Le museau au vent, Hatima frissonna. Il avait entendu des petits cris et sentit l'odeur du sang. Alors même que le jeune lion débarquait dans celle lande que l'on disait neutre depuis le départ des Pridelanders pour leur ancienne terre, une "mission" semblait déjà s'offrir à lui. Bondissant sans plus réfléchir, le mâle fonça en direction de l'effluve, d'autant plus pressé qu'il avait détecté que la victime potentielle était de son espèce. Mêlé aux hautes herbes comme il le pouvait étant donné sa grande taille et son pelage sombre, Hatima se fendit un chemin jusqu'à la scène qui le surprit. Ce n'était pas une mise à mort, sinon une mise bas à laquelle il avait en partie assisté, arrivant juste après la naissance des bébés. Trois au total. Quant à la femelle, ni son odeur, ni son pelage tricolore si particulier ne lui étaient inconnus. Fouillant dans sa tête, le jeune mâle ne parvint qu'à obtenir des souvenirs flous d'une lionne semblable, alors plus jeune, qui avait déjà foulé les terres des Mositus.

Mais peu importe au fond, la petite famille n'ayant pas besoin de son aide, le lion allait se retirer, se sentant de trop dans cette scène idyllique. Malheureusement, grand bien que fin, et surtout doté d'une crinière particulièrement fournie à faire pâlir d'envie les mâles les mieux dotés en ce sens, le pauvre Mositu s'était accroché aux branches basses qu'il avait cru ses alliées. Traîtresses, ces dernières craquèrent sinistrement en se mêlant à ses poils tandis que lui grognait, les oreilles plaquées en arrière. Décidément, il avait encore bien du chemin à parcourir ce petit héros en herbe, aussi bien rempli de volonté que d'inexpérience.

Son combat contre les arbres malicieux enfin achevé, et surtout gagné, le jeune mâle s'ébroua, puis s'approcha légèrement de la femelle encore en couches il y avait peu de temps. L'air un peu penaud, sa longue queue plaquée contre ses reins, Hatima finit par s'assoir à une bonne distance afin de ne pas sembler menaçant-aussi menaçant que puisse paraître un adolescent à la crinière ébouriffée encore bardée de petites branchettes.-

- Hum... Désolé de déranger, j'ai cru que... J'ai entendu les cris et j'ai pensé que.. Enfin vous voyez. Félicitations en tout cas, ils sont adorables.

Son regard couleur rubis porté sur les adorables petites choses, Hatima oublia un instant sa gêne, ses oreilles dressées en avant. Il n'avait jamais vu de bébés lions d'aussi près, les mères s'éloignant souvent pour mettre bas, et protégeant jalousement leur progéniture des regards lorsqu'elles réintégraient la troupe. Avait-il réellement été aussi minuscule, lui le grand dadais aux muscles certes visibles mais à la silhouette encore quelque peu dégingandée vu son âge ? En tout cas aujourd'hui, le charmeur en herbe semblait lui-même redevenu lionceau, tout hésitant face à cette scène aussi inédite qu'intime.

Janga ? C'était donc elle ? Les oreilles d'Hatima avaient fait demi-tour, s'étirant sur son crâne comme sur le point de s'arracher pour s'assurer d'avoir bien entendu. Le jeune lion n'en revenait pas. Alors qu'il venait d'entamer sa mission personnelle de retrouver les Mositus pour les ramener à l'abri, il tombait sur l'un des seuls cas réellement problématiques de ce clan réputé paisible. L'exilée, sans en porter officiellement le nom se trouvait devant sa truffe, flanquée de nouveaux lionceaux. Etaient-ils d'Haramu le grand mâle gris aux yeux vairons qui avait abandonné son groupe ? Ce pourrait être possible, vu le poil peu commun qu'abordait le plus vigoureux des petits ayant mordu la tétine de sa mère. Ainsi donc, le vieux leader serait encore en vie ? Hatima ne savait plus quoi penser, mais une chose était certaine, il était très intéressé par l'histoire de Janga, sans parler qu'il se sentait un peu responsable d'elle après l'avoir découverte. Sa voix la montrait exténuée, sans doute devrait-il demeurer à ses côtés, le temps que le père revienne. S'il revenait... Car le mâle ne percevait aucunement l'odeur musquée d'un semblable d'âge mûr dans les environs. Sans doute avait-il reniflé de façon inadéquate, ses petits avaient bien un père tout de même.

