Quand l’heure devra venir, l’heure viendra, et l’heure est venue ! S’amassant derrière leur seigneur légitime aux frontières de Prideland, les serviteurs de la justice se tiennent fin près, car la Terre des Lions vit ses derniers instants de terreur. Mais chacun le sait : rien n’est gagné d’avance, car les Nyeusis, qui jadis les vainquirent, sont toujours là, plus forts et plus nombreux. Soutenu par Sharkan, le Roi Tyran de Freeland, Gara et ses sbires ont bien l’intention de mettre un terme à l’existence des Pridelanders, leur unique et véritable ennemi. Le destin de la Terre des Lions ne tient plus qu’à un fil, et beaucoup ne reverrons jamais la lumière du jour …

Enfin, il était temps. Temps de rentrer chez eux.

Comme si les Rois du Passé accompagnaient la fureur des leurs par la foudre, les Pridelanders et leurs alliés marchaient en direction du Rocher de la Fierté. Avec un tel regroupement, il était impossible de manquer la grande marche qui avançait lentement mais sûrement vers les Nyeusis, resserrant l'étau. Les Pridelanders refoulaient à nouveau le sol qui leur appartenait, et cette vengeance faisait vibrer tout l'air de la savane qui s'emportait dans la tempête.

A la tête de cette armée de braves, au front, se tenait Kumpa et sa famille, mais aussi Tahani, future reine d'Outland. Les deux héritiers qu'ils étaient avaient toujours eu une certaine affinité, et il était plus que temps de montrer au monde entier qu'ils étaient forts et unis. Ce jour représentait beaucoup de choses pour tous ici, mais encore plus pour Kumpa, qui voyait son dur labeur à l'action. Ce pour quoi il s'était battu chaque jour depuis deux ans était en train de s'accomplir, et jamais il ne laisserait à quiconque de détruire ce qu'il avait mis aussi longtemps à bâtir.

Impétieux, le Prince de Prideland se sentait revivre à chaque pas vers le Rocher. Sa victoire représentera la fin des Nyeusis, mais aussi la fin de sa vendetta. En effet, son père Farao sera vengé une fois qu'il aura repris ce qu'il lui appartenait. Ce que Misaada puis Gara convoitaient : SON trône, SON royaume. Mais rien de tout cela ne leur avait appartenu, car les seuls propriétaires étaient et resteront à jamais les bons Pridelanders, ceux qui ne souhaitaient que la tranquillité et l'équilibre du Cycle de la Vie.

Marchant aux côtés de Tahani, le lion doré déposa son regard vers son amie. Il espérait que cette guerre ne soit pas trop dure pour elle, car les Outlanders étaient aujourd'hui divisés : elle affrontera aussi les partisans de son père Massempo. Ce devait être une déchirure, mais il fallait rester fort et ne pas perdre de vue l'objectif.

« Ça va, Tahani ? » Demanda-t-il, inquiet.

Ils étaient maintenant au beau milieu de la savane de Prideland. Le Rocher de la Fierté était visible d'ici. Au loin, on pouvait également apercevoir les troupes de Gara et Sharkan, qui étaient postés de manière défensive, prêts au combat.

Une bourrasque d'un vent froid balaya la vallée et un grondement descendit des cieux. D'épais nuages noirs vinrent couvrir la toile bleue qui était suspendue au dessus d'eux. La pluie ne tarderait pas à venir, bientôt le conflit éclaterait enfin. Enfin ? Oui, Tahani en avait marre, et il ne lui tardait qu'un chose, de partir au combat et d'exterminer le poison qui rongeait ces terres depuis déjà bien trop longtemps. Ce combat serait sa seconde bataille, et déjà elle ressentait cette délicieuse sensation qu'elle était née pour ce moment. Que depuis ces quatre années, ses crocs n'avaient attendus que ça, de pouvoir se planter dans la chair d'un de ces démons. Cette fois ci, l'enjeu était bien plus grand, bien plus délicat. Elle aurait certainement à se battre contre son père, qui lui avait choisi le camp des Nyeusis ? Pourquoi ? D'autres Outlanders l'avait suivi, pour son plus grand désespoir. Si son choix serait certainement contredit, pour la première fois son coeur vibrait pour quelque chose qu'elle n'avait pas ressenti lors de sa première bataille : Une soif de liberté. Elle se battait désormais pour libérer un peuple, pas pour une bête histoire de territoire. Cette fois elle se battait pour une cause qui lui tenait à coeur, et tout en elle jubilait.

