Pourquoi Nedge ne faisait-il pas plus d'effort ? Pourquoi Sahale était-elle si hargneuse ? Pourquoi n'avait-elle pas la réponse à ces questions ? Tahora soupira. Grandir était quelque chose de compliqué. Elle n'avait jamais envisagé les choses ainsi, elle pour qui tout semblait être écrit. Elle deviendrait une grande chasseuse, elle ferait la fierté de Prideland, là était son destin. Comment pouvait-il en être autrement ? Elle avait cependant oublier de prendre en compte ses frères et sœur dans l'équation, elle s'en rendait compte à présent.

- Tout le monde n'a pas cet attachement. Tu sais, je suis né -tout comme vous- sur la Lande des Sans Terres. Pour moi, c'était là ma maison. Prideland je ne l'avais jamais vu autrement que dans les récits, et je ne voyais pas l'intérêt de risquer des vies pour récupérer une terre que je n'avais jamais connu. La seule raison qui m'a poussé à accepter Prideland, c'était l'envie de maman d'y vivre. Elle semblait si heureuse d'être enfin de retour que j'ai fais tout ce que j'ai pu pour m'adapter.

La petite lionne leva la tête, surprise. Elle n'avait jamais pensé que Djaili avait pu partager le regret de Nedge à l'idée de partir du Baobab. Il était sans doute trop fier pour l'avouer à ce moment là, mais il lui en parlait aujourd'hui, tout comme elle lui faisait part de ses inquiétudes. Mais pourquoi regretter la Lande ? Ce n'était pas une terre très jolie, assez aride et triste. Prideland était un territoire immense, magnifique, fertile et riche, l'endroit parfait. L'endroit qui leur appartenait. Peut-être accordait-elle trop d'importance à l'histoire, mais la sienne n'était pas très glorieuse, alors elle s'attachait à celle du clan.

- Je comprends que Nedge n'ait pas voulu venir sur Prideland. Et peut être d'ailleurs, n'a-t-il pas réussi à s'intégrer ici aussi bien que toi ? Peut être ne sent-il pas à sa place, malgré son envie ? Peut être se sent-il trop différent des autres pour réussir à faire part de ce tout qu'est le Clan ?

La manière dont le lionceau parlait indiquait qu'il savait ce qu'il disait. Tahora savait pourtant que son ami n'était particulièrement proche du petit rebelle de la fratrie. Etait-il possible que Djaili fasse allusion à lui-même derrière ses mots ? La jeune féline savait que son camarade n'était pas toujours très bien accepté par les autres enfants, à cause de sa santé fragile et de sa fierté, mais aussi de la couleur assez insolite de son pelage. Pour elle, cela n'avait aucune importance - comment aurait-elle pu le juger avec la famille qu'elle avait ? - mais elle n'était pas naïve. Elle savait que d'autres ne se gênaient pas pour se moquer de lui. En était-il blessé ? Tahora eu honte de ne s'être jamais rendu compte que son ami ne se sentait pas à sa place dans le clan, cela lui apparaissait tellement évident qu'elle ne s'était pas questionné. Peut-être devait-elle commencer par là pour comprendre ce que ressentait Nedge ? Mais avant, la petite lionne déclara avec aplomb en regardant son camarade droit dans les yeux.

- Il fait parti du clan, tout autant et même plus que quiconque. Ce que pensent les autres n'a aucune importance, il s'en rendra très vite compte. Notre ascendance, notre physique, ce n'est pas ça qui définit ce que nous sommes. C'est ce qu'on a dans le cœur.

Ses paroles n'étaient pas pour son frère que pour Djaili. Elle espérait que son ami comprendrait ce qu'elle voulait dire et qu'il ne cesserait jamais de croire qu'il était un Pridelander. Elle se doutait bien que son sang ne devait pas être absolument Pridelander, mais quelle importance cela avait-il ? Il restait un fier membre du clan et cela, elle en était sûre. Elle repensa à Nedge, et songea qu'elle devait avoir cette conversation avec lui. Elle devait lui faire comprendre que chercher en vain leur père n'était pas une solution. Qu'il pouvait exister sans cette figure là.