- Oui, c'est ça Hatima, je suis surpris que vous vous souveniez de mon nom, je dois l'avouer.

Bien qu'apprécié dans le clan pour sa gentillesse, le jeune Mositu n'avait jamais été une "star". Le fait qu'il se soit intégré malgré son pelage encore plus noir que la moyenne des siens et sa carrure était déjà un miracle en soi. Il ne fallait pas en plus exiger la gloire. Gloire que de toutes façons, le félin ne recherchait aucunement bien qu'il fut parfois un brin charmeur avec ces demoiselles.

- Je savais que je vous connaissais mais j'avais oublié comment vous vous appeliez... Quant aux rumeurs, ça en revanche, je m'en souviens. Tous les petits étaient au courant tellement ça avait fait scandale.

Il décida d'en rester là, sincère mais prudent. Inutile d'avouer à la nouvelle mère que les gamins les moins aimés lors des jeux devaient prendre le rôle d'Haramu, l'ancien chef déchu par sa lâcheté... Ce n'était pas vraiment une information importante.

- Que s'est-il réellement passé alors ?

Osa enfin demander Hatima dans un souffle, ses grands yeux obliques devenant presque ronds sous le coup de la surprise et de l'impatience. Tout en se rapprochant légèrement, invité par la femelle, le jeune lion se sentait coupable d'exiger à la femelle qu'elle parle dans son état avancé de fatigue. Mais en même temps, c'était Janga qui avait commencé en se dédouanant. Désormais, l'adolescent souhaitait en savoir plus, ouvert à sa version de l'histoire. Hatima avait en effet beaucoup de défauts, mais pas celui de juger selon les rumeurs. Il aimait vérifier par lui-même, d'où son voyage à la recherche des Mositus survivants. Les autres avaient beau se lamenter en disant que tous les suivants de Kwadja étaient morts, le jeune félin avait préféré partir pour s'en assurer.

- Etiez-vous avec Kwadja ?

Ce serait logique finalement, les Mositus s'étant retrouvés sur la Lande Des Sans-Terre, il était probable que Janga ait croisé la route de la leader guerrière. Opposée à Siri, elle aurait été un bon moyen pour la tricolore de se réintégrer à une partie de son clan. Qui sait. Aujourd'hui, certes, elle était seule mais à part l'absence du père qui étonnait Hatima, le jeune lion ne s'en formalisait pas. Du peu qu'il savait des femelles enceintes, ces dernières avaient l'habitude de quitter leur troupe quelques jours avant la naissance pour mettre bas tranquillement. Ce n'était donc pas si étonnant que son aînée ne porte pas l'odeur distinctive d'un groupe.

- Je suis content que vous soyez encore en vie en tout cas. Je craignais, vu ce qu'on raconte, que le premier Mositu que je rencontre soit un cadavre, et les suivants également.

Même si Janga n'en était plus une à proprement dit, cela réchauffait le coeur du jeune mâle de voir une Mositu en vie, même s'il ne pourrait certainement pas la guider vers les nouvelles terres trouvées par Siri étant donné son statut spécial. En plus, la vision des bébés lui faisait réellement plaisir. C'était toujours plus agréable que de trouver une charogne rongée par les vers. Sans à priori donc, l'adolescent attendit la réponse de la lionne concernant son passé tumultueux. Un peu maladroit contrairement à ce que sa grande taille pourrait laisser supposer, il refusait de s'imposer et s'était donc couché en sphinx non loin, mais sans frôler non plus Janga. Bien qu'il ne s'en rende pas compte, ainsi posté, ses muscles fins mais bel et bien présents sous sa peau tendue lui donnaient un air digne, prometteur. Son cou légèrement recourbé lui offrait une certaine prestance, tandis que les légers plis formés sur son front, démontrant sa surprise contrastaient, appuyant sur son côté encore si ingénu.

