Un nouveau matin paisible sous les frondaisons.
Jekhat dormait bien tranquillement, calé entre les corps tout chauds des membres de sa famille. Un doux sourire apaisé dessiné sur les babines, il profitait de son sommeil sans rêves comme il se devait… jusqu’à ce qu’Ajjin, dont le sommeil était tout sauf tranquille, lui envoya une patte dans le menton. Jekhat se réveilla en couinant et recula la tête pour la poser contre le flanc de sa maman, serrant les dents et jetant un regard noir à son frère et ses rêves agités.

Il en fallait habituellement beaucoup pour mettre Jekhat en rogne, mais quand il était question de dodo, ça pouvait aller vite. Et se faire réveiller aussi tôt – car un coup d’œil au clan lui confirma que tous n’étaient pas encore réveillés – par un coup qui fait mal, il n’appréciait pas trop. Mais bon, il connaissait son frère et sa tendance à gigoter même quand il dormait… Il ne pouvait pas lui en vouloir.

Il poussa un long soupir et s’apprêtait à se rendormir quand il se rendit compte que son père avait disparu. Curieux et, de toute façon, trop réveillé pour s’endormir dans la minute, il tendit le cou pour le chercher. Il aperçut, disparaissant entre deux fougères, la queue paternelle, et s’empressa de quitter son nid douillet pour aller le rattraper. Enfin… il s’empressa façon Jekhat, bien sûr. C’est-à-dire qu’il eut beau pister Nsaï, il ne le rejoignit que quand celui-ci eut fini sa routine matinale.

— Comment se fait-il que tu sois debout si tôt ?

Le lionceau répondit au sourire de son père par un bâillement à peine étouffé. Il alla le rejoindre d’une démarche fatiguée – encore plus que d’habitude, s’entend.

— Ajjin, il m’a frappé… J’veux plus dormir avec lui…

Il s’approcha de la rive à petits pas, sachant très bien que le Sheshayo était trop profond pour aller y patauger. Il y avait bien quelques endroits sûrs où il était permis de se baigner, mais Jekhat ne s’en souvenant pas à la perfection, il préféra rester prudent. Se souvenir de ces choses-là, c’était le boulot d’Heshima.

— Pourquoi il sait pas dormir tranquille ? bouda-t-il en s’affaissant sur le sol plus qu’il ne s’assit.

‟ J'te jure, Gasha, on va lui faire bouffer ses morts ! „

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Nsaï s’allongea près de son fils, lui adressant au passage un tendre coup de museau auquel Jekhat répondit instinctivement par un doux ronronnement. Il lisait dans les yeux de son père tant d’amour et de tendresse qu’il ne pouvait que s’en retrouver apaisé et ce malgré la brutalité du réveil-matin qu’était Ajjin. Il était gentil, Papa, et puis il était calme et tranquille. Maman aussi, mais moins quand même – par exemple, elle essayait toujours de l’inciter à aller jouer au lieu de faire la sieste. Papa n’insistait pas tant.

— Tu sais, il ne le fait pas exprès, il ne faut pas lui en vouloir. A ces mots, le lionceau eut une petite moue insatisfaite. Et puis je ne suis pas sûr que dormir tranquille soit quelque chose qui peut s'apprendre, malheureusement… Si ça peut te rassurer, il m'a déjà frappé aussi !

Ah bon ? Il avait osé ? Mais en même temps, Ajjin, il frappait tout le monde quand il dormait… Il faudrait l’obliger à dormir plus loin, ou bien l’attacher avec des lianes ou quelque chose comme ça ! Un peu boudeur, Jekhat se laissa tomber sur le dos, pile entre les pattes avant de son père.

— Mais toi, tu n’as jamais mal, si ? Parce que t’es trop fort !

Nsaï était un lion imposant, surtout aux yeux de son fils. Et comme tout bon fils qui se respecte, Jekhat admirait grandement son cher papa. Il était le parfait modèle, la sorte d’adulte que le lionceau voulait devenir. Gentil, calme, mais super fort !
Doucement, le petit leva les pattes vers le visage de son père, cherchant à attraper sa barbichette. Ses gestes étaient lents et parfaitement inoffensifs – seuls ses coussinets effleuraient le menton de Nsaï car, bien sûr, il ne sortait pas les griffes. C’était là sa manière de jouer : comme un petit chaton, avec lenteur et innocence.

— Et puis t’es imbattable, et t’es le meilleur !

