Ecoute Papa, c'est important...

Non.

Père, nous devons parler.

Non non...

Papa. Des mois se sont écoulés depuis que nous avons été chassé de chez nous. Je ne te l'ai jamais caché : je rêve de voyager, je ne pense qu'à ça chaque jour. Aujourd'hui plus que jamais, j'ai besoin de voir le monde. J'ai besoin de découvrir ce qui m'entoure, de comprendre. Je veux savoir si, ailleurs, les lions sont comme nous, ou comme les Jangowas. Notre cohabitation avec les Pridelanders m'a fait comprendre que je connaissais rien des autres clans. Je sais que je suis jeune, et que le monde est dangereux, mais j'ai besoin de partir. Tu m'as toujours encouragé à croire en mes rêves, et aujourd'hui je sens qu'il est temps que je réalise le mien. Je suis désolée de t'abandonner, mais je reviendrais. Je reviendrais grandie et prête à affronter la vie.


Baradi hocha la tête. Voilà ce qu'elle devait dire ! Cela faisait des heures qu'elle répétait son discours, et il semblait qu'elle avait enfin trouvé les bons mots. Cette nuit, après moult hésitations, la jeune Mositu avait pris sa décision : elle allait partir en voyage. Elle avait bien assez attendu, et ne se sentait plus capable de patienter d'avantage. Depuis leur arrivé dans la lande, elle s'était concentré sur l'entraînement de la chasse, qu'elle savait nécessaire à toute aventure, et avait pris le temps d'explorer quelque peu les alentours. Elle ne se sentait plus aussi emprisonné qu'elle l'était à l'Oasis, la vallée était grande, mais elle était encore restreinte à u territoire limité. Elle n'était plus une enfant à présent, elle était prête. Le seul obstacle qui persistait donc entre elle et son aventure était son père. Elle devait lui annoncer son départ, et ce serait sans doute la chose la plus difficile à faire. Elle devait pourtant prendre les devants et se lancer, elle n'avait pas le choix.

La féline se redressa, pleine d'aplomb. Elle sentait en elle le courage d'affronter toutes les épreuves. Chezo était capable d'accepter sa décision, et malgré sa peine, il ne l'empêcherait pas de réaliser son rêve, elle le savait. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était lui parler. Tournant les talons pour se mettre à la recherche du lion brun, Baradi se retrouva alors truffe à truffe avec lui. Il se tenait juste derrière elle, la couvant d'un regard amusé et bienveillant.

- Ah, papa ! Justement euh... Je voulais te parler.

Elle se sentait beaucoup moins brave tout à coup, alors qu'elle avait son géniteur sous les yeux. Elle ne craignait pas sa colère, mais avait terriblement peur de le blesser. Elle était sa seule famille après tout. Pourtant, il continuait de la fixer, avec cet air rieur dans le fond de ses prunelles.

- Une histoire de voyage non, mh ?

Baradi ouvrit la bouche et regarda son père avec incrédulité. Comment pouvait-il le savoir ? Lisait-il dans ses pensées ? Devant son air ébahi, Chezo ajouta, avec le plus grand sérieux.

- Tu murmure à voix basse depuis toute à l'heure, je n'ai pas pu m'empêcher de tendre l'oreille.

Gênée, la jeune lionne regarda ses pattes. Elle n'avait pas vraiment imaginé que les choses se passeraient ainsi. Cherchant ses mots, elle se mis à balbutier en grattant le sol du bout de sa griffe.

- Ah, et bien... Oui je... Je voulais t'en parler.

Elle ne savait plus vraiment pas où commencer à présent. Puisqu'il avait tout entendu, cela lui simplifiait les choses d'une certaine manière, tout en la mettant horriblement mal à l'aise. Que pouvait-elle bien dire ? Il la sauva de sa détresse en déclarant d'un ton doux.

- Ne t'en fais pas ma chérie, j'ai compris où tu voulais en venir. Je sais que tu rêve de voyager depuis très longtemps, et je ne t'en empêcherais pas.

Baradi leva vers lui un regard plein d'espoir. Ses prunelles d'émeraudes brillaient d'un éclat vif, se plongeant dans celle bleue sombre de Chezo.

- C'est vrai ? Tu n'es pas fâché que je veuille partir ?

- Je ne te cache pas que ça me peine, mais je ne peux pas t'enfermer auprès de moi pour toujours. Tu as ta vie à vivre, tes choix à faire. Et puis, j'ai été jeune, je sais ce que c'est.

- Tu veux dire que tu as voyagé toi aussi ?!

Le grand lion éclata de rire, sous le regard ahuri de sa fille. Cette dernière ne s'était jamais douté que son père ai pu vivre des aventures dans sa jeunesse, elle avait toujours pensé qu'il avait vécu avec les Mositus toute sa vie.

- Je te raconterais à ton retour ! Découvre le monde ma chérie, mais sois prudente. Trouve toi un compagnon de voyage, le périple est moins périlleux à deux.

- Ne t'en fais pas P'pa, il ne m'arrivera rien ! Et je sais déjà à qui demander de m'accompagner...

- Alors file, et reviens moi plus forte que jamais.

La jeune Mositu alla se blottir contre la crinière chaude et fourni de son père, se serrant contre lui une dernière fois avant le début de son aventure. Il déposa un coup de langue plein de tendresse sur le crâne de la féline et la regarda reculer avec douceur.

- Promis ! Je ne te décevrais pas !

Sur ces mots, elle tourna les talons, et se mis en quête de celui avec lequel elle voulait partir à la découverte du monde, laissant son père derrière elle. Ce dernier avait le cœur lourd, mais il tachait de rester fort devant sa fille, refusant de lui montrer son chagrin. Elle devait vivre sa vie, il le lui avait dit, et ne voulait pas l'empêcher de voler de ses propres ailes. Il l'avait senti lui aussi, il était temps pour elle de voyager. Il la regarda donc s'éloigner, une larme roulant sur sa joue, mais un sourire sur les babines.

