Une satisfaction sinistre envahissait l'esprit du vieux général Jangowas depuis quelques jours. A présent, il en avait la certitude, les Mositus n'étaient qu'un lointain souvenir pour le désert. Une plaie en moins. Il regrettait que son vieil ami Akili n'ait pas pu assister à ce sanglant triomphe. Lors de la bataille qu'il avait mené, tout avait été calculé pour que les Mositus s'en aillent, menés par le fils d'Akili, et qu'ils ne remettent plus les pattes chez eux. Malheureusement, rien ne s'était passé comme prévu. Les lions bruns avaient effectivement filé, mais le fils d'Akili n'avait pas réussi à devenir leur nouveau chef. C'était une lionne plus effrontée, une certaine Kwadja, qui avait pris leur tête et avait décidé de repartir à la conquête de l'Oasis. Une idée bien absurde, surtout en vue du nombre si faible de guerriers qu'elle possédait. Les Jangowas avaient remporté une victoire écrasante, qui n'aurait rien eu d'honorable s'il n'avait pas été question d'éradiquer un clan d'ennemis de toujours. Les Mositus avaient été écrasé, seuls quelques survivants avaient pu s'enfuir, dont la fameuse Kwadja. Elle n'avait même pas eu le courage de mourir pour les siens. Elle ne méritait aucun respect.

Durant la bataille, Chenko n'avait pas eu le loisir d'apercevoir le fils de son défunt ami, et il aurait mis sa patte à couper que ce dernier avait refusé d'y prendre part. Sans doute avait-il rassemblé quelques uns de ses partisans et était parti de son côté, conformément au plan. Il ne risquait pas de le recroiser et c'était tant mieux. Le patriarche n'avait aucun envie de revoir ce lion si arrogant. C'était lui qui s'était chargé de faire le lien entre le père et le fils, et ce rôle d'intermédiaire l'avait immédiatement agacé. Il ne portait pas ce bâtard dans son cœur, même s'il était le descendant d'un ami. Il restait un Mositus, une ordure. Leur place n'était pas dans le désert, elle ne l'avait jamais été, et elle ne le serait jamais. Une fois encore, les Jangowas avaient prouvé leur supériorité en balayant cette menace ridicule du revers de la patte. Pour fêter cette victoire, Chenko était parti patrouiller en solitaire, sans oubliant d'ordonner à tous ses guerriers d'ouvrir l’œil. S'ils trouvaient un survivant, ils n'avaient qu'un ordre : tuer. Ils s'étaient montré trop miséricordieux par le passé, il n'était plus temps de pardonner.

Le lion au pelage de sable vadrouillait donc dans le désert avec l'unique objectif de trouver quelques survivants qu'il pourrait égorger. Il n'aimait pas particulièrement tuer, mais lorsqu'il faisait quelque chose, il le faisait bien. Il avait juré, avant la bataille, que tous les Mositus qui oseraient pénétrer sur ses terres mourraient, il tiendrait parole. Malgré son âge avancé, Chenko restait un lion puissant, qui se battait avec acharnement et hargne. L'idée même d'être trop vieux pour faire quoi que ce soit ne l'avait jamais effleuré. Un Jangowas n'abandonnait qu'au moment de sa mort, et ce moment n'était pas encore venu pour Chenko. Son regard orangé balaya les environs. Il avait beaucoup marché aujourd'hui, et se retrouvait à présent loin des dunes si familière. Le sol était devenu plus rocheux et s'il avançait encore pendant quelques kilomètres, il arriverait en bas des montagnes, frontières qui menaient au Royaume du Nord. Il pensait être seul, mais il entendit des voix, un peu loin, et ses muscles se tendirent. Sans bruit, il avança entre les rochers, méfiant, ses griffes chatouillant le sol. Il aperçu bien vite les deux interlocuteurs, et haussa un sourcil. Il reconnu un lion du clan, un jeune dont le nom lui échappait, accompagné d'un gros vautour. L'odeur tenace d'un cadavre vint également effleurer les narines du vieux lion. L'oiseau semblait vouloir s'envoler, sans doute avait-il fini de se régaler d'une carcasse. Chenko s'approcha.

- Si c'est au sujet du festin je crains qu'il soit un peu tard.

