Blottit dans un terrier, ou plutôt un renfoncement creusé vite fait sous une grosse pierre courbée, Akhet tournait le dos aux rayons du soleil qui pénétrait son antre si peu abrité. Il avait envie de faire la grasse matinée aujourd'hui. Voilà quelque temps maintenant qu'il avait quitté définitivement les siens. Qu'il avait tiré un trait sur sa famille, sur sa colonie. Le moral n'était pas au rendez-vous. Heureusement qu'il avait revu Sadaka entre temps. Ce jeune lion avait été d'une présence agréable et toujours à prendre lorsqu'on n'aimait pas être seul. Mais Akhet était de retour sur Prideland, cela dit, il était bien loin de sa plaine familière. Loin, bien loin par delà les collines et les prairies, à l'autre bout du territoire, aux abords des gorges arides.

Arrivé au cours du dernier crépuscule, il s'était retiré, épuisé, dans le creux de cette grosse pierre, où il avait un peu creusé d'avantage pour se sentir un peu plus en sécurité. Nul ne savait ce qui pouvait lui arriver ici et il n'y avait pas de sentinelle pour l'avertir du moindre danger. Heureusement qu'il avait désormais l'habitude de vivre ainsi ! La solitude restait une situation peu agréable mais il en avait plus peur. Il connaissait bien ce petit renfoncement, non loin de l'étang qui se trouvait dans la savane. Ce rocher avait été sa première cachette, la toute première lorsqu'il avait quitté les siens un beau jour sans prévenir. A cette époque, il avait peur de beaucoup de chose mais était déjà très débrouillard. Et jamais à cette époque, il n'aurait pensé mettre un terme aux liens qui l'unissait à sa colonie...Comme la vie pouvait paraître étrange des fois.

Très vite, la chaleur du petit matin, accompagné de sa forte lumière qui pénétrait le trou et forçait la barrière des paupières, devenait de plus en plus agaçante. Il ne servait à rien de se tourner et retourner dans la terre pour espérer la fuir. Akhet finit par ouvrir les yeux, les refermant aussitôt, éblouit par l'aube. Il les frotta puis se redressa et quitta la fraîcheur de la terre en baillant et s'étirant de tout son long. Il savait que les Nyeusis et d'autres prédateurs régnaient sur Prideland mais savait désormais les contrer facilement. A force de vivre à découvert, il était devenu très habile. Le jeune suricate jeta de furtifs regard autour de lui en tendant l'oreille. Pas un bruit, pas un mouvement. La voie était libre ! L'étang attirait en général de nombreux animaux, surtout dès les premières lueurs de l'aube. Akhet savait tiré profit de cette situation en se fondant dans le décor. Les prédateurs préféraient s'en prendre aux grosses bêtes plutôt qu'à un machin petit comme lui. Les suricates étaient toujours plus attirant pour les carnivores quand il y en avait plusieurs à dévorer. Mais qui se fatiguerait à chasser un seul d'entre eux ? C'était trop difficile. Un suricate se faufilait toujours très vite et s'échappait facilement, tandis qu'une horde de mangouste avait tendance à la panique et sur une vingtaine d'agités, les prédateurs avaient plus de chance d'en attraper deux ou trois.

Bon, après avoir fait un point explicatif sur les stratégie d'Akhet pour être toujours vivant tout en parcourant les vastes contrées de la Terre des Lions, ce dernier était bien tenté d'aller de rafraîchir le gosier pour bien commencer la journée. Après quoi, il cherchera évidemment son repas. Et après...Il ne savait pas encore. Fureter autour des Nyeusis pour les espionner ou rejoindre les Pridelanders sur la Lande des Sans Terre. A voir. Mais à peine la mangouste avait-elle fait un pas vers l'étang que quelque chose lui tomba dessus et le tira de force dans l'ombre des autres herbes.

- Eh ! s'exclama Akhet sous l'effet de la surprise.

« Shhhhhhhhhhhut! » fut le seul son émit par son "ravisseur" pour le faire taire tandis qu'un doigts sur sa bouche démontra l'idée.

C'est alors qu'Akhet aperçu une jeune suricate, plutôt agitée. C'était elle qui venait de le plaquer au sol dans les hautes herbes. Ca par exemple, une mangouste ici ? Akhet ne se souvint pas avoir vu de colonie dans le coin pourtant et celle là n'était pas de sa fratrie, il en était sûr et certain. Enfin, la surprise fut de courte durée car voir des suricates était bien la dernière chose que voulait Akhet en ce moment après ce qui s'était passé avec ses parents. Brusquement, il se redressa et écarta la jeune femelle qui voulait le forcer à rester à découvert.

- Saperlotte de saperlouille mais qu'est ce qui te prends à toi ? s'exclama t-il alors.

" Ils vont te voir, mais baisses-toi, baisses-toi ! " fit la mangouste en agitant vivement des pattes.

Akhet mit les mains à ses hanches en l'observant sans comprendre de quoi elle parlait.

- Mais enfin, je peux savoir qui tu es toi ? demanda alors le jeune suricate.

- Mais Shhhht ! Cépaslemomentenfin ! glapit alors cette femelle mangouste sous le regard déjà impatient et exaspéré d’Akhet.

