Une fois de plus, Vukia s'en était allée loin du grand baobab. Il faisait nuit noire et seule les rayons de la lune guidaient ses pas. Des pas lents et doux sur le sol tiède de la lande des sans terre. Elle ne brisait nullement le silence de la nuit. Elle était furtive, le regard alentour brillant d'une attention certaine. La lionne était partie en chasse.

Vukia chassait de plus en plus la nuit, et donc seule. La journée, elle se contentait de suivre les troupes de chasse de son clan, ce qui était bien normal. Mais chasser le jour dans la vallée, on ne le dira assez, mais c'était vraiment pénible pour un lion possédant son genre de pelage. La lionne ne pouvait pas se permettre de déranger le repos des siens juste pour une chasse qu'ils avaient déjà effectué en journée. Elle se contentait donc de compléter les trophées avec des chasses de nuit, où elle ne pouvait attraper que de petites proies, pas bien grosses, et pas bien malignes de vagabonder dans les ténèbres de la lande. Evidemment, si jamais un zèbre croisait son chemin par hasard, elle ne dira pas non à lui sauter à la gorge. En veillant à l'avance qu'il ne s'agisse pas de Matsukan ! Pas question de faire deux fois la même erreur.

Sous l'absence de vent et de mouvement de troupeaux, la nuit tassait les odeurs. Et les seuls sons que la Mositu pouvait entendre se résumaient au vol des chauves souris sous la lumière de la lune. A un moment donné, Vukia se stoppa pour les observer, se demandant si ces rats volants avaient bon goût. Elle espérait ne jamais le savoir. Il ne manquerait plus que les Mositus soient réduits à manger des chauves-souris ! Bientôt, l'injustice qu'ils avaient subit s’achèvera, du moins, Vukia l'espérait. Elle ne pouvait qu'y croire. Elle s'interdisait le moindre doute sur la victoire des siens face aux Jangowas, dans l'affrontement qui s'approchait de plus en plus. Kwadja était finalement chef du clan et il était certain qu'elle ne reculera devant rien pour retrouver l'oasis volé. Vukia, fervente partisane de ses projets, se voyant déjà sur le champ de bataille pour rendre aux Mositus ce qui avait toujours appartenu aux Mositus.

Vukia se trouvait bien loin des autres Mositus à présent. A force de marcher en solitaire, elle avait fini par apprécier la compagnie des étoiles et avait oublié ce pourquoi elle était partie. Tant pis pour la chasse. Elle voulait profiter un peu du toit nocturne qui s'ouvrait au dessus de sa tête où il n'y avait ni les feuilles du baobab, ni celle de la jungle, pour perturber sa méditation en plongeant son esprit dans les astres. La lionne arriva dans un immense par terre d'hautes herbes et s'y coucha sur le ventre, disparaissant parmi elle. La Mositu croisant les pattes avant, ses iris émeraude perdu quelque part dans les cieux. Le silence était inouïe.

Tout à coup, un bruissement léger se fit entendre non loin d'elle. Une oreille de Vukia pivota, cela fut rapidement suivit d'un mouvement de tête. Quelqu'un s'approchait d'elle. La lionne flaira une odeur de lion mâle et fronça les sourcils mais soudain, elle percuta que l'odeur ne lui était pas inconnu. Soudain, un visage familier sortit de la végétation, accompagné d'une voix au ton surpris :

- ...Vukia ?

- Hofu ? répliqua Vukia en dressant les oreilles en avant, tout aussi étonnée, voire peut-être même plus que le lion.

La femelle se redressa alors sur ses quatre pattes, la queue agitée, et fronça les sourcils en faisant face au mâle avant de lui demander d'un ton tout de même dur :

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Difficile d'oublier comment elle avait rencontré ce lion. Après s'être mutuellement sauvé la vie, les deux félins s'étaient séparés en assez bon terme. Mais la lionne ne pensait pas une seule seconde qu'elle le reverra alors dans la lande des sans terre, encore moins avant la veille d'un grand événement.