Le jeunot l'avait visiblement entendu, et le volatile paraissait un peu plus méfiant. Le général n'accorda plus un regard au vautour. Il n'appréciait pas particulièrement ces animaux à plumes, mais ils étaient des habitants du désert déjà plus respectable que ne l'avaient été les Mositus. Lorsqu'il fut suffisamment prêt, Chenko aperçu les restes en lambeaux de ce qui avait été un lion. Quelques touffes de poils brun indiquaient qu'il s'agissait d'un Mositus. L'expression neutre du patriarche ne changea pas, mais son regard s'éclaira un peu. Bien, au moins le jeune lion faisait son travail. Il le regarda plus attentivement, et chercha son nom dans sa mémoire. Il n'était pas revenu de son exil depuis longtemps, mais avait participé à la bataille, il l'avait vu. Koyad ? Kaïad ? Était-ce son nom ? Une fois à son côté, Chenko déclara :

- Je venais seulement m'assurer que celui là était bien mort. Je vois qu'il n'en reste plus rien. Tu es en patrouille pour trouver des survivants non ? Tu en as trouvé d'autres ?

Très professionnel, comme toujours, le vieux lion regarda son interlocuteur de haut en bas. Il paraissait assez nonchalant, presque idiot, mais Chenko savait qu'il ne fallait pas se fier aux apparences. Peut-être y avait-il du potentiel en lui, après tout. Il fallait le jauger.

- Je t'ai vu te battre contre les Mositus, tu t'en es pas mal sorti. Le Désert saura récompenser ta loyauté.

Il attendait à présent une réaction, une quelconque réponse afin de savoir à qui il s'adressait exactement. Peut-être perdait-il son temps avec un lion impotent et simplet, mais son instinct lui soufflait qu'il y avait quelque chose à tirer de ce jeunot. Quoi, il n'en savait rien pour l'heure, mais cela viendrait, en temps voulu.

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Lorsque le regard du patriarche croisa celui du jeune guerrier, Chenko y lu un semblant de respect et de déférence qui apaisèrent son ego. Lorsque Akili était devenu Empereur, des années en arrière, le général avait du gagner le l'approbation de ses congénères pour ne pas faire honte à son ami et pour gagner son honneur. Il était finalement devenu un lion important pour le clan, souvent symbole de la force des Jangowas, un roc solide et immuable. En voyant Vako devenir Empereur, plein d'idéaux contraires aux siens, il avait craint que la jeune génération ne se détourne de lui et de son autorité, mais pour l'heure il n'en était rien. Chenko avait avec lui tous les vétérans qui respectaient Akili et tous les conservateurs du clan, et visiblement certains jeunes lions encore attaché aux traditions. Vako avait contré la venu des Mositus, bien heureusement, et avait ordonné qu'on se débarrasse d'eux. Le vieux général avait mis un point d'honneur à obéir à ses ordres, d'avantage pour lui que pour satisfaire son Empereur. Il lui avait voué fidélité, mais il attendait le moindre faux pas pour mijoter un plan pour le destituer. Trouver un lion ambitieux prêt à défier Vako ne devrait pas être très difficile... Le regard du mâle se posa sur Kaïad - car oui c'était bel et bien son nom.

- Des touffes de poil, du sang, de la chaire, des vautours... Je n'ai trouvé aucune trace de ces bêtes. Si ce n'est pas nous de toutes façons, c'est le Désert qui se chargera d'eux. Ceux qui ne savent pas le respecter sont avalés. Ceux qui y font taches aussi...

Des paroles qui faisaient toujours plaisir à Chenko, digne d'un véritable Jangowas. C'était ce genre de mentalité qui manquait en ce moment, surtout à Vako. Ce dernier était bien trop concilient, prêt à pardonner aux Mositus. Pourtant, en regardant Kaïad, jamais Chenko n'aurait imaginé se retrouver face à un Jangowas hargneux et farouche. Le jeune mâle au pelage de sable semblait vraiment décontracté, peut-être un peu à l'ouest même. Avec sa grosse mèche devant les yeux et son regard bien peu vif, il ne devait pas faire peur à grand monde. Pourtant le vieux général se souvenait très bien l'avoir vu combattre avec une certaine fougue, sans doute galvanisé par la présence des autres guerriers. Un lion tel que lui ne devrait pas être une foudre de guerre, mais peut-être suivrait-il le mouvement si Chenko mettait une rébellion en place. Enfin, il était encore trop tôt pour ce genre de pensée, pour l'heure Vako n'avait rien fait de répréhensible. Mais Chenko n'attendait que cela.