Tahani se tenait bien droite, fière, face aux terres pour lesquelles le sang serait versé aujourd'hui. À ses côtés, son ami Kumpa semblait frissonner à chaque pas de plus vers son ancien chez-lui. La Princesse brune le comprenait plus que quiconque, elle savait très bien ce que cela faisait d'à nouveau fouler ses terres natales après un long exil. Le Prince avançait, suivit par son peuple. Tahani elle menait les quelques Outlanders qui l'avaient suivie. Derrière eux, il lui sembla reconnaître les rebelles Freelander, ceux qui avaient fuis Sharkan.
Lorsque Kumpa lui demanda si ça allait, elle vit dans son regard qu'il parlait de Massempo, de ce que cela lui ferait de combattre son père.

« Je vais bien. C'est plutôt à toi qu'il faut poser la question. elle lui sourit doucement.
Elle se fichait de combattre son père, elle l'avait maudit tout son adolescence, ça n'allait pas la changer. Cependant, elle gardait dans un coin de sa tête les Outlanders qui ne l'avait pas suivre. Matumani, surtout, qui durant sa jeunesse l'avait toujours soutenue et lui avait souvent dis qu'il était de son côté. Il y en avait d'autres bien sur, et tous étaient désormais au plus bas dans son estime. Tahani était rancunière et susceptible, et si elle devait combattre un membre de son propre Clan car il l'avait trahie, elle le ferait. Et elle vaincrait. La jolie lionne ferma un instant les yeux. Oui, elle avait confiance en elle, cette bataille viendrait s'ajouter à sa liste d'arguments contre Khiaja. Elle aurait une expérience militaire considérable désormais.
Elle se tourna vers ceux qui l'avait suivie. Elle posa un regard bienveillant sur sa mère, elle qui l'avait toujours soutenue, même en temps de guerre elle plaçait tout sa confiance en elle. À ses côtés se tenait Chombo Hiki, le seul et l'Unique. Tahani était extrêmement fière de pouvoir le compter parmis ses partisans, et même ses amis. Il avait assisté à son accouchement et lui avait juré allégeance, elle aurait put lui mettre sa vie entre ses pattes, tant elle avait confiance en lui.

« Je vais bien. C'est plutôt à toi qu'il faut poser la question. »

Le Prince de Prideland renvoya à son amie un sourire également. Il la savait combative, et ne s'inquiétait en rien de la flamme qui animait la future reine. De plus, elle semblait avoir de loyaux sujets, comme le lion à la crinière d'ébène qui était venu la saluer un peu plus tôt. Seulement, Kumpa ne savait pas réellement si lui-même était capable d'affronter sa famille, déjà qu'il avait dû endurer la trahison de Misaada...

« Kumpa. »

L'intéressé détourna son regard vers le son de la voix. Il y avait clairement reconnue celle de Rono.

« Je suis content de te savoir ici, Rono. »

Kumpa ne lui reprochait en rien ses absences répétées, et il était bien trop agréablement surpris pour le blâmer. Aujourd'hui, il se sentait épaulé, et son clan derrière lui. Ce n'était pas comme la dernière fois. Cette fois-ci, Prideland l'appelait et les Pridelanders se battraient tous pour le royaume. C'était tout ou rien, Kumpa le savait. L'arrivée de lions comme Rono ou de hyènes comme Zeke qui renforçait cette idée de bataille finale, d'union, et espérons-le, qui finisse bien. Ils auront tenté le tout pour le tout, contre la tyrannie.

Désormais, les camps se dressaient bien dans la plaine : les Kulishas, des Outlanders, les Nyeusis étaient là. En face d'eux. A la vue de ses ennemis, le prince doré semblait s'échauffer déjà; et ceux-ci semblaient postés, attendant impatiemment l'attaque des Revenants. Ce serait une formidable bataille, et son sang de guerrier circulait ardemment en lui. Cette fois-ci, personne n'en ressortirait indemne, lui-même risquait gros : il serait sûrement la cible première de n'importe quel ennemi ici.

