Une nouvelle journée ensoleillée pointait le bout de son nez, ce matin-là. Baradi se prélassait à l'ombre, les yeux entre ouverts, juste assez pour voir les premiers rayons transpercer dans l'épais feuillage de l'immense Baobab. Elle ne ressentait nullement l'envie de se lever, tout en sachant qu'elle devrait bientôt partir à son entraînement de chasse. Elle commençait à faire parti des groupes lionnes qui ramenaient du gibier, et son travail portait peu à peu ses fruits. Elle était fine et rapide, ce qui était un atout. Son pelage fonçait de l'aidait pas dans cette immense lande déserte, mais elle faisait avec. Elle finirait par devenir une bonne chasseuse, avec le temps et l'expérience nécessaire. Un bâillement s'échappa de sa gueule, alors qu'elle s'étirait paresseusement sur le sol encore frais. L'endroit commençait doucement à prendre vie : les lionceaux des deux clans s'agitaient, et leur parents tentaient de les canaliser. Le regard de la jeune brune s'attarda sur un groupe de petits félins de tout poil, attendri par leur amitié. Elle enviait quelque peu leur innocence, ils n'avaient pas conscience du danger que le clan avait encouru. Cette période de paix ne serait pas éternel, Baradi le savait, et espérait simplement qu'elle durerait le plus longtemps possible.

Elle se mis finalement sur ses pattes et s'ébroua pour chasser les derniers restes de fatigue de son corps. Elle contempla les lieux d'un regard circulaire, se demandant par quoi elle allait commencer sa journée. Il lui arrivait de surveiller les lionceaux pendant que les mères allaient chasser, quand elle ne prenait pas elle-même part à la chasse. Et lorsqu'elle avait du temps libre, elle allait vadrouiller partout où elle le pouvait, sans trop s'éloigner du Grand Baobab, qui restait une sorte de refuge pour elle. Ses rêves de voyage n'étaient toujours pas éteint, elle espérait encore pouvoir partir découvrir le monde, lorsque ce serait possible. Pour l'heure, son clan avait besoin d'elle. Enfin, pour le moment, le clan avait besoin de nourriture, il était grand temps de lui en amener. Le regard de Baradi se mis donc en quête de son groupe habituel de chasseuse, mais celui-ci semblait déjà être parti. Une petite moue contrarié sur le visage, la jeune femelle songea que ce n'était finalement pas bien grave. Après tout, elle pouvait toujours partir chasser avec quelqu'un d'autre. Il lui suffisait de trouver un lion ou une lionne qui accepterait d'y aller avec elle, Mositu ou Pridelander.

Ses prunelles vertes s'immobilisèrent finalement sur une femelle au pelage brun orangé, qu'elle ne reconnaissait pas. Cela faisait quelques mois que les deux clans cohabitaient, mais Baradi n'avait pas encore rencontré beaucoup de Pridelanders, elle n'était pas souvent au Babobab. Ce serait donc un bon moyen de se faire une amie parmi leurs alliés, pour qui elle n'avait, après tout, que de bons sentiments. Elle s'approcha donc de la lionne, et une fois à proximité, se rendit compte que cette dernière avait les yeux vairons. Elle avait également l'air vaguement plus âgé qu'elle, mais ce ne fut pas un frein pour l'adolescente au pelage sombre. Elle se posta donc devant la Pridelander et la salua, d'un ton joyeux, comme à son habitude.

- Salut ! Je m'appelle Baradi, je suis une Mositu. Je comptais aller chasser, mais les lionnes de mon clan sont déjà parties et ne m'ont pas attendu. Ça te dirait de venir avec moi ?

Les yeux pétillants et une expression joviale sur le museau, la jeune lionne faisait toujours preuve d'un enthousiasme exacerbé. Les adultes trouvaient cela mignon quand elle était encore enfant, mais ça pouvait être également surprenant, de la part d'une féline presque adulte à présent. Cependant, rien ne pouvait tarir sa joie de vivre, pas même l'âge.