Encore une fois, c'était une bien grande mission que s'était donné le Mositu en cherchant les survivants éparpillés sur la terre des lions et aux alentours. Le voilà désormais près à percer l'un des plus gros mystères de son clan... Où à s'embrouiller un peu plus les pattes... Le jeune géant avait-il vu trop grand ?

A son tour, Hatima leva les yeux au ciel. Il avait du respect pour ses aînés mais Janga se fourvoyait lourdement sur ses mots. Etait-ce la paranoïa ou la fatigue qui lui jouaient des tours ? Le jeune félin croyait avoir été plus clair en tout cas.

- Je ne vous ai jamais traitée d'assassin, je pensais aux cadavres que la guerre Jangowas/Mositus a laissé. Vous n'êtes vraiment au courant de rien alors ?

S'étonna Hatima, surpris qu'une sommité telle que Janga n'ait jamais rien entendu filtrer. Pourtant, cette bataille aussi mémorable que sanglante avait fait le tour de la savane, et il lui semblait que les premiers intéressés auraient dû être Haramu et sa compagne, anciens monarques. Quant à l'histoire de la femelle vieillissante, le jeune lion fut presque déçu. Lui qui s'attendait à un complot de grande envergure contre la royauté de l'époque découvrait... Une traîtresse. Oui, parfaitement, une reine ayant tout abandonné pour protéger ses enfants biologiques et non ses enfants en général, c'est à dire son peuple. Tâchant toutefois de rester diplomate, Hatima passa nerveusement une patte sur le sol, cherchant ses mots un moment avant de reprendre la parole.

- D'après ce que je sais, Haramu n'est jamais revenu, et son corps n'a pas été trouvé sur le champs de bataille.

Commença-t-il tristement sans pour autant juger. Le pauvre mâle avait pu tomber sur le chemin du retour, face à une embuscade, néanmoins il dût faire des efforts pour ne pas la juger, elle, certes mère mais aussi reine et Mositu.

- Pourquoi ne pas avoir confié vos enfants à la nourrice ? Je veux dire, toutes les femelles ont fait ça. D'ailleurs certaines ont perdu leur petits, et des enfants ont du dire au revoir à leur maman. Soit sur le champs de bataille, soit après une longue agonie.

Plus triste qu'autre chose, sans même avoir la force d'y placer une once de colère, le jeune félin laissa ses ultimes mots mourir sur ses babines, forçant sans doute Janga à tendre l'oreille pour l'écouter. Par pure gentillesse malgré ce qu'il pensait, le Mositu se garda de dire ce qu'on lui avait déjà raconter. Le peuple aurait certainement perdu de toutes manières mais peut-être pas aussi tragiquement si Haramu n'avait pas décidé de quitter le champs de bataille pour guider uniquement SA femelle vers un abri. Sans guide son clan s'était trouvé totalement désespéré et désordonné. Malgré son jeune âge à l'époque, le félin se souvenait particulièrement de cette ambiance de désespoir, où les lions se marchaient les uns sur les autres jusqu'à ce qu'une petite troupe de nourrices organise tant bien que mal la fuite des petits. Selon certaines lionnes ayant leur opinion à le sujet, si Janga devait réellement fuir, elle aurait dû le faire avec tous les enfants. Une paire d'yeux et deux de griffes en plus n'auraient pas été de trop, sans compter que ses ordres pour mener ce monde en sécurité aurait évité la mort d'enfants. Mais bon, pour l'instant, Hatima ne souhaitait pas d'avantage blesser la lionne, il avait suffisamment râclé la plaie de ses griffes pour l'instant. Ce n'était en plus certainement pas le moment, mais il n'avait pas eu réellement le choix après les décevantes excuses de l'ex Mositu. Un peu perdu, le jeune lion ne savait que penser, oscillant entre peine et compréhension même si c'était surtout le chagrin qui dominait.

- Au moins Siri a su faire preuve de discernement et a prit vos petits.