Une fois à une distance respectable des ennemis, le Prince s'arrêta et invita chaque dirigeant à encourager les troupes pour le prochain combat qui les attendait. Lui-même se lança le premier, faisant face aux siens, et proclama haut et fort comme jamais, tout comme un appel aux armes :

« Aujourd'hui, nous faisons face à des usurpateurs ! Nous faisons face à tous ces lâches, qui se sont réfugiés derrière des ruses, sans même avoir la moindre dignité ! » Rugit-il. « Ils nous ont tous opprimés ou manipulés, ils ont essayé de nous réduire à l'état de silence ! Mais aujourd'hui, hurlons et clamons notre férocité, légitimons nos terres ! »

Et cela avec toute l'ardeur dans laquelle il croyait. Kumpa espérait transmettre une bonne fois pour toute son insurrection, et sa flamme de combat qui l'animait en ce jour. Il parlait au nom de tous, et se vantait même de connaître l'ambition de chacun pour la plus grande partie. Tous avaient une intime conviction profondément enfuie contre les Nyeusis et leurs sbires, et il était temps de faire payer les fautifs.

Le lion doré laissa alors la place aux autres dirigeants, qui avaient sans doute tous leur mot à dire. Après cela, et chacun le savait, les vrais affrontements allaient commencer.

De l'autre côté déjà, les lions rugissaient, encouragés par les dirigeants Freelanders.

La pluie se mit à tomber, au rythme des fracassants coups de tonnerre qui faisaient trembler la terre. De temps à autres, un éclair déchirait le ciel crépusculaire avec virulence et le vent s'engouffrait violemment dans la vallée. Le jour touchait à sa fin, seuls quelques ratons lumineux parvenaient encore à percer entre les épais nuages noirs. La lune pointait déjà le boit de son nez, et le ciel commençait à se couvrir d'étoiles, invisibles à cause du temps. Une atmosphère lourde pesait sur Prideland ce soir, l'air était chargé de haine et d'excitation. Le moment que tous attendaient était enfin venu.

Ce n'est que lorsqu'elle vit son père, face à elle, là-bas, qu'elle saisi l'enjeu de ce combat. C'était la dernière bataille, le dernier espoir pour expulser le mal hors de leurs terres. Et son père s'était rangé de l'autre côté. Du côté de la haine, de la douleur. Tahani savait ce qu'il pensait, il ne faisait cela que pour le bien de son peuple. Il pensait que les Nyeusis les aiderait ? Pourtant la jeune Héritière l'avait bien comprit, ces monstres ne protégeraient personne. Ils n'avaient pas d'alliés et n'en déplaisent à Sharkan et Massempo, les pactes qu'ils avaient conclus n'étaient que du vent. La lionne secoua la tête tristement. Elle allait combattre son géniteur, son héros. Elle sortait de l'ombre de son papa, de son protecteur. Il était désormais temps. Pourtant elle l'aimait, et devoir combattre son paternel et ses guerriers lui déchirait le coeur. Elle était partagée entre la tristesse et la colère. Oui, elle en voulait aux Outlanders de ne pas voir l'évidence. Les Nyeusis ne feraient de bien à personne.

« Que ce soit bien clair... elle s'avança face à ses guerriers d'abord, mais elle s'adressait à tout les lions réunis derrière Kumpa également. Sa voix était claire, déterminée, et portait loin. Ceux que nous allons affronter aujourd'hui ne sont pas des lions. Ce sont des monstres. Donc... N'ayez aucune pitié. Elle eu un sourire à la fois malfaisant et à la fois complice, essayant de regarder dans les yeux de chacun des animaux présent, qu'il sache qu'ils pouvaient compter sur elle. Puis elle se retourna vers le Rocher de la Fierté.
Son rugissement déchira l'espace, résonnant dans la vallée avec force. Tant mieux. Qu'ils entendent sa voix, qu'ils sachent qu'elle venait pour eux. Elle allait vaincre !