Nsaï. Voilà le nom que Baradi avait en tête, à présent qu'elle était sur sa lancée. Son père lui avait dit de trouver un partenaire de voyage, et c'était bien ce qu'elle avait l'intention de faire. Il y a longtemps déjà, alors même qu'ils étaient encore à l'Oasis, Baradi s'était grandement liée d'amitié avec Nsaï, un mâle de son clan plus âgé qu'elle, qui était peu à peu devenu très important à ses yeux. Il lui avait promis de partir avec elle lorsqu'elle serait prête à voyager, et ce moment était à présent arrivé. Elle savait qu'elle pouvait compter sur lui, et n'imaginait pas quitter le clan avec quelqu'un d'autre que son frère de cœur. Elle se rendait bien compte que leur relation évoluait, avec le temps, et elle se mettait elle-même à le considérer différemment que lorsqu'elle était enfant. Comment ignorer le beau lion adulte qu'il était devenu, avec son épaisse crinière brune et ses yeux plein de douceur ?

Ses propres pensées la firent rougir de l'intérieur. Elle du réprimer le petit sourire qui naissait naïvement sur ses babines et se remis à la recherche de son ami. Ce n'était pas vraiment le moment de se laisser aller à ses délires d'adolescentes ! Elle devait prouver à tous qu'elle devenait une adulte, justement. Elle avait cependant encore un fond enfantin en elle, et ne le cachait pas. C'était peut-être pour cela qu'elle tenait tant à voyager, au fond d'elle, afin de grandir. Ses réflexions prirent fin brusquement lorsqu'elle aperçu la silhouette de Nsaï, à quelques mètres de là. Ses oreilles se dressèrent vivement, et, oubliant ses résolutions, se précipita vers lui. Prenant son élan, elle lui bondit dessus comme elle le faisait jadis, sans songer que son poids n'était plus tout à fait le même qu'avant.

- Nsaï ! Il faut que je te parle !

Ce fut seulement une fois dans les airs qu'elle se rendit compte qu'elle risquait de lui faire mal, en lui atterrissant dessus. Il était toutefois trop tard pour changer de trajectoire, il n'y avait qu'à espérer que Nsaï soit réactif.

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Spoiler:

Nsaï n'avait pas dormi. Cela faisait des mois que les Mositus s'étaient installés sur la Lande en compagnie des Pridelanders, la vie avait suivi son cours, mais... Il manquait quelque chose. Vivre sur la lande restait plutôt agréable en soi, et les Pridelanders étaient aimables, mais ça ne suffisait pas. Le lion brun avait passé la nuit à tourner en rond, à l'écart du groupe pour ne pas déranger les autres. Il n'aurait su mettre de mot sur cette gêne qui le tourmentait depuis peu. Il avait fait le deuil de son père, accepté sa mort, il était en paix avec son souvenir, ce n'était donc pas de là que venait son tourment. Bien sûr, il était encore traumatisé par la bataille contre les Jangowas, mais il avait appris à vivre avec. Il avait même réussi à sortir sa mère de son mutisme. Mais quelque chose, au plus profond de lui, n'allait pas.

Quand le soleil se couchait, que le ciel se teintait de rose, d'orange, quand les étoiles brillaient et que la lune posait sa lumière bienveillante sur le paysage, quand le vent faisait frémir les feuilles du Grand Baobab, Nsaï se sentait profondément triste. Malgré la beauté de ces évènements, le Mositu avait l'impression qu'ils n'étaient pas complets. Ils ne l'étaient pas, car ils auraient pu être bien plus. Nsaï se rappela la beauté frappante des montagnes à la frontière du Royaume du Nord, le bonheur qui s'était saisi de lui au moment où il les avait aperçues. Il n'avait plus jamais ressenti ça. Ce sentiment lui manquait.

Après une longue réflexion, le lion réussit à identifier son mal. Il s'était embourbé dans sa vie sur la Lande. Cette vie calme, à se balader, flâner, faire la sieste. Discuter parfois. Il aurait pu faire bien plus. Il voulait faire bien plus. Dans ses rêves d'enfant, il était un intrépide voyageur, à la conquête du monde. Il s'était enfermé dans ses rêves, et ça lui avait causé du tort. Mais à présent, il se rendit compte qu'il les avait totalement mis de côté à son arrivée sur la Lande. Il se décevait lui-même. Il pensa à Baradi, son amie la plus proche. Si elle le savait, elle serait déçue aussi. Il lui avait promis qu'ils partiraient. Mais il avait oublié sa promesse, il s'était laissé aller à la vie paisible et calme à laquelle il n'avait jamais aspiré. Peut-être cette vie lui conviendrait plus tard, mais Nsaï était encore trop jeune pour s'en contenter.

Il fallait qu'il bouge. Qu'il agisse. Il devait s'en aller s'il voulait vivre. S'il voulait redonner vie aux paysages qui l'entouraient, s'il voulait ressentir le même bonheur qu'en découvrant les montagnes après le Désert. Il était temps d'honorer sa promesse. Baradi avait grandi, et était en âge de partir, c'était maintenant ou jamais. Mais il fallait d'abord qu'il dise au revoir à sa mère. Ce serait difficile, car même si elle allait mieux, Nsaï ne savait pas si elle serait prête à voir son fils partir. Il s'assit près d'elle, et attendit patiemment son réveil pour lui annoncer la nouvelle. Mon fils, lui avait-elle répondu, je veux que tu sois heureux. S'il faut que tu partes pour ça, je ne te retiendrai pas. Tu me manqueras, mais je suis forte, ne t'inquiète pas pour moi. Tu as bien grandi, je suis fière de toi. Nsaï sentit des larmes monter à ses yeux. Que sa mère lui dise qu'elle était fière de lui était le plus beau de cadeaux. Sa mère était en effet la lionne la plus forte qu'il ait connue. Faire sa fierté était un honneur. Merci, mama.