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La Pridelander se tourna vers la jeune femelle à la robe brune, un air avenant sur son visage. Cette attitude rassura Baradi, car même si le comportement général de ce clan, il était normal d'avoir une légère appréhension. En général, la Mositu n'était pas timide, elle allait facilement vers les autres et ce depuis son enfance. Elle n'avait pas perdu en extravagance en devant adolescente, ni en assurance, mais elle savait désormais que certains étaient moins réceptif que d'autres. Il fallait juste tenter le coup et espérait tomber sur les bonnes personnes, en fin de compte.

- Enchantée Baradi, mon nom est Kina. Je dois avouer qu'une petite partie de chasse ne serait pas de refus, c'est bien mieux que de rester là à ne rien faire le reste de la journée.

La fameuse Kina se montrait donc aimable et poli, elle abordait un sourire amical. Si elle ne débordait pas de l'enthousiasme de la jeune brune, elle semblait néanmoins contente de pouvoir aller à la chasse. C'était une activité agréable, Baradi le reconnaissait, même si elle préférait largement partir à l'aventure. Ce n'était toutefois pas le genre de proposition qu'on faisait au premier venu. Elle aurait pu le faire, jadis, mais à présent, cela passait beaucoup moins dans la bouche d'une lionne de sa taille et de son âge. Elle gardait malgré tout son âme d'enfant, elle devait bien l'avouer. Cela ne la dérangeait pas tellement par ailleurs, gardait un côté enjoué en toute circonstance avait ses avantages. Elle regarda la Pridelander se redresser sans hésiter, visiblement déjà en état de commencer à chercher du gibier. Baradi avait commencé à trépigner, ayant du mal à rester en place, ressentant une certaine excitation à l'idée de chasser avec une lionne qu'elle venait de rencontrer. Elle allait apprendre de nouvelles techniques, peut-être propre aux Pridelanders, en compagnie d'une chasseuse plus expérimentée. Celle-ci lui demanda alors :

- Chasses-tu depuis longtemps?

La Mositu réfléchit quelques instants, se demandant si quelques mois comptait comme "longtemps". Elle avait débuté son apprentissage une fois devenue adolescente, lorsqu'on avait considéré que son corps avait atteinte une forme suffisante de maturité pour commencer l'enseignement. Elle s'en sortait plutôt bien, sans être une experte, et y trouvait un certain plaisir. Elle aimait courir, s'élancer derrière une proie et sentir le vent fouetter son visage, le sol frémir sous ses pas. Elle allait vite, si vite qu'il lui semblait qu'elle voler parfois. Invoquer ce genre de pensée fit naître un sourire rêveur sur le museau de la jeune lionne. Elle répondit, en se raccrochant à la réalité, tout en entamant la marche vers la lande où elles pourraient chasser.

- J'ai commencé à prendre part aux groupes de chasse il y a quelques mois. Je manque encore d'expérience, mais j'aime apprendre.

Enthousiaste une fois de plus, comme toujours. Son regard se perdit dans le lointain de de la Vallée Abandonnée, cet endroit immense et à la végétation plutôt aride, mais qui possédait un certain charme. Il y avait en effet en forme de beauté dans ce vide. Baradi n'avait connu que l'épaisse flore verte de l'Oasis, et le sable tranchant du désert, elle était impressionnée de découvrir de nouveaux paysages. Comme lorsqu'elle avait vu de la neige pour la première fois. Une fois de plus, un sourire rêveur naquit sur ses babines.

- Et puis, c'est agréable de s'élancer vers le gibier comme ça, de courir sans s'arrêter. On se sent... Libre.

Ce genre de sensation était plutôt difficile à décrire, il fallait trouver les bons mots et ce n'était pas chose simple. Baradi ne savait pas vraiment pourquoi elle confiait ce genre d'impression à une inconnue, ni pourquoi elle aurait du s'en sentir gêner, véritablement. Après tout, en tant que lionne, elles partageaient ce devoir qui était de nourrir le clan. Elle offrit à Kina un regard lumineux, comme elle savait si bien le faire, puis s'immobilisa. Elles n'étaient plus très loin des potentiels troupeaux, à présent.