Essaya de la consoler un peu Hatima qui fournit un gros effort pour se rappeler de Nyoka. Comme l'avait signalé Janga, à l'époque lui-même n'était qu'un lionceau, il peinait donc à reconstruire le fil. Quant au geste de Siri, le jeune mâle le trouvait admirable, car le nouveau leader aurait pu décider de les considérer comme l'objet de la perte des siens. Ça n'aurait certainement pas été juste mais il n'empêche que beaucoup auraient réagi de la sorte, enjoignant la "traîtresse" à trouver un nouveau clan puisqu'elle n'avait visiblement pas envie de rester dans celui qu'elle dirigeait uniquement par temps de paix.

- Et votre fils va bien.

Lui assura finalement le jeune félin, content de pouvoir au moins apporter une bonne nouvelle à cette mère dont il ne comprenait certes pas la haine envers Siri, mais ne détestait pas lui-même non plus. Elle avait fait ses choix, peut-être aurait-il été aussi lâche. Comment juger ?

Mais alors qu'il était plongé dans son imagination, essayant de se voir à la place de la femelle, le jeune mâle eut comme une révélation. Janga lui avait dit ne plus avoir jamais revu Haramu, et vu l'étendue temporelle de toute cette affaire, l n'était sûrement pas le géniteur des nouveaux petits.

- Qui est le père ? Je pensais que c'était Haramu. Désolé... C'était vraiment indiscret

Se reprit un peu tardivement le Mositu, qui n'y tenant plus se redressa. Il aurait bien proposer d'aller chasser quelque chose pour Janga, voir garder les petits le temps qu'elle s'abreuve, vu que l'inconnu se faisait désirer mais n'osa pas. Silencieux, pétrissant de temps à autre le sol meuble de ses griffes, il fit la seule chose qui lui restait à faire: attendre des réponses ou de se faire envoyer bouler bien comme il faut.

- Vous n'avez jamais essayé d'intégrer les Pridelanders ? Ils étaient ici il y a peu encore d'après ce que je sais

S'étonna Hatima, incapable d'empêcher les questions de sortir de ses babines malgré sa honte quant à son indiscrétion. Oui mais voilà, sa curiosité quant à l'histoire de Janga dépassait sa timidité voir son éducation habituelle. Il faut dire que la femelle semblait avoir cumulé les coups du sort... A moins qu'elle ne se complaise dans ses malheurs et ne fasse rien pour s'en sortir, car honnêtement trouver un groupe pour une femelle n'était pas si compliqué. Sa réputation de traîtresse était-elle suffisamment grande dans la savane pour l'empêcher de refaire sa vie ? Dans ce cas Hatima la plaignait et suppliait le ciel de le guider pour ne pas commettre une telle erreur. Jamais il ne se pardonnerait de décevoir ainsi les siens en devenant un paria de tous ceux de sa race.

codage par Elysia de Never Utopia

Les oreilles rabbattues en arrière, Hatima essuya bravement la tempête. Heureusement que la lionne venait de mettre bas et était épuisée, sans quoi le jeune mâle y aurait certainement laissé un bout de tympan. D'ailleurs les branchettes encore liées à sa crinière ne résistèrent pas à l'ouragan et chutèrent au sol, juste devant les pattes de leur ancien hôte. Conservant son calme, le Mositu analysa calmement les paroles acérées de Janga. S'il saisissait son énervement, il n'y voyait en revanche aucune justification valable. La femelle n'expliquait pas ce fameux choix.

- Les gens détestent ce qu'ils ne comprennent pas, et je pense que c'est le noeud du problème. Personne ne saisit votre geste. Moi, non, je ne vous hais pas, par contre c'est vrai que je n'y vois aucune raison. Ma mère avait 8 ans, elle était déjà âgée et m'adorais, pourtant, elle m'a laissé avec un groupe encore moins valide de lionnes qui a emmené les petits à l'abri. Ce fut fait dans la précipitation et un groupe perdit ces dites nourrices. Certains sont même décédés mais nous sommes finalement revenus au camps. Ma mère était en vie mais dans un état qui ne lui promettait qu'une longue agonie. Si je vous raconte cela, c'est pour que vous essayez, vous, de vous mettre à la place de ces Mositus qui vous haïssent. Autant je vous comprends, autant je les comprends encore plus, eux.