Il ne lui restait plus qu'à annoncer à Baradi qu'il était prêt à honorer sa promesse. Il savait qu'elle voudrait toujours partir. Restait à savoir si elle était prête, si elle voudrait partir maintenant. Si ce n'était pas le cas, il devrait prendre son mal en patience, mais il attendrait. Il avait promis. Il ne partirait pas sans elle. Leur amitié était forte, il tenait à elle, il ne l'abandonnerait pas, ne la trahirait pas.

Il se mit donc à la recherche de son amie, mais ce fut elle qui le trouva.

- Nsaï ! Il faut que je te parle !

Le lion brun tourna la tête et vit une Baradi adolescente s'élancer vers lui. Il eut un flashback de leur rencontre, quand elle lui avait sauté dessus et qu'il avait fait mine de tomber. Cette fois, s'il ne s'écartait pas, il allait réellement tomber, et éventuellement se faire mal. Il voulut faire un pas sur le côté, mais il s'y prit bien trop tard, et son amie lui tomba dessus, le faisant heurter le sol au passage. Il eut le souffle coupé un instant, puis éclata d'un rire tonitruant.

- J'espère que tu ne t'es pas fait mal !

... Parce que moi, oui.

La lionne au pelage sombre avait grandi, et son ami venait d'en faire les frais. Bientôt, Baradi sortirait de l'adolescence. Le temps était passé si vite. Nsaï sourit.

- Tu tombes bien, sans mauvais jeu de mots. Je voulais te parler aussi. Mais commence, je t'écoute.

Honneur aux lionnes.

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Entendant l'appel de la jeune lionne brune, Nsaï tourna la tête et l'aperçu, tandis qu'elle bondissait joyeusement vers lui. Elle vit dans son regard que la réception ne serait pas aussi aisée que lorsqu'elle était enfant, et en éprouva une certaine satisfaction. En effet, si elle appréciait le mâle depuis très longtemps, elle savait qu'il al considérait toujours comme la petite femelle qu'elle était jadis. Il était temps qu'elle change cela, qu'elle gagne son respect et qu'elle lui montre qu'elle était devenue une adulte. Enfin, pour cela, il fallait peut-être qu'elle cesse de sauter sur lui sans réfléchir. Il n'était toutefois plus possible de revenir en arrière maintenant qu'elle était dans les airs, et elle ne tarda pas à atterrir sur son ami. Ce dernier éclata de rire, mais sa grimace de douleur n'était pas passée inaperçu à Baradi. Elle le rejoignit dans son hilarité cependant, et se dégagea rapidement pour le laisser se relever. Elle éprouvait désormais un étrange sentiment de plaisir mêlé de gêne à se retrouver si proche de lui.

- J'espère que tu ne t'es pas fait mal !

Elle secoua la tête, riant toujours de sa bêtise. Elle ne pouvait décidément pas s'empêcher de se faire remarquer avec son comportement d'ahurie ! Elle souhaitait que Nsaï la voit comme une adulte, mais elle ne pouvait pas vraiment changer sa vraie nature. Il semblait l'apprécier ainsi de toute manière, ce qui n'était pas plus mal. Elle remarqua alors qu'il l'observait de haut en bas, avec un petit sourire, ce qui l'étonna. Il reprit la parole sans attendre.

- Tu tombes bien, sans mauvais jeu de mots. Je voulais te parler aussi. Mais commence, je t'écoute.

Elle était plutôt surprise de cette déclaration, et sa curiosité était aussitôt attisée. Que pouvait donc vouloir lui dire son ami ? C'était visiblement quelque chose de positif, si on se fiait à son expression. Son attention à présent piquée, Baradi en oubliait presque la raison qui l'amenait à vouloir impérativement lui parler aujourd'hui. Elle ne devait cependant pas perdre de vue ses objectifs, et, réprimant son envie de questionner Nsaï, remis ses idées en place. Par où devait-elle commencer ? Elle n'avait pas prévu de discours, comme avec son père, elle allait donc devoir y aller à l'instinct. C'était cependant la meilleure des méthodes, elle le savait bien, et n'avait pas l'intention d'y aller par quatre chemins pour exposer les choses à son ami. Elle éprouvait une légère appréhension, craignant qu'il soit revenu sur sa décision et refuse finalement de partir à l'aventure avec elle. Cela pouvait très bien arrivé après tout, si sa mère n'allait pas bien, ou s'il avait rencontré quelqu'un ici, dans la lande... Étrangement, cette idée provoquait chez Baradi un sentiment incertain qu'elle ne parvenait pas à cerner. De la jalousie ? Elle secoua la tête. Ce n'était vraiment pas le moment de penser à ces choses là !

- Alors, tu te souviens que je rêve de voyager depuis que je suis toute petite ? Eh bien, j'ai pris ma décision cette nuit : il est temps de partir ! Tu avais accepté de m'accompagner, et même si c'était sûrement pour me faire plaisir, je voulais savoir si ça t'intéressais toujours.

La jeune lionne était plutôt fière d'elle, elle avait réussi à aller droit au but sans se perdre dans les fils indémêlable de ses réflexions. Elle appréhendait toujours légèrement la réponse de son ami, mais elle avait parlé d'un tel aplomb qu'elle s'en sentait galvanisé. Elle irait jusqu'au bout du monde, et avait bien l'intention que Nsaï vienne avec elle.