- A t-on mis la patte sur cette lâche brune et son estropié de camarade? Ils ont eu le cran d'apporter leurs infirmes au combat, la prochaine fois ils nous ramèneront leurs nouveaux nés...

Une grimace se dessina sur le visage du vieux général. Kwadja et son lieutenant étaient toujours en liberté, et cela le mettait en rogne. Il avait bien l'intention de la retrouver et de lui faire regretter d'avoir mis les pattes dans le Désert. Ils avaient été bien trop clément de les laisser vivre, de les laisser quitter les lieux une première fois, mais cette fois, il n'y aurait pas de seconde chance. Les griffe du patriarche s'enfoncèrent dans le sol, hargneux, et ses yeux scintillèrent d'un éclat mauvais. S'il tombait sur eux, il leur ferait la peau, et leur mort serait une douce libération pour tous les Jangowas. Tant que Kwadja était en vie, il y avait un risque qu'elle revienne, en entraînant une nouvelle fois les siens. Enfin, que restait-il des Mositus à présent ? Ils les avaient décimés, une poignée avait réussi à s'enfuir et certains étaient morts dans le Désert, succombant à leur blessure. Il en restait sans doute quelques uns avec le fils d'Akili, mais ils étaient partis loin, Chenko l'aurait parié.

- S'ils ont réussi à fuir, ils reviendront. Ils reviendront jusqu'à ce qu'ils comprennent que le Désert lui même ne veut pas d'eux.

Le patriarche n'y comptait pas. A ses yeux, les Mositus étaient finis à présent. Il ne restait pas assez de survivant pour former une armée, et si Kwadja revenait seule, ou avec son lieutenant pour tenter de négocier, il l'étriperait sans attendre. Le vieux général avait suffisamment vu de Mositus pour le reste de sa vie, il en avait assez de ces lions bruns. Débarrassé de cet ennemi, les Jangowas étaient à nouveau maître du désert. Chenko n'avait pas encore pu pleinement profiter de cette victoire, car beaucoup de choses le tiraillaient. D'un côté, le règne de Vako, encore incertain et source de méfiance pour le vieux mâle. Et d'un autre, le mystère de l'empoisonnement de l'eau qui n'était toujours pas résolu. Les Mositus n'étaient pas responsable, mais qui alors ? Chenko y avait longuement réfléchi, et après avoir entendu parler de ces lions noirs qui envahissaient le reste de la Terre des Lions, il avait trouvé une piste. Ces Nyeusis, visiblement déterminé à semer le chaos partout sur leur passage, étaient-ils une menace pour le Désert ? Avec leur pelage sombre, ils n'avaient aucune chance d'y vivre, mais s'ils voulaient détruire les Jangowas, ils pouvaient les vaincre à distance. Avec l'empoisonnement de Mochanga, beaucoup des leurs avaient perdu la vie. Akili avait réussi à monter la colère du clan contre les Mositus en les désignant comme coupable, mais l'ancien Empereur et son général savaient très bien qu'ils n'étaient pas responsable.

- Kwadja, leur meneuse, et son sbire sont encore introuvables, malheureusement. Mais ils ne reviendront pas. Les Mositus ont tout perdu, cette guerre aura été leur dernière. Ils ont tenté de nous défier, de défier la volonté du Désert, et ils ont payé. Plus jamais ils ne remettront les pattes chez nous.

Chenko était inflexible. Il était absolument sûr de ce qu'il disait, et savait que, s'il se trompait, il mettrait un point d'honneur à se battre à nouveau contre cette vermine. Depuis des générations, les Mositus étaient une plaie pour les Jangowas, mais ce temps là était révolu. La victoire revenait aux lions des sables, bien évidemment. Se tourna légèrement vers Kaïad, le vieux général ajouta, toujours dans l'optique de le jauger :

- Penses-tu cependant que nous serons tranquille à l'avenir ?

Il espérait avoir ainsi un aperçu des pensées du jeune mâle. Était-il pour le règne de Vako, ou s'opposait-il à ce dernier ? Avait-il des ambitions, comme beaucoup de lions de son âge ? Que se cachait-il derrière ce masque de nonchalance ?