Difficile d'imaginer quels étaient les sentiments de la lionne à l'égard du lion en ce moment même. Le seule et première rencontre avait été le fruit d'un parfait hasard, certes, mais c'était relativement bien achevé. Vukia n'avait pas oublié Hofu depuis. Elle le trouvait amical et serviable mais sans plus. Elle savait, de plus, que la vallée abandonnée, au même titre que la lande des sans terre, ne lui appartenait pas. Ni à elle, ni à son clan en fait. Hofu avait su depuis le début la mettre en confiance parce qu'il lui avait sauvé la vie. La lionne ayant fait de même le jour même, elle n'avait pas de dette à lui rendre mais n'avait pas oublié pour autant ce geste de bravoure. Après, elle ignorait si le lion était de nature à secourir toujours le premier venu. Alors maintenant, elle ne savait pas trop quoi penser de lui parce que le savoir à proximité du clan, alors qu'elle ne pensait pas qu'il remettrait une patte dans la lande, c'était relativement étrange. Le lion avait pourtant tenu des propos l'autre fois insinuant qu'il ne reviendrait pas. Mais encore une fois, Vukia ne pouvait pas empêcher le monde de venir sur la lande, ce n'était pas chez elle, et elle en avait bien conscience. Alors, même si son premier réflexe était de se demander le pourquoi de la présence du lion en ces lieux, au fond d'elle, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Elle n'en avait pas le droit.

" En réalité ma présence ici est un pur hasard. Je poursuivais une proie lorsqu'elle m'a attirée ici, juste avant qu'elle ne parvienne à me semer.." répondit alors le mâle d'une voix qui se voulait calme.

En voilà une drôle d'excuse ! Pourtant, comme pour leur première rencontre, Vukia sentait la sincérité en ses paroles. Il chassait donc dans la vallée, de nuit lui aussi. Cela pouvait se comprendre, Vukia n'avait pas oublié qu'il avait du Mositus en lui et même si ce n'était pas le cas, son pelage comportait dans la savane les même inconvénients que celui de la femelle.

" Je m'apprêtais à partir mais j'ai aperçu du mouvement et ai pensé que j'avais peut-être une chance de la retrouver.. C'est comme ça que je suis tombé sur toi." ajouta t-il juste après.

Cela se maintenait. Mais c'était tellement hasardeux, vu la taille de la lande et le temps qui s'était écoulé depuis que les deux lions s'étaient séparés, Vukia calma son visage, redressant les sourcils. Sa queue en revanche, continuait de tracer des courbes derrière elle, lentement, comme si elle reflétait l'esprit de la lionne qui cogitait.

- Hum...fit-elle, après tout tu as bien le droit d'aller et venir où tu veux.

Il était voyageur. Un détail à ne pas manquer. Et puis d'ailleurs, il était relativement loin du baobab. Même s'il aurait été une menace pour le clan, ce qui étonnerait fortement la lionne pour une fois, il aurait été trop loin pour se faire. Le ton de la femelle n'était pas encore le plus amical qu'on aurait pu espérer, mais il n'était pas agressif pour autant. C'était quelque chose de formel. Hofu finit par s'asseoir, en confiance vis à vis de la lionne qui observait le moindre de ses faits et gestes. Comme elle savait si bien le faire, elle savait assez bien discerner le vrai du faux, surtout dans le regard de ses interlocuteurs. Vukia faisait bien plus confiance dans la gestuelle des autres, plutôt que dans leur parole. Elle même avait plus tendance à utiliser le langage corporel pour faire passer ses ressentis.

"Je suis heureux de voir que tu te portes bien" lui dit-il avec un sourire.

Il semblait content de la revoir. C'était curieux. Vukia n'avait pourtant pas de souvenir de lui avoir laisser la meilleure des impressions la dernière fois. Elle ne l'avait pas agressé, certes, mais n'avait pas été la plus gentille et la plus aimable. Elle s'était contenté de rester polie et sincère. C'était sans doute suffisant pour le mâle. Il avait l'air assez tolérant. A ses mots, Vukia jeta un oeil plus en détail au corps du lion qui semblait s'être parfaitement débarrassé de cette vilaine blessure, tout comme elle.