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Spoiler:

Tout en se relevant, Nsaï sentait que son amie avait envie de lui demander ce qu'il voulait lui annoncer. De son côté, le lion mourait d'envie de lui dire ce qu'il pensait. Mais il ne lui couperait pas la parole, même si à cet instant, il fut pris de peur. Et si elle venait lui dire qu'elle avait décidé de rester ici ? Il n'y avait pas pensé un instant. Cela lui semblait peu probable, Baradi n'était pas du genre à abandonner ses rêves, mais c'était une possibilité non négligeable. Et qu'allait faire Nsaï si son amie désirait s'installer définitivement sur la Lande ? Il devrait partir seul. Mais voyager seul aurait quelque chose de moins. Il voulait certes s'en aller, mais il voulait partager ça avec quelqu'un, et qui de mieux que Baradi ? Qui d'autre qu'elle ?

L'instant sembla s'étirer, instant pendant lequel Nsaï sentit l'hésitation de Baradi. Puis elle secoua la tête comme pour chasser une mauvaise idée de sa tête. Nsaï réprima un sourire, et l'instant d'après se déroula très rapidement.

- Alors, tu te souviens que je rêve de voyager depuis que je suis toute petite ? Eh bien, j'ai pris ma décision cette nuit : il est temps de partir ! Tu avais accepté de m'accompagner, et même si c'était sûrement pour me faire plaisir, je voulais savoir si ça t'intéressais toujours.

Toute pression disparut, Nsaï prit le temps de respirer et de rire. Quelles étaient les chances pour que lui et Baradi réfléchissent à la même chose, la même nuit, et en viennent aux mêmes conclusions ? Elles devaient être très minces. Le lion brun s'assit, regardant son amie droit dans les yeux. Qui savait ce qui se passait dans sa tête ? Nsaï était curieux de savoir quelle pensée parasite elle avait chassée de son esprit en secouant la tête plus tôt. Ce qui était sûr, c'était que derrière ce regard, il y avait eu une pensée similaire à celle de Nsaï, et ce dernier remerciait les esprits d'avoir causé ce coup du destin.

- Je t'avais promis de t'accompagner, ce n'était pas seulement pour te faire plaisir, c'était sincère. Il sourit. A vrai dire... Je n'ai pas dormi de la nuit. J'ai passé des heures à penser à ce voyage justement. Je te cherchais pour te demander si tu voulais toujours partir, parce que je suis prêt.

Nsaï était très fier d'annoncer ça. Le malaise de ces derniers jours semblait n'être plus qu'un souvenir. De toute manière, tout semblait aller bien quand Baradi était dans les parages : c'était une amie en or, et il tenait beaucoup à elle. Ils avaient fait du chemin depuis leur rencontre dans l'Oasis.

- C'est amusant, quand même, qu'on y pense au même moment.

Nsaï sourit à cette coïncidence et son amie.

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La première réaction du mâle fut de pousser un soupir, ce qui étonna le jeune lionne, qui dressa ses oreilles sur son crâne. S'en suivit ensuite le rire, qui vexa grandement Baradi. Qu'est-ce que cela signifiait ? Trouvait-il sa proposition amusante ? Qu'elle n'était pas digne d'être pris au sérieux ? Cela montrait-il qu'il ne la considérait toujours pas comme une adulte, mais réellement comme une enfant rêveuse ? Toutes ses pensées se bousculèrent dans l'esprit de la Mositu, tandis qu'elle attendait des éclaircissement de la part de Nsaï. Ses émotions étaient trahies par le mouvement de ses oreilles, et par l'éclat de ses prunelles. Elle était comme un livre ouvert, surtout pour son ami qui la connaissait très bien. Il ne devait donc avoir aucun mal à lire le désarroi et le doute dans les yeux de la féline. Le mâle brun s'assit alors en face d'elle, la regardant profondément de ses iris auxquels elle trouvait un charme nouveau et rompit finalement le silence, d'un ton joyeux et fier, qui désarçonna encore d'avantage Baradi.

- Je t'avais promis de t'accompagner, ce n'était pas seulement pour te faire plaisir, c'était sincère. A vrai dire... Je n'ai pas dormi de la nuit. J'ai passé des heures à penser à ce voyage justement. Je te cherchais pour te demander si tu voulais toujours partir, parce que je suis prêt.

La femelle à la robe sombre ouvrit la bouche de stupeur. Elle qui avait craint un refus, qui s'était imaginé milles réactions différentes... Elle n'aurait jamais imaginé que son ami ait pu avoir les mêmes pensées qu'elle au même moment, et qu'il ait souhaité lui en parler, précisément lorsqu'elle avait désiré lui parler également. Incrédule, Baradi fouilla dans le regard de son interlocuteur une trace de plaisanterie, mais il n'y avait que sa profonde sincérité. Pour la première fois depuis longtemps, le regard de la féline s'attarda sur les cicatrices qui couturaient le visage de son ami. Sans qu'elle sache réellement pourquoi, elle ne s'était jamais arrêté sur ce détail. Il était le signe que Nsaï s'était battu pour les Mositus, et qu'il en avait été blessé. Peut-être aurait-elle du éprouver de la haine envers les Jangowas en voyant cette marque, à jamais graver sur le visage de l'être qui, avec son père, comptait le plus pour elle. La jeune lionne cligna des yeux, consciente qu'elle avait encore laissé son esprit dérivé. L'étonnement s'effaça peu à peu de son expression, pour laisser place à une joie intense, qu'elle réalisait seulement maintenant.

- C'est amusant, quand même, qu'on y pense au même moment.