- Il faudra que je parle avec lui. J'espère qu'il n'est pas trop tard, que je ne l'ai pas perdu. Je ne le comprends pas toujours, mais c'est mon frère. Je ne le laisserai pas s'égarer.

Cette fois, c'était presque pour elle qu'elle avait parlé. Son ami devait bien sûr se douter du problème, il savait qui était leur père après tout, mais sans doute ne connaissait-il pas les détails de l'affaire - l'envie de Nedge de rencontrer Kigeni. Tahora ne savait pas si elle souhaitait parler de tout ça, elle était encore très troublée. Elle avait besoin de réfléchir, elle aussi.


[Réponse écrite un peu "à l'instinct", je ne sais ce que ça donne. En tous cas, c'est pondu x)]

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Un petit sourire se dessina sur les babines de Djaili, mais ce n'était pas son sourire habituel. Ce sourire là était lointain, un peu triste, légèrement teinté de regret. Tahora avait du mal à reconnaître son fier acolyte, lui qui ne manquait jamais de relever un défi. Elle allait devoir prendre au sérieux toute cette histoire, qui commençait doucement à l'inquiéter. Après son frère, voilà que son ami le plus proche se mettait aussi à se détourner du clan ? Tahora savait qu'elle ne devait pas le prendre personnellement, mais elle avait l'impression que c'était d'elle qu'ils allaient s'éloigner et pas seulement du clan. Avait-elle seulement tord ? Elle se sentait en phase avec Prideland, elle était à sa place, et heureuse de l'être. Elle ne savait pas comment rassurer son camarade, ni même s'il en avait envie.

- Et si c'est dans notre coeur, que l'on ne se sent pas Pridelander ...?

Les paroles du lionceau secouèrent la petite lionne. Elle avait soudainement très froid, sans vraiment savoir pourquoi. Ainsi, Djaili ne se sentait pas Pridelander ? Etait-ce réellement ce qu'il avait dit ? Sa phrase ne cessait de tourner dans l'esprit de Tahora, se marquant au fer rouge en elle, douloureusement. Elle eu envie de se détourner de lui, de partir et de s'isoler dans un coin pour crier. Elle était triste, furieuse, amer, frustrée de ne pas comprendre. Pourquoi tout arrivait d'un coup comme ça ? Elle avait toujours vu Djaili comme un Pridelander parfait, il était déterminé et fier, un peu comme elle en fin de compte. Pourquoi se sentait-il différent alors ? A cause de son pelage ? Certes, sa robe était un peu excentrique, mais cela ne changeait rien ! Enfin, c'était ce qu'elle pensait, mais son ami avait visiblement un avis différent. Djaili allait-il vouloir partir ? Cette pensée la glaça. S'il décidait de quitter le clan, Tahora le vivrait comme une trahison, elle le savait. Comment pouvait-elle empêcher cela ? Elle n'avait aucun pouvoir sur la décision de son ami. Sans doute l'écouterait-elle, mais il ferait ce que bon lui semblait, et il aurait raison. Elle ne pouvait pas l'obliger à se sentir Pridelander.

- Tu ne l'a pas perdu. Il sera toujours ton frère, les liens du sang sont les plus forts.

Elle tiqua sur la dernière phrase du lionceau. Voilà justement ce qu'elle craignait : que les liens du sang soit trop fort. Nedge était son frère, et en cela ils étaient liés, mais Kigeni était leur père. Cela signifiait-il qu'il était lié à eux ? Il n'était jamais aller à leur rencontre, n'avait jamais rien fait pour eux et avait fait du mal à leur mère. Quels liens pouvaient-ils partager avec lui ? Tahora n'avait aucune envie que son frère aille à la rencontre de ce monstre, il n'avait pas besoin de lui, il devait le comprendre. Pourquoi cela devait-il être si compliqué ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas être une famille normale, sans tous ces problèmes ? Tahora ne demandait pas mieux que d'être débarrasser de tous ces soucis dont son géniteur était la source. Elle n'avait pas voulu porter ce poids là, elle n'avait pas choisit ! Elle voulait être une Pridelander comme les autres, et elle comptait bien y arriver. Mais peut-être serait-elle terriblement seule, si son frère et son ami lui tournaient le dos. Elle chercha le regard de Djaili, mais ce dernier l'évitait, ses prunelles se promenaient sur le paysage, sans parvenir à masquer son trouble. Tahora n'avait plus envie de partir en courant. Elle ne voulait pas perdre son camarade, en plus de son frère. Elle s'approcha de Djaili, et souffla :

- J'ignorais que tu ne te sentais pas bien dans le clan. J'ai toujours cru que tu y étais à ta place. Pourquoi.... Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ?