- Tu as l'air en forme aussi, répondit-elle.

Elle marqua une courte pause avant de poursuivre :

- Tu voyages toujours ? Et avec celle sur qui tu dois veiller ? Tu sais, je ne vais pas t'empêcher d'aller sur la lande. Elle ne m'appartient pas et est assez grande pour tout le monde. Mais de toute manière, il y a de forte chance pour que bientôt, tu ne trouves plus un seul Mositus par ici.

Une lueur de détermination éclaira le regard de la féline, qui espérait vraiment pouvoir gagné contre les Jangowas afin de retourner dans l'oasis. En cas d'échec, nul ne pouvait prédire l'avenir des Mositus. Kwadja décidera t-elle de suivre alors le même chemin que Siri ? Impossible à dire et Vukia, en cas d'échec, ne sera peut-être plus là pour le savoir. Mais une chose était certaine, victoire ou défaite, il n'était pas question de rester plus longtemps dans les parages.

Rien ne pouvait permettre à Vukia de se remettre en question par rapport au choix qu'elle avait fait lors des élections du nouveau leader de son clan. Vukia avait toujours été avide de vengeance et élire Kwadja qui voulait mettre les Mositus sur le sentier de la guerre était le meilleur choix à faire pour elle. Elle pouvait comprendre que certains membres de son clan souhaitaient préserver leur principe du pacifisme. Parfois, Vukia avait vraiment l'impression d'être la seule dans son clan à être aussi combative et à vouloir se battre pour le droit des Mositus. Sa mère, elle le savait, n'avait fait que la suivre afin de pouvoir veiller sur elle. La vieille lionne, dans la jeunesse aurait sans doute fait le même choix que Vukia actuellement mais désormais, si Narafi n'avait pas de fille, elle aurait sans doute choisit de suivre Siri. Vukia avait néanmoins un regret quand à son choix. Elle ne pouvait pas suivre les autres de son clan qui étaient partit avec Siri pour les protéger en cas de besoin. Et Siri serait-il capable de le faire en sachant qu'il avait décidé de refuser une guerre pour la reconquête de l'oasis ? Lorsque les singes de Apeland auront chassé les autres Mositus, où ces derniers iront-ils ?

A part Hofu, la lionne n'avait pas vraiment énormément de connaissance dans la lande des sans terre. Du moins, pas de connaissance qui mériterait qu'elle regrette son choix de retrouver l'oasis. Hofu était un voyageur, qui sait si un jour ils ne se croiseront pas à nouveau ? Bien que si elle rejoignait l'oasis, il faudrait que le lion traverse le désert au péril de sa vie. Il y avait Ayama aussi. Une Mositu qui était partit avec Siri. Pour Vukia, c'était vraiment bouleversant de voir le clan ainsi séparé en deux. Ca pesait un poids sur son coeur bien caché à l'abri du regard. Ce départ avait été ressentit autant comme un abandon qu'une perte énorme. Mais comme en vouloir à des lions qui ne se sont jamais battu de leur vie ? Et qui n'ont pas forcément cette détermination dans leurs gènes ?

"Oui, c'est exact. Niwata et moi tâchons de ne pas nous mêler des affaires des clans qui habitent les terres sur lesquelles nous sommes de passage. Elle est encore jeune, et la mêler aux guerres n'est pas une bonne chose." répondit alors le lion.

Vukia approuva d'un signe de tête, même si elle ne connaissait pas cette Niwata. La guerre était une chose horrible que personne ne devrait connaître. Mais hélas, pour beaucoup, surtout en ce moment, c'était des faits inéluctable. Mais Hofu avait raison, en tant que voyageur, il était totalement neutre face aux drames qui touchaient la Terre des Lions et Vukia ne pouvait que l'envier pour ça. Malheureusement, il était très courant que des animaux désireux de rester neutre subissent tout de même les conséquences de la guerre.