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Sentant l'excitation la gagner, Baradi du faire un effort pour ne pas s'élancer aussitôt sur la lande. Un troupeau de zèbres s'était rassemblé autour d'un amas de touffes d'herbes et broutait paisiblement, loin de se douter de la présence des chasseuses. La jeune lionne brune avait toujours du mal à maîtriser son impatience, ce qui l'avait, au début, grandement handicapé. Elle avait progressé depuis, et avait arrêté de bondir la première dès que l'envie lui prenait. Elle attendait désormais le signal de la chef du groupe, songeant qu'un jour, elle pourrait elle-même mener sa propre chasse.

- Je comprends ce que tu veux dire, Baradi. Ce sentiment qu'apporte pour certaines la chasse est presque indescriptible..

La voix de Kina surpris la Mositu, qui se tourna vers son interlocutrice pour lui offrir un vaste sourire. La Pridelander avait également une expression enjoué, plus ténue que la féline aux yeux verts, mais bien présente. Elle n'était visiblement pas aussi excentrique et démonstrative que Baradi, mais sa gentillesse se devinait malgré tout derrière ses traits réservés. La jeune femelle était curieuse de savoir ce que renfermait sa camarade de chasse, et sentait l'envie d'apprendre à la connaître, malgré leur différence de clan. Impossible de savoir combien de temps ils cohabiteraient, autant en profiter pour se faire des amis, après tout. Les deux lionnes s'immobilisèrent alors, à présent suffisamment proche du troupeau. Kina étant plus expérimentée, Baradi comptait sur elle pour mener la chasse. Le regard de cette dernière était rivée sur l'un des équidés rayés, un peu à l'écart de son troupeau.

- Est-ce que ce zèbre là-bas te conviendrait, ou en as-tu un autre en vue? Tu as déjà chassé en binôme?

Elle secoua la tête ne guise de réponse, se remémorant ses entraînements de ces derniers mois. Elle faisait toujours parti d'un groupe d'au moins trois lionnes, souvent des jeunes comme elle. La chef du groupe était la plus expérimentée et était plus âgée. Il était plus aisé de chasser en nombre, pour pouvoir encerclé la proie et l'empêcher de prendre la fuite. Qui plus est, si l'une des chasseuses était blessée, le groupe pouvait continuer de poursuivre le gibier, tandis que l'une allait aider l'autre. Leur professeur leur avait déconseillé de partir seule à la chasse alors qu'elles n'avaient aucune expérience, mais à deux ce n'était pas pareil.

- Je m'intègre d'habitude dans des groupes plus nombreux, mais je suppose que ce n'est pas si différent en duo.

La Mositu avait pris garde à ne pas parler trop fort. Encore une erreur de débutant qu'elle avait bien trop de fois faite dans ses premières parties de chasse, elle avait à présent retenu la leçon. Le silence était très important, il fallait se fondre dans la savane pour dissimuler sa présence au gibier. Tout comptait : la respiration, les pas, le moindre mouvement. En s’aplatissant sur le sol pour se préparer à bondir, Baradi souffla :

- On le prend en tenaille, chacune d'un côté, et on le déstabilise ?

Lorsqu'elle chassait en groupe nombreux, la répartition des taches étaient importantes. L'une devait prendre en chasse l'animal, pendant que deux autres se postaient à ses flans pour le mordre et le faire tomber, tandis qu'une dernière l'achevait en lui sautant à la gorge. En binôme, elles feraient preuve de moins de finesse, mais le résultat serait le même.