Mais ce qui jouait surtout en défaveur de la solitaire, c'était son agressivité. Loin de se repentir d'avoir laissé son peuple aux pattes des Jangowas, la femelle se dressait sur ses convictions d'avoir bien agi, sans le moindre remord ou inquiétude, quant à savoir ce qu'il était advenu d'eux. Pour preuve, elle n'était même pas au courant de ce qui venait de se produire dernièrement avec Kwadja. Les oreilles légèrement rabattues, le mâle supporta encore le nouvel excès de colère de la mère. Il ne savait pas si c'était son caractère habituel ou un passage à vide dû à son accouchement, mais il était clair que ce comportement ne l'avait certainement pas aidé face à Siri qu'elle avait choisi de haïr au lieu de le remercier de prendre ses petits avec lui. Bien sûr, Hatima imaginait sa souffrance, mais à ses yeux, Janga aurait surtout dû voir que chez les Mositus ses petits étaient en sécurité, là où d'autres clans les auraient naturellement refusés.

Essuyant ses excuses d'un hochement de tête, signe qu'il les acceptait sans plus de fioritures, le jeune mâle dressa à demi les oreilles, un peu triste pour elle. Encore une fois abandonnée, la lionne ne semblait douée pour rencontrer les pires irresponsables qui soient.

- Désolé pour vous, vraiment, ce lion a été stupide de vous délaisser, il perd beaucoup.

Fit-il en guise de consolation, bien maigre se doutait-il, mais que faire de plus ? Le jeune Mositu ignorait tout des véritables raisons de sa mise en couple avec cet individu malhonnête. Le connaissait-elle depuis longtemps ? Hatima se voyait mal donner une leçon à une aînée, mais quand bien même, il espérait qu'elle avait au moins eu la sagesse de le côtoyer longtemps avant de concevoir des petits.

- Sans explication ? Comme ça ? Aurait-il pu avoir un accident de chasse ?

Son hypothèse était terrible, aberrante sans doute, mais il supposait que c'était encore préférable d'imaginer son compagnon mort qu'un abandon pur et simple. Pour lui, pacifiste dans l'âme, certainement pas même si n'ayant jamais vécu la situation, il ne pourrait en jurer. Néanmoins, pour une lionne déjà trahie une fois, ce devait être plus réconfortant que de se voir trompée encore et encore.

- Quoiqu'il en soit, je continue de penser que vous devriez oublier les Mositus et vous intégrer dans un autre groupe. Vous l'avez dit, la vie en solitaire est difficile, au point que vous avez dû laisser vos premiers petits. Qu'en sera-t-il de ceux-ci vu que le père encore une fois, est aux abonnés absents ? Pour une lionne, c'est plus simple que pour un mâle vu comme un concurrent, sans compter les relations entre Mositus et Pridelanders, si vous viviez effectivement sur cette Lande avec eux, ça ne devrait pas poser de soucis.

Oui, Hatima se mêlait cette fois complètement de la vie de Janga, néanmoins il éprouvait moins de scrupules qu'au début. Il s'agissait de l'avenir de ses enfants, et cela l'enrageait d'avance de songer que la femelle était sur le point de commettre la même erreur sous prétexte de ne pas froisser son orgueil. Elle vivait trop dans le passé, et Hatima, triste pour elle, souhaitait qu'elle croit enfin en l'avenir. Un avenir certainement pas en solitaire.

La regardant se coucher sur le flanc près de ses petits, le jeune mâle demeura pensif un instant avant de proposer un début d'idée. Il faut dire que parler c'était bien, agir c'était mieux.

- Je vais aller chasser pour vous, si ça peut vous soulager une journée ou deux, ce sera déjà ça.

Trop jeune pour être papa, Hatima se disait qu'il pouvait quand même aider la famille à se lancer dans la vie. N'était-il pas arrivé ici dans le but de sauver un félin à cause de ses cris ? Et bien voilà, c'était un appel à l'aide sur le long terme qu'il venait d'entendre. Janga en avait réellement besoin... Au point qu'un autre lion avait débarqué d'ailleurs.