Elle sentait bien que le lionceau avait essayé de l'épargner, mais elle était tout de même blessée. Quelques répliques agressives lui venaient, mais elle ne voulait pas créer une dispute. Pourtant, elle aurait aimé lui demander s'il allait l'abandonner, s'il allait partir lui aussi pour rejoindre un père fantasmé. Ce qui lui fit penser qu'elle n'avait aucune idée de l'identité du paternel de Djaili. Elle n'avait jamais vu Kina avec un mâle, et il était probable, au vu du poil de l'enfant, que son géniteur ne soit pas Pridelander. Connaissait-il lui-même son père ?

- Je pensais qu'on deviendrait les meilleurs chasseur de Prideland. Déclara-t-elle sans parvenir à dissimuler son amertume.

Elle savait que ce n'était ni bien ni juste, mais quelque part, elle en voulait à Djaili. Elle lui en voulait de se sentir différent, elle lui en voulait de ne pas être comme elle. Il n'y pouvait sans doute rien, et n'avait lui-même pas choisit sa situation, mais Tahora se sentait trahie. Elle évita à son tour le regard de son ami, grattant le sol du bout de ses griffes.

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Fuyant toujours le regard du lionceau, Tahora laissa ses prunelles se promener sur l'étang et sur les animaux qui venaient s'y abreuver. Si la situation avait été différente, elle aurait observé les alentours avec bien plus de soin, aurait essayé d'identifier les proies qu'elle attraperait, plus tard, aurait regardé leur manière de se tenir, de se comporter... Mais à l'heure actuelle, la seule chose à laquelle elle pensait, c'était que son ami allait l'abandonner et ne lui avait jamais dit la vérité. Elle pensait pourtant qu'ils étaient complices, rivales et pourtant partenaire. Elle n'aurait jamais imaginé qu'il se sente aussi peu Pridelander. Certes, il n'était pas exactement comme les autres, son pelage était assez différents, et il avait une santé fragile, mais cela signifiait-il qu'il était différent ? Pour Tahora, il avait toujours été un membre du clan à part entière, il ne lui était jamais venu à l'esprit que les choses pouvaient être différentes pour Djaili. Elle était elle-même assez particulière, de part son géniteur et la couleur de son pelage, mais avait toujours ignoré les remarques désobligeantes, focalisée sur son objectif. Elle s'était ainsi toujours imaginé qu'il en était de même pour son ami. Pourquoi avait-elle été si aveugle ? Pourquoi ne lui avait-il rien dit ?

- Je... Je voulais être digne de toi. J'avais peur que si je te le disais, tu ne penses plus que je puisse être un bon Pridelander et que tu te détournes de moi...

Les paroles de Djaili frappèrent la féline avec férocité. Sans réellement savoir pourquoi, elle éprouvait soudain une certaine gêne. Était-ce ainsi qu'il la voyait ? Était-elle si importante à ses yeux ? Et surtout, pensait-il vraiment qu'elle puisse se détourner de lui aussi facilement ? L'amitié signifiait quelque chose à ses yeux ! Tahora était à la fois flattée par l'attachement que son ami semblait avoir pour elle, et offusquée qu'il pense d'elle qu'elle était ainsi, capable de tourner le dos à quelqu'un qu'elle considérait comme un ami. L'étonnement était tel que la petite lionne resta bouche bée, incapable de répondre, les yeux écarquillés. Djaili n'avait toutefois pas fini, la Pridelander n'était pas au bout de ses surprises.

- Mais je ne compte pas partir...