- Tu fais bien, fit-elle, je ne conseille à personne l'expérience traumatisante des combats.

Et pourtant, une flamme luisait toujours dans le regard de la Mositu. Un feu de guerrier, avide de sang et de colère. On pourrait croire que Vukia n'était vraiment pas la lionne qualifié pour dire cela. Mais elle avait été formé pour un but précis dans sa vie. Un but qui l'obligeait à faire des choses qu'elle n'aimait pas. Il ne fallait pas croire que la lionne Mositu adorait tuer, faire souffrir, saigner...Elle détestait la guerre. Mais dans la vie, on ne faisait pas toujours ce qu'on voulait. Pour protéger les siens, les lions, les lionnes, les lionceaux...Pour défendre son peuple non promis à la violence, Vukia devait briser son principe de Mositu et devenir un véritable monstre. Un monstre qu'elle haïssait...Une bête féroce empli de hargne, de colère et de douleur. La douleur de mettre à mort, de voler des vie, de faire des orphelins...Un lourd prix à payer. Elle baissa un temps le regard à l'évocation de cette vérité qui germa dans son esprit. Mais les paroles du lion sombre attira à nouveau son attention.

"Qu'entends-tu par là, si cela n'est pas indiscret? Vous avez pour projet de partir..?"

Vukia redressa son regard émeraude vers lui. Sa lueur flamboyante luisait comme la foudre une nuit d'orage.

- La guerre Hofu, répondit-elle d'un ton implacable, c'est la guerre. Mon clan, ou du moins une partie, s'en va bientôt se confronter aux Jangowas afin de récupérer l'oasis qu'ils nous ont injustement dérobé. Et lorsque nous auront récupéré ce qui nous revient depuis toujours, il ne sera plus question de le quitter. Le cas contraire...

Elle se tut. Inutile d'en dire davantage. Elle laissa le soin à Hofu de comprendre ce silence. En effet, si les Mositus perdent, il y a très peu de chance que les Jangowas les laissent partir cette fois. Il y avait plus de risque que tous soient tuer jusqu'au dernier, sauf bien sûr si certains déserté les rangs avant l'échec pour s'enfuir. Mais Vukia ne sera pas de ceux-là. Elle se battra jusqu'à la mort si nécessaire et pas seulement pour l'oasis, mais pour protéger la vie des siens.

- Tu verras peut-être d'autres Mositus lors de tes voyages, poursuivit la lionne après un instant de silence, mon clan s'est scindé en deux. Si nous perdons la guerre, je serais au moins contente de savoir qu'ils ne seront pas rayé de la carte, si toutefois le reste survie dans cette jungle d'Apeland où ils ont décidés d'aller vivre...Tout le patrimoine ne sera pas perdu au moins, enfin j'espère.

En disant cela, elle tentait de se convaincre que ce n'était pas si mal finalement que les Mositus se soient séparés, mais craignait tout de même pour leur vie dans ce territoire qu'ils ne connaissaient pas.

"Je ne sais que répondre, Vukia. J'imagine que vous devez avoir vos raisons de reprendre l'Oasis, après tout elle est la terre de vos ancêtres, et la vôtre.. Néanmoins je n'aurais jamais penser que cette guerre serait capable de séparer les Mositus. J'ai entendu certaines rumeurs au cours de mes voyages, mais cela me paraissait jusqu'à maintenant improbable."

Des raisons ? Evidemment. Et il avait marqué un point. On ne pouvait permettre d'abandonner sa terre natale, celle qui fut le seul refuge des Mositus, depuis la nuit des temps, de ceux qui ont un jour été chassé du désert par les Jangowas et qui ont fondé le clan Mositu. Les Jangowas étaient cruels. En plus de virer ceux qui ne correspondaient pas à leurs critères, il fallait aussi qu'ils finissent par chassé tout un clan du seul endroit où ils avaient trouvé un abri. Ce qui ne leur servait à rien en plus, puisque les Jangowas n'allaient même pas dans cette oasis. C'était vraiment rien d'autre que de chercher les ennuis. Vukia n'aimait pas la défaite. Pour elle, il n'était pas question de laisser les lions de sable savourer leur victoire d'avoir chassé les siens. Elle demandait vengeance, tout comme sa chef. Raison suivante, la jungle d'Apeland était inconnue, et les ennemis qui s'y trouvaient aussi. Quitte à se battre, autant le faire face à des adversaires que l'on ne connaissait que trop bien. A la remarque du lion sombre, la lionne dressa légèrement les oreilles sur sa tête, puis les rebaissa, et baissa également le regard. C'était ce que cette guerre avait de pire sûrement : séparer les siens. Un véritable déchirement. Pour ça aussi, elle voulait se venger.