Sur la Terre des Lions, les choses étaient sur le point de changer. A l’horizon, les nuages noirs de la rébellion s’étaient amassés, et ils grondaient désormais, plus proches que jamais. Juchés sur le Rocher de la Fierté, Gara et les Nyeusis observaient la tempête arriver … si le glas de la victoire avait jadis sonné pour eux, quelque chose, dans leur cœur, était agité. Ils n’avaient pas peur, car les Nyeusis ne connaissaient pas la peur, mais ils ne pouvaient s’empêcher de se questionner quant aux raisons qui avaient poussé les Pridelanders et leurs pitoyables alliés à venir … espéraient-ils vraiment une victoire ? Avaient-ils oublié ce qui s’était passé la dernière fois ? De toute évidence, leur mémoire semblait leur faire défaut, et Gara avait bien l’intention de remédier à cela, et même mieux : cette fois, il n’y aurait pas de seconde chance pour les Pridelanders et leur prince de pacotille. Pourtant, les yeux rivés sur l’horizon, le grand mâle au pelage sombre doutait : quelque chose animait le cœur de ces lions, quelque chose que Gara avait cru brisé mais qui, pourtant, avait su se reconstruire, et bien plus qu’il ne l’aurait cru. Qu’avait donc trouvé Kumpa pour se permettre de croire qu’il pourrait aujourd’hui le vaincre, lui qui avait mis la Terre des Lions à genoux ? Aucun clan, sur cette maudite terre, n’avait été en mesure de lui résister, pas même ces maudits Nordiques aux pelages blancs. En apprenant que les hyènes avaient quitté le royaume pour se ranger aux côtés des Pridelanders, Gara avait grincé des dents, mais rien n’était en mesure de ternir ses convictions : il allait mettre un terme aux espoirs de ses assaillants ; et le soleil se coucherait ce soir sur une savane gorgée de sang. Les hyènes n’étaient pas la seule force des Nyeusis, et personne ne l’oubliait …

Rapidement, le Chef des Nyeusis organisa la défense de cette terre qui, à ses yeux, lui appartenait. Le mâle au pelage brun savait qu’à ses côtés se tenaient Sharkan et Ekua, qui avaient eux aussi des ennemis parmi les Pridelanders : les Rebelles Freelands, qu’ils avaient, de toute évidence, sous-estimé ; mais également Massempo et ses Outlanders – ou du moins une partie, car sa fille, Tahani, avait rallié le reste à sa cause. Sous les ordres de Gara, Mobaya partis épauler Massempo, et Kigeni Sharkan, tandis qu’Ekua avait été désignée pour rester avec lui. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, la défense des Nyeusis était prête. Leur destin, à tous, allait se jouer aujourd’hui, et Gara n’avait pas l’attention de laisser le hasard décider pour eux.

Au loin, à l’horizon, se dessinèrent les lignes ennemies, et l’orage éclata alors. Une pluie diluvienne s’abattit sur Prideland, tandis que les deux armées se faisaient face aux pieds du Rocher de la Fierté. Perché sur le tronc d’un arbre mort, Gara hurla son ultime commandement.

— Tuez-les ! s’exclama-t-il. Tuez-les tous !

Il y eut un tonner de rugissements, et les deux lignes se percutèrent alors. La bataille pour Prideland venait de commencer.

Le Prince de Prideland déposait son profond regard bleuté sur son amie qui prenait à présent la parole pour les siens. Quand bien même elle avait des Outlanders de l'autre côté de la plaine, Tahani n'hésiterait pas une seule seconde. Alors lui aussi, n'avait pas à hésiter. Zeke, qui l'avait autrefois rencontré, prit lui aussi la parole, au nom des hyènes. Ravi de cette initiative, Kumpa ne doutait plus de son alliance avec elles, et était assez curieux même de voir cette alliance être mise en pratique aujourd'hui, comme convenu. Alors, les rugissements de lions et grondements d'alliés résonnèrent dans les deux camps, tandis qu'on entendit clairement la voix du Chef des Nyeusis s'abattre telle la foudre.

« A nous Prideland ! » Rugit-il, tandis qu'il s'élançait en tête, suivit de toute une armée comme jamais vue auparavant.