Amusant était un faible mot pour décrire l'insolite situation qui se présentait à eux. Baradi, dont les yeux grands ouverts indiquaient la surprise et l'euphorie qu'elle sentaient vibrer en elle, n'arrivait toujours pas à prononcer une parole. Elle ne parvenait pas à croire que cette scène était réelle. Nsaï voulait bien partir en voyage avec elle. Elle allait voyager. Avec Nsaï. Ils allaient partir, quitter la lande, découvrir des contrées qu'ils n'auraient jamais espéré voir... Tout ceci était vrai. Consciente qu'elle devait tout de même répondre quelque chose, elle parvint à faire sortir des sons de sa gueule, qui prirent peu à peu forme, et devinrent des mots.

- Je... Waouh... Par les Grands Esprits, c'est génial ! Oh Nsaï, j'avais tellement peur que tu ne veuille plus venir avec moi ! J'aurais sans doute pu partir seule, mais mon père aurait été fou d'inquiétude et... Et je ne me vois pas partir sans toi.

L'excitation l'avait dépassé, elle se sentait désormais gênée par cette vague d'honnêteté qui l'avait traversé. Jadis, lorsqu'elle était enfant, elle n'aurait eu aucun mal à dire à Nsaï qu'elle adorait sa compagnie et qu'elle ne voulait pas partir loin de lui, mais à présent... A présent les choses étaient différentes. Elle retrouva cependant rapidement le sourire en reprenant la parole, laissant une fois de plus l'euphorie prendre le dessus.

- Ca va être formidable ! On va voyager, on va voyager ! Tout ce qu'on va voir, tous les lions qu'on va rencontrer... On pourra raconter tellement d'histoires à notre retour ! Peut-être qu'on devra se battre, affronter des hyènes ! Tu imagines ? C'est incroyable !

Sans s'en rendre compte, elle s'était mis à sautiller joyeusement autour de son ami, les yeux brillants d'enthousiasme. Les mots n'étaient finalement pas suffisant pour décrire tout ce qu'elle ressentait. Elle allait enfin réaliser son rêve.

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Spoiler:

Nsaï avait bien vu la frayeur dans le regard de Baradi quand il avait ri, et il avait bien senti qu'elle était vexée. Il la connaissait assez pour reconnaître ses émotions, ce mouvement de ces oreilles et ce regard. Sur le moment, il s'était senti coupable de lui faire endurer ça, mais l'étonnement, puis l'immense joie de son amie après qu'il lui ait expliqué ce qui avait déclenché sa réaction, valaient largement le moment de flottement qu'il avait causé avant. Voir Baradi ainsi heureuse était comme un cadeau des étoiles.

- Je... Waouh... Par les Grands Esprits, c'est génial ! Oh Nsaï, j'avais tellement peur que tu ne veuille plus venir avec moi ! J'aurais sans doute pu partir seule, mais mon père aurait été fou d'inquiétude et... Et je ne me vois pas partir sans toi.

Moi non plus.

Même s'il pensait la même chose, même s'il pensait que partir seul, sans elle, manquerait d'intérêt, Nsaï se sentit flatté par cette déclaration de Baradi. Il essaya de retenir le sourire qui s'étira sur son visage, en vain. Puis il lui sembla discerner de la gêne dans les yeux de la jeune lionne. Pourquoi ? Pourquoi se sentait-elle gênée de lui dire qu'elle ne voulait pas être séparée de lui ? Autrefois, ça ne l'aurait pas dérangée. Peut-être était-ce dû au fait qu'elle entrait bientôt dans l'âge adulte. S'attacher à d'autres était-il gênant pour un adulte ? Nsaï n'en savait pas grand chose, il n'avait pas pour habitude de côtoyer beaucoup de monde. Ou peut-être s'était-il imaginé cette étincelle étrange dans les pupilles de son amie ? Quoi qu'il en fut, cet instant passa très vite, laissant place à nouveau au bonheur, à la joie, même à l'euphorie.

- Ca va être formidable ! On va voyager, on va voyager ! Tout ce qu'on va voir, tous les lions qu'on va rencontrer... On pourra raconter tellement d'histoires à notre retour ! Peut-être qu'on devra se battre, affronter des hyènes ! Tu imagines ? C'est incroyable !

Alors qu'elle parlait, la femelle brune s'était mise à sautiller autour de lui. Nsaï se prit au jeu, se relevant puis imitant son mouvement. Il avait aussi hâte qu'elle de voir le monde en dehors de leurs nouvelles terres, de rencontrer des lions qui venaient d'autres horizons, et, même s'il savait qu'il y faisait froid et qu'ils ne pourraient pas y rester longtemps, Nsaï avait envie de revoir les montagnes du Royaume du Nord, sentir la neige sur son pelage, et peut-être discuter avec un de ces fameux lions blancs. Il se sentait prêt comme jamais, il voulait bouger, partir, découvrir. Il espérait en revenir grandi, assagi aussi, certainement. Et il avait hâte de partager cette expérience avec Baradi. Comme il l'avait promis lors de leur rencontre. Comme il l'avait rêvé.

- J'ai tellement hâte, si tu savais ! Tu as raison, ça va être un voyage incroyable ! Et puis il sera d'autant mieux qu'on le fera ensemble.

Nsaï se posa un peu. Puis il repensa à cette histoire de hyènes. Il y en avait sur la Lande, elles vivaient plus ou moins en paix ici, avaient été sauvée des griffes des lions qui avaient pris la terre des Pridelanders, s'il se souvenait bien. Peut-être auraient-ils à se battre, mais pas forcément contre des hyènes, puisqu'elles n'étaient pas nécessairement mauvaises comme il avait pu l'apprendre. Certes, l'idée de combattre des hyènes restait moins effrayante que celle de combattre des lions, mais Nsaï espérait éviter le plus possible de se battre, que ce soit contre l'un ou l'autre. Il avait déjà perdu assez à cause de la violence, il ne savait pas s'il serait capable de protéger Baradi à chaque fois s'ils se mettaient souvent dans le pétrin. Il ne voulait pas la perdre, il tenait trop à elle.