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L'expression de la Pridelander indiquait qu'elle réfléchissait intensément aux paroles de la jeune lionne brune. Cette dernière se demanda si elle n'avait pas dit une bêtise en pensant bien faire. Elle n'était encore qu'une débutante dans le domaine de la chasse, et si Kina n'avait pas l'air très âgé, elle semblait en tous cas avoir plus d'expérience. Elle hocha cependant la tête, ce qui rassura Baradi. Elle n'avait pas proposé quelque chose de stupide, elle en était soulagée. Si elle comptait partir en voyage un jour, ce qui était toujours dans ses projets, il fallait qu'elle sache se débrouiller pour trouver de la nourriture. C'était peut-être pour cela qu'elle mettait tant d'entrain dans son apprentissage de la chasse, pour pouvoir réaliser son rêve. Elle savait que ce moment ne tarderait pas à venir, elle se sentait prête à partie à l'aventure, plus que jamais. Elle ne pensait qu'à ça depuis son enfance, et malgré la guerre, malgré les difficultés traversés par son clan, elle n'avait pas abandonné ce souhait. Elle l'avait juste mis de côté en attendant que les siens aient trouvés un nouveau territoire, et c'était à présent chose faite, même s'il n'était que provisoire.

- C'est une bonne idée. Cependant nous ne sommes que deux. Si jamais notre plan échoue, le mieux serait de pouvoir bloquer le zèbre en le forçant à fuir vers une impasse. Si je ne me trompe pas, il doit y avoir quelques rochers plus loin au sud, de quoi le ralentir si besoin. En attendant, on reste sur notre plan de base. Je le prends à droite, et toi à gauche, ça te va?

Écoutant attentivement les paroles de sa partenaire, la Mositu tacha de se concentrer. Elle penserait à ses aspirations de voyage plus tard, elle devait se focaliser sur la chasse pour le moment. Elle acquiesça face au plan de secours de la féline au pelage orangé, elle n'avait elle-même pas envisagé cette solution de repli, qui n'était pas bête. Il y avait néanmoins de grandes chances qu'elles parviennent à avoir le sabre sans devoir l'acculer dans une impasse, les zèbres n'étaient pas de grands équidés. A peine plus haut qu'un lion, a deux il serait aisé de le déstabiliser.

- Ça me va !

Sur ces mots, elle commença à filer à plat ventre vers le zèbre, en prenant garde à rester silencieuse. Elle ne devait pas se faire repérer par sa proie, pas avant d'être à une distance raisonnable. Avant de charger, il fallait d'abord se rapprocher suffisamment en se cachant. Ensuite, une fois proche, elle pourrait se dévoiler et s'élancer à grande vitesse sur l'équidé. Les zèbres étaient moins rapide que les antilopes ou les gazelles, mais ils tenaient d'avantage la distance que les félins, étant plus endurant. Les lions pouvaient courir très vite, mais jamais très longtemps. Mettant de côtés ces réflexions sur le physique des membres de son espèce, Baradi continua d'avancer, une expression concentrée sur les babines. Elle sentait l'excitation parcourir son corps, chaque instant un petit plus tandis qu'elle s'approchait du zèbre. Un coup d’œil sur le côté lui permis de constater que Kina avançait également à un bon rythme, elle se cala donc sur elle afin de ne pas être trop rapide. L'idée était qu'elles attaquent en même temps pour encercler le zèbre.

Filant à travers la lande, Baradi sentait l'adrénaline monter. Le moment qu'elle préférait dans la chasse n'allait pas tarder à venir : l'instant où elle pourrait bondir vers sa proie et courir à toute allure. C'était un moment éphémère, presque magique, où elle avait la sensation de voler. C'était ce qu'elle expliquait à Kina avant qu'elles ne commencent la chasse, le fait de se sentir libre. Après tout ce qu'elle avait vécu récemment, la guerre, le départ de son clan, la mort de sa mère, elle profitait de chaque instant où elle pouvait tout oublier, et juste vivre. Lorsque cette pensée la traversa, elle se trouvait juste assez prêt de l'équidé pour passer à l'action. Elle coula un regard à sa partenaire, qui en était au même point, et, d'un signal visuel, les deux femelles s'élancèrent. Baradi sentit toute sa force se concentrer dans ses pattes lorsqu'elle se propulsa vers le zèbre, laissant s'échapper un grognement sous l'effort. Il n'était plus temps d'être discret à présent, mais de courir vite. La véritable chasse commençait.