Surpris, le Mositu était resté une patte en l'air, les oreilles couchées sur son crâne un instant, perdu entre une expression de méfiance et éberlué convenant à un grand dadais de son âge. Il appréciait Janga quelque part, mais peut-être pas assez pour risquer sa vie pour ses beaux yeux. Son caractère de petit chevalier servant finit toutefois par le décider, le plaçant entre le nouveau protagoniste et la femelle. Heureusement au final, il n'y aurait pas de bagarre puisque le brun état arrivé de la même façon qu'Hatima ici. Le saluant poliment, le jeune mâle perdit tout signe d'agressivité, le bout de sa queue balayant placidement le vide.

- Bonjour Monsieur. Oh je ne suis pas le petit de Janga, je viens d'arriver de la même façon que vous en fait, dans le but d'aider suite à ses cris et à ceux de ses petits.

Fit-il, ronronnant légèrement de gêne à l'idée d'avoir été pris pour le compagnon puis l'enfant de cette dernière. Demeurant debout, le lion retint le nouveau.

- Mais en fait, j'allais chasser pour elle. Si vous le souhaitez, vous pourriez vous reposer à ses côtés, et ainsi éviter de la laisser seule. Je rapporterai à manger pour vous aussi.

Fit-il en espérant ne pas être trop osé pour proposer à l'inconnu de demeurer aux côtés de la lionne afin de la veiller, même s'il y avait un repas à gagner en récompense. Hatima avait tendance à parler trop vite parfois, imaginant que tout le monde était aussi chevaleresque que lui, et à plus forte raison, ce mâle brun aux allures inexplicablement nobles -en fait sûrement dues à sa démarche de venir sauver Janga imaginait Hatima.-venu spontanément pour sauver une pauvre féline en danger.

- Au fait, comment s'appellent-ils ?

Demanda soudain le Mositu, surpris de ne pas avoir songé à poser la question avant. D'ailleurs, une autre évidence venait de lui tomber sur la truffe. Ce lion brun, il le connaissait, au moins de vue, mais il avait tant voyagé déjà... Impossible de mettre un nom dessus.

Janga était fatiguée de parler, éreintée. Donc, elle laissa le silence faire à sa place. Elle couche sa tête contre le sol poussiéreux de la lande et releva un peu le menton, pour pouvoir avoir une meilleur vue sur son interlocuteur. Ses petits étaient maintenant lovés contre elle et dormaient à un point fermé. La petite qui lui ressemblait gigotait dans son sommeil tandis que le gris poussait de petits ronflements semblables à celui d'un rugissement, mais beaucoup plus petit. Le petit dernier, était calme et ne semblait pas dérangé par son frère et sa sœur qui gigotaient. Janga, était cependant distraite. Elle n'arrivait plus à se mettre en colère. Égoïste ? Oui peut-être un peu. Janga, parfois ne pensait qu'à elle et ne semblait guère se soucier de Siri et ceux qui le suivent, à part son fils. Janga entendit des un craquement et des bruits de pas qui se rapprochaient et elle tendit l'oreille. Un fumet lui vint aux narines, un fumet familier, d'un mâle Pridelanders. Elle ne saurait mettre un nom sur celui-ci.

Par instinct maternel et réflexe, surtout, elle plaqua ses oreilles sur sa nuque et montra les crocs. Un mâle brun crème à la crinière noire approcha. Janga le détaillas des pattes jusqu'au bout de la queue et se détendit un peu plus. Ses muscles crispés et bandés, se relâchèrent. Au lieu de laisser ses oreilles plaquées, elle les tendit en avant, signe de curiosité et de surprise. Il lui semblait l'avoir déjà vu, ou du moins le connaître sans réellement l'avoir vu. Elle fouilla dans sa mémoire. Elle avait le nom sur le bout de la langue. Damu ! C'est ça, le prince Damu. Elle ne l'avait jamais rencontré mais en avait déjà entendue parlé à maintes reprises. Par contre, plus jeune, elle avait rencontré son frère, Kumpa, sûrement roi maintenant. Elle hocha la tête en signe de bienvenu, mais les paroles qui s'ensuit provoquèrent chez la femelle de la surprise, un rire et de la gêne.

- Damu c'est bien ça ? J'ai déjà rencontrée votre frère, Kumpa. Pour votre information, prince, ce n'est pas mon fils et encore moins mon compagnon juste... une connaissance réciproque.

