Plusieurs jours s'étaient écoulés et Kuzali en était enfin venu à accepter l'évidence : ce qu'elle ressentait à l'égard de Kumpa n'était pas juste amical. Amoureuse ? Trop tôt pour le dire mais les sentiments étaient bel et bien existants. Une fois de plus, la lionne faisait marche vers le baobab pour y rencontrer le prince doré mais cette fois-ci, ce n'était plus la fuyarde qui avait planté le mâle après sa confession mais une lionne déterminée prête à ouvrir son cœur. Kuzali s'en voulait d'avoir fuit le mâle de la sorte mais cela avait été bien trop soudain... néanmoins, elle venait cette fois-ci lui apporter une réponse.

A l'approche du baobab, son cœur s'accéléra. Elle était impatiente comme anxieuse, Kumpa lui pardonnerait-il son départ précipité ? Elle l'espérait de tout cœur après tout, elle était venu le reconquérir. Sans plus attendre, un mâle dans les tons chocolat vint l'interpeller non sans connaître son identité. Il semblait même surpris de voir la femelle après tant de jour d'absence comme quoi, la lionne dorée semblait d'ores et déjà intégré parmi ce clan qui attendait impatiemment son arrivée pour pouvoir se lancer dans des commérages croustillants sur la vie personnel de leur futur roi.

« Préviens le prince qu'une super princesse veut de lui. » annonçait Kuzali sans dissimuler une certaine malice que le garde-frontière ne pouvait comprendre.

Ces quelques mots ne pourraient être compris que par Kumpa lui-même et peut-être ce Pridelander l'avait-il même prise pour une folle mais elle s'en fichait, seuls les deux lions dorés pouvaient comprendre la signification de ses mots et c'était le plus important. Observant le mâle quitter les lieux au pas de course, la lionne s'assit noblement sur sa croupe abaissée et attendit, un sourire songeur aux babines. Elle voulait croiser son beau regard aussi éclatant de pureté qu'un ciel d'été et lui confier ce qu'elle avait lourdement tenu caché.

Étonnamment, la lionne n'était pas nerveuse et attendait sagement l'arrivée du prince qui, à ne pas en douter, ferait son entrée royale d'ici peu de temps. Le seul point d'interrogation qui suscitait était la réaction du prince et la lionne d'or espérait sincèrement que ce dernier ne nourrissait aucune rancœur envers elle. Finalement, la brise vint lui apporter l'effluve du prince et le sourire aux babines, la lionne dirigeait son regard vers le mâle qui accourait en sa direction.

Son regard semblait quelque peu fatigué mais cela ne l'empêchait pas de paraître superbe avec cette fois-ci la crinière disciplinée. Dans sa voix suave se mêlait humour et tendresse et malgré son comportement lors de leur précédente rencontre, la lionne osait croiser le regard du mâle pour y déposer ses prunelles chaleureuses et débordantes de tendresse.

« Pardon d'avoir été si longue, j'avais besoin de temps. »

Quittant alors la faune où elle était venu patienter, la femelle redressait lentement son corps pour s'approcher du mâle et avec délicatesse, elle passait sa tête sous celle de Kumpa dans un geste tendre.

« Tu as été plutôt rapide pour venir me rejoindre. » fit-elle remarquer dans un léger rire.

Délaissant l'étreinte du mâle, la belle lionne se reculait de quelques pas pour croiser à nouveau son regard où elle plongeait éperdument ses iris ensoleillé, tantôt rieuse tantôt tendre.

A l'entente des mots de Kumpa qui expliquaient l'incompréhension du garde ainsi que celle de son frère, la belle lionne fut secouée d'un rire franc et joyeux. Pour ceux qui ne connaissaient pas les origines de ce surnom peu ordinaire, et à l’occurrence ce garde, la situation avait du paraître très étrange mais Kuzali s'en fichait bien, le principal intéressé l'avait entendu et comprise. C'était le principal.

« Ils ont du être surpris. » répondit simplement la lionne, toujours rieuse.