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Rapidement, Baradi et Kina s'élancèrent près du zèbre, créant la panique dans le troupeau. Ceux qui s'étaient regroupés partirent dans l'autre direction, laissant l'équidé seul à son sort. Ce dernier se mis à courir également, visiblement décidé à échapper aux griffes des chasseuses. La jeune Mositu empli ses poumons d'air et laissa l'adrénaline prendre le dessus, comme elle aimait tant le faire. Elle ne pensait plus, toutes ses réflexions s'étaient envolées. Elle n'était plus qu'un corps filant à toute à l'heure derrière sa proie, une masse mouvante seulement guidée par la force de ses pattes, puissantes machines qui la propulsaient vers l'avant. Il n'y avait plus qu'elle, le vent dans son pelage et le sol sous ses griffes, le monde entier semblait lui appartenir. Elle avait l'impression de pouvoir s'envoler, que si elle fermait les yeux, elle franchirait la frontière qui la séparait du ciel. Un sourire radieux sur les babines, la féline brune filait sans s'arrêter, sans songer au passé, au présent ou au lendemain. Seul l'instant présent comptait.

Le zèbre était rapide, et bien plus endurant, il n'allait avoir aucun mal à tenir la distance. Cependant, les lionnes gagnaient du terrain et arrivaient peu à peu à sa hauteur. De grandes foulées leur avaient permis d'atteindre rapidement leur proie, il était à présent temps de passer à l'action. C'était le moment le plus délicat de la traque, Baradi le savait. Il fallait bondir sur l'animal et le mordre à l'endroit le plus tendre : la jugulaire. Une fois l'énorme veine tranchée, l'équidé mourrait en quelques minutes, mais encore fallait-il l'atteindre. C'était une partie importante qui demandait beaucoup de précision. Il ne fallait pas se tromper ou manquer sa cible, au risque de perdre sa proie. Durant les exercices de chasse, Baradi avait pu exécuter divers rôles, mais seulement une seule fois celui-ci. Elle devait attendre le signal pour bondir, afin que sa partenaire soit prête à achever la proie une fois celle-ci au sol.

Elle était de petite taille, Baradi n'aurait pas de mal à la faire chuter, il lui fallait juste assez de force pour se propulser. Elle ne doutait pas d'en avoir. Elle croisa alors le regard de Kina, et compris que le moment était venu. Prenant appuie sur ses pattes arrières, la jeune lionne s'éjecta du sol pour atterrir sur les épaules de l'équidé noir et blanc. Elle planta ses griffes dans sa chair et ses crocs dans sa nuque, manquant de peu la veine centrale. Elle sentit le sang couler dans sa bouche, tandis que l'animal tentait de la déloger. Le poids du félin était cependant toutefois trop important pour lui, il n'allait pas tarder à rejoindre le sol. Baradi, quant à elle, tenait toujours bon, toujours agrippée à sa proie. Son cœur battait à tout rompre, l'adrénaline parcourait toujours son corps avec intensité. Le moment d'abattre la proie n'était pas sa partie favorite de la chasse, elle préférait la course, mais elle devait admettre que ce combat contre l'animal avait quelque chose d'excitant.

La lionne chercha des yeux la jugulaire, consciente qu'elle ne parviendrait pas à gagner cette lutte si elle ne la trouvait pas rapidement. La grosse veine lui apparu cependant rapidement, et elle n'hésita pas une seconde de plus. Ses crocs allèrent à la rencontre du point sensible, faisant gicler une gerbe de sang impressionnante dans sa gueule. Elle resserra sa prise pendant que le zèbre était secoué d'un soubresaut et sentit qu'il s'écrasait lourdement au sol, en hurlant de douleur. C'était à présent à Kina de jouer, alors que Baradi était entraînée dans la chute du zèbre. Il était temps d'achever l'animal, après tous ses efforts.

