Un grande page vierge, sur laquelle il aurait été possible de tout inscrire, de tout inventer. De tout réinventer. Une vie, une histoire, un chemin. C'était ce que ressentait Baradi, alors qu'elle laissait ses pattes la mener dans les limbes du monde. Tout était allé si vite depuis la guerre contre les Jangowas, la jeune lionne brune ne savait plus quoi penser. Son Clan avait retrouvé un semblant de territoire, précaire et peu sûr, son père semblait se remettre de la mort de sa compagne, tout le monde se reconstruisait, petit à petit. Il faudrait du temps pour que chacun accepte son sort, mais ils avaient fini de se lamenter. Ils avaient avancé, ils étaient allés de l'avant, la peur au ventre et des doutes plein la tête. Ils n'avaient pas trouvés un nouveau paradis comme elle l'avait espéré étant enfant, mais ils avaient un endroit pour dormir, c'était déjà ça.

Et elle, que dire d'elle ? Baradi avait grandi, elle avait changé. Son corps s'était mué en celui d'une jeune lionne prête à affronter la vie. Elle n'était cependant pas si différente d'avant. Son pelage brun était reconnaissable entre mille, et ses yeux verts brillaient toujours de cet éclat vif plein de malice. Dans ce territoire froid et où la neige commençait à apparaître, elle se sentait une intruse, mais sa curiosité la poussait à aller voir plus loin. Les Mositus étaient brièvement passé par là durant leur traversé du désert, et à présent qu'elle était assez âgé pour s'y aventurer seule, elle voulait voir ça de plus prêt. Il lui faudrait un long voyage pour pénétrer dans le royaume du nord, et ce n'était pas son but. Juste explorer leur frontière, voir tout ça d'un peu plus près.

Elle ne voulait pas attirer l'attention des lions blancs, qui n'apprécieraient peut-être pas qu'une Mositus s'incruste sur leur terre. Elle devait faire preuve de prudence, un indicent diplomatique arrivait vite, dans ces heures sombres. La savane était bouleverser d'une multitude de conflits ces derniers temps, tous clans confondus. Baradi commençait à s'intéresser à tout cela, même si beaucoup de chose lui apparaissaient encore comme flou. Ce qu'elle savait, cependant, c'était qu'elle avait gardé sa curiosité naturelle, et que rien ni personne ne parviendrait à atténuer son excitation face à l'aventure. Et justement, elle sentait le frisson de l'adrénaline la traverser, alors qu'elle apercevait une silhouette se mouvoir, à quelques mètres de là. Elle eu beau se coucher sur le sol pour se dissimuler, son pelage la trahissait. Elle espérait qu'en restant silencieuse, le nouveau venu ne la remarquerait pas. Elle pouvait bien y croire, en effet...

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Evidemment, comme il fallait s'y attendre, le lion la repéra sans le moindre mal. Il s'approcha à grands pas, permettant à Baradi de le regarder plus attentivement. Il avait le pelage entièrement blanc, du bout des pattes jusqu'aux oreilles, où une petite tâche noire était visible. Sa crinière immaculée entourait son cou telle une écharpe pour le protéger du froid. Il ressemblait parfaitement à ce que Lukah lui avait décrit des mois auparavant, alors qu'ils parlaient du Royaume du Nord. La jeune lionne avait rêvé de rencontré ces félins vivant dans les neiges, et aujourd'hui, elle en avait l'occasion. Ce mâle n'était pas excessivement costaud, ni particulièrement grand, mais une aura spéciale se dégageait de lui, une aura de confiance et de force. L'instinct poussait la femelle à penser que ce lion ne devait pas être n'importe qui dans son clan. Il se posta devant elle, et la regarda avec un calme surprenant.

- Que fais tu là ? Relève toi !

Il émanait de sa voix une autorité et une douceur plutôt surprenante. Baradi lui obéit sans trop savoir pourquoi, l'observant avec une certaine fascination. C'était tout de même le premier nordique qu'elle rencontrait, il y avait de quoi être impressionné ! En ce moment, elle ne voyait que les robes brunes des lions de son clan, et celle dorée des Pridelanders. Elle n'avait jusque là jamais vu de pelage entièrement blanc comme celui-ci. Elle le regarda droit dans les yeux, ayant la sensation en faisant cela de faire preuve d'un soupçon d'arrogance. Elle était aux frontières du territoire du nord après tout, elle devait prendre garde à ne pas s'attirer d'ennuis.

- Je me promenais simplement, je n'ai pas l'intention de pénétrer sur ton territoire, répondit-elle avec humilité. Je m'appelle Baradi, du clan des Mositus.

La jeune lionne inclina poliment la tête, comme on lui avait appris à le faire face à un inconnu. Il ne semblait pas beaucoup plus vieux qu'elle, de quelques mois sans doute. Il avait sa crinière d'adulte, mais cela ne devait pas faire très longtemps qu'elle avait fini de pousser. Néanmoins, son comportement indiquait qu'il avait l'habitude d'être respecté. Baradi avait opté pour le tutoiement, en espérant que cela ne l'offusquerait pas. Elle était du genre à tenter tous les paris, après tout.