Aujourd'hui, elle observait le mâle sous un nouveau regard alors porté vers l'avenir, comme une promesse. Elle était heureuse d'être ici et de pouvoir rassuré le prince quant à ses intentions. Kuzali n'avait pas oublié les quelques mots prononcé par le lion doré avant son précédent départ :  »Sadaka n'est pas un Nyeusis. ». Cela l'avait touché car quand bien même elle avait suivi son cœur pour se rendre jusqu'ici aux côtés du prince, le bien-être de son fils restait le principal facteur aux yeux de la lionne.

« Je vais bien... J'ai désormais les idées en place et ma récente excursion avec mon fils m'a permise de me reposer, loin de toute cette agitation. »

Un sourire continu aux babines, Kuzali ne cessait de briller sous le regard du prince. Elle savait où le lion voulait en venir et bien qu'il ne semblait pas lui en tenir rigueur, Kuzali n'était pas particulièrement fière de son comportement qu'elle qualifiait elle-même d’immature.

« Et toi, comment vas-tu ? » demanda-t-elle avant d'ajouter la voix plus basse : « Je tenais à m'excuser pour la dernière fois, je n'aurais pas du m'enfuir de la sorte... »

Ce moment entre mère et fils avait autant ravi le lionceau que sa mère et bien que déjà proches, ils en étaient revenus plus soudés que jamais mais la question du père de Sadaka semblait de plus en plus préoccuper le lionceau de suie. Kuzali ne pourrait lui mentir éternellement et un jour ou l'autre, il faudrait bien qu'il apprenne la vérité. Proche de la princesse d'Outland, Kumpa avait également eu la chance de rencontrer les deux héritiers et révélait non sans sourire le lien qui l'unissait aux deux lionceaux.

« Leur parrain ? » répétait la lionne, visiblement étonnée. « C'est amusant de voir à quel point le monde est petit, j'ai également été désignée comme marraine des deux petits. »

Un large sourire éclairait le beau visage de la lionne, amusée par cette coïncidence inattendue. Bien des choses réunissaient les deux lions au pelage rayonnant et sûrement n'étaient-ils pas au bout de leur surprise. Comme pour soulever d'éventuels questions, le prince précisait connaître Tahani depuis un certain temps et que ces deux-là s'étaient liés d'amitié. Contrairement à ce que pouvait penser le prince, ce n'était pas une nouvelle qu'il apprenait la lionne, Kuzali savait déjà tout cela. Tahani avait toujours été fière de son amitié incongrue avec les princes de Pridelanders et elle ne s'en cachait pas. Kuzali se demandait comment avait réagi Samekh lorsque sa femelle lui avait imposé son souhait, sûrement avait-il ronchonné... Cela n'aurait pas étonné la lionne dorée.

« Je sais bien que ta relation avec Samekh ne bat pas de l'aile. » répondit-elle dans un petit rire avant d'ajouter : « Quand à Tahani, je la connais également depuis son enfance. C'est ma petite sœur de cœur. »

Bousculée par ses pensées et ses souvenirs, Kuzali semblait oubliée qu'elle était en présence du prince. Sa sœur de cœur... elle avait déparé et blâmée Tahani pour une chose dont elle n'était pas responsable et la lionne d'or regrettait son égoïsme. La petite princesse qu'elle avait autrefois sauvé d'une terrible chute lui avait manqué et il était délicieux de la retrouver et de pouvoir la serrer contre soi. Les deux lionnes avaient enfin renoué avec ce si beau lien qui les unissait et l'ancienne princesse ne pouvait qu'en être ravie.

« Il y a une première fois à tout, cher prince ! » rétorquait la lionne suite à la remarque du lion, sur le même ton de l'humour. « Et comme tu l'as dis, l'important est que je sois revenue. »

Un sourire aux babines, Kuzali s'approchait doucement du lion pour déposer une lèche sur sa joue. Le regard doux, elle tournait autour du prince avant de venir s'allonger à ses côtés, reposée et légère.

Il semblait étonné et la lionne s'en amusait. Même avec ses plus proches amis, Kuzali conservait cette part de mystère comme si jamais vraiment personne ne pourrait prétendre connaître la fille du soleil.

« J'ai rencontré Tahani quelques temps après mon arrivée sur la Terre des Lions, alors que je traînais encore avec un petit groupe d'Outlanders. Elle s'apprêtait à faire une terrible chute et je me suis précipitée pour l'aider, sans savoir qui elle était. Depuis ce jour et bien que nous ne soyons pas liées par le sang, nous sommes sœurs. » narrait Kuzali pour assouvir la curiosité du mâle à ce sujet.