- Baradi... Promets-moi qu'on évitera de se battre à chaque fois qu'on le pourra.

Il était sérieux. Il était loin d'être un bon combattant. Il ferait de son mieux pour protéger son amie, il irait risquer sa vie autant de fois qu'il le faudrait, mais il ne pouvait pas savoir si son mieux suffirait.

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Aussi surprenant que cela pouvait être, Nsaï se mis à bondir joyeusement aux côtés de la féline brune, exprimant lui aussi son impatience et sa joie. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il se comporte ainsi, craignant plutôt qu'il ne voit son attitude comme une preuve de son manque de maturité. Le côté enfantin de Baradi ne semblait donc pas tant le déranger que ça, ce qui la soulageait quelque peu. Elle comptait néanmoins poursuivre ses efforts pour lui montrer qu'elle devenait une adulte, et elle aurait tout le loisir de le faire lorsqu'ils auraient débuté leur voyage. Ils allaient être amener à passer beaucoup de temps ensemble, après tout, et cette idée avait le don de la mettre d'excellente humeur.

- J'ai tellement hâte, si tu savais ! Tu as raison, ça va être un voyage incroyable ! Et puis il sera d'autant mieux qu'on le fera ensemble.

Baradi sentit une joie intense la traverser. L'expression heureuse de son ami l'emplissait de bonheur, et ses craintes étaient déjà loin. Elle avait eu tord de s'en faire finalement, Nsaï ne comptait pas rester dans la lande. Il partirait avec elle, il le souhaitait visiblement tout autant qu'elle. Ses dernières paroles la faisaient rougir de l'intérieur, alors qu'elles étaient simplement l'écho de ce qu'elle ressentait aussi. Intriguée par toutes ces nouvelles sensations qu'elle découvrait en elle, la jeune lionne songea qu'il fallait qu'elle y réfléchisse avec plus de soin. Peut-être pouvait-elle en parler à Nsaï, après tout ? Cette idée lui paru stupide aussitôt qu'elle eu traversé son esprit. C'était terriblement gênant en fin de compte. Il pouvait très bien se moquer d'elle, même si ce n'était absolument pas le genre du lion ou bien lui révéler des choses qu'elle n'avait peut-être pas envie de savoir. Avait-elle vraiment besoin de l'entendre dire qu'elle était une adolescente à la découverte de ses sentiments et qu'elle devait rapidement revenir les pattes sur terre ? Elle n'était pas idiote, elle se doutait bien qu'elle éprouvait de l'attirance pour le félin, mais il était bien trop embarrassant de le reconnaître. La voix de Nsaï la ramena à la situation actuelle, loin de ses préoccupations fleurs bleues d'adolescente.

- Baradi... Promets-moi qu'on évitera de se battre à chaque fois qu'on le pourra.

Les paroles du lion étonnèrent et amusèrent quelque peu la jeune féline. Elle était flattée de voir que son ami souhaitait la protéger, mais elle ne s'inquiétait pas de tout cela. Elle savait qu'ils risquaient de rencontrer des lions belliqueux, et peut-être d'autres animaux menaçants, mais cela ne lui faisait pas peur. Elle n'était pas du genre à chercher la bagarre, elle préférait largement se lier d'amitié dès qu'elle le pouvait. Elle ne comptait pas non plus amener Nsaï au devant du danger, elle ne souhaitait pas risquer sa peau non plus. L'idée de prendre des risques l'excitaient, mais les combats, ce n'était pas pour elle. Afin de calmer les inquiétudes de son ami, Baradi fut prise d'une idée. Elle cessa de s'agiter et fit mine de regarder ailleurs, comme perdue dans ses pensées.

- Oui oui, bien sûr...

L'instant d'après, elle bondissait sur le mâle, profitant de sa nouvelle force et de l'effet de surprise pour le faire tomber. Appuyant sur ses pattes contre lui pour le maintenir au sol, elle lui offrit un sourire taquin et déclara avec légèreté :

- Ne t'inquiète pas, on ne cherchera pas la bagarre ! Je ne voudrais pas avoir à te protéger à chaque fois quand même !

Ce n'était peut-être pas la meilleure manière de lui montrer qu'elle n'irait pas à l'avant des ennuis, mais il la connaissait après tout. Baradi était téméraire, mais pas belliqueuse. Il y avait plus de chance qu'elle essaye de faire ami-ami avec une hyène plutôt qu'elle tente de l'attaquer. Tant que ce serait possible, elle réglerait ses problèmes par la parole, comme son éducation de Mositu le lui avait appris. Elle se rendit alors compte qu'elle n'avait toujours pas libéré le félin, même si elle n'exerçait plus de pression avec ses pattes. Il était amusant de constater qu'elle pouvait désormais lui tenir tête, même s'il restait plus grand et plus costaud qu'elle.

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Baradi sembla se calmer, puis se perdre dans le paysage et ses pensées... Ça sentait le coup fourré. Et Nsaï connaissait trop bien son amie pour se laisser prendre à son petit jeu. Elle préparait quelque chose, c'était sûr. Mais quoi ? Le mâle au pelage brun ne pouvait cependant pas lire dans les pensées de son interlocutrice et savoir exactement ce qu'elle lui réservait. Puisqu'il serait surpris de toute manière, il valait mieux qu'il fasse semblant de ne rien avoir vu. Il attendit sa sentence avec patience.

- Oui oui, bien sûr...