Voilà qui était déjà une bonne nouvelle. Tahora aurait eu du mal à accepter le départ de son frère et de son ami. Si tout le monde partait, qui resterait-il alors pour l'accompagner dans sa quête ? Devenir la meilleure chasseuse de Prideland n'avait aucun sens si elle n'avait plus personne avec qui partageait sa joie du rêve accompli. Djaili plongea alors ses yeux dans les siens, et Tahora fut saisit par l'émotion qu'elle pouvait y lire. Ses prunelles étaient légèrement humide, sa voix un peu tremblante. Parler de tout cela semblait être une épreuve pour lui, si bien que la féline se sentit coupable de lui faire ressentir toute cette peine. Elle ne voulait pas qu'il soit triste, même si elle était déçue qu'il ne se soit pas confié à elle plus tôt. Et à présent qu'il le faisait, Tahora était à la fois en colère, amer et touchée. Un curieux mélange qui avait du mal à coexister en elle, et qui l'empêchait pour le moment de réagir. Djaili semblait avoir d'autres choses à dire cependant, il avait ainsi tout le loisir de parler.

- Je ne serai jamais un lion grand et fort qui pourra défendre toi, et Prideland, contre les ennemis parce que je n'en serais jamais capable. Je ne pourrais jamais être digne de la lionne que tu es et que tu deviendras encore plus tard. Mais je peux te promettre, que je serais toujours là pour toi et que jamais je ne t'abandonnerai ou ne ferai intentionnellement quelque chose qui puisse te blesser ou te faire du tort.

Une fois de plus sous le choc des révélations de son ami, la bouche de Tahora se referma doucement. Elle n'était pas sûre de comprendre l'attachement du lionceau envers elle, peut-être y avait-il là quelque chose de trop subtil qui lui échappait encore pour le moment. Mais dans ses paroles, elle avait sentit une force insoupçonné, une force plus grande encore que sa volonté de devenir la meilleure chasseuse, et cela l'avait impressionné. Elle n'avait jamais entendu Djaili parler avec une telle ferveur, et cette ferveur était pour elle. Pourquoi ? Qu'avait-elle fait pour mériter toute cette attention ? Elle éprouvait de nouveau cette même gêne que l'instant d'avant, qui la faisait rougir sous son pelage, alors qu'elle peinait à comprendre le sens des mots de son ami. Elle détourna le regard puis se repris en secouant la tête. Elle lança un regard féroce à son ami, et lui lança, d'une voix vivace :

- Tu raconte n'importe quoi ! Tu deviendras un grand Pridelander, peu importe ce que les autres racontent. C'est pas parce que tu seras pas une grosse brute que tu pourras pas être un guerrier ou un chasseur. Et si qui que ce soit s'avise de dire le contraire, je lui arrache les moustaches ! Et puis j'ai besoin de personne pour me protéger d'abord !

Une fois sa tirade achevée, Tahora sentit toute la colère qui était en elle s'envoler. Il ne restait plus que la gêne et l'étonnement, ce qui n'était pas forcément mieux. Elle détourna une fois de plus le regard, en constata qu'elle s'était dressée sur ses pattes et qu'elle était museau à museau avec Djaili. Elle ajouta, d'un ton plus bougon, moins vindicatif :

- Je ne te tournerai jamais le dos, tu le sais bien. On est ami, non ?

Elle ne voyait pas vraiment quoi ajouter d'autre, Tahora n'avait jamais été douée pour les épanchements ou les choses de ce genre. Elle parlait vrai mais les grands discours larmoyant, ce n'était pas pour elle, ah ça non.

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Le soulagement, ainsi que l'amusement, remplacèrent le doute et l'incertitude sur le visage de Djaili. Tahora était plutôt satisfaite que son petit discours ait redonné confiance à son ami, même si sa gêne persistait. Elle espérait qu'ils passeraient rapidement à autre chose, elle ne voulait pas s'éterniser sur les longues tirades sur l'amitié. Elle n'était pas une dégonflée, mais ouvrir son cœur était douloureux pour sa fierté, elle préférait arborer un visage sûre d'elle et confiante plutôt que de parler de toutes ces choses. Heureusement, le lionceau au pelage clair n'avait plus de grands discours à dire, visiblement.

- Maintenant je le sais.