La lionne souriait suite au commentaire du prince sur la situation et elle le remerciait silencieusement de sa légèreté. Leur relation semblait avoir soudainement changé du jour au lendemain, tous les repères avaient été chamboulés et bien qu'elle prenait garde à ne pas le laisser paraître, Kuzali était encore maladroite. Kumpa pouvait peut-être ressentir la même chose mais lui aussi faisait des efforts pour le cacher et sa manière d'être inchangée était d'une grande aide pour la lionne qui se sentait à son tour transporté par la légèreté du prince.

« Les Mositus et les Jangowas sont en guerre depuis toujours. Être exilés au Baobab, ces lions n'ont pas oubliés à qui ils le devaient. Leur réaction est compréhensible mais il ne faudrait pas que le clan se divise. Tu ne peux plaire à tout le monde, Kumpa. » répondait franchement la lionne tout en essayant d'apaiser les quiétudes du mâle.

Il était songeur, sans doute à penser à ce pacte qu'il avait établi avec Vako ou bien à l'attaque qui approchait. Bien qu'heureuse aux côtés de son fils, Kuzali ne pouvait pas autant oublier sa haine pour son géniteur. La boucle semblait inachevée, comme si une dernière partie manquait pour que cet épisode soit passé. Tant qu'il usurperai le trône de Prideland et qu'il serai vivant, Kuzali sentirait toujours ce souffle rauque sur sa nuque qui venait souvent la réveiller au beau milieu de la nuit, totalement paniquée. Elle avait beau sourire et paraître remise du mal, la lionne dorée était toujours fragile et ne parvenait pas à se défaire de ce démon qui hantait son sommeil.

« Oui, les derniers pions semblent être à leurs places... J'ignore quand sonnera le coup de départ mais je me fie à toi, cela ne devrait plus tarder et bientôt, tu reprendras ce qui te revient de droit et moi... je serais vengée. »

Le regard plus dur et obscur, la lionne dorée orientait son regard vers le priderock, là où régnaient en tyran ces quelques Nyeusis. Les choses allaient changées, très bientôt, et Kuzali serait là pour voir leur règne prendre fin et quand ils seront morts ou en fuite, elle pourra enfin retrouver des nuits calmes et dormir sur ses deux oreilles.

La lionne dorée s'amusait de la rencontre similaire entre le prince et Tahani, cette dernière avait décidément le chic pour se retrouver dans le pétrin bien qu'avec lui, elle avait su faire fort puisqu'il avait été question de crocodiles... Sacrée princesse.

Visiblement, Kumpa était déçu de voir que les Mositus n'avaient pas profiter de son « pacte » avec l'Empereur du désert pour tenter d'arranger les choses entre eux. La lionne comprenait sa déception ainsi que sa frustration mais il fallait se mettre à la place de ces lions, c'était comme demander aux Pridelanders de faire la paix avec les Nyeusis, une chose impensable pour les deux partis.

« Ce n'est jamais facile pour des ennemis éternels de tirer un trait sur le passé, surtout après avoir été chassé de leur foyer. Ce genre de chose prend du temps. »

La femelle parlait d'une voix douce pour faire accepter à Kumpa l'idée qu'il n'était pas le mauvais écrou dans cette affaire. Il ne devait pas prendre ce refus de manière personnelle, ce n'était pas de sa faute. Bien sûr si Kuzali était née lionne Mositus, elle aurait également pris cette entente comme une trahison mais passons, ce n'était probablement pas la chose à confier au mâle d'ores et déjà assommé de doute et d'incompréhension. Kumpa était vraisemblablement vexé de la réaction des anciens habitants de l'Oasis Oubliée et bien que cela pouvait paraître mesquin, Kuzali s'en amusait discrètement. Lui qui voulait toujours bien faire pour satisfaire tout le monde se retrouvait pour la première fois confronté à un refus, cela ne devait pas être évident à comprendre pour lui mais tous n'avaient pas la même façon d'agir et ce que Kumpa jugerait être un bon choix en serait peut-être un mauvais pour un autre. Tout n'était qu'une question de perspective.