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La réaction du jeune lion ne correspondait pas réellement aux attentes du vieux général. Kaïad plissa les yeux, dans ce qui semblait être une moue pensive, puis commença à se gratter le crâne à l'aide de sa patte arrière. Chenko serra les crocs, se retenant de lancer quelques remarques acerbes. Se débarrasser de termites en compagnie de son supérieur aurait, jadis, engendré la colère du mâle des sables. Mais il avait compris, avec l'âge, que s'énerver ne réglait pas tous les problèmes. Il avait donné une éducation sévère à son fils, si bien qu'un seul regard de sa part suffisait à rappeler son autorité. Il n'avait cependant aucune idée de comment Kaïad avait été élevé, même s'il savait vaguement que ses parents étaient de pures Jangowas. Il semblait ni nonchalant que hausser le ton ne servirait probablement à rien. Non, Chenko allait devoir jouer sur un autre tableau avec lui, et mettre de côté l'énervement qui montait. Il lui aurait bien fait regretter son insolence, mais il y avait fort à parier que ce gamin ne sache même pas qu'il était insolent. Peut-être était-il juste idiot.

- Tranquille, eh? La tranquillité ça se prend. C'est une question de bonnes vibrations à vrai dire. On supprime ce qu'il y a de mauvais - les mauvaises vibrations - ce qui dérange... C'est une question d'équilibre le Désert.

Malgré lui, le patriarche haussa un sourcil. Au sein du clan, beaucoup de Jangowas voyaient le Grand Désert comme une puissante entité dont la volonté était toute puissante. S'ils avaient pu survivre depuis des générations dans un territoire aussi inhospitalier, c'était parce qu'ils avaient mérité le respect du Désert, ce dernier les avait accepté. Cependant, c'était la première fois que Chenko entendait parler de vibrations. Toutefois, Kaïad n'était pas complètement à côté de la plaque. Il était en effet question d'équilibre, et même plus, de justice. Les Mositus avaient été éliminé car ils n'avaient pas leur place dans le Désert, ils n'avaient aucun moyen d'y survivre à cause de leur pelage, et étaient seulement des gêneurs, des squatteurs. Le jeunot avait une vision assez curieuse des choses, mais cette vision n'était pas erronée, en un sens. Et du moment qu'il était d'accord pour exterminer la vermine du Désert, Chenko ne pouvait qu'être d'accord avec lui.

- Il est difficile à comprendre cet équilibre, ce n'est pas à la porté de tout le monde.

Une fois de plus, le vieux général était quelque peu perplexe. De qui parlait-il ? Faisait-il référence à quelqu'un en particulier, ou évoquait-il simplement les Mositus de manière général, qui n'avaient, visiblement, aucun respect pour la volonté du Désert. Chenko pensait irrémédiablement à Vako, qui ne montrait pas grande fougue dans l'idée éradiquer tous les intrus, et était bien trop bienveillant avec les étrangers à son goût. Il ne se rappelait que trop bien le jour où il avait tué Akili, et où il avait laissé un exilé contempler le spectacle et lui avait permis de partir sans représailles. Il ne s'agissait pas de n'importe qui, Chenko le connaissait très bien. Hatari. Ce traître avait refusé de se battre, deux ans plus tôt, et s'était rebellé contre Akili, avec une autre lionne, Valaka. Le général s'était battu contre eux, et ils s'étaient enfuis. Si jamais il les recroisait, il se ferait un plaisir de les étriper. Vako avait cependant refusé que quiconque se lance à la poursuite de Hatari lorsque ce dernier était venu observer la mort de l'ancien Empereur. Comment avait-il osé ? Les lois du Désert interdisaient aux traîtres de pénétrer sur le territoire des Jangowas. Chenko ravala sa colère et tâcha de se concentrer sur sa conversation avec Kaïad. Il finirait peut-être pas apprendre quelque chose de réellement intéressant.

- Tu crains pour l'avenir du clan? Lorsque le Désert t'embrassera, ton fils reprendra ton flambeau. Le Désert aura toujours son Scorpion, un passionné pour défendre corps et âme l'équilibre du Désert. C'est bien à cela que sert un Général, non? A secouer un peu ceux qui douteraient encore qu'il faille frapper. Frapper fort.