Janga sortait les bonnes manières. Son caractère fit place a un tout nouveau, celui de la politesse. Elle se sentait soudain un peu ridicule, allongée comme ça. Elle connaissait peu Damu, mais avait déjà entendu des ragots de la savane, et toute sortes de choses vraies et fausses à propos des deux princes. Hatima, lui, semblait encore plus étonné de voir débarqué le prince ici. Peut-être ne le connaissait-il pas... ou peut-être que oui ce qui expliquerait cet air si surpris. Cependant, il semblait reprendre ses esprits un moment et proposa de partir chasser pour elle et Damu. Janga accepta volontiers l'offre, avec un regard reconnaissant.

- Merci.

Un simple mot qui cependant, en dit long. Janga, au final, aimait bien ce jeune. Elle était d'ailleurs contente de pouvoir changer de sujet. Juste avant de partir pour la chasse, le mâle se retourna et demanda le nom de ses nouveau-né. Elle n'y avait d'ailleurs guère réfléchis mais pour le petit gris, lui vint tout de suite un nom.

- Le gris c'est... Jinai. puis pointant la petite femelle. Elle, Kusafiri. et pour finir le petit dernier. - Et lui, Kijivu...

Elle ne savait pas vraiment la signification des noms, s'il y en avait une et d'ailleurs, elle s'en foutait.

codage par Elysia de Never Utopia

Jinaï... Il aimait moins les autres noms, mais le premier sonnait bien, possédant de plus une prononciation dynamique qui seyait à merveille au petit diable. Toutefois, Hatima finit par détacher son regard rubis de l'adorable scène pour le reporter sur le lion brun et Janga qui se jaugeaient. Il se passait quelque chose entre eux qui échappait au Mositu, jusqu'à ce que la mère explique la source de son intérêt profond. Damu ? Comme le prince de Prideland ? Ouvrant de grands yeux, le jeune félin se ramassa légèrement sur lui-même lorsque son aîné confirma. Il venait tout juste de débarquer sur ces terres à la recherche des Mositus en perdition et rencontrait l'exilée de son peuple ainsi que le Prince de Prideland en personne. Une rencontre aussi fortuite, embarrassante que fascinante.

- Je trouvais cela normal Majesté, et suis triste de constater que ce comportement soit suffisamment rare pour être soulevé, c'est pourtant logique entre les membres d'une espèce sociable.

Élevé chez les Mositus pacifiques, l'adolescent s'était réveillé tardivement quant à la méchanceté de ses pairs. Il avait grandi dans une bulle, où les égoïstes étaient aussi peu nombreux que rejetés, à l'instar de Janga, avouons-le, car la femelle n'était pas ce qu'il y avait de plus loyale. Néanmoins, comme cette dernière ne lui avait personnellement rien fait, ses petits encore moins, le félin la traitait avec un certain respect, emprunt d'une once de pitié. Oui de pitié, car elle était seule, aigrie, enfermée dans sa haine de Siri qui lui, sûrement, pensait déjà à autre chose.

- Dans une chasse, on n'est jamais sûr. Je ferai de mon mieux. C'est à dire, que je préfère ne pas laisser Janga seule-Commença-t-il, répondant sans s'en rendre compte à la question de Damu concernant le patronyme de la mère.- et je me vois mal vous demander de chasser, vous qui avez déjà la gentillesse de me laisser partir le coeur tranquille.

Non, le chevalier servant à la crinière courte -enfin pas si courte que ça vu sa tendance au crin facile.- n'en faisait pas trop. Éduqué par des parents déjà âgés quand ils l'avaient eu, le lion possédait une répartie un peu vieillotte, soulignée par son caractère gentilhomme de base. Sans compter qu'il ne se remettait toujours pas de rencontrer l'un des grands de Prideland, après avoir déjà eu la chance de se trouver museau-à-museau avec Léhona, la monarque du désert. Décidément, malgré son jeune âge, il avait déjà vu de nombreuses choses et personnes, probablement guidé par beaucoup de courage, accompagné d'un brin de chance. Se sentant honoré, le jeune Mositu s'expliqua face au prince, quoiqu'il avait hésité quelques instants, craignant de le déranger d'avantage encore. S'il était loin du trône, ce devait être pour se reposer, sans nul doute, seulement, l'occasion était trop belle.