Le meilleur papa du monde, mais aussi le meilleur Mositu du clan. Meilleur que Siri lui-même, si si !

‟ J'te jure, Gasha, on va lui faire bouffer ses morts ! „

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La jungle était décidément bien différente au petit matin. Peu habitué à se lever aussi tôt, c'était une toute autre facette de son environnement que Jekhat découvrait là - les arbres étaient étrangement silencieux. Les seuls bruits qui se laissaient entendre étaient le sifflement d'un oiseau, le battement d'ailes d'un autre, ou le bruissement de feuilles causé par la marche d'un singe. Par moments, un bâillement de lion et, toujours en sourdine, le doux glouglou du Sheshayo. Une sauterelle chantait, et un petit groupe d'abeilles qui s'était déjà mis au travail depuis longtemps vrombissait faiblement en butinant les fleurs tropicales.
Le lionceau ne connaissait pas cet aspect du Zawadi. Il était plus familier de l'atmosphère fiévreuse que dégageait Ajjin, et de l'occupation constante de la vie de clan. Et même si les Mositus n'étaient pas les plus actifs des lions, leur vie, aussi paisible soit-elle, dénotait nettement contre ce qu'exprimait la jungle quand ils étaient tous endormis.
La fascination qu'éprouvait Jekhat pour l'humide forêt se réveilla à cette réalisation mais, dans son esprit fermé de lionceau, il assimila cet aspect nouvellement découvert à son propre père, comme si Nsaï était lui-même responsable du calme des arbres. Finalement, peut-être que ce n'était pas si mal de se lever plus tôt de temps en temps, et de passer ce genre de moment avec papa...

— Un jour tu seras très grand et fort aussi, et tu me rendras très fier. Jekhat leva des yeux émerveillés vers ceux de son père, rêvant déjà au lion grand et fort qu'il allait devenir. Tu me rends déjà très fier.

Il ronronna de plaisir, se souvenant que sa mère avait employé les mêmes mots lorsque, quelques jours plus tôt, il lui avait montré avec fierté comment il savait trop bien grimper aux arbres. Savoir ses deux parents fiers de lui le rendait terriblement heureux et, à cet instant précis, Jekhat était sans nul doute le plus comblé des lionceaux.

— Alors, qu'est-ce que tu comptes faire aujourd'hui ?

A vrai dire, il n'en avait aucune idée ! Sûrement irait-il faire la sieste plus tôt que d'habitude pour récupérer un peu de sa nuit écourtée, et peut-être Ajjin l'entraînerait-il dans ses aventures ensuite - mais à part ça, Jekhat n'avait aucune idée de comment sa journée se déroulerait. Mais pouvait-il décemment révéler à son père que sa seule aspiration était de retourner se coucher ?

— Je sais pas... avoua-t-il en laissant son regard se perdre dans le vague. Je vais peut-être grimper aux arbres ou bien chercher des trésors... ça fait longtemps que j'en ai pas donné à grand-mère.

Jekhat adorait trouver de petites choses mignonnes à offrir à sa maman et sa grand-mère, comme des petites fleurs ou des plumes colorées. Il lui arrivait parfois d'en donner à sa sœur, mais c'était nettement plus rare. Chérir les femelles dont il était proche, c'était comme un devoir pour lui, et il s'y mettait avec grand plaisir. Cela présageait-il d'un futur gentleman... ?

En laissant son regard dériver vers la rivière, le petit aperçut un éclat de couleur qui l'intrigua. C'était d'un bleu qui attirait l'œil, bien différent du bleu du cours d'eau. Il en oublia même de retourner la question à son père et, curieux, se mit en position assise en un sursaut étonnamment vivace pour lui. C'était un sursaut d'Ajjin - c'est dire l'énergie qu'il y avait mis ! Mais ce qu'il venait de voir, c'était une petite bête chatoyante qui venait de bondir hors de l'eau et se reposait à présent sur un rocher de la rive. L'instinct de chasseur réveillé, Jekhat quitta doucement l'étreinte paternelle pour se rapprocher de la bestiole, se mettant déjà en position de chasse. Gourmand comme il était, et n'y ayant jamais goûté, le petit avait la ferme intention d'avoir un bout de ce machin - ou au moins de réussir à le lécher s'il n'arrivait pas à l'attraper.