De son regard orangé, le vieux mâle jaugeait son interlocuteur, essayant de le percer à jour. Mentait-il dans le but de l'encenser, ou pensait-il réellement ce qu'il disait ? Ses paroles satisfaisaient l'ego du patriarche, mais il n'était pas naïf. Beaucoup de lions avaient tenté de l'amadouer par de belles paroles pour s'attirer ses grâces, il était devenu méfiant. Cependant, cela ne semblait pas être du genre du nonchalant félin qui lui faisait face. Il n'avait pas l'air d'avoir de grandes ambitions en tant que guerrier, mais peut-être Chenko se trompait-il. Il ne baisserait pas sa garde, il ne la baissait jamais. Les seuls en qui il avait confiance étaient morts, sa compagne et son ami Akili. Il y avait bien entendu son fils, le seul être vivant à qui il confirait sa vie sans hésiter. Il était désormais trop vieux pour se fier aux autres. Dans le Désert, gagner en âge ne signifiait pas forcément avoir le respect et l'aide des autres, cela signifiait surtout devenir faible. Chenko refusait d'être faible.

- Parfois, lâcha-t-il, frapper fort ne suffit pas. Un scorpion, aussi passionné soit-il, est bien inutile si tous les autres scorpions cessent de se battre.

Il se retint d'ajouter : "surtout si le chef des scorpions refuse de livrer bataille", mais jugea que ce serait un peu excessif. Il ne savait pas ce que Kaïad pensait, après tout. Si ce dernier s'avérait soutenir Vako corps et âme - ce qui aurait tout de même été surprenant car Chenko ne voyait pas ce jeunot soutenir quoique ce soit corps et âme - il risquait sa place de général.

- Les Jangowas doivent rester unis, c'est ce qui fait notre force. Mais pas seulement. Notre Empereur doit maintenir cette union, la porter, porter notre fougue et notre rage de vaincre. Si personne ne le fait, nous nous endormirons sur nos lauriers et nous deviendrons faibles.

C'était ce que Chenko craignait le plus : voir son clan se ramollirent. Si les traditions se perdaient, si les lois n'étaient plus respecté, ce qui faisait la force des Jangowas disparaîtrait, et lorsqu'un ennemi surgirait de l'ombre pour s'en prendre à eux, ils ne seraient plus préparé à faire face.

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Soudain, Chenko avait attisé l'intérêt du jeune lion. Ce dernier avait cessé de gesticuler pour se gratter et semblait l'écouter à présent avec un œil plus vif. Tout était cependant relatif, mais pour Kaïad, sans doute son regard était-il plus éveillé que d'ordinaire. Le patriarche esquissa un sourire mental, satisfait d'avoir enfin capté l'attention de son interlocuteur. L'avenir du clan l'intéressait donc un minimum, c'était un bon point. Enfin, peut-être attendait-il seulement que Chenko prononce une phrase fâcheuse qui indiquerait clairement qu'il ne soutenait pas Vako. Mais même cela, ce n'était pas un secret, et l'Empereur en avait conscience. Le vieux mâle ne cachait pas son ressenti, tout en évitant toutefois de défier pleinement l'autorité du meneur du Désert. Il avait beau être le général, apprécié et respecté, il y avait pour lui aussi des limites à ne pas franchir. Il aurait sans doute joué avec le feu avec d'avantage d'audace dans sa jeunesse, mais il était vieux à présent, et il avait appris à faire profil bas pour frapper plus fort ensuite. Le sourire du jeunot attira l'attention du général.

- N'est-ce pas ce qu'il fait? Notre Empereur à su guider l'assaut contre les Mositus, hum?

Cette fois, le patriarche retint un grognement méprisant. En quoi contrer une attaque faisait de Vako un lion respectable ? N'importe qui aurait pu en faire autant. S'il avait lui-même dirigé l'assaut contre les Mositus dans le but de les éradiquer, les choses auraient été différentes. Mais là, il avait simplement eu à ordonner à ses troupes de répliquer, ce n'était pas extraordinaire. S'il ne l'avait pas fait, s'il avait laissé les Mositus rejoindre l'Oasis, cela aurait fait de lui un traître, et Chenko ne l'aurait pas permis. Il aurait lui-même emmené ses guerriers pour se débarrasser de leurs ennemis, et peu importe ce qu'en aurait pensé Vako. Suite à cela, il aurait tout fait pour destituer l'Empereur et l'humilier aux yeux du clan, afin qu'il soit exilé ou tué. Mais les choses ne s'étaient pas déroulées ainsi, Vako avait tenu tête aux Mositus et désormais, les lions bruns avaient pratiquement disparu de la Terre des Lions. C'était une bonne chose, mais pour Chenko, Vako n'était pas celui à féliciter. C'était grâce aux guerriers Jangowas que la victoire avait pu être gagné, grâce à l'ensemble des forces des lions du Désert.