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Rapidement, la jeune lionne brune pu voir une lueur de curiosité dans le regard de son interlocuteur. Peut-être n'avait-il jamais vu de Mositus, et la couleur sombre de sa robe l'intriguait. Baradi rencontrait un nordique pour la première fois, et elle avait du mal à cacher sa fascination pour la robe immaculée du mâle. Elle avait du mal à imaginer comment des lions pouvaient vivre dans un environnement aussi hostile que cette montagne enneigé, puis se rappela que les Jangowas devaient subir la chaleur intense du désert. Finalement, chaque clan s'adaptait à sa maison, sauf lorsqu'il en était chassé... Cette pensée amena un vent de mélancolie dans le coeur de la féline aux yeux verts, mais elle tacha de le repousser. Détester les Jangowas ne ferait pas revenir sa mère, elle le savait. Elle devait plutôt penser à l'avenir, un avenir de paix où ils pourraient, peut-être, tous cohabiter. Ce moment était cependant encore loin, presque inimaginable. La voix du nordique la fit brusquement revenir à la réalité, comme une bourrasque lui ébouriffant le poil.

- Pourquoi les félins du désert ont ils fait ça ? Est - ce comme ça que vous vous traitez dans l'au Delà ?

Cette question, Baradi se l'était posée un nombre incalculable de fois. Pourquoi ? Pourquoi Akili leur avait-il déclaré la guerre ? Parce qu'il haïssait les Mositus. Et pourquoi haïssait-il les Mositus ? Parce qu'ils occupaient son Oasis. Le vieil Empereur avait beau se cacher derrière des excuses, l'infidélité de sa compagne avec un lion brun, l'empoisonnement de l'eau qu'il leur mettait sur le dos, la vraie raison de cet assaut était évidente. Il voulait que les Jangowas récupèrent l'Oasis. Peut-être avait-il été réellement touché dans sa fierté lors de l'adultère, et peut-être pensait-il vraiment que les Mositus était coupable des problèmes aqueux que les deux clans avaient connus, mais tout ceci était masqué par la haine aveugle et puissante qu'il ressentait envers ce clan qu'il n'avait jamais réussi à comprendre. La jeune lionne baissa les yeux et murmura :

- Ils nous détestent, notre simple existence est pour eux une erreur. Ils nous rendent coupable d'un acte que nous n'avons pas commis et s'en sont servis comme excuse pour nous détruire. Mais la vérité, c'est que notre seul tord, c'est d'être né brun.

Il était difficile d'admettre ce terrible fait, qu'elle avait mis longtemps à accepter. Si l'espoir d'une paix entre leur clan pouvait encore exister, il faudrait pour cela vaincre la colère ancestrale que les Jangowas éprouvaient à l'égard des Mositus. Ce n'était pas vraiment une tâche aisée. Se rappelant qu'il y avait toujours quelque chose qu'elle ignorait, Baradi redressa la tête pour chercher le regard du lion blanc.

- Excuse moi mais... Comment t'appelles-tu ?

Elle était en effet curieuse de savoir qui était ce nordique qui lui faisait face, à peine plus âgé qu'elle, mais dont il se dégageait une aura surprenante qu'elle n'avait jamais vu chez qui que ce soit d'autre.

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L'étonnement, la stupeur même, se lisait dans le regard du nordique, alors que Baradi lui révélait la nature du conflit qui régnait entre Jangowas et Mositus. Ce n'était pas facile pour la féline de parler de toutes ces choses, cela la renvoyait à la mort de sa mère et causait en elle une peine infinie. Et malgré tout cela, aucune haine ne venait empoisonner son cœur. Elle ne parvenait pas à détester les lions du désert, peu importe ce qu'ils avaient fait. On lui avait appris à pardonner, peut-être était-ce sa plus grande force. Elle voyait bien que son interlocuteur au pelage blanc souhaitait la questionner d'avantage, peut-être ignorant de ce qu'il se passait au-delà de ses frontières. Ce ne serait pas étonnant, après tout. Lorsqu'elle vivait à l'Oasis, Baradi savait bien peu de choses sur les autres clans, séparée d'eux par un immense désert. La situation était plutôt ironique en fin de compte, c'était en se faisant chasser de chez eux que les Mositus avaient appris à cohabiter avec d'autres.

- Je m'appelle Késhia.

La jeune lionne esquissa un sourire. Elle ne savait pas grand chose de ce lion du nord, visiblement jeune et sans grande expérience de la vie, mais dont il se dégageait une assurance surprenante. Dans son imaginaire de lionceau, Baradi avait toujours imaginé les habitants du royaume des montagnes comme d'immense félins à la fourrure immaculée, plein de force et de grâce. Aujourd'hui qu'elle en avait un devant les yeux, elle devait reconnaître qu'elle n'était pas déçue. Il n'était pas aussi gigantesque que ce qu'elle avait supposé, mais il la dépassait tout de même largement. C'était un lion beau et costaud, cela ne faisait aucun doute. On disait cependant que les lions du nord était plutôt sage et pacifiste, un peu comme les Mositus, finalement. Les deux clans se ressemblaient sans doute plus qu'ils ne le pensaient. L'adolescente répondit, avec une touche d'amusement.