« Non, tu n'es rien de tout cela. » répondait la lionne d'un ton léger, amusée par le désarroi du mâle. « Tu as plutôt la tête d'un lion qui a enfin eu le temps de mettre de l'ordre dans sa crinière. »

Le regard malicieux, Kuzali se souvenait encore amusée de l'allure du prince lors de leur dernière rencontre. Semblable à un lionceau tiré hâtivement de son sommeil, Kumpa avait semblait-il « oublié » sa parure de prince pour venir dans le plus simple appareil, comme Kumpa le lion et non Kumpa le prince.

L'amusement fini, le prince répondait à sa compagne d'un ton tendre, l'assurant par ailleurs que le bon temps viendrait tôt ou tard, les Nyeusis une fois chassé du Royaume et l'équilibre rétablit. Kuzali souriait faiblement, ses pensées d'ores et déjà hantées par les Nyeusis. Ce qu'ils lui avaient fait, les choses qu'elle avait vu là-bas... elle n'oublierait jamais rien. Les autres imaginaient mais Kuzali ne savait que trop bien : elle était tombée au beau milieu de l'enfer. Trop fière pour l'avouer, la lionne dorée ne s'était pourtant pas remise de son périple au sein des ténèbres et ses nuits étaient toujours aussi instables. Seul la présence de son fils lui permettait le repos, il n'y avait que lui. Se laissant légèrement aller vers Kumpa, la lionne effleurait son pelage du sien et se laissait aller à quelques confessions sordides malgré les promesses de beaux jours du prince :

« Tu sais, j'ai toujours peur de Mopanga... Il continue de hanter mes nuits et je crains qu'un jour il ne vienne pour Sadaka, j'ai peur qu'il emmène mon fils loin de moi et l'élève comme digne successeur de son sombre héritage et même s'il me laissait le chérir, je frémis à la simple idée qu'ils se rencontrent. Je sais que c'est une chose horrible que celle de vouloir priver un enfant de son père mais un père comme celui-là, Sadaka n'en a pas besoin. »

Pour la première fois, Kuzali osait prononcer le nom du père de son fils à voix haute, chose qu'elle n'avait jamais fait auparavant. C'était comme confesser un crime et que l'on nommait son complice. Les griffes plantées dans la terre meuble, Kuzali maîtrisait ses pulsions et gardait ainsi son sang-froid. Elle avait peur de la vengeance de son amant de l'ombre et ne pouvait que se souvenir de sa colère lors de sa tentative de fuite qui avait alors conduit à l'adultère puis lors de sa véritable évasion où cela avait failli la conduire à la mort. Elle ne devait sa survie qu'à Uhucha, son ancien compagnon qu'il l'avait sauvé in extremi des coups du Nyeusis. La colère de Mopanga avait été terrible et son corps s'en souvenait encore. Plus que les Nyeusis, c'était lui son pire cauchemar.

Si Kuzali avait appris une chose en côtoyant le prince, c'était bien qu'il était profondément attaché à sa crinière et sa barbichette mais qu'elle riait d'ordinaire à ces témoignages d'attachement, il semblait aujourd'hui laisser un goût amer à la gueule du prince. Néanmoins, peut-être était-ce une simple erreur d'observation de la lionne et que le mâle souhaitait simplement accentuer ses différences avec son frère. L'un digne fils de sa mère et l'autre digne fils de son père... Kumpa avait pourtant hérité de la carrure paternel, la couleur d'un pelage ne faisait pas tout et Kuzali était bien placée pour le savoir.

« Tu n'as pas besoin d'une crinière resplendissant pour briller aux yeux des autres, ta personnalité est bien suffisante. » répondait simplement la lionne, le ton doux.

Kumpa et Kuzali avaient cette fâcheuse habitude de toujours faire ressortir le meilleur chez l'autre et s'appuyer dessus pour calmer ses doutes et ses peines. En soit, il était un duo efficace. Sa patte venant se poser sur celle de la lionne dorée, le mâle rassurait tant bien que mal la princesse du Soleil. Kuzali savait la chance qu'elle avait d'être entourée d'autant de lions de confiance qui ne souhaitaient que son bonheur, elle avait beau avoir perdu sa famille, la belle lionne en avait trouvé une nouvelle.