- Il faut dire que notre bon Empereur à frappé fort: Mener une bataille après son couronnement.

Le vieux lion haussa un sourcil. Kaïad était-il ironique ou soutenait-il vraiment Vako avec ardeur ? Il avait perdu l'air vaguement sérieux qu'il avait arboré l'instant d'avant pour former une moue niaise sur son visage. Son gloussement agaça Chenko, il ne savait que penser de son interlocuteur. Malgré sa bêtise apparente, il prenait visiblement garde à dissimuler ce qu'il pensait. A moins qu'il ne pensa rien, ce qui était également possible. Le vieux général en avait suffisamment dit de son côté, et n'avait pas appris grand chose sur l'opinion du jeune mâle. Il ne laisserait plus rien transparaître à présent, il avait pris trop de risque jusqu'à présent. Enfin, que risquait-il face à un idiot ? Sans doute pas grand chose, mais il ne tenterait pas le diable. Ce n'était pas en criant partout ses opinions qu'il avait survécu aussi longtemps dans le Désert, et bien peu de Jangowas pouvaient se vanter d'avoir atteint son âge. La plupart mourrait avant de devenir vieux, en se battant contre un membre du clan pour sauver son honneur, pour les beaux yeux d'une femelle, ou au cours d'une partie de chasse, contre un oryx ou encore mordu par un serpent venimeux. Il existait mille façons de périr sur les terres des sables, mais bien peu de manière de l'éviter.

- Le hasard fait bien les choses... Ou peut-être est-ce simplement la volonté du Désert.

Chenko tâcha de se concentrer sur ce que disait son interlocuteur, s'étant laissé égaré dans ses pensées. Il chassa l'idée de mort, qui rôdait un peu trop dans son esprit depuis qu'il avait pris de l'âge. Un hasard donc ? Ou la volonté du Désert ? Quelle était cette volonté ? Exterminer les Mositus ou offrir à Vako une opportunité de se comporter en vrai Jangowas ? Ne sachant pas où Kaïad voulait en venir, et évitant de trop en dire sur ce qu'il pensait, Chenko resta indifférent. Sa colère s'était calmée, il était maître de ses émotions et de lui-même. Malgré ce qu'il pouvait ressentir, il n'avait pas le droit d'exprimer clairement son mépris pour l'Empereur.

- La volonté du Désert oui, sûrement. Nous devons tous nous y soumettre et la respecter. Notre Empereur, et tous les Jangowas, l'ont accomplit dignement.

Au moins, il n'avait pas à mentir. Il pensait effectivement que le clan avait fait son devoir, et l'avait correctement fait. Les Mositus n'existaient plus, ou du moins ils ne viendraient plus dans le Désert. Retrouvant sa posture de général, le vieux lion ajouta :

- Continue d'être attentif, on peut s'attendre à d'autres intrusions. Les lions bruns se sont peut-être enfuit, mais nous avons d'autres ennemis. Il y a un exilé notamment, qui continue de nous nuire. Peut-être plus encore que Kwadja et son sous-fifre, il est notre priorité.

Fermé, obnubilé par ses objectifs, Chenko resterait toujours un roc dans le Désert.

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Malgré l'absence de réaction sur le visage de Kaïad, Chenko su que son interlocuteur savait de qui il parlait. L'exilé était connu dans le Désert, personne n'ignorait ce qu'il avait fait, et pour tous il était une menace. Certes, seul face au clan tout entier il ne représentait pas grand chose, mais s'il tentait de s'attaquer à des guerriers éparpillaient un peu partout, il était plus dangereux qu'un banal Mositus. Hatari avait reçu l'entraînement des Jangowas, il avait survécu à l'exil, puis s'était rebellé contre Akili. Il avait même réussi à échapper aux griffes du général, ce que ce dernier prenait personnellement. Il avait bien l'intention de retrouver ce traître et de lui faire la peau dès qu'il en aurait l'occasion. Il se doutait cependant que l'exilé ne s'aventurerait pas dans le Désert sans y avoir une bonne raison.