Mais dans son innocence et son inexpérience, Jekhat avait oublié que la jungle n'était jamais si inoffensive qu'elle paraissait être. Il avait oublié que parfois, un simple contact peut être tellement dangereux...

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Jekhat s'appliquait du mieux possible. Il rampait avec lenteur, le ventre au ras du sol, croyant être parfaitement invisible et prêt à bondir - alors qu'en vérité, les mouvements d'excitation de sa queue le trahissaient sans mal, sûrement même aux yeux d'une grenouille. Mais la vile bête n'avait pas l'air de vouloir bouger. Traîtresse, elle semblait attendre avec un plaisir malsain que le jeune prédateur vienne l'attaquer - et on verrait alors qui allait réellement être chassé.

Nul doute que son infâme plan aurait réussi si le grand lion brun ne s'était pas jeté entre son fils et elle, la contraignant ainsi à prendre la fuite vers des rochers plus secrets. Mais le Sheshayo n'en avait pas fini de ses traîtrises et, comme pour punir ce félin qui lui avait volé un distrayant mais macabre spectacle, il l'entraîna dans son lit en grondant de déplaisir.

Le petit lionceau, lui, ne comprenait pas grand-chose à ce qui s'était passé. Pourquoi son père l'avait-il empêché d'attraper la bestiole ? D'ailleurs, il n'avait pas fait que l'en empêcher bêtement - il s'était carrément précipité pour l'arrêter, quitte à se planter dans une énorme flaque de vase qui, sous son poids, avait tôt fait de provoquer une coulée de boue d'où l'adulte n'avait pas su s'extraire à temps.

Surpris par toute cette agitation, Jekhat avait reculé de plusieurs pas pour s'éloigner de la rive. Inquiet pour son père, il avait failli revenir au bord de l'eau mais, en le voyant ressortir bien vite, il ne bougea pas de son coin de terre sûr. Perdu dans les événements, il hésitait entre rire de la chute de Nsaï ou s'inquiéter de son inexplicable comportement - mais, au vu de la tête qu'il fit en revenant sur la terre ferme, l'enfant ravala son sourire et baissa la tête d'un air coupable.

Il avait fait une bêtise, il le sentait bien. Mais quoi ? Est-ce que papa était fâché ? Très très fâché ? Tout piteux, Jekhat faisait déjà des yeux de chat battu. Il fallait dire qu'il était rare pour Nsaï d'afficher un air aussi sérieux et grave - son fils était donc impressionné et prêt à retenir la leçon.

— Les animaux comme celui que tu viens de voir, il ne faut surtout pas les toucher. C'était une grenouille venimeuse, tu me suis ? Souvent, les grenouilles avec de jolies couleurs comme ça sont très dangereuses...

Jekhat acquiesça doucement. Il ne comprenait pas très bien mais il n'osait pas poser de questions de peur de contrarier son père. D'accord, il n'y toucherait plus jamais, c'était promis ! Mais pourquoi la grenouille était-elle méchante ? Et pourquoi les jolies couleurs étaient-elles dangereuses ? Il y avait de jolies couleurs partout dans la jungle - sur les fleurs, les insectes, les fruits, les plumes... D'ailleurs, ces fleurs et ces plumes, il en rapportait plein à maman et grand-mère ! Des bleues comme la grenouille, aussi. C'était mal ? C'était dangereux ? Elles allaient tomber malade à cause de lui ? Soudain, Jekhat eut très peur - peur comme jamais auparavant. Il n'avait jamais ressenti pareille panique, même quand Ajjin l'entraînait dans ses bêtises et qu'il savait qu'ils allaient se faire gronder et punir.
Il prenait la vie du bon côté, Jekhat. Il ne s'inquiétait jamais de rien. Mais pas ce matin. Ce matin, il était profondément terrifié à cette toute nouvelle idée qui n'était jamais passée dans son esprit de lionceau - l'idée de perdre un proche. L'idée qu'on pouvait mourir. Et que ça pouvait être de sa faute.

— Tu dois me promettre de ne jamais essayer d'attraper une de ces créatures. Jamais.

Il acquiesça vivement, y mettant toute sa sincérité. Il n'avait pas voulu faire de bêtise, il n'avait vraiment pas fait exprès ! Mais Nsaï n'avait pas l'air de lui en vouloir ou d'avoir en tête de le priver de jeu avec son frère et sa sœur - ou, pire ! de le priver de sieste. A la place, il afficha un air plus doux et rassuré et offrit à son fils une tendre (et humide) caresse paternelle.