« Oui, je ne peux lui cacher éternellement la vérité, j'en ai bien conscience. Je sais que je dois le faire, il est en droit de savoir mais si tu savais comme c'est dur de dire à son unique fils que son père est un monstre. » répondait la lionne la voix basse avant d'ajouter, encore plus doucement : « La vérité Kumpa, c'est que c'est moi qui ne suit pas prête. »

L'amour d'une mère pour son fils était si grand et son besoin de le protéger si fort qu'elle enfermait parfois l'enfant dans une haute tour d'ivoire qu'elle espérait inatteignable pour quiconque oserait blesser son petit trésor.

« Si je n'avais pas Sadaka à mes côtés, je ne pense pas que je pourrais prétendre être aussi forte. Quand tu deviens parent, c'est toute ta vie qui est chamboulé et ce n'est plus que pour toi que tu vis, c'est également pour cet enfant qui a besoin de toi pour être grand à son tour. » continuait la lionne, le regard un peu perdu jusqu'à ce qu'un sourire malicieux naisse sur ses babines tandis qu'elle se remémorait un certain épisode survenu il y a quelques jours de cela : « J'ai eu le droit à un petit cinéma lorsque je lui ai demandé s'il aurait aimé t'avoir comme beau-père. Il craint que je le délaisse mais jamais une telle chose ne pourrait se produire. C'était amusant de le voir rouspéter de la sorte. »

En même temps qu'elle se confiait à Kumpa et lui livrait cette petite anecdote, Kuzali affirmait par la même occasion son amour inconditionnel pour son fils. Ce serait toujours lui qu'elle ferait passer le premier, toujours. Un sourire amusé tandis qu'elle faisait rejouer la scène dans son esprit, la lionne espérait tout de même que son fils accepterait Kumpa avec le temps. La cohabitation serait aussi houleuse qu'avec Samekh dans le contraire mais cette fois-ci, les rôles seraient échangés et Kumpa serait le membre rejeté tandis que Sadaka celui qui lui jetterait la pierre. Étrangement, ce n'était pas un scénario si difficile que cela à s'imaginer et Kuzali craignait de voir arriver la chose. Seul l'avenir était capable de répondre à cette interrogation et pour l'heure, il fallait attendre.

Les mots de Kumpa était apaisants pour la lionne qui l'écoutait avec grande attention. Le mâle avait raison, Kuzali avait eu la chance de sortir victorieuse de bien des batailles, le jour où elle dirait la vérité à Sadaka ne sera pas synonymes de défaite. La lionne dorée aimait son fils d'un amour sans limite et ce serait par cet amour qu'ils surmonteront tous deux cette épreuve difficile.

« J'espère que tu dis vrai. » murmurait-elle simplement dans un bref sourire.

Étant une fille, Kuzali ne pouvait pas comprendre ce qu'était être un fils mais Kumpa était là pour l'aider et allumer sa lanterne. Ressentait-il encore ce besoin de protéger sa mère des autres mâles ? Cela n'aurait pas étonné la lionne mais elle fit aucune remarque après tout, il était important pour un mâle de conserver sa virilité. Cela n'avait pas de prix.

« Merci. Sadaka est encore jeune et jusqu'à aujourd'hui, nous avons toujours vécu tous les deux bien qu'entourés du reste de notre drôle de famille. Ça n'a toujours été que lui et moi, il doit avoir du mal à se défaire de ce portrait familial. »

Le lionceau avait grandi sans figure paternelle et bien que cela aurait pu être possible, il n'a jamais vraiment établi de lien avec Samekh qui aurait alors pu compenser ce vide. Le seul lion restant était Rono qui avait accompagné Kuzali durant son accouchement et leur rendait régulièrement visite. Il était également le parrain de Sadaka. Kuzali savait son fils très attaché à son précieux ami mais dernièrement, Rono ne venait plus. La lionne était sans nouvelle et se demandait si le mâle cendré n'avait pas rejoint le nord quelque temps, cela semblait être la seule explication.