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Une fois l'animal écroulé au sol, Baradi lâcha prise et recula, le souffle court. Sa bouche dégoulinait de sang, ses pattes tremblaient encore sous l'effort et son cœur battait la chamade. Pourtant, une lueur de satisfaction et de fierté brillait dans ses yeux, malgré la fatigue. Elle laissa Kina achever la bête, regardant néanmoins comment elle s'y prenait pour terminer rapidement le travail et éviter des souffrances inutiles à la proie. Il était agréable de constater que les Pridelanders respectaient la vie animal au même titre que les Mositus, ils n'étaient pas des bêtes sanguinaires. Baradi se demanda si les Jangowas avaient du respect pour le gibier qu'ils chassaient puis secoua la tête. Elle n'avait pas les idées assez clair pour penser à ces choses-là. La vie quitta le zèbre dans un dernier soubresaut et la tête de l'équidé toucha la sol dans un bruit lourd. La jeune Mositu tourna la tête, pour constater que le troupeau s'était grandement éloigné, et se demanda naïvement avec un pincement au cœur si ce zèbre avait une famille qui attendrait éternellement son retour.

La féline aux yeux verts se retourna vers Kina, constatant que l'équidé était bel et bien mort. Ce n'était pas le moment de s'attrister, c'était après tout la loi de la nature. Une histoire de cycle de la vie, quelque chose comme ça. Du revers de la patte, elle s'essuya la gueule et cracha le liquide rouge qui lui piquait la gorge. La lionne orangée pris alors la parole, du sang sur les babines également.

- Bien joué Baradi, tu te débrouilles bien pour ton âge !

Pleine de fierté, la Mositu bomba le poitrail et se remémora les faits. Tout s'était déroulé extrêmement vite en vérité, mais elle avait ressentit chaque seconde avec une intensité foudroyante. Elle était plutôt satisfaite de cette partie de chasse, il fallait le reconnaître. Elle avait eu une tâche importante, et sentait qu'elle avait appris de nouvelles choses. Elle songeait même à partir à la chasse seule, la prochaine fois, afin de s'exercer une solitaire pour une fois. C'était plus dangereux, elle le savait, mais cela ne lui faisait pas peur. Une lionne qui espérait voyager à travers le monde ne devait pas être effrayer par quelques antilopes, après tout.

- Merci, lança-t-elle avec sincérité. Tu es drôlement forte, tu dois beaucoup chasser non ?

Baradi s'assit sur le sol, bien décidé à reprendre un peu des forces avant de devoir ramener la proie au Baobab. Elle savait cependant qu'il valait mieux ne pas traîner avant d'attirer les charognards. Les vautours ne manqueraient pas de s'approcher s'ils voyaient cette pièce de viande à portée de bec. La Mositu refusait de perdre le fruit de sa dure chasse pour ces rapaces ignobles, elle ne les laisserait pas toucher sa pitance.

- On devrait se dépêcher de ramener le zèbre au Baobab, je n'ai pas envie de me battre contre des charognards.

Elle sentait encore la fatigue dans ses pattes, et se serait bien allongée immédiatement, mais la chasse n'était pas terminée tant que la proie n'était en sécurité avec leur clan. Baradi se demanda alors comment elles allaient procéder, étant, pour l'une, Prideland, et l'autre Mositus. Le gibier allait-il être partager entre les deux tribus ?

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Plongé dans ses pensées, la jeune lionne ne pouvait s'empêcher de se demander comment, en effet, cette part de gibier allait être partagé. La question ne se serait pas posé quelques temps auparavant, mais ces dernières semaines, des tensions avaient sensiblement commencé à apparaître entre Mositus et Pridelander. Siri tentait tant bien que mal de calmer ses quelques conflits, mais ces derniers ne semblaient pas sur le point de s'arrêter. Kesmos, un ancien voyageur ayant rejoint les Mositus peu avant la guerre, exprimait clairement son rejet des Pridelander, surtout depuis que ces derniers évoquaient l'idée d'une alliance avec les Jangowas. Baradi savait que leur voisin de cohabitation avaient été chassé de chez eux et cherchaient des alliés pour reconquérir leur territoire, elle ne pouvait donc pas leur en vouloir de se rapprocher du clan le plus guerrier qui soit. Elle craignait les Jangowas, comme beaucoup, mais ne pensait pas qu'ils puissent être tous mauvais. Depuis qu'elle avait revu Vako, elle avait même de l'espoir quant à une possibilité de paix entre leur deux tribus, et, peut-être, la possibilité pour les Mositus de retrouver leur Oasis.