- Moi non plus je n'aurais jamais pensé qu'une chose pareille était capable d'arriver…répondit la femelle, la mine basse, notre famille est déchirée…

Tout à coup, elle sortit les griffes.

- Tout ceci n'aurait jamais dû se produire ! s'exclama t-elle, furieuse et triste, si seulement les Jangowas s'étaient occupés de leur affaire et nous auraient laissé tranquille ! On ne leur a jamais rien fait !

Pourquoi s'acharner sur un clan pacifiste qui vivait dans son coin, perdu dans le désert ? C'était véritablement injuste. Les Mositus auraient pu continuer pendant des générations à vivre en paix loin de tout, si ces maudits lions des sables n'étaient pas aussi fourbes et mauvais. Vukia apaisa ses ardeurs et rentra finalement les griffes. Elle leva son regard émeraude sur le lion qui poursuivit :

"Bien que je sois surpris et que cette idée de nouvelle guerre ne m'inspire pas confiance, je ne peux que respecter la décision des tiens, et souhaiter bon courage à ceux qui comptent aller au combat.. J'espère que ce pour quoi vous vous battrez vaudra réellement le coup, que les sacrifices de certains ne seront pas vains, et qu'il y en aura le moins possible."

- Je ne peux que l'espérer aussi, répondit la femelle, bien évidemment que l'on se bat pas pour rien. Ce qui est décidé, est décidé maintenant de toute façon et nous ne pouvons pas laisser l'affront des Jangowas impuni. Ce serait trop lâche, se serait les déclarer vainqueurs. Il est temps de leur montrer que les Mositus ne sont pas des moins que rien et qu'ils sont tout autant attaché à leur terre de survie que n'importe quel clan.

Vukia se tourna alors vers l'horizon et s'assit en enroulant sa queue autour de ses pattes.

- Je ne sais pas si tu peux le comprendre Hofu. Tu as passé ta vie à voyager mais moi, ma mère, mes grands-parents, notre famille et celle de nombreux Mositus se trouve sur ces terres oubliées depuis des générations. Pour tous les Mositus nés là bas, l'oasis est autant notre foyer que notre tombe. Quand les tous premiers lions sombres ont été exilés dans le désert, c'est cette oasis qui leur a permis de survivre et de fonder ce clan. On lui doit notre existence entière, nos origines. Nous y sommes enracinés et nous devons tout faire pour ne pas se faire arracher de la sorte. Les Jangowas n'ont aucun droit sur cette oasis. Ils ne la convoitent même pas. Tous ce qu'ils veulent, c'est que notre présence ne souille pas leur satané désert. Partir sans demander son reste, c'est comme leur donner raison.

Vukia se surprenait elle-même. C'était bien la première fois qu'elle parlait autant avec quelqu'un qui n'était pas Mositu. En y réfléchissant bien, c'était bien la première fois qu'elle parlait autant tout court. C'était étrange. Elle parlait sans problème avec lui et n'hésitait pas à lui raconter ses ressenti, cette guerre imminente, les secrets de l'oasis qu'elle désirait tant retrouver. C'était tellement rare qu'elle offre sa confiance à un individu qui ne faisait pas parti de son clan. Etait-ce parce qu'il avait du sang de Mositu en lui ? C'était un mâle calme, placide et neutre, à qui il semblait facile d'avoir confiance. Mais Vukia se devait de rester sur ses gardes. Cela ne faisait que la deuxième fois qu'elle le croise sur son chemin.