« Que comptes-tu faire lorsque les Nyeusis seront vaincus ? Faire régner la prospérité sur ton royaume et remettre les choses en ordre ? » demandait subitement la lionne en repensant aux récents événements avant de demander la voix plus grave: « Penses-tu que le règne de Sharkan perdurera après qu'il ait perdu ses plus précieux alliés ? Les rebelles sauteront sur l'occasion pour attaquer et il n'aura plus personne pour venir l'aider... Les règnes se font et se défont mais certains ne devraient jamais se retrouver sur un trône. »

La lionne dorée se souvenait encore de sa rencontre avec le tyran de Freeland qui avait pris fin sur une promesse de mort. Il était préférable que ces deux-là ne croisent plus leurs chemins...

Plus le temps passait et plus Kuzali comprenait qu'elle enfermait son fils dans une bulle qui lui deviendrait nocive avec le temps. Heureusement que ce dernier était animé par un esprit d'aventurier, cela lui avait permis de rencontrer d'autres lions comme la petite Waasi ou encore Akhet le suricate.

« Je lui parlerai après que les Nyeusis soient défaits. Je lui dirai qui est son père. » annonçait la lionne dans un bref soupir bien que son regard exprimait toute sa détermination.

Grandir au sein d'un clan était une chose merveilleuse et Sadaka méritait une enfance des plus normales et bercée par la douceur et l'amour. Kuzali avait toujours veillé a combler le vide dans le cœur de son fils mais même avec toutes ses bonnes intentions, il y avait certains manques qu'elle même ne pouvait compenser.

Consciencieux et songeant d'ores et déjà à son règne à venir, Kumpa exprimait son envie de modifier certaines règles. Intriguée, la lionne soulevait l'un de ses sourcils, à l'écoute du mâle. Les hyènes... oui, c'était bel et bien un sujet sur lequel il fallait se pencher. Peu présentes sur ses terres natales, Kuzali n'avait jamais connu la mésentente avec ces dernières et depuis sa rencontre avec les trois rejetons de la cheftaine, elle les appréciait même, principalement Makeo dont le courage avait été plus grand que certains lions. Comment s'étaient-elles retrouvées bannies dans le fin fond de la Terre des Lions ? Sans doute cela avait-il un lien avec ce roi fou...

« Racontes moi, je veux savoir. »

Longtemps restée éloignée de la vie des clans, Kuzali avait peu de connaissances sur leurs histoires ou leurs traditions si ce n'était ce que lui avait appris Kumpa lors de leurs diverses rencontres. Curieuse d'en savoir plus sur l'héritage de son mâle, elle s'était allongée à ses côtés, les oreilles grandes ouvertes et un sourire aux babines.

Conscient de chaque détail à prendre en compte, le lion doré avait même eu l'idée de loger les rebelles de Freeland sur ses terres après que ces dernières aient été récupérées afin de venir renverser le régime tyrannique de Sharkan. Un à un, ils allaient tous tomber. Les temps avaient été sombres mais l'ombre d'un éclat semblait pourfendre le ciel, la paix reviendrait tôt ou tard.

« Les tyrans tomberont et s'élèveront les élus. » murmura la lionne à la manière d'une prophétesse livrant sa vision héroïque du destin des grands rois.

Attentive et les yeux rivés sur le mâle, Kuzali prêtait une grande attention aux récits des ancêtres de Kumpa. Le passé était une énigme qui détenait beaucoup de clef pour comprendre le présent ainsi que le futur, il était impératif pour la lionne d'en apprendre plus sur les Pridelanders mais au-delà de ce devoir, elle était également ravie d'en apprendre un peu plus sur la famille de son compagnon. L'histoire de Wazimu était non seulement tragique mais elle était aussi le détonateur du conflit avec les hyènes.

« J'ignorais tout cela... merci de m'avoir confié cette histoire. »

On décrivait souvent la guerre comme terrible et source de malheurs mais l'amour bien que plus beau sentiment sur terre était également le plus grand des maux, il avait tué bien plus qu'on ne le pensait et se révélait être à l'origine du conflit entre les Pridelanders et les hyènes. Cela n'avait pas du être facile pour Farao de porter un tel héritage... mais la lionne le savait, Kumpa serait différent de son père. Lui saurait agir et rendre les choses meilleures, il ramènera la lumière sur sa lignée et brillera comme le plus grand des rois.