- Disons que j'ai appris à chasser assez tôt pour apprendre à me débrouiller. J'ai appris en compagnie de mon frère.. Et c'est quelque chose qu'aujourd'hui j'apprécie assez.. Pour les charognards, tu as raison, ce n'est pas prudent de rester trop longtemps dans le coin.

Les paroles de Kina tirèrent la féline brune de ses réflexions. Les questions de politique étaient décidément bien compliqué pour l'adolescente qu'elle était, et elle avait beaucoup de mal à déterminer ce qui était juste ou non. Elle sentait bien que son clan se divisait, mais ne voyait absolument pas comment faire pour rester uni. Lukah allait sans doute trouver une solution, les Mositus avaient besoin de sa sagesse. Baradi tendit donc l'oreille et s'étonna de la réticence de sa camarade à évoquer son frère. Y avait-il un soucis ? La jeune lionne aurait bien poser quelques questions, mais cela ne la regardait pas, il n'était pas courtois de se mêler des affaires des autres. Jadis, elle aurait sans doute parler librement, mais elle n'était plus une enfant à présent, et était de plus en plus consciente des tensions entre les tribus.

- Dis moi Baradi.. As-tu une idée quant à la manière de répartir la nourriture? Quoi que, avec un peu de chance un autre groupe de chasse aura ramené à manger aussi et il n'y en aura pas besoin..

Les oreilles de la Mositu se dressèrent. Kina avait pensé à la même chose qu'elle, sans doute également consciente des quelques conflits qui risquaient de naître si la proie allait à l'un ou à l'autre des clans. Ils pouvaient toujours la couper en deux, mais cela ferait des portions assez réduites. Baradi fronça les sourcils devant cette situation énervante. Pourquoi les deux clans ne pouvaient-ils tout simplement pas manger ensemble sans faire d'histoire ? Elle attrapa le zèbre par le cou et commença à le tirer vers le Baobab, en déclarant :

- On verra quand on y sera, on trouvera bien une solution.

Toujours optimiste, Baradi ne perdait jamais espoir. Elle traîna la pièce de gibier avec l'aide de Kina, tout en se demandant comment les membres de son clan allaient réagir. Ils n'étaient pas si surprenant qu'une Mositu et qu'une Pridelander aillent chasser ensemble, il ne fallait pas s'en inquiéter outre mesure. Il faudrait qu'elle demande conseil au vieux Lukah bientôt, pour lui demander ce qu'il pensait de cette situation, et comment ils allaient s'en sortir. Aux yeux de Baradi, il ne fallait pas céder à la colère contre les Pridelanders à cause de leur future alliance avec les Jangowas. Chacun agissait comme il le pouvait pour survivre, après tout, et pour le bien de son clan. Qui plus est, la lionne brune ne parvenait pas à haïr les lions du désert, malgré ce qu'ils avaient fait à sa mère. Le seul qu'elle détestait était Akili, et il était mort.

Elles arrivèrent assez vite au Baobab, sans avoir attiré de vautours et de busards autour d'elles, ce qui était une très bonne chose. Baradi constata avec soulagement que le groupe de chasse de son clan était de retour également, et qu'elles avaient ramené plusieurs pièces de gibier, ce qui suffirait à nourrir les Mositus. Elle déposa le zèbre sur le sol et regarda Kina, un sourire sur les babines.

- Mon clan a assez de gibier pour la journée, tu n'as qu'à prendre le zèbre pour les tiens. Merci pour cette partie de chasse en tous cas, c'était vraiment génial ! On se refera ça hein ?

Elle entendit son père l'appeler, au loin, et salua son amie au pelage brun orangé avant de tourner les talons. Elle alla rejoindre son géniteur, et lui raconta sans hésiter sa journée. Chezo , grand pacifiste dans l'âme, ne voyait pas d’inconvénient à ce que sa fille aille chasser avec une Pridelander, même s'il n'appréciait pas l'alliance de ces derniers avec les Jangowas. Difficile de dire comment les choses allaient évoluer, mais un nouveau jour touchait à sa fin au Baobab.

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