... Et avant que Nsaï ait pu réfléchir à ce qui se passait, il était plaqué sur le sol, fermement maintenu par les pattes de la jeune lionne. Pour la deuxième fois dans la même journée. Au moins cette fois elle ne lui avait pas fait mal. Il ne chercha même pas à se débattre, et se contenta de rire. Il était définitivement de très bonne humeur ce jour là, et ça lui faisait un bien fou.

- Ne t'inquiète pas, on ne cherchera pas la bagarre ! Je ne voudrais pas avoir à te protéger à chaque fois quand même !

Le mâle fit mine d'être vexé. Bien sûr, il savait qu'entre lui et son amie, celle qui était certainement la plus à même de se battre et sauver la peau de l'autre, c'était Baradi. Nsaï protégeant son amie résulterait plus en lui jouant la proie la plus facile et se sacrifiant. Bien sûr, il n'admettrait jamais ça à haute voix, un lion qui se considérait moins fort qu'une femelle serait très mal vu. Le grand félin ne se sentait pas particulièrement gêné de penser comme ça. Il n'y avait pas de mal à se sentir plus faible que quelqu'un d'autre, même si cet autre ne possédait pas de crinière.

- Tu oses me provoquer de la sorte ?


Nsaï coula un regard enjoué à la jeune lionne. Remarquant qu'elle ne le maintenait plus au sol, il saisit l'occasion pour basculer sur le côté et inverser les rôles, maintenant à son tour Baradi sous ses pattes.

- Aaah ah ! Il continua sur un ton très dramatique. Tu pensais pouvoir te jouer de moi ?

Il rit à nouveau. Il agissait comme un grand enfant, certes, mais ce n'était pas son amie qui allait le lui reprocher. Et il était heureux de pouvoir se comporter ainsi. Il avait encore bien le temps de devenir vieux et sérieux. Pour l'instant, jouer comme ça lui faisait plaisir, et il n'allait pas se refuser ce plaisir. D'autant plus qu'il pensait que son amie s'amusait autant que lui.

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Le rire de Nsaï fit redoubler celui de la jeune lionne. Elle aimait passer du temps avec son ami, cela lui faisait du bien de jouer et de se laisser aller comme lorsqu'elle était enfant. Il faisait naître cet étrange dualité de sentiment en elle : lui offrant la possibilité d'être juste elle-même, comme si rien n'avait changé, mais il lui rappelait également qu'elle grandissait et que sa vision du monde évoluait, elle aussi. Elle avait du mal à y voir clair entre ces deux parts de sa réflexions, mais n'avait pas envie de chercher d'avantage. Elle n'avait pas envie de se prendre la tête avec ces questions là aujourd'hui, pas plus qu'elle ne souhaitait se questionner sur ses prémices de sentiments pour le mâle brun. Celui-ci faisait justement semblant d'être vexé par la remarque de Baradi, mais l'éclat dans son regard indiquait qu'il n'en était rien.

- Tu oses me provoquer de la sorte ? lança-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Et, sans attendre, il la renversa pour la surplomber, la prenant au dépourvu. Elle se retrouva donc sous les pattes du mâle, à contempler son ami du dessous. C'était finalement une drôle de situation, de voir ce grand lion jouer comme un enfant à ses côtés, avec une légèreté touchante. Baradi sentit que les battements de son coeur s'accélérer agréablement, mais décida de ne pas s'en inquiéter. Pourquoi gâcher ce bon moment ?

- Aaah ah ! Tu pensais pouvoir te jouer de moi ?

La féline essaya d'échappa à la prise de son ami, mais les pattes de celui-ci la maintenant fermement au sol. Sans pour autant lui faire mal, il exerçait assez de force pour l'empêcher de s'agiter. Elle se souvenait de l'époque où elle était trop petite pour faire le poids, songeant que ce temps était révolu. Elle pouvait reprendre le dessus si elle le voulait, mais ne souhaitait cependant pas blesser Nsaï. Une petite morsure aurait suffit à le faire lâcher... Mais elle n'allait tout de même pas user de ses crocs pour un jeu ! Elle se contenta donc de jouer des épaules et de lui donner des coups de pattes pour le repousser, en riant de plus belle. Elle parvint finalement à rouler sur le côté et se remis debout, faisant face au mâle avec une moue provocatrice.

- Je n'oserais pas voyons !

En le voyant devant elle, à rire et à jouer, partageant cette complicité unique, Baradi compris pourquoi il lui semblait impensable de partir sans lui. C'était lui, juste lui, il faisait parti de cet étrange cheminement que l'on appelait le destin. Les choses n'auraient pas pu en aller autrement, c'était comme une évidence. Galvanisé par cette conviction nouvelle et puissante, la féline s'élança.

- Partons Nsaï ! Ca fait tellement longtemps que j'attends de commencer ce voyage... Si je reste au Baobab une seconde de plus, je vais mourir d'impatience !

Tout était fait après tout. Elle avait dit au-revoir à son père, n'avait pas d'autre famille à prévenir de son départ, pas de responsabilité. A présent qu'elle avait parlé à Nsaï, et qu'elle savait que ce dernier venait avec elle, elle ne voulait plus qu'une chose : partir sur le champ débuter son aventure.

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Nsaï essaya de tenir son amie sous ses pattes alors qu'elle se débattait, tout en riant à l'unisson avec elle. Il n'allait tout de même pas se laisser avoir comme ç-... Elle finit par lui échapper. Tant pis, il prendrait sa revanche un autre jour, ils auraient tout le temps pendant leur voyage. Nsaï repris une position plus "sérieuse", campé sur ses pattes, alors que sa camarade de jeu se relevait. Et c'est là que ça le frappa, quand son regard se posa sur l'expression provocatrice de Baradi. Elle avait grandi. Bien entendu, il le savait déjà : le fait que son amie avait changé, évolué, et s'approchait de l'âge adulte en laissant derrière elle son enfance, était une évidence. Tout le monde vieillissait. Mais quand le processus s'opère petit à petit sous vos yeux, vous ne le remarquez pas toujours. Et là, face à la moue de la jeune lionne brune, Nsaï s'en rendit compte réellement pour la première fois. Il allait cependant avoir besoin de temps pour arrêter de la voir comme la petite lionne qu'elle était dans l'Oasis. Cette Baradi là, comme l'Oasis, n'était plus qu'un souvenir. Nsaï finirait par s'y faire un jour.