- Hatari? Vako l'a laissé sauf, non?

Chenko tâcha de garder un visage neutre, mais en son fort intérieur, il bouillonnait. Oui, Vako lui avait permis de s'en aller le jour où il avait tué Akili, sous prétexte que, celui lui, suffisamment de sang avait coulé. Absurde ! Les exilés n'avaient pas le droit de revenir dans le Désert, et s'ils osaient y retourner, ils devaient être exécuté. C'était la loi, une loi ancestrâle du Grand Désert, et Vako en avait fait fi. Jamais un Empereur n'avait à ce point fait honte au clan et à ses traditions. Chenko grinça des crocs en se rappelant cet événement fâcheux. Hatari était venu sur le champ de bataille aux côtés des Mositus pour combattre les Jangowas, et le vieux lion avait regretté de ne pas avoir pu lui régler son compte à ce moment là. Il savait que Khassim l'avait affronté, mais le traître avait, une fois de plus, réussi à filer. La prochaine fois, Chenko ne le laisserait pas s'enfuir, il l'aurait, et lui ferait mordre la poussière, une bonne fois pour toute. Le regard du patriarche s'enflamma, tandis que sa babine se redressait légèrement pour dévoiler ses canines acérées. Malgré son âge, Chenko restait un redoutable adversaire. Il n'était pas une montagne de muscle, mais il était rapide et puissant. Le sous-estimer serait une très mauvaise idée.

- Vako en a donné l'ordre? Hum. Il n’apprécie pas de revoir de vieux amis s'incruster sur les champs de bataille avec de vieux ennemis.

Effectivement, et le vieux général non plus. Il avait réussi à l'oublier quelques temps, mais en le voyant aux côtés des Mositus, sa haine s'était ravivée, plus forte que jamais. A présent que les Jangowas s'étaient débarrassés de leurs rivaux de toujours, Chenko allait pouvoir se consacrer à son ennemi attitré, et tout particulièrement à sa traque. Il ne voulait pas mettre tous ses guerriers sur le coup, mais il allait mettre en place quelques escouades qui patrouilleraient le long de la frontière avec assiduité, et il en ferait lui-même parti. Rien ne serait laisser au hasard cette fois, Hatari ne s'en sortirait pas vivant. Il allait regretter tous les affronts qu'il avait fait au Désert. Perdu dans ses pensées, Chenko remarqua à peine que Kaïad s'était redressé et s'ébrouait. Il avait à présent le regard vers le ciel, fixé sur un vautour qui tournait en rond au-dessus d'eux.

- Bien... S'il est devenu notre priorité alors je crois qu'il va falloir redoubler de surveillance... S'il prépare quelque chose c'est forcément en dehors du Désert. C'est un lâche. Notre surveillance ne devrait pas s'arrêter aux frontières du Désert.

Le regard du vieux mâle glissa également vers l'oiseau au plumage sombre. Qu'est-ce que ce jeunot avait derrière la tête ? Il avait beau ne pas être très vif, peut-être en avait-il plus dans la cervelle que Chenko le pensait. Il n'avait cependant pas envie d'essayer de comprendre les rouages de l'esprit de Kaïad, il avait bien suffisamment de chose à faire comme ça. Il se délia donc les pattes, et regarda la courbe du soleil. Il avait bien patrouillé, il était temps de retourner auprès du clan, et de faire son rapport à Vako. Ce dernier devait attendre des nouvelles, et même s'il n'aimait pas particulièrement son Empereur, c'était son rôle d'aller lui en apporter. Avant de s'en aller, il se tourna vers Kaïad et lui lança, de sa voix grinçante :

- Préviens moi si tu remarque quelque chose. Et si tu trouve Hatari, rends moi service : ne le tue pas. Capture-le, et ramène-le moi. Je le veux vivant, j'ai des questions à lui poser.

Le venin dans les paroles du vieux général n'avait sans doute pas échappé au jeune mâle. Chenko tourna ensuite les talons et s'en alla, essayant de ravaler sa haine. Un jour il retrouverait cet exilé, un jour oui, et il lui ferait payé.


[Fin du RP pour moi ! Un RP très sympathique, faudra remettre ça et peut-être Chenko voudra exploiter cette idée des vautours !]

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