Le suricate mit ses mains à ses hanches en observant la femelle devant qui frétillait comme un poisson hors de l’eau. Alors ça, c’était du jamais vu ! Et pourtant, il en avait connu pour tous les goûts dans sa colonie. Il soupira. C’était pas croyable les individus tordus sur lesquels il pouvait tomber franchement. Il semblerait que la demoiselle voulait lui faire comprendre quelque chose avec sa gestuelle incompréhensible. Mais Akhet avait bien cerné ce qu’elle voulait : qu’il se taise et reste planqué comme un pleutre. Il y avait bien longtemps que Akhet avait cessé de se comportement comme tous ses camarades couards de sa race. Akhet n’était pas une mangouste qui se terrait à la moindre approche, sauf bien évidemment en cas de danger certain. Mais généralement, il faisait face et se tenait à la barbe de ses prédateurs avec un discours dont les plus dangereuses hyènes pouvaient en être admiratives…Juste avant de vouloir le manger quand même ! Néanmoins, Akhet avait remarqué que les agitations de la jeune femelle entraînèrent l’agitation de la végétation alentours. Et l’effet que désirait probablement la suricate pouvait très bien devenir l’inverse total de ce qu’elle voulait.

- Tu ferais mieux de te calmer, fit Akhet, sinon tu vas nous faire repérer ! Tu n’as pas vu tous ces carnivores qui rôdent autour ou quoi ?

Quel ironie d’entendre une chose pareille. Akhet ne semblait pas avoir vraiment compris que la jeune femelle avait bien vu le danger autour. Il faut dire que sa manière de faire ne donnait pas l’impression qu’elle savait les risques qui se trouvaient tout autour d’eux. Akhet leva un sourcil en fixant toujours la mangouste agitée devant lui. Mais tout à coup, son regard dévia derrière elle et s’arrondit. Son expression vira de l’exaspération vers une mine surprise, un effrayé et surtout alerte. Il se figea en voyant la truffe d’un lycaon juste derrière la femelle et lorsque la bête ouvrit la gueule en dévoilant d’imposants crocs, le suricate plaqua sa congénère au sol et s’empara d’un bout de branche assez robuste avec lequel il piqua furieusement le museau du canidé. Ce dernier redressa vivement la tête des hautes herbes en grondant.

- Filons ! lança Akhet en empoignant l’autre mangouste par le bras et la tirant dans les hautes herbes pour s’éloigner du prédateur.

Le lycaon se lança à leur trousse. Heureusement que c’était un vieux sans grand entrain. Cela donnait une chance aux petits mammifères de s’en sortir. Ils restaient bien cachés dans les hautes herbes néanmoins et Akhet se réfugia derrière un rocher pour échapper au prédateur, tenant fermement la suricate afin qu’elle suivie son itinéraire. Le lycaon ne les remarqua pas. Il poursuivit sa route, fouilla un peu aux alentours, puis, penaud de ne rien trouvé, s’éloigna. Une fois le danger passer, Akhet relâcha sa prise.

- Mais qu’est-ce qui amène une suricate comme toi loin de tout terrier ? s’exclama t-il, dis-moi maintenant qui tu es et d’où tu viens !

- Ho. Et bien. Je m'appelle... Euh... Mais attends une seconde ! T'es qui pour poser ce genre de questions ? J'te trouves bien inquisiteur, lâcha alors la jeune femelle mangouste à l'adresse d'un Akhet abasourdi devant sa "reconnaissance".

- Ben je suis peut-être celui qui t'a sauvé la vie ma grande ! répliqua t-il alors.

Tu pourrais commencer par te présenter toi-même d'abord. Ou mieux, dire Bonjour par exemple.

- Dire bonjour ? C'est toi qui m'a abordé la première je te signale et pour rien en plus ! Et puis, je ne crois pas que c'était à l'instant le moment approprié pour les salutations !

Ensuite, tu pourrais me remercier d'avoir tenté de te sauver la vie, mais tu m'as rendue la pareille... Alors, j'imagine que ça s’annule en quelque sorte. Mais... merci malgré tout. Même si je ne sens plus mon bras... D'ailleurs, je sais courir toute seule tu sais.

- Toi tu m'as sauvé la vie ? De quoi je te prie ? Il n'y avait aucun danger jusqu'à ce que tu te pointe en batifolant des pattes comme un oisillon qui tente de s'envoler ! Et…Ah oui tu sais courir seule, c'est une bonne chose mais pour ça il faudrait peut-être savoir regarder aussi le danger tu ne crois pas ?

Eh bien, quel début ! Mais pour qui se prenait donc cette jeune mangouste là ? Elle avait du caractère, certes, presque aussi mal placé qu'Akhet, certes, et au fond, tous les deux étaient aussi borné l'un que l'autre. Par ailleurs, le jeune suricate voulu rajouter quelque chose mais n'en eut pas le temps car la fine silhouette de sa camarade se volatilisa devant lui, bondissant sur le rocher qui leur servait de refuge. Mais à quoi jouait-elle donc encore cette pauvre imprudente ? Akhet fit quelques pas de recul pour mieux la voir maintenant qu'elle était là-haut et surtout, aplatit contre la pierre. Silencieuse, elle finit par se redresser pour faire la sentinelle. Ah oui, c'est vrai que les mangoustes faisaient comme ça…Ca faisait si longtemps qu'Akhet n'avait pas vécu dans une colonie, enfin, pas si longtemps que ça mais pour ses trois ans, si quand même, enfin bon ! Akhet n'avait plus vraiment cette habitude. Oh eh bien, il lui arrivait encore de le faire évidemment, mais le plus souvent, c'était parce qu'il se sentait trop petit envers ses amis lions !

- Ce que je fais loin de mon terrier ? Hé bien, on sait tous les deux quels genres de raisons peuvent pousser une mangouste à faire ça.

Akhet haussa les épaules. Non, il ne le savait pas vraiment mais bon.

Et si je suis partie... ... ... ce n'est pas pour ces raisons là. Je ne me suis pas vraiment exilée de mon propre chef, on ne m'a pas chassée non plus, c'est juste que je cherche quelque chose, enfin... quelqu'un... qui s'est en quelque sorte perdu... enfin, c'est... c'est... compliqué ! Plus vite je le retrouve, plus vite je le ramène, plus vite je rentre. C'est temporaire. Hrem. Tu trouves que je parle trop ?

Akhet croisa les bras, le regard figé vers sa congénère.

- Hm…Non, mais ton histoire est intriguant. Si je me refaire à ce que je sais de ma propre espèce, ce n'est pas la plus hardi pour qu'un membre aille vagabonder à la recherche d'un autre. Enfin, s'il s'agit là d'un autre suricate que tu cherches ? Je ne sais pas chez toi mais les miens n'auraient jamais eut le cran de s'aventurer plus loin que le bout de leur truffe pour chercher quelqu'un.

Un ton de reproche, presque haineux, c'était éclipsé dans ses paroles vers la fin de sa réponse. Il parlait en connaissance de cause. Bien évidemment, il n'aurait pas voulu que sa famille vienne dans la savane le reprendre de force mais…Savoir que l'idée de lui avait même pas effleuré sous pretexte que son absence ne changeait rien à la vie du clan, ça fendait le cœur. Et lorsqu'il en était partit, une deuxième fois après s'être querellé au sujet du fait qu'il fallait aider les lions, ce qui permettrait au clan d'avoir leur protection, il savait que c'était pour toujours.

Ca fait un moment que je n'ai pas vu de congénères. Ca fait bien... quatre jours. Ah-ah. quatre jours. Déjà. Ha! Et mon nom c'est Tamala.

Akhet sortit de ses pensées lorsque la jeune femelle reprit. Il leva son museau vers elle.

- Moi c'est Akhet et c'est bien normal, comme je le disais, il n'y a pas beaucoup de suricate que tu verras par ici. Enfin, surtout en ce moment. Tu n'as vraiment pas choisit le meilleur moment pour partir de chez toi ! Prideland est sur le sentier de la guerre, avec tous ces satanés Nyeusis et hyènes qui rôdent sur le territoire !

Akhet observait sa congénère qui guettait l'horizon. Se pointer en hauteur était bien pour voir de loin mais c'était également bien pour être vu de loin ! Akhet restait perdu dans la cachette des hautes herbes et n'avait nullement l'intention de prendre autant de risque que la femelle. Quand on devait surveiller le territoire de la colonie, soit, c'était un bon plan de se mettre en hauteur. Il fallait voir les prédateurs qui risquaient de menacer la tribu. Mais ici, ce n'était pas une colonie qu'il fallait protéger. A peine deux spécimens. La stratégie devait changer. Il ne fallait surtout pas être vu. Ici, ce n'était pas le terrain des mangoustes…Surtout quand on savait quel genre de créature rôdaient à présent sur Prideland. Akhet le savait tout de même mieux que cette petite dévergondée. Elle ferait mieux de l'écouter. Le suricate fit quelques pas vers le rocher, pivota sur ses talons et s'y adossa en répondant à la femelle qui restait perché au-dessus de lui. Après tout, si elle s'occupait déjà de surveiller, aussi mal soit-il à son goût, pourquoi faire l'effort d'être sur ses gardes ?

- Suricate Hardi, fini dans les crocs du prédateur de bon midi, finit par répondre la dénommée Tamala.

Akhet leva son museau vers elle, l'ayant entendu malgré son murmure. Quel dicton débile. Si c'était le cas, il se serait fait dévoré dès sa première escapade hors de chez lui.

- Mangouste trop peureuse vit existence miséreuse, répliqua t-il alors en esquissant un de ces sourires assez fier.

- Je ne suis pas hardie, je suis prudente, poursuivit alors la femelle.

Akhet garda un temps le silence, fixant un point invisible un peu plus bas sur le sol. Puis, il finit par répondre :

- Prudente…Insouciante sera un mot plus juste j'ai l'impression.

Il n'arrivait pas vraiment à croire qu'une autre mangouste ai trouvé assez de cran pour quitter la sécurité des terriers d'une colonie pour partir en vadrouille dans des lieux aussi dangereux que Prideland l'était aujourd'hui. Mais bon, comme le disait si bien Tamala, elle s'empresserait de retourner chez elle sitôt ce qu'elle avait à faire, soit fait. Mais ce qui était étrange aux yeux d'Akhet, c'est qu'elle aurait pu, au moins, partir accompagnée.

Oui, c'est bien un congénère que je cherche. C'est pas pour faire mon intéressante tout ça... c'est...c'est... par solidarité. N'est-ce pas ce qui caractérise notre espèce ? Je... Enfin, je sais qu'on est pas sensé faire ça, ce ne n'est pas dans les règles... Qu'on est pas sensé quitter la colonie pour y revenir ensuite, même pour aller récupérer un dése- un égaré... Mais... à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Et euh... Voila... J'fais vraiment pas ça de gaité de cœur... Jeee...

La solidarité ? Eh bien, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas entendu ça de la part d'un suricate. Lui-même avait limite était accusé de ne pas être solidaire pour s'être associé avec les lions. Alors qu'il ne l'avait fait que pour le bien de son clan…Mais personne, non personne ne voulait le comprendre ! Il croisa les bras, un air légèrement frustré sur le visage. Qu'on ne lui parle plus de solidarité avec les mangoustes. Même les lions étaient plus doués que ça. Même eux, se montraient solidaires avec lui. Lui qui n'était qu'une mangouste insignifiante. Jamais un seul membre de sa colonie ne s'était cassé la tête à venir le chercher. A venir s'assurer qu'il allait bien. Bah non, bien sûr que non, tout le monde était bien trop occupé à mener sa petite vie dans un trou. Pour Akhet, sa colonie n'était qu'une hypocrite. Ca se la jouait solidaire, soudé, unis, juste parce que ça vivait ensemble. Mais dès que quelqu'un se retrouvait seul, il restait seul et tant pis. La troupe avait bien assez de membre comme ça, alors un de plus, un de moins. Akhet lâcha un soupire. Il ne pouvait pas vraiment espérer tenir les mêmes pensées pour le clan de Tamala qui était, si ça se trouve, très différent du sien. Mais bon, Akhet était définitivement dégoûté des colonies de mangoustes. Tellement qu'il avait préféré rejoindre des clans de lions en guerre, c'était pour dire !

- Pour les hyènes j'avais remarqué... J'ai trouvé beaucoup de vieilles carcasses aux os blanchis sur mon chemin. Elles ont l'air d'avoir fait... ripaille. Mais avec un regard affuté... et un comportement avisé... on peut éviter beaucoup de dangers. J'imaginais les Pridelands plus peuplée d'herbivores que ce que j'ai put voir, enfin, c'est ce que les calaos qui nichaient prés de la colonie laissaient entendre. Je n'ai pas eut de soucis majeurs pour le moment.

- Oh mais c'est fini tout ça, répondit aussitôt Akhet, tu n'es donc au courant de rien ? Il n'y a plus rien ici, sur Prideland ! C'est la misère !

Qu'est qu'un Nyeusis au juste ? Une sorte de guépard peut-être ?

- Hum…Eh bien c'est la cause de la misère en somme. Oh tu ne peux pas les louper, ce sont d'énormes lions noirs féroces qui dévorent tout ce qui trouvent et qui ont fait pote avec ces affreuses hyènes ! Tous ceux qui ne se sont pas fait dévoré sont cachés ou ont quitté le territoire.

Une guerre mais... entre qui et qui ? En quoi ça me concerne et me met en danger ?

- Eh bien entre les Nyeusis et les Pridelanders qui veulent récupérer leurs terres voyons ! Et en quoi ça te met en danger ? Eh bien, le jour où tu tomberas sur un Nyeusis, il sera toujours temps de te poser la question ! Hm…Enfin, dans un sens, tu as raison, les lions sont tellement occupé à se battre qu'ils ne feront sans doute pas attention à toi mais bon, moi je te mets juste en garde tu sais après tu fais ce que tu veux ! Si je dis ça, c'est pour toi.

Quand il pense qu'à la base, il avait quitté les siens dans le but d'aider les Pridelanders à gagner, afin d'éviter que sa colonie ne soit mise en danger par les hyènes et les lions noirs…Les suricates étaient décidément bien ingrats ! L'attention d'Akhet fut attirée par Tamala qui finit enfin par le rejoindre au sol en glissant du rocher.

- J'aurais une question bien plus importante encore à te poser si tu veux bien, lui demanda t-elle.

Akhet la regarda, toujours les bras croisés et adossé au rocher.

- Vas-y, je t'écoute.

- D 'accord... J'ai compris. En même temps... ça explique des choses, répondit la jeune femelle.

Akhet ne la lâchait pas du regard. Il hocha légèrement la tête, ravi qu'elle daigne l'écouter. La tension entre les deux mustélidés sembla s'effacer peu à peu et ce n'était pas pour déplaire au suricate qui n'aimait pas ce genre d'ambiance. La dénommée Tamala l'avait surpris et puis avait agit avec lui d'une manière qu'il n'avait pas apprécié sur le coup mais prit avec un peu de recul, Akhet se rendit compte qu'il devait tout autant calmer ses nerfs. Qu'était-il donc arrivé au suricate cool qu'il était jadis et qu'il espère encore être pour longtemps ? Avec tout ce qui s'était passé récemment, il avait encore un peu de mal à savoir où il en était. Finalement, il décida de mettre tout ce gros bazar de côté pour se concentrer exclusivement que la jeune femelle qui se trouvait devant lui. Après tout, rencontrer par hasard un congénère dans la savane de Prideland, c'était pour ainsi dire une situation qu'il n'était pas prêt de revoir réapparaître. De quel droit s'était-il permis d'être mauvais avec elle ? Certes, il n'avait pas le caractère le plus facile. Akhet était un fougueux personnage qui n'avait pas peur d'être familier avec les rois des lions alors bon, cela dit, cela ne voulait pas dire qu'il avait pour habitude d'avoir une langue de vipère. Brr…les vipères…Enfin bon, Akhet accepta néanmoins de répondre à la question de Tamala.

- L’œil vif, la truffe étroite et alerte, de cette taille à peu prés, de corpulence moyenne, le pelage abondant et de couleur sable, cinq stries bien marquées sur le dos et deux autres sur les pattes postérieure, une petite marque juste là sous le menton, l’œil clair et en amande, un toupet de poil blond sur la tête, deux petites oreilles bien symétriques, et comme signe distinctif : 'fait toujours un bruit horripilant et ne ferme pas la bouche quant il mange...C'est pas mon portrait à moi, bien entendu. C'est celui de mon frère, tu ne l'aurais pas vu ? Car c'est bien lui que je recherche.

Il avait donc vu juste. Il ne pouvait s'empêcher de faire le lien avec sa propre famille à lui. Akhet une tonne de frères, une tonne de sœurs, mais pas un seul n'aurait fait ce que Tamala faisait pour le retrouver. Il soupira.

- Tu sais, tu es la première mangouste depuis…Depuis que je vagabonde dans ce coin, ce qui commence à faire longtemps, que je vois donc…Non, je n'ai vu personne d'autre de notre espèce, répondit alors le suricate.

C'était assez malheureux de devoir décevoir la jeune femelle, surtout quand elle le regardait avec de grands yeux comme ça ! Après réflexion, Akhet lui demanda à son tour :

- Dis-moi…Pourquoi tu le cherches ? Hum…Non, disons plutôt : pourquoi il est partit ? Enfin, je te pose les deux questions on va dire ! Après tout, il n'a peut-être pas envie qu'on le retrouve.

Akhet n'avait jamais eut envie qu'on le retrouve, mais ça lui aurait fait un minimum plaisir que quelqu'un des siens fasse tout de même l'effort, histoire de lui prouver qu'il n'était pas un être insignifiant aux yeux de tous. Le résultat du test voulait tout dire.

- Et...Ça fait longtemps que t'es tout seul dehors ? Pas'que à te regarder, Tu te la joues tout cool et relax contre ton rocher, là... T'as presque l'air à l'aise, enfin, si t'avais pas l'air aussi morose en même temps. Tu t'es perdu toi aussi ? Si ces terres sont si dangereuses, est-ce qu'on n'devrait pas les quitter sur le champs, comme les autres ?

Akhet réfléchit un moment. Depuis combien de temps avait-il quitté les siens ?

- Ca fait presque un an maintenant, répondit-il.

Il esquissa un sourire, pour bien lui signifier que cette situation lui plaisait mine de rien.

- Je ne suis pas perdu du tout ! A force tu sais, je connais ces terres par cœur ! se vanta t-il sitôt après, elles sont dangereuses c'est vrai mais quand on les connais bien, on peut déjouer n'importe quel piège. Tant que tu restes avec moi, tu ne risques pas grand-chose ici mais à l'avenir, si tu tiens à tes pattes, essayes d'éviter de faire la sentinelle, ce n'est pas l'idéal quand on est si loin de chez soi.

On ne parvenait que rarement à cacher des choses à Akhet. Il avait l'instinct suffisamment développé, et surtout l'expérience de la chose, pour deviner lorsque quelqu'un ne lui disait pas toute la vérité. La petite mangouste face à lui était apparemment d'un naturel nerveux. Il se rendait bien compte que sa place n'était pas à l'extérieur d'un terrier. Elle tardait dans sa réponse. Akhet, l'impatient, ne savait pas quoi faire pour passer le temps qu'il trouvait déjà trop long entre ses questions et l'éventuelle réponse de sa congénère. Il regardait un peu partout autour de lui, observait la gestuelle de sa camarade, se retenait de la pousser un peu plus pour qu'elle se hâte de parler. Non pas qu'il était pressé, il était juste impatient.

- Des fois, tu vois, la vie est pleine de situations confuses et du coup, ta tête aussi est toute embrouillée, commença finalement la jeune mangouste, a-alors, dans ces moments là, tu fais des choses qui... "confuzationnent"... t-tout le monde... et comme ta tête est rentrée dans le tunnel du désordre, tu n'regardes plus où tu vas. Et... tu sors du mauvais côté du terrier. Normal, dans la "confusion-confuse" du hasard de l'existence. Tu... Tu vois ce que je veux dire ?

- Humm…Hum…Non, répondit en toute franchise Akhet qui leva un sourcils en fixant curieusement Tamala comme si elle venait d'une lointaine galaxie.

Et c'est ce qu'il a fait. Il a pris un tunnel biscornu dans la vie. Tolek, mon frère. C'est pas de sa faute, je n'aurais pas du le laisser continuer sur la mauvaise voie quand je m'en étais rendu compte. Enfin. C'est...euh... Voila. Il faut bien que quelqu'un le ramène à bon port. Il c'est perdu. Je ne veux pas qu'il meure tout seul dans un coin.

- Et tu es la seule qui a bien voulu se bouger un peu pour tenter de le retrouver ?

Que devaient penser ses parents ? Les autres membres de la troupe ? Etaient-ils au courant qu'elle était partit ou bien n'avaient-ils même pas remarqué son absence ? Et si c'était le cas, est-ce que d'autres se lanceront à sa recherche ? Akhet en doutait fort. Si personne n'avait voulu quitter le terrier pour un suricate, pourquoi le quitter pour un deuxième qui s'était fait la malle ?

- Et quand à pourquoi... Pourquoi? Hé bien... parce ce que !
Hrem! A la naissance, le bon sens n'a pas été partagé en manière équitable entre nous deux, du coup il faut bien que je le ramène, moi.
Bien sur qu'il a envie de revenir. Quel genre d'individu aurait envie de vivre tout seul ? C'est dangereux, déprimant, horriblement stressant, on est pas fait pour vivre tout seul. Et je suis sa sœur, on est de la même portée, on a toujours tout fait ensemble, s'il voulait partir - Même si c'est parfaitement insensé- il me l'aurait forcément dit avant, fait une allusion au moins.

Quel genre d'individu aurait envie de vivre tout seul ? Eh bien, Akhet en était la preuve incarnée qu'il y avait des individus de la sorte. Il était loin de trouver ça dangereux, dépriment et stressant, même s'il confirmait qu'en règle général, les suricates avaient l'instinct du groupe. C'était sans doute pour ça que Akhet avait recherché la compagnie des lions et avait espérer faire partie d'un clan de ces derniers, en l'occurrence, celui des Pridelanders. Au fond, en y réfléchissant bien, Akhet pouvait se sentir tout aussi mal d'être seul, mais il n'avait pas envie le moins du monde de retourner auprès d'une colonie de mangouste. Ce temps était révolu. Il hocha légèrement la tête, confirmant ainsi les dires de Tamala qui se révélaient donc exact, même pour lui.

- Pas forcément, répondit Akhet lorsque Tamala parlait d'allusion au désir de partir, ceux qui n'ont pas envie d'être retrouvé ne laisseront aucun indice aux autres.

- Il y a bien quelque chose qui pourrait l'empêcher de retourner à la maison... Mais je suis venue à sa rencontre pour... lui faire comprendre que... ça peut... s'arranger...

- Ah bon ? Et quoi donc ?

Akhet remarqua la gêne que ce sujet occasionna chez la jeune femelle. Sa curiosité n'avait aucune limite mais il n'allait néanmoins pas la forcer à révéler des choses dont elle n'avait pas envie de parler.

- T'es pas un peu trop en vie ou en seul morceau pour ça fasse vraiment un an que tu vives sans colonie, hmm?

- Quoi ? Tu ne me crois pas ?? répliqua Akhet, un peu vexé, je peux te garantir que j'ai eu suffisamment le temps de connaître par cœur une bonne partie de la Terre des Lions et des endroits dont tu ne soupçonnes même pas l'existence !

Il bomba le torse, néanmoins fier et vantard car aucune mangouste, sans doute, jusqu'à présent n'avait accompli les choses que lui-même avait fait. Est-ce que le frère de la petite Tamala serait en mesure d'en faire autant ? Il l'ignorait, puisqu'il ignorait la raison de sa fugue. Akhet était partit pour aider les lions, du coup, il avait fait ami avec eux, il avait cotoyé des hyènes, des lions mâles, femelles, lionceaux, zèbres…Il avait espionné les Nyeusis aux comptes des Pridelanders et du grand Matsukan, il avait parcouru Prideland, la lande des sans terre, Freeland…Et il ne pouvait qu'être vraiment fier de ce que ces aventures avaient fait de lui. Un suricate indépendant et brave, peut-être même unique en son genre. Jamais Akhet ne regrettera le jour où il était partit. Il se souvenait encore de sa conversation qu'il avait eut avec Sadaka. Maintenant qu'il y repensait, le lionceau avait eut parfaitement raison. Même si c'était triste de quitter les siens, cela avait fait de lui un être hors du commun dont il pouvait être fier.

- Et comment tu fais alors, Monsieur l'As de la survie ? C'est quoi ta technique pour déjouer tous les pièges ?

- Eh bah, ce n'est sûrement pas en crapahutant sur les rochers, bien en évidence au nez de tous les prédateurs de la savane ! répliqua Akhet d'un ton moqueur.

- Mais elle te plait vraiment l'existence loin des tiens, je veux dire, pour de vrai ? Ca te manque pas le contact ? Chasser les insectes avec les autres ? Jouer à la course ou même te faire enlever les parasites que t'as sur le dos ? Savoir qu'il y a toujours quelqu'un pour surveiller tes arrières ? Enfin, j'veux dire, t'as pas l'air très conventionnel comme mâle.

Akhet maintint un temps le silence, histoire de réfléchir un peu à tout ça avec un peu plus d'attention. Au bout du compte, il finit par s'asseoir, dos contre le rocher qui couvrait leur présence. Il émit ensuite un petit rire.

- Ca peut arriver, répondit-il, mais ce n'est pas pour ça que je regrette cette vie. Je ne me suis jamais senti aussi vivant qu'en quittant ma colonie ! Tu sais, on peut dire que j'ai plus ou moins trouver un clan de remplacement. Mais je crois que tu t'évanouirais si je t'en disais d'avantage. Je pense simplement que je n'étais pas fait pour une vie classique de suricate.

Il étira un large sourire à cette idée.

- Et toi, tu penses te considérer comme conventionnelle avec ta petite escale hors de chez toi ?

- En même temps c'est pas comme si c'était bien compliqué d'en savoir plus que moi. Je t'ai dis que je ne connaissais pas ce territoire.

Pas faux même tout de même, le monde était vaste et elle devrait quand même avoir une vague idée que ce qu'avait fait le jeune suricate était presque un prodige pour quelqu'un de son espèce. Akhet fut un peu déçu de la réaction de sa congénère, qu'il aurait en réalité aimé impressionné. Akhet appréciait qu'on lui porte une attention toute particulière mais voilà que cette jeune femelle avait décidé inconsciemment de ne pas accéder à ses désirs. Bah, il trouvera un autre moyen de se rendre incroyable à ses yeux !

- Roh, ça va ! Et tu me l'as déjà dis ! Hmph ! Je trouverai bien toute seule de toute manière, bouda Tamala.

- Toute seule ? répéta Akhet, tu n'y penses pas ! Penses-tu vraiment pouvoir continuer ton escapade avec tous les dangers de la savane ? Je ne voudrais pas te vexer mais…Tu ne m'a pas l'air dans de bonnes dispositions de survie…

La mangouste mâle faisait naturellement référence au fait que Tamala était quelqu'un de très anxieux et sa panique naturelle face au danger lui faisait parfois faire le contraire de ce qu'il était coutume de faire pour se préserver, à savoir gesticuler comme une folle pour éviter de parler malgré le fait que sa bougeotte avait attiré un prédateur !

- Si tu as un clan de remplacement, tu n'es pas seul, alors. Je ne vois pas en quoi la nouvelle va me faire tomber à la renverse.

Akhet parut hésiter. Devait-il lui dire ou pas ? La mangouste se passa une main derrière la nuque tandis que Tamala poursuivait :

Je veux dire, je suis contente pour toi si tu penses que ta nouvelle colonie est meilleure que la première. Je sais que certaines personnes font comme toi. Mon Oncle Tombat, quand j'étais encore toute petite par exemple, et allé fonder un nouveau clan.

- Ah hum…Euh…Oui mais…

- Mais j'avais cru comprendre qu'il n'y avait pas beaucoup d'autres suricates dans les parages ? C'est ce que tu as dis tout à l'heure. Ça doit vraiment être un tout petit Clan, alors. Surtout si ces fameux lions sombres et les hyènes font régner la terreur dans les environs. Pourquoi vous ne quittez pas ce territoire comme les grands herbivores alors ? Après tout, toi même tu m'as conseillé de partir. Si les proies manquent, les "N'Yeux-six" risquent de s'en prendre à vous faute de mieux, non ?

Ca devenait de plus en plus compliqué comme conversation !

- Comment dire…Ce n'est pas vraiment…Disons que ce clan n'est pas sur Prideland, mais ça ne saurait tarder.

Mais Akhet décida de changer rapidement de sujet, ne sachant trop comment poursuivre sur l'autre. Si elle savait la vérité, elle pourrait se méprendre, mais à vrai dire, Akhet était bien tenté de tout lui dire, car au fond, la réaction de sa congénère pourrait être marrante ! Il laissa cependant ça de côté et entreprit de retourner la question de Tamala contre elle. Celle-ci changea de ton en prenant plus d'assurance et d'orgueil :

- Bien sur. Je suis comme tout le monde. Pas plus normale que moi. Pondérée, modérée, stable, logique, rationnelle, patiente, responsable, l’œil vif et la truffe alerte.
Tout à fait, oui, Monsieur! Je m’enorgueillis d'être un membre dévoué du groupe, de me fondre dans la masse pour le bien de tous, car c'est en vivant pour les autres que la vie a vraiment un sens.

Akhet eut un rire suite à cette révélation, mais ce n'était pas de la moquerie. Il se rendit compte, petit à petit, que cette petite femelle avait bien plus d'esprit et de caractère qu'elle en avait l'air ! Le suricate se leva alors et, posant une main sur son épaule, il répondit alors :

- Je dois te donner raison sur un point : tu as de la spontanéité à revendre ! Mais si tu restes trop ancrée à l'esprit de groupe, tu auras du mal à t'en sortir seule dans la brousse.

- Comme je te l'ai dis, je suis partie à sa recherche car les circonstances qui l'ont poussé à partir sont particulières et en partie de ma faute. C'est à moi de régler cela. Je ne l'ai pas dit aux doyens du clan car ils auraient put s'y opposer. Enfin je veux dire, je préfère m'expliquer en revenant avec Tolek. Je pense que le clan lui est indispensable, et qu'il est indispensable au clan. Je le fais dans l'intérêt de tout le monde, donc dans un sens, même si je ne suis plus dans les galeries, je travaille toujours dans l'intérêt de la colonie.

- Hum…

Akhet glissa une main sous son menton, pensif, le regard baissé vers le sol. Il aurait bien aimé en savoir davantage. Des détails sur toute cette histoire qui ne le regardait absolument pas. Mais c'était ce qu'il y avait de plus attirant : que tout ceci ne le regardait pas. Ca le confortait dans sa curiosité.

- Tu n'es pas obligé de régler ça toute seule, ajouta t-il alors avant de se tourner vers la femelle, qu'en penses-tu ? Et si je te filais un coup de main pour retrouver ton vagabond de frangin ?

Akhet afficha un sourire à sa congénère. Il était sans doute le mieux placé pour faire des recherches sur Prideland et le fait d'espionner les Nyeusis, ça lui offrait un large choix de terrain à explorer où il pourrait, par hasard, tombé sur un suricate égaré. Mais il y avait autre chose qui le motivait : il se sentirait vraiment mal que quelque chose arrive à cette têtue de mangouste sous prétexte qu'il ne l'avait pas aidé grâce à sa connaissance du terrain. Akhet avait cet avantage qu'elle n'avait pas. Autant lui en faire profiter. Et quand les Pridelanders auront reprit leur terre, ce qu'il espérait vraiment, ça deviendra encore plus facile de chercher, qui sait même s'il pourrait pas faire passer un avis de recherche chez les lions du clan, comme ça, si l'un d'entre eux tombe sur une mangouste durant une chasse, il ne le mangera pas s'il s'agit du frère de Tamala ! Ca paraissait un peu utopique comme vision mais pourquoi pas ?

On pouvait difficilement le nier : Akhet éprouvait un certain plaisir à frustrer la jeune femelle devant lui. Cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas eu une conversation aussi intense avec l'un de ses congénères, c'était un peu comme s'il en profitait et peut-être était-ce intérieurement une forme de vengeance contre sa famille ingrate. Pauvre suricate ! Elle qui n'y pouvait rien. Mais Akhet n'était pas méchant. Toute cette mascarade n'était que taquinerie en simples mauvais termes. La voir s'énerver l'amusait. Il préférait ça que de la voir toute tremblotante. Et de plus, il prenait également plaisir à mettre son ego sur un piédestal. C'est alors qu'il finit par faire ressortir le gentil coco qui était en lui en proposant à la femelle de l'aider à retrouver le membre de sa famille qui avait disparu. Elle en fut plus qu'étonnée. Akhet sourit, comme ravi de son petit effet. Eh mais c'était qu'elle avait encore beaucoup à découvrir de lui !

- Bas ...je... euh... Hé bien c'est très...étonna-...euh...gentil de ta part... Vraiment. Mais je ne suis pas sure de pouvoir accepter. Tu t'attirerais inévitablement des ennuis de la part de ton clan... Non ? Je veux dire, ça te forcerais à quitter le poste ou la tache qu'on t'as assigné pour en faire une autre et... et... euh... voila. ça serrait une faute.

C'était presque vexant de voir qu'elle était si surprise de le voir proposer son aide. L'avait-elle vraiment pris pour un mauvais bougre ?

Mais en imaginant que tu ais une dérogation spéciale en accord avec les articles votre règlement intérieur sur les relations diplomatiques adéquates avec l'extérieur de la part de ton chef de colonie, j'imagine que je pourrais, au nom du caractère exceptionnel de la situation et de la... euh... solidarité raciale entre mangoustes, peut-être, accepter. "

Akhet ouvrit ses yeux ronds comme des soucoupes. Bon sang, il n'avait pas oublié à quel point le règlement était primordial dans les colonies de suricate, raison pour laquelle il avait laissé tomber son espèce au final, mais...C'était toujours impressionnant d'entendre à nouveau ce genre de discours. Ca lui rappelait ses parents...C'était tellement plus simple parmi les lions. Akhet y vivait en mangouste heureuse. Se faire aimer et respecter des rois de la savane avait de quoi flatter son ego pour des générations à venir ! Le suricate posa une main confiante sur l'épaule de sa camarade et répliqua joyeusement :

- Ah mais tu dois accepter ma grande ! Ca me fait plaisir ! Entre mangouste, tu sais, faut s'entre-aider ! Et puis même si tu refuses et bien...Je t'aiderais quand même !

M-erci, hein. V-raiment. T'es s-ur que ça te déranges pas ? Non parce que, au fond, t'es pas obligé. Je sais que tu me trouves nulle, mais je peux y arriver...enfin c'est pas que je refuse de l'aide mais...

Akhet était sur le point de la stopper dans son discours pessimiste lorsque tout à coup, Tamala s'exclama :

Faucon à 12 h !

Akhet leva aussitôt les yeux. Une forme menaçante faisait des ronds dans le ciel, juste sous le soleil éblouissant. Il semblait avoir repérer les deux petites créatures et piqua droit sur elles.

- Bon, fit Akhet en prenant la patte de sa camarade, il est temps de courir un peu !

Aussitôt, le suricate entraîna le deuxième à la course à travers les hautes herbes, suivit de près et de haut par le rapace. Il désigna alors un arbre au pied duquel se découvrait l'entrée d'un petit trou entre les racines et s'empressa de s'y réfugier à l'abri des serres du prédateur.

Akhet paraissait quelque peu négligeant sur la prudence, pourtant, s'il était encore en vie malgré tout son temps à vivre dans la savane ainsi, c'était bien qu'il savait y faire ! Le faucon avait été alerté par Tamala, mais le suricate s'en serait rendu compte également au bout d'un moment. Enfin, peu importait, l'heure n'était plus à la discussion et la mangouste se hâta d'entraîner sa congénère loin de ce danger volatile. Akhet avait déjà repérer au loin cet arbre dont les racines écartées laissaient une entrée idéal dans un trou qui permettrait aux deux suricates d'être à l'abri de tout prédateur un peu trop gros pour passer. Alors qu'il courait comme un petit fou, de tout ce que ses petites pattes pouvaient, ce qui restait rapide mine de rien, Akhet fut soudainement propulser sur le côté par sa camarade, en prévention d'un assaut aérien. Il dérata, tout comme le faucon qui plongea ses griffes acérées dans la terre, y laissant une profonde marque. Akhet se redressa néanmoins très vite, comme un réflexe car il fallait mettre le plus de distance possible entre lui, Tamala et le rapace. Ce n'était pas un défaut de direction qui allait empêcher le faucon d'avoir faim aujourd'hui. L'oiseau reprit son envol et fonça à nouveau sur ses deux proies qui continuaient de galoper comme des torpilles au sol. Ce fut de justesse que Akhet et Tamala se jetèrent dans le gosier d'un arbre pour échapper aux serres du rapace. Sauvé !

Akhet s'adossa à la paroi des racines pour reprendre son souffle qui, visiblement, lui manquait beaucoup. Il se savait hors de danger car l'oiseau n'avait pas la taille idéal pour rattraper ses proies. Il pouvait juste l'entendre gratter furieusement à l'extérieur et piailler de frustration. Il n'allait pas rester dans les parages bien longtemps, dès qu'il se rendra compte que les deux mangoustes n'avaient pas l'intention de sortir avant un bon moment. Pendant que Akhet reprenait sa respiration normale, ce dernier observait Tamala qui s'était lancé dans une observation d'elle-même assez particulière. S'il lui manquait quelque chose, c'était sans nul doute qu'elle le sentirait sans avoir besoin de regarder ! Puis, la jeune femelle se mit à faire le tour d'Akhet, qui se laissa faire, certes, mais en l'observant curieusement, avant de pouffer de rire lorsqu'elle le titilla d'un peu trop près.

- Mais arrête ! lança t-il, ça chatouille !

En y repensant, il ne s'était jamais une seule fois gravement blessé depuis qu'il vivait hors d'une colonie. La chance ? Le savoir faire ? Aucune idée. Il était très agile, très futé, et hardi. Il n'avait pas peur des prédateurs et parfois, il laissait tomber la fuite pour se défendre carrément !

" Courir groupé c'est peut-être pas la meilleure idée... Si l'un de nous s'était fait attrapé, l'autre serrait venu avec, un peu comme deux thermites que tu embroches au bout d'un bâton." fit alors la jeune femelle.

- Peut-être, répondit Akhet, mais comme ça, l'un aurait encore la chance de porter secours à l'autre au lieu de le laisser tomber.

Le suricate s'assit au sol tandis que sa congénère fit le tour de leur tout petit abri.

" Mais je me dis que tu dois vraiment être fâché avec les procédures de fuite standards. Et l'idée que je sache courir tout seule aussi. " ajouta t-elle.

- Je ne suis pas fâché, répliqua la mangouste en souriant, j'innove juste de nouvelles techniques !

La suricate s'installa alors face au jeune mâle avant de l'écraser de questions :

" Tu avais une idée de stratégie pour retrouver mon frère facilement dans la savane ? Demander à d'autres animaux ? Tu connais du monde ? Des calaos ? Ils sont si bavards. Ou des taupes ? Elles ont toujours une oreille qui traine. Tu as prévu quoi pour m'aider ? Tu as un plan ? Une stratégie secréte ? "

- Euh...euh...Non, pas vraiment, répondit Akhet un peu pris au dépourvu, je n'ai aucune idée pour le retrouver facilement. Il faudra user de la bonne vieille méthode : en cherchant un peu partout. Mais c'est vrai que je connais du monde, je pourrais demandé à mes connaissances s'ils ne l'ont pas vu à tout hasard !