Aujourd'hui serait un jour gravé dans les mémoires et dans l'Histoire, et ils étaient tous acteurs. Qu'allaient-ils retenir de ce jour-ci ? La victoire des Pridelanders, ou celles des Nyeusis ? Chaque camp connaissait les enjeux de ce combat, et ils étaient primordiaux. La victoire de l'un des camps marquerait la fin de l'autre, inévitablement.

Dans sa course, le Pridelander percuta ses premiers ennemis mais n'en tenait pas rigueur : ses brillaient d'une rage certaine sur Gara et à chaque fois qu'il se relevait, parce qu'il avait été éjecté dans le grand souk qu'était devenu le champ de bataille, Kumpa reposait froidement son regard sur son objectif. C'était ce lion qui lui avait tout retiré, qui l'avait traîné dans la boue et l'avait empêché de venger son père. Possédé par une force de volonté hors du commun, le Prince affrontait ses ennemis Kulishas en se remémorant à chaque fois des mouvements qu'il avait appris auprès de Mobali et Askari, les deux grands guerriers de Prideland, présents dans la bataille eux aussi.

Kumpa ne s'inquiétait plus de quiconque, et croyait absolument à sa victoire. Il avait toujours été très confiant envers lui-même, et il l'était d'autant plus en voyant la mine déconfite qu'avait pu avoir Gara en voyant l'énorme alliance qu'il avait formé pour lui régler son compte, une bonne fois pour toute. Le Prince savait pertinemment qu'il y aurait des pertes à déplorer, et c'était pour ça qu'il fallait en finir au plus vite : le temps entraînait les morts.

Le tonnerre grondait, et la pluie tombait tandis qu'il parcourait à vive allure le champ de bataille. La bataille était serrée, le suspens était à son comble et chacun combattait dans la lutte qui lui semblait noble pour une issue qui était encore incertaine.

Le Sombre Chef des Nyeusis déposait son regard sanglant sur le champ de bataille, alors que les deux camps commençaient à s'entre-tuer. De son tronc, il dominait la savane et en surveillait le moindre recoin, et la progression des troupes. Il espérait intérieurement que Mopango, Mobaya et Kigeni sauraient s'illustrer dignement en tant que Nyeusis, car si Gara détestait bien quelque chose, c'était d'être entouré par des incapables. Normalement chaque Nyeusi était posté à un point fort de la savane, à savoir Sharkan et Massempo. Mopango lui, faisait figure pour ses propres soldats, en tête.

Le Chef des Nyeusis ne comprenait toujours pas l'entêtement des princes de Prideland. Comment pouvaient-ils avoir autant de cran pour revenir le défier ? Lui qui les avait écrasé avec une facilité déconcertante ? Ils étaient décidément suicidaires. Bien qu'aujourd'hui, Gara reconnaissait la bataille comme étant tendue : ils avaient ramenés bien plus de têtes que prévu, et tout ça à cause de cette lionne dorée qui avait entourloupé Mopanga. Si elle n'était pas parvenue à sortir les prisonniers du Rocher, les Pridelanders ne seraient sûrement pas là maintenant. A cette pensée, Gara bouillonna : les femelles n'étaient que de simples objets, comment pouvaient-elles se permettre de se jouer de LUI ?! Ce n'était certainement pas elles qui allaient le défaire aujourd'hui, JAMAIS.

A propos de femelles, le Nyeusi déposa son regard sur Ekua, qui était postée près de lui. Comme toutes les autres femelles, il ne l'appréciait certainement pas et cela se voyait : son regard était empli de dégoût et de colère, d'autant plus lorsqu'elle faisait ses petites remarques. Cela n'étonnait pas Gara que quelqu'un comme Sharkan se soit entouré de cette chose à la langue bien pendue, et autant dire que leur fille Sumu était le digne et dégoûtant portrait de cette femelle.

— Notre priorité est la famille royale de Prideland, si elle meurt, sa petite mascarade mourra avec.