- Prince Damu, lorsque vous rentrerez, me laisseriez-vous vous accompagner s'il vous plaît ? Je cherche des Mositus égarés pour leur proposer de rejoindre notre nouvelle Terre.

Hatima savait que Siri pardonnerait à ceux qui avaient suivi Kwadja, il les accueillerait sans leur faire la morale, surtout que les pauvres avaient déjà eu leur "leçon". Le jeune félin était persuadé pour sa part que leur dirigeant était un être particulièrement mystérieux. Néanmoins, c'était surtout un lion au grand coeur et quoiqu'en dise Janga, le fait qu'il ait accepté de s'occuper des petits d'une ancienne reine n'ayant pas été à la hauteur en était la preuve. Etait-il aveugle ? Peut-être... Mais surtout et avant tout, reconnaissant envers ce chef qui ne lui avait jamais fait défaut.

- Ce n'est pas... Officiel, mais j'avais à coeur de le tenter, je ne pouvais pas rester tranquillement au chaud dans ce nouveau territoire verdoyant, tandis que des Mositus errent comme des âmes en peine. Enfin, je sais qu'ils ont déjà eu la chance de vous rencontrer, vous les Pridelanders, mais tout de même, ils demeurent loin de leur famille.

Les divergences d'idées avaient en effet mené des familles à se déchirer, les plus guerriers pensant se séparer pour peu de temps et revenir triomphants comme maîtres de l'Oasis. Néanmoins, les choses avaient été différentes, et sur la Terre des Singes, de nombreux frères, parents et enfants contemplaient l'horizon en rêvant à leurs proches disparus. Certains les attendaient de pattes fermes, tandis que d'autres, résignés, se contentaient de faire leur deuil sans corps à pleurer.

Sa proposition faite, le jeune lion offrit une légère révérence pour l'inviter avec respect à y songer. Il sourit également à Janga avant de s'enfoncer dans la vallée. Si le prince ne voulait pas rester auprès de l'ancienne Mositu, tant pis, la mère était assez grande pour se débrouiller même si c'était un poil plus risqué. Et puis, il avait promis de chasser, autant s'y mettre de suite, car avec son pelage foncé, en pleine terre dégagée, ce ne serait pas simple.

Et en effet... Ce ne le fut pas des plus simples. Dès qu'il s'approchait, de part sa taille notamment ainsi que sa crinière foisonnante, le jeune lion faisait fuir les proies. Heureusement malin-on ne peut pas avoir tous les malheurs du monde- il eut l'idée de se rabattre sur les marécages. Son pelage sombre devint un allié pour se glisser entre les collines boueuses et surprendre un zèbre en plein bain anti tiques. Découpant une belle tranche, l'adolescent se servit de sa grande taille pour ramener le bout de proie, regrettant de laisser le reste ici- lequel ne serait pas perdu pour tout le monde évidemment.-

Levant les pattes bien haut, le jeune mâle un peu trop impétueux marcha trop rapidement au début. A l'orée de la vallée, il s'arrêta pour souffler un peu et s'ébrouer, histoire de ne pas apparaître sale devant la demoiselle et le prince. Cependant pressé, il ne traîna guère et finit par arriver au baobab environ une heure plus tard, ce qui n'était pas trop mal vu le contre temps du commencement, dû à ses multiples échecs dans la vallée.

- Chui là, avec le repas.

Fit le Mositu en laissant tomber la grosse cuisse au sol, avant de choir à son tour, sa langue pourléchant ses babines ensanglantées. Damu était-il toujours là ? De quoi avaient-ils pu bien discuter ? Et le prince avait-il prit une décision, au même titre que Janga d'ailleurs concernant son intégration dans un clan ? Selon sa mémoire, avant de partir, elle avait encore évité sa question. Damu l'avait-il entendu et convaincue ?

[hj: J'ai mit qu'Hatima s'éloigne environ une heure, pour ne pas perdre encore plus de temps à toujours stipuler qu'il part etc, du coup, vous pouvez en profiter pour discuter ^^'. Si quelque chose ne va pas, dites-le moi, je modifierai.]