- Je n'oserais pas voyons !

Tiré de ses pensées par la voix de son amie, Nsaï semblait avoir perdu le fil de la conversation. Oser quoi ? Qu'est-ce qu'il avait dit ? Il fouilla dans sa mémoire perturbée par sa réalisation d'un peu plus tôt. Ah ! Oui ! "Tu pensais pouvoir te jouer de moi ?" C'était ce qu'il avait dit. Nsaï sourit intérieurement à cette petite victoire qu'était la sienne : il avait retrouvé sa mémoire et le fil de ses pensées. Pendant qu'il savourait cet instant insignifiant et cette fierté ridicule (il le savait), son interlocutrice sembla avoir une illumination.

- Partons Nsaï ! Ça fait tellement longtemps que j'attends de commencer ce voyage... Si je reste au Baobab une seconde de plus, je vais mourir d'impatience !

Le mâle aux yeux verts offrit un immense sourire à sa partenaire de voyage. Lui aussi ne se sentait pas de rester sur la Lande ne serait-ce qu'un autre instant. Il s'était trop attardé sur ces terres, il ne voulait plus les voir pour l'instant. Tout ce qu'il voulait voir : de nouveaux paysages, d'autres lions, et le bonheur dans le regard de son amie. Peut-être même le bonheur dans son propre regard, s'il avait l'occasion de voir son reflet dans une eau claire. Il était vraiment temps de partir. Nsaï avait annoncé son départ à sa mère, alors le plus important avait été fait. Ne restait plus qu'à s'en aller.

- Tu as raison, nous sommes restés ici bien assez longtemps !

Il était prêt. Il n'avait jamais été autant prêt.

- Alors... Par où on commence ?

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Désormais bien droite sur ses pattes, Baradi n'attendait qu'une chose : pouvoir partir. De sa place, elle pouvait contempler toute la vallée et même Prideland, au loin. Toutes ces terres, immenses, presque aussi infinies que le désert, elle voulait les découvrir. Que trouvait-on au delà ? Freeland ? Les Pays Verdoyants ? Encore des endroits dont on lui avait parlé lorsqu'elle était enfant. Mais bientôt ce ne serait plus simplement des noms, ce serait des souvenirs. Elle connaîtrait ces lieux, rencontreraient les lions qui y vivaient, et pourrait enfin voir à quoi ressemble le monde. Cette pensée la remplissait d'euphorie et d'excitation, ses pattes en tremblaient d'impatience. Elle avait rêvé des centaine de fois de ce jour où elle partirait, imaginant Nsaï à ses côtés et son père lui disant au-revoir. Aujourd'hui, ce rêve était devenu réalité.

- Tu as raison, nous sommes restés ici bien assez longtemps !

La voix du lion brun la galvanisa. Lui aussi semblait prêt pour commencer cette aventure, cela se sentait dans son timbre, dans la ferveur de ses mots. Il était donc temps d'y aller, de s'élancer vers l'inconnu, de voir ce que la vie pouvait leur réservait. Il y avait tant de chose à découvrir... Le moment était venu !

- Alors... Par où on commence ?

La féline, qui s'apprêtait à bondir, s'arrête alors brusquement. En effet, c'était une bonne question que son ami posait là. Elle n'avait absolument pas réfléchi à leur parcours jusqu'à présent, et peut-être était-il de se poser la question. Quel chemin allaient-ils prendre ? Par où débuter leur aventure ? Le plus proche était bien entendu Prideland, mais ce territoire était plutôt dangereux ces temps-ci, depuis que les Nyeusis en avaient pris le contrôle, chassant les Pridelanders. De l'autre côté, il y avait le Royaume du Nord, mais cela les éloignait plus du reste du monde qu'autre chose. C'était finalement une question bien plus compliquée que ce qu'elle avait imaginé. Baradi ferma les yeux et tenta de se représenter la Terre des Lions dans son ensemble, comme on la lui avait décrite. Ils pouvaient contourner Prideland par Outland, c'était une possibilité. Certes, ce territoire n'avait pas très bonne réputation, mais il ne fallait pas s'arrêter aux préjugés. Les Outlanders n'étaient plus une bande d'exilés mais un véritable clan, avec un roi. Ils seraient sans doute plus en sécurité en passant par là qu'en traversant Prideland, c'était sûr. La jeune lionne rouvrit les yeux et déclara :

- Alors... Si on voit voir le maximum d'endroit possible, on devrait passer par Outland. On évite Prideland et les Nyeusis, et on atteint Freeland. Il faudra passer par le territoire des hyènes, mais ça devrait aller.

Elle hocha la tête. Ce plan lui paraissait plutôt bon. Certes, ils n'avaient aucune connaissance des lieux dans lesquels ils comptaient se rendre mais ce n'était pas un problème. Il fallait bien y aller un jour pour apprendre de toute manière. Satisfaite de sa conclusion, Baradi se remis sur ses pattes et commença à s'éloigner, tout en lançant d'une voix légère et confiante.

- Et puis, si on se perd, on aura qu'à demander notre chemin !

Il aurait été, en effet, malvenu de sous estimer la gentillesse et l'amabilité des lions qu'ils croiseraient au cours de leur aventure. Il n'y avait pas d'inquiétude à avoir, tout se passerait bien !

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