Ceci dit, le grand lion noir sauta à son tour dans la foule. Il allait tous les écraser, et à chaque pas, sa colère grandissait. Ces princes de pacotille allaient périr une bonne fois pour toutes, et il régnerait en maître sur le royaume comme jamais auparavant. Bien qu'il était rassuré car cette bataille lui permettait néanmoins d'en finir une bonne fois pour toute avec les rats, Gara ne pouvait s'empêcher de penser que les Pridelanders avaient un léger avantage, et qu'il faudra combattre avec plus d'efficacité que jamais. Avec persévérance, ils détruiraient petit à petit, un à un, la ridicule alliance des Pridelanders.

Et les combats commencèrent. La lionne brune bondit dans la mêlée, le coeur affolé et les yeux dilatés par l'excitation. Son corps s'était musclé, elle avait acquéri une meilleure détente, une plus grande puissance de frappe. Ses techniques de combats s'étaient développées, elle se battait avec plus de pragmatisme et d'intelligence désormais. L'accouchement se faisait de moins en moins récent, et de jour en jour, malgré le lait qu'elle devait produire pour sa progéniture, elle recouvrait peu à peu sa vivacité d'avant. Malgré tout cela, l'espace d'un instant, Tahani douta. En face, il y avait son propre père. Elle se fichait de ce qu'il allait penser d'elle, mais elle craignait qu'il ne lui arrive quoi que ce soit. Elle repéra au loin la carrure imposante et la fourrure sombre de son géniteur. Elle sourit doucement. Il n'en avait fait qu'à sa tête, comme d'habitude. Elle ne comprenait pas comment on pouvait vouloir soutenir des monstres pareil, ne serait-ce que par principe; ces lions avaient tué, violé, détruit, et combattre à leur côté revenait à être complice de ces crimes. Tout ce qui importait à Tahani était que son père et son peuple s'en sortent vivants, et que la paix revienne sur la Terre des Lions après ces combats. Le reste n'était que secondaire.

Tahani suivit Kumpa, repoussant les adversaires qui tentaient de s'entreposer entre eux et la vraie cible : Gara. Elle était déterminée à l'affronter, aux côtés de son ami. Par dessus la clameur de cris et de haine, elle lui hurla :

« Je t'aiderais. Allons lui régler son compte. » elle ne trouva pas l'envie de sourire avec provocation comme elle l'aurait fait. La nuit s'était abattue sur eux, et les ténèbres prenaient peu à peu possession du champ de bataille. La guerre commençait, pour de bon.
Elle bondit, jouant des épaules pour parvenir jusqu'à sa cible. Lorsqu'elle aperçu enfin la silhouette colossale du chef des Nyeusis, elle se força à ne pas être intimidée. Elle ne cessait de s'imaginer ces lions noirs souiller Kuzali comme ils l'avaient fait et sa haine reprenait le dessus.
Elle bondit, très haut. Elle déchira le ciel, fulgurante comme l'éclair. Elle n'avait pas la force, non, mais elle avait la vitesse. Elle fondit sur Gara, oui, elle osa, et elle lacéra le flanc du mâle avec férocité. Elle planta ses griffes le plus profond qu'elle put, et fut satisfaite lorsque le sang du colosse jaillit. Elle se retira le plus vite possible, se mettant hors de portée de Gara. Après ce coup, il voudrait certainement lui rendre la pareille. Elle espérait que Kumpa saurait enchaîner, car sinon elle ne donnait pas cher de sa peau.

Laissant libre cours à sa colère, ses ennemis tombaient, les uns après les autres. L'imposant lion flanqua une grosse gifle qui envoya valser le guerrier ennemi, avant de le rejoindre dans un grand bond pour poser férocement sa patte sur le cou du lion à terre, et l'égorgea. Lorsque certains répliquaient, attristés par la mort de leur camarade, il les renvoyait sans difficulté... Et les Kulishas finissaient le reste. Lui, il partait et enchaînait les combats, à la recherche de la famille royale de Prideland. Il les tuerait, comme il aurait dû le faire quelques années plus tôt. Il ne voulait pas revivre la défaite comme celle qu'il avait vécu face aux Nordiques. Cette fois-ci, il était le seul et unique vainqueur, il avait appris de ses erreurs.