— Tu m'as fait très peur.

Lui aussi, il avait très peur. Secoué par sa bêtise inattendue et par les inquiétudes qui commençaient à le ronger, et soulagé par la soudaine tendresse de son père, Jekhat sentit les larmes lui monter.

— Pardon, pardon ! Je le referai plus !

Sa promesse était précipitée, mais absolument sincère. Jekhat avait toujours été plein de bonne volonté, et jamais plus il ne voulait voir son cher papa dans cet état à cause de lui.

— Mais... Mais... hoqueta-t-il entre deux sanglots coincés au fond de sa gorge qui trahissaient son envie de pleurer ainsi que sa panique, j'ai donné plein de choses colorées à maman et grand-mère ! Et à Heshima aussi !

Et même à d'autres femelles du clan, à vrai dire. Il leva vers son père des yeux emplis de terreur. Il n'avait sans doute pas besoin d'en dire plus pour que Nsaï comprenne le rapprochement enfantin que son jeune esprit avait fait...

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Jekhat s'attendait à ce que son père se précipite vers le clan pour le sauver de l'étrange menace des couleurs rapportées par l'enfant. Mais Nsaï n'en fit rien et, au contraire, sembla se calmer.

— C'est fini, Jekhat, tout va bien. Tu ne risques plus rien, ni maman, ni grand-mère, ni Heshima. Tu n'as rien fait de grave. Reste calme, respire. Je vais t'expliquer du mieux que je peux, d'accord ?

Le lionceau écouta et obéit. Il avait une foi aveugle envers son père - s'il disait que personne n'était en danger, alors c'était vrai. Il se calma donc du mieux qu'il put et prit de profondes inspirations sous les conseils paternels. Quand Nsaï s'assit, Jekhat l'imita et, enfin calmé, était prêt à écouter - et retenir - ce qu'on allait lui dire.

— Les choses colorées ne sont pas toutes dangereuses. Tous les cadeaux que tu as pu offrir, ils ne blesseront personne.

Jekhat sentit ses muscles se détendre et un soupir quitter sa gorge. Alors, tout allait bien ? Il n'avait pas fait de bêtise, au final ? De naturel insouciant et tranquille, il sentait déjà sa paix habituelle envahir de nouveau son petit corps brun.

— Tu vois ? Inoffensif. Prends-la, comme ça tu pourras la donner à grand-mère.


Le petit Mositu observa attentivement la fleur bleue, comme pour y déceler quelque chose, n'importe quoi, une preuve qu'elle n'était pas dangereuse. Mais, n'ayant aucune idée de ce qui rendait certaines couleurs redoutables, il ne savait pas quoi chercher. Alors, confiant et obéissant, il se baissa pour attraper délicatement la fleur entre les dents. Il ne ressentit rien du tout - comme papa l'avait dit, elle était absolument inoffensive...

— C'est uniquement de certaines choses dont il faut se méfier. Par exemple, les grenouilles comme celle qu'on vient de voir, certains insectes... Tu dois me promettre de ne plus essayer d'attraper quelque chose que tu ne connais pas, d'accord ?

Il acquiesça, prenant soin de bien retenir ces précieuses informations. En résumé, il fallait se méfier de ce qui était vivant... Mais les plantes aussi, c'était vivant ! La preuve : le bébé plante que Jekhat avait trouvé avec Ajjin - il avait une bouche, des dents, et il mangeait des petits insectes ! Le lionceau restait un peu perdu mais, préférant prévenir que guérir, il prit instantanément la résolution de se concentrer sur les plumes et les galets chatoyants, juste pour être sûr. Ce n'était pas dangereux, ça, si ?

— D'accord, j'ai compris... répondit-il, beaucoup plus calmement.

Il jeta alors un coup d'oeil au Sheshayo. Le cours d'eau était traître et dangereux pour les lionceaux, et Jekhat savait très bien qu'il n'avait pas le droit de s'en approcher tout seul.

— Mais... alors... commença-t-il, un peu hésitant, en levant les yeux vers son père. Les cailloux, ça va ? Il y en a qui ont des jolies formes et des drôles de couleur.

Des couleurs nettement moins chatoyantes que celles des fleurs, mais elles n'en étaient pas moins intéressantes. En plus, en général, ces cailloux brillaient au soleil ! Reprenant plus d'assurance, le lionceau se remit à sourire.