Le sourire de Djaili était sincère, elle le savait, et au fond d'elle, Tahora se sentit mieux aussi. Elle espérait que le jeune lion ne perdrait plus confiance en lui, qu'il serait plus combatif à l'avenir, et qu'il ne laisserait personne se mettre en travers de son chemin, comme elle le faisait. Ils n'étaient que des enfants, mais les choix et les décisions qu'ils prenaient aujourd'hui auraient des répercutions sur leur avenir, à ne point douter. Tahora était déterminée depuis toujours à devenir une grande chasseuse, elle avait commencé à s'entraîner dans ce but dès les premiers mois de son existence. Elle savait que Djaili était aussi orgueilleux qu'elle, il chercherait lui aussi un moyen de prouver sa valeur. Et s'il en devenait pas un guerrier, cela ne signifiait pas qu'il serait inutile au clan. La chasse n'était pas réservée aux femelles après tout, elles étaient simplement plus fine et plus rapide, donc davantage adapté pour cette activité. Mais le corps de Djaili était fin, et s'il restait ainsi en grandissait, il serait taillé pour courir vite. Sa santé un peu fragile serait toujours un handicape, il ne fallait pas se le cacher, mais il devait l'accepter et prouver à tout le Royaume qu'il ne serait pas un bon à rien pour autant. C'était avec ce genre d'état d'esprit que Tahora avait réussi à passer outre les regards désobligeant qui se braquaient sur elle. Elle ne pouvait ignorer qui était son père, c'était inscrit en elle, dans son sang. Elle était cependant une Pridelander, et bientôt, tout le monde le comprendrait.

- Et puis tu sais, tu as juré de devenir la meilleure chasseuse du Clan, pas la meilleure guerrière. Viendra bien un moment où tu auras besoin de quelqu'un pour te protéger des méchants ... !

La jeune féline lança un regard oblique à son interlocuteur. Il avait raison, en un sens, et c'était cela la force d'un Royaume. Chacun pouvait compter l'un sur l'autre, ils n'étaient pas des solitaires. Néanmoins, la fierté de la petite femelle était bien trop exacerbée pour qu'elle accepte que quelqu'un la protège. Elle n'avait pas besoin d'un puissant guerrier pour veiller sur elle, elle pouvait très bien le faire toute seule ! Djaili poursuivit néanmoins, une lueur malicieuse dans ses prunelles :

- Viendra même un moment où tu auras besoin de quelqu'un, tout court. Quelle horreur, tu te rends compte ? Ton indépendance va jamais s'en remettre !

Tahora le fusilla du regard, cette fois, mais comprit bien vite que son ami plaisantait. Il éclata de rire l'instant d'après, tandis que la Pridelander levait les yeux au ciel. Elle ? Avoir besoin de quelqu'un ? Quelle idée saugrenue ! Lorsqu'elle saurait chasser seule, elle pourrait se débrouiller toute seule. Et si quelqu'un l'embêtait, elle le remettrait en place. Elle n'était pas une trouillarde, après tout ! Peut-être se rendrait-elle compte, plus tard, lorsqu'elle grandirait, qu'avoir besoin des autres n'était pas un signe de faiblesse, mais pour l'heure, elle était persuadée de n'avoir besoin de personne. Elle donna un coup de patte sur l'oreille de son camarade et répondit :

- Je n'aurai jamais besoin de personne quand je serai la meilleure chasseuse ! Elle se tourna vers l'Etang et ajouta : Viens plutôt jouer au lieu de dire des bêtises !

Aussitôt, elle s'élança vers le point d'eau pour y barboter. L'eau était fraîche, elle pénétrait le poil de la féline et la soulageait de la chaleur. Mais plus encore, se baigner était un jeu nouveau pour elle qui n'avait connu que la Lande et sa sécheresse. Elle fit signe à son ami de le rejoindre, et oublia rapidement tous ses soucis, lui envoyant de l'eau à l'aide de ses pattes. Elle aurait tout le temps d'être contrarié lorsqu'elle serait grande, pour l'heure, elle voulait s'amuser.


[Je pense qu'on peut conclure ici ! Je te laisse répondre si tu as des choses à ajouter, et on se revoit très bientôt pour l'entrée dans cette période merveilleuse que l'on appelle "l'adolescence" ]

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