- Enchantée Késhia, grand lion du nord.

A présent que les présentations étaient faites, Baradi se sentait un peu plus à l'aise. Elle avait réussi à chasser ses sombres pensées, à les mettre dans un coin reculé de son esprit, et était désormais bien plus apaisée. Elle regarda autour d'elle avec curiosité. Ils se trouvaient encore loin du sommet blancs des montagnes, mais quelques tas de neiges étaient éparpillés ici et là, et le froid était suffisamment présent pour leur rappeler où ils étaient. Baradi n'était pas habitué à ce type de climat, et elle n'avait pas de grande chance de survie dans le nord, mais elle était tout de même charmée par ce paysage. Il y avait quelque chose de magique dans l'air, peut-être porté par les promesses d'aventures des histoires de son enfance, ou par la présence d'un authentique lion des montagnes. La féline frissonna en sentant une brise glaciale lui ébouriffer le pelage.

- J'envie ton épaisse fourrure, je mourrais de froid si je m'aventurais un peu plus dans ton territoire. Dangereuse beauté que sont les montagnes, pour nous autres les lions de la savane !

Elle cessa de contempler les alentours pour reporter son attention sur Késhia, un sourire espiègle toujours sur les babines. Elle était cependant sincère, ce paysage était magnifique. Il devait cependant être plein de périls, et pas seulement à cause du froid. Trouver du gibier ne devait pas être facile dans ces terres glaciales, et les prédateurs tapis dans l'ombre devaient être nombreux. Cela n'empêchait pas à Baradi de trouver l'endroit extrêmement attirant, plein de mystères et d'espoir.

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Tandis que la féline au pelage brun contemplait les alentours, elle entendit les pas du nordique dans la neige, comme s'il s'approchait. Baradi sentit bien vite une source de chaleur se tenir à ses côtés, et les longs poils blancs de son interlocuteur effleurer sa propre fourrure plus courte. Elle devait reconnaître que sa présence n'était pas désagréable, elle avait beaucoup moins froid avec lui près d'elle. Ses ébullitions d'adolescente la poussait cependant à éprouver une certaine gêne face au contacte d'un mâle presque inconnu, puissant et bien battit comme l'était Késhia. Il y avait de quoi être impressionné et penaud également. Il fallait admettre que ce lion du nord était plutôt beau, constat qui fit rougir la lionne sous sa robe. Elle se surprenant de plus en plus à avoir ce genre de pensée, qui ne la traversait jamais jadis, lorsqu'elle était encore une enfant. Elle grandissait, et cela l'effrayait un peu, par moment. Tout changeait autour d'elle, elle ne voyait plus les choses de la même manière qu'avant, comme si sa vision de lionceau avait été balayé par une tempête. Tout était dans le flou, tout était trouble.

- Reste près de ma fourrure, et la tienne ne sera plus un problème si tu veux explorer un peu plus loin dans mon royaume.

Elle cligna des yeux et tourna la tête, pour se rendre compte que Késhia était plus proche encore qu'elle ne le pensait. Elle voulu reculer, dans un premier temps, puis trouva cette réaction stupide. Il voulait seulement lui tenir chaud, rien de mal. Qui plus est, ses paroles l'avaient interloquées. Explorer un peu plus son royaume ? Voulait-il l'emmener plus loin, là où la neige était plus importante ? L'excitation gagna bien vite la jeune Baradi, elle avait du mal à le dissimuler. Elle se souvenait du vieux Lukah, lui parlant des contrés du nord, et s'était promis qu'un jour, elle verrait cela de ses propres yeux. Voilà qu'elle en avait l'occasion, enfin ! Lorsque le grand mâle se mis en route, la féline ne resta pas en arrière, et cala sa démarche sur celle du nordique. Il avançait lentement, lui permettant aisément de tenir le rythme. Elle fit ses premiers pas dans ce territoire inconnu, les yeux grands ouverts, ne voulant manquer aucune miette de ce spectacle étonnant.

Ils n'avaient marché que quelques minutes que la neige s'épaississait déjà par endroit. Le paysage s'ouvrait sur une forêt entièrement blanche, où seuls les troncs offraient une couleur différente à voir. Késhia s'approcha alors d'un monticule de neige et souffla dessus en se baissant, ce qui fit surgir plusieurs petites créatures pelucheuses et toute blanche, que Baradi n'avait jamais vu. Il s'agissait d'une sorte de rongeur, mais plus gros que les souris qu'elle avait pu attraper à l'Oasis étant enfant. Sans oublier leurs grandes oreilles, et leurs puissantes pattes arrières, qui leur permettrait de fuir rapidement, s'éloignant des prédateurs, qui n'avaient de toute manière aucune intention de les courser. Mais au contraire, les minuscules animaux restèrent tapis dans ce qui semblait être le tanière, à regarder les félins de leurs yeux étonnés. Un rire léger, amusé mais également surpris et attendri s'échappa de la gorge de la lionne. Elle n'avait vu un spectacle pareil, c'était enivrant. Elle se tourna vers le nordique et lui lança, évitant toutefois de parler trop fort