« La folie nous guette tous un jour ou l'autre, se laisser submerger ou se relever, tout dépend de notre volonté. Ton grand-père s'est laissé guider par elle et par peur de perdre celle qu'il chérissait plus que tout au monde, il a plié et a tout fait pour la protéger, quitte à prendre de mauvaises décisions non sans conséquences désastreuses. Par amour, on peut devenir fou... » épiloguait la lionne, conscience de cette vérité accablante. « Mais tu n'es pas ton grand-père ni même ton père, tu es toi. Tu es Kumpa, le roi qui ramènera la lumière sur Pridelanders. »

Le regard doux, Kuzali posait tendrement sa patte sur celle du prince doré, espérant lui transmettre tout son soutien. L'ancienne princesse n'était plus une lionne fragile, elle avait grandi et mûri, ce n'était plus l'enfant d'autrefois et elle avait conscience que Kumpa aurait besoin d'un roc à ses côtés durant son règne, quelqu'un qui soit toujours auprès de lui pour l'éclairer et lui redonner espoir quand il n'y en avait plus. Si le prince le permettait, Kuzali serait ce roc.

Il était évident que le lion doré avait une certaine pression sur ses épaules de par ses aïeuls, celle de réparer les erreurs de ceux qui l'avait précédé et redresser la barre pour rendre les choses différentes mais il y parviendrait. Son dévouement à reprendre ses terres était bel et bien la preuve de sa détermination. Les Nyeusis chassés, Kumpa avait bien l'intention d'aider les rebelles à faire tomber Sharkan puis de rétablir la paix entre lions et hyènes. Il ne serait pas un simple souvenir dans les mémoires, il serait un pilier, une renaissance pour Prideland.

« Ton grand-père avait tort, les hyènes ne sont pas nos ennemis. Tu peux ramener la paix entre nos deux espèces, la libération des chiots est un engrenage parfait. J'ai eu le temps de côtoyer Makeo et sa sœur, si Kuruka prend la suite de sa mère, je suis persuadée qu'elle aussi saura agir pour le chemin vers la paix. »

Ce doux sourire éternel à ses babines, la lionne dorée soutenait le regard de son compagnon avant de délicatement poser sa joue sur l'épaisse crinière du mâle. L'attente pouvait paraître longue mais la patience était nécessaire pour ce genre de tournant dans l'histoire. D'un murmure semblable à la brise du vent, la lionne lui souffla :

« Les temps vont changés, bientôt... »

Une reine... Kuzali avait presque oublié ce détail en devenant la compagne du prince héritier de Prideland. Serait-elle à la hauteur du titre qui l'attendait ? Elle l'espérait de tout cœur et rendit tendrement son sourire au mâle.

« Je serais à tes côtés pour t'épauler, Kumpa. Toujours. »

La promesse d'un soutien et d'un amour éternel. Quand Kuzali aimait, elle ne faisait jamais les choses à moitié et le bonheur de ses proches lui était primordial. Avançant la thèse de sa compagne quant à une éventuelle paix avec les hyènes, le lion doré lui affirma avoir lui-même rencontré l'une de leur congénères qui plussoyait également cette idée.

« Je suis certaine que Kuruka et son frère œuvrerons pour la paix et, si comme tu le dis, d'autres hyènes souhaitent également cesser cette querelle qui n'a que trop durer, j'ai foi en un accomplissement positif conduisant à l'entente entre nos deux espèces. »

La lionne se lova volontiers contre le mâle lorsque ce dernier blottit sa tête contre la sienne. La présence de Kumpa lui apportait un apaisement sans nom et éloignait d'elle tous ces soucis qui pouvaient lui peser sur la conscience. Dans un râle de bien-être, la lionne se laissa un peu plus aller vers le prince puis lui murmura, les paupières closes :

« Ça ne te dérange pas si je m'assoupis un moment ? Je n'ai cessé de courir partout dernièrement et la fatigue devient pesante... »

Son souffle se faisait plus lent et profond, signe que le sommeil la gagnait. Ce n'était pas dans ses habitues de s'assoupir n'importe où mais en présence de Kumpa, elle se sentait protégée. Elle n'avait rien à craindre et pouvait même avancer que son sommeil serait animé par de jolis rêves teintés de romance.