Alors qu'il progressait sur le champ de bataille, une ombre s'abattit sur lui et lui attrapa le flanc. Gara, qui avait les femelles en horreur, vit rouge et rugit de fureur. Comment cette gamine osait-elle ? Avait-elle envie de mourir pour vouloir affronter le plus dur des adversaires ? C'était du suicide, et Gara lui donnerait bien raison. Alors qu'il s'avançait pour tuer l'insolente, une nouvelle frappe surgit. Cette fois-ci c'était un lion peut-être aussi gros qu'un Nordique, et la menace était un peu plus confirmée. Comme la petite dernière, l'attaquant souhaitait simplement faire le plus de mal possible et s'agrippa aussi férocement pour faire couler le sang.

Surpris, le Nyeusi fut sous le choc de la poussée et tomba, tout comme le Nordique. Seulement, il ne lui fallut même pas une seconde pour se remettre de ses émotions, et après avoir passé la patte sur son museau comme pour chasser le sang, le Nyeusi ria. Oui, ils étaient tous inférieurs, personne ne viendrait à bout de lui. Et leur obstination était trop drôle. Ne comprenaient-ils pas qu'il était invincible ?

Comme s'il se fichait bien du guerrier Nordique, Gara reposa son intention sur la lionne et reconnut enfin la Princesse d'Outland. Il fallait s'y attendre, elle était une traîtresse qui n'avait aucun respect pour les mâles et ses supérieurs. Si Massempo n'avait pas bien agi aujourd'hui en rejoignant le camp des Nyeusis, sûrement Outland serait éradiqué après ça. Etait-elle vraiment faite pour régner sur quoique ce soit ? Aucune femelle ne méritait une telle confiance, et surtout pas Tahani.

— Meurs !

Le chef des Nyeusis s'exécuta, et bondit sur Tahani, la propulsant dans la boue sous son poids. Cette fois-ci, il allait prendre son temps et l'étouffer comme une vulgaire proie et dans la plus grande des simplicités. Après tout, Massempo n'avait plus besoin de sa princesse, non ?

Il fallait se débattre sur un champ de bataille comme celui-ci. Kumpa approuva d'un signe de tête les paroles de Tahani, bien qu'un instant il eut peur pour son amie, qui aurait certainement quelques séquelles avec un combat aussi titanesque que celui-ci. Cependant, il ne fallait pas non plus sous-estimer la puissance des Outlanders, et Kumpa suivait tant bien que mal l'agile Princesse d'Outland, qui savait sans mal se déplacer sur le terrain boueux et sanglant.

Le Pridelander lui, était parfois stoppé dans sa course car nombreux étaient ceux qui le reconnaissaient. Il les mettait à terre, et même dans une violente fureur, le Prince ne souhaitait pas tuer mais assommer. Malheureusement, les Kulishas eux n'étaient pas sur la même longueur d'onde. Bousculé, Kumpa tombait parfois sur le sol mais se relevait à chaque fois, animé par la rage de vaincre. Lorsqu'il releva la tête, il vit le bond fulgurant de Tahani sur le grand lion brun qu'était le chef des Nyeusis.

« Tahani ! » Hurla-t-il, comme s'il pouvait la rejoindre en criant simplement son nom.

Mais non, il était bien trop loin pour la rejoindre rapidement. Lorsqu'il reprit le pas de course, un Kulisha lui sauta dessus et les deux tombèrent sur le sol crade. Kumpa parvint néanmoins à se dégager et à se remettre debout, puis ne manqua pas de mettre une gifle à son attaquant, qui retomba dans la boue.

Alors, le prince reprit sa course, et petit à petit, la silhouette de Gara grandissait. Tahani n'avait rien, Rono était à côté - ce qui soulagea Kumpa. A trois sur le Nyeusi, gagneraient-ils ? Il en doutait, mais il ne laisserait pas passer l'occasion d'en découdre avec le Mal. S'il y avait bien un lion qui méritait de mourir sur ce champ de bataille, c'était bien lui.

Alors qu'il les rejoignait, Gara sauta sur Tahani, la plaquant au sol. Kumpa eut alors un haut-le-coeur, et accéléra la cadence pour sauver son amie de la sentence du Mal.

Le Nyeusi l'aperçut et le fixait avec un sourire en coin, comme si l'affaire était arrangée. Sans réfléchir une seconde de plus, Kumpa se jeta dans la gueule du loup, courageux, et bondit sur Gara, sans réelle tactique si ce n'était que lui faire lâcher prise. Heureusement pour lui, le Chef des Nyeusis était bien plus intéressé par la personne de Kumpa que celle de Tahani, et il décida donc de lâcher son étreinte pour tuer le prince.

Sans commentaires, l'un souhaitant ardemment la mort de l'autre, les deux lions entrèrent dans un combat où l'un jouait de sa force, et l'autre de sa vitesse. Seulement, Gara était plus fort, et Kumpa peinait à lui tenir tête. Il ne tiendrait pas longtemps.

Le rugissement de Gara fit trembler le coeur de Tahani. Peut-être un peu de peur, oui, mais surtout d'excitation. Elle aimait cela, peut-être était-ce un peu masochiste, mais elle adorait combattre, et si son adversaire répliquait, c'était encore mieux. Elle le sentit s'enrager. Il l'attrapa violemment, la plaqua au sol, et força sur son cou. Bien vite, le souffle lui manqua, et elle le vit en être satisfait. Peu à peu, sa vision s'assombrit.
Quitte à mourir, autant le faire sans faiblir, alors elle sourit avec délice à Gara et lui offrit un clin d'œil digne d'une vraie séductrice.
Ce fut un immense soulagement lorsqu'elle vit Kumpa bondir, jaillir dans le ciel tel un éclair orangé. L'imposant mâle sombre se détourna de Tahani, qui en profitant pour se défaire de son emprise rapidement et reculer d'un pas. Elle avait vu ce Nordique qui avait tenté d'attaquer Gara également et elle le retrouva bien vite. Elle lui sourit avec ironie : « Enchantée. »
Voyant que, bien vite, Gara eu le dessus sur Kumpa, elle regarda son camarade gris à la crinière sombre et d'un signe de tête, d'un frémissement d'oreilles, et d'un regard, lui indiqua la cible. « Je prend le bas. »

Sur ce, elle se jeta dans la mêlée furieuse des deux combattants, et par derrière, planta ses griffes et ses crocs dans le bassin du colosse noir. Elle enfonça, enfonça, le plus loin possible. Elle voulait le déchirer, briser ses os. Le goût de son sang lui parvint alors, remplissant sa gueule. Elle ne lâcha pas pour autant, au contraire elle sera encore plus fort. Elle n'avait jamais forcé ainsi, elle mettait tant de violence dans ce coup. Ses muscles la lançaient peu à peu, mais elle les ignorait. C'était sûrement la première fois de sa vie qu'elle mettait tant de haine dans sa morsure et ses griffures. Elle se tordait dans tout le sens pour ne jamais rester dans la même position, pour demeurer loin de ses coups. Elle rugit à l'intention de Rono et du prince doré. Elle espérait que le Nordique et Kumpa sauraient saisir l'occasion et l'aider à l'immobiliser. À trois, ils pouvaient bien arriver à quelque chose.

Elle pensait à Massempo, également. La voyait-il se démener ainsi pour le vaincre ? Il fallait qu'il comprenne. Ces animaux avaient semé le chaos et la destruction, et Tahani ne combattait que pour la paix. De plus, il y avait Kuzali, qui avait tant souffert à cause d'eux. Son père lui en voudrait, c'était certain. Mais Tahani l'aimerait toujours, quoi qu'il fasse, quoi qu'il dise. Il ne lui avait jamais vraiment accordé de compliments, elle savait qu'il l'aimait oui, tout parent aimait son enfant, mais il n'avait jamais été vraiment affectueux. Elle en fichait. Elle le serait, elle lui porterait l'amour qu'il méritait, et ce même si ils ne partageaient pas les mêmes opinions et points de vue. Il était son père, elle lui devait la vie, elle lui devait son sang Outlander, sa bravoure, son impétuosité. Elle était fière, très fière de lui, de ce qu'il avait accomplis. Même si elle craignait que lui ne le serait jamais vraiment, et qu'il ne se rendrait peut être jamais compte de ce que Tahani ressentait pour lui, elle serait toujours fière de lui. Fière de son papa.