— Ajjin les trouve rigolos ! Mais ils sont durs à trouver...

En fait, ces galets s'échouaient rarement sur la rive mais étaient nombreux au fond du lit du fleuve... Donc, Jekhat était trop petit pour aller les pêcher de lui-même. Il observa donc son cher papa d'un regard lourd de sens.

— T'es déjà tout mouillé de toute façon... crut-il bon d'ajouter innocemment, petit sourire au coin des babines.

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Papa avait l'air d'hésiter. Jekhat levait sur lui des yeux brillant d'espoir, croyant pouvoir le convaincre grâce à sa petite bouille d'ange - et, honnêtement, il était assez sûr de lui. Nsaï ne leur refusait jamais rien, à son frère, sa sœur et lui. Etaient-ils légèrement gâtés ? Oui, sans doute ! Dans la famille, c'était plutôt maman qu'il fallait redouter - papa était capable de tout et n'importe quoi pour leur arracher un sourire.

— Si mon destin est de devenir le meilleur chasseur de cailloux, alors ainsi soit-il !

Tout excité, Jekhat se leva d'un bond en laissant son visage se fendre d'un large sourire. Il était vraiment le meilleur, papa ! D'ailleurs, celui-ci n'attendit pas plus longtemps pour se jeter à l'eau, projetant par la même occasion une vague qui vint s'écraser sur le lionceau. Jekhat sursauta au contact de l'eau glacée et s'ébroua énergiquement - encore plus encouragé par l'espièglerie de son père, il avait presque l'air aussi vivace qu'Ajjin.

Il se précipita vers la berge et s'y coucha à plat ventre pour être sûr de ne pas glisser - il avait déjà fait assez de bêtises pour aujourd'hui, tomber à l'eau maintenant risquait de gâcher la bonne humeur retrouvée. Il observait les moindres faits et gestes de son père avec attention, se demandant comment il ferait pour trouver un bon galet. Nsaï avait l'air de scruter le fond de l'eau et Jekhat eut envie de plonger la tête dans l'eau lui aussi, juste pour voir s'il arriverait à distinguer quelque chose... mais il n'exécuta pas son idée, qui ne fit que lui passer par la tête. Si Ajjin n'aurait pas hésité un instant à tenter l'expérience, lui restait plus calme que son grand frère et moins enclin à faire des bêtises.

Bien vite, l'adulte plongea au fond du cours - et Jekhat retint son souffle devant tant de suspens. Il compta les secondes - un crocodile, deux crocodiles, trois crocodiles, quatre crocodiles - et Papa brisa la surface du fleuve avec sa prise entre les crocs. Il s'approcha alors de la rive pour montrer le caillou à son fils, qui souriait de toutes ses dents.

— Celui-là te va ?

Il était parfait ! Déjà, il était tout rond et tout plat - ce qui était génial pour jouer à le faire glisser et rouler ("se faire des passes", comme disait Ajjin avec qui il avait inventé le jeu) - et en plus, il était super joli ! Il avait des reflets de plein de couleurs différentes, comme si un tout petit arc-en-ciel y avait élu domicile. C'était sûr : ce caillou-là allait être le joyaux de sa collection ! Enfin, il comptait l'offrir à Ajjin mais, soudés comme ils étaient et n'ayant aucune raison de ne pas s'aimer, les deux frères se partageaient un peu tout.

— Waaaw, il est trop chouette ! Merci Papa, t'es le meilleur papa du monde !

Et il le pensait sincèrement. Pour montrer sa gratitude, il alla même jusqu'à s'étaler sur le visage de son père en un doux câlin mouillé. Puis, il ramassa sa fleur, attrapa également le galet, et se retourna vers Papa avec la gueule pleine de ces trésors. Il essaya de parler, mais n'émit qu'un « euuuchhhh » étrange - sa gueule étant décidément trop remplie pour le laisser communiquer convenablement. Il reposa donc ses affaires pour se faire comprendre.

— On rentre à la Clairière maintenant ?

Jekhat avait trop hâte de donner ses cadeaux pour patienter plus longtemps - et puis, avec le jour qui se levait peu à peu, les autres devaient s'être réveillés, non ? Oh et il fallait qu'il raconte l'histoire de la grenouille à Ajjin, c'était super important !

[Ooooh mais c'est trop mignon tout plein *O* Merci d'avoir pris le temps de le faire, c'est trop chou ♥
Je te propose qu'on commence à clôturer ? :3]

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