"Je suis bien conscient que cette décision n'a pas été prise à la légère, Vukia. Je ne nie pas non plus que le comportement des Jangowas vis à vis de ton clan est intolérable. Ils n'avaient pas à vous chasser comme de vulgaires parasites, ils n'avaient pas le droit de vous faire subir ça. C'est injuste, en effet. La vie joue parfois de drôles de tours, et je peux parfaitement comprendre ce besoin de vengeance qui vous habite. Ils vous ont volé votre terre, celle de vos ancêtres, qui ne ressentirait pas le besoin de se révolter?"

La lionne observa le lion. S'il comprenait tellement ses dires, pourquoi il y avait ce sentiment réticent en lui ? C'était un lion voyageur et techniquement, les problèmes de clans ne devraient même pas le regarder. Mais entre comprendre et approuver, il y avait une large différence.

"Cette colère, cette frustration je l'ai déjà ressentie de nombreuses fois. Je n'ai pas toujours été voyageur, et je sais ce que ça fait d'être chassé de ses terres d'origine, ainsi que j'ai déjà côtoyé ce sentiment d'impuissance face au désarroi de sa famille. N'étant qu'un vagabond, surement ne ressentirais-je jamais d'attachement aussi fort que celui des Mositus pour l'oasis. Je sais que rien ne vous fera changer d'avis, et j'espère réellement que cette guerre ne sera pas vaine. Les Jangowas doivent répondre de leurs actes, je ne le nie pas.. Mais parfois, il vaut mieux laisser le temps faire les choses, reculer pour mieux sauter."

Vukia ne su que répondre sur l'instant. A vrai dire, le lion venait de lui en apprendre un peu plus sur lui. Il n'avait pas toujours été voyageur mais qu'était-il alors pour connaître la même chose que la lionne ? Elle ne le lui demanderait pas, parce que ce n'était pas son genre. Elle avait une certaine curiosité en elle mais se refusait à la dévoiler au grand jour. Si Hofu voulait lui faire part de plus de détail de sa vie alors il le fera de lui-même ou pas du tout. Vukia n'aimait pas vraiment poser des questions aux autres, mais c'était peut-être parce qu'elle n'était pas très sociable. Vukia savait que le lion n'avait pas de territoire pour lui, ce pourquoi il aurait bien du mal à comprendre ce qu'elle ressentait. Mais elle songeait alors à la jeune femelle qui l'accompagnait dans sa vie, comment…? Niwata c'est ça ? Il suffirait alors qu'il s'imagine qu'un beau jour, on vienne la lui prendre sans explication, le priver de sa compagnie et la priver elle de sa protection. Vukia, elle, pouvait aisément imaginer ce que ressentirait Hofu à ce moment-là.

- Parfois en effet, répondit la jeune Mositu, mais…les choses ne sont pas toujours aussi simples.

Vukia se leva alors et fit face au mâle.

- Nous partons dans peu de temps, fit-elle, solennel, si nous ne nous revoyons plus, je te dis tout de suite que j'ai été ravi d'avoir fait ta rencontre.

Et ce privilège n'était pas donné à tout le monde, pour le peu de lion d'autres clans qu'elle avait rencontré dans sa vie. Vukia savait qu'elle ne pouvait pas faire marche arrière, parce que leur chef avait pris sa décision. Mais de toute façon, la lionne ne voulait pas faire marche arrière, parce qu'elle avait bien l'intention d'abattre un maximum de Jangowas.

- Je ne sais pas si nous gagnerons, ajouta t-elle, mais même si nous devons tous périr jusqu'au dernier, ce sera une bataille que les Jangowas ne seront pas près d'oublier.

Vukia inclina légèrement la tête en guise de salut. Elle regarda une dernière fois le dénommé Hofu avant de se détourner de lui et de repartir vers le grand Baboab. Très bientôt, la guerre du désert commencera…




(je pense que j'ai fini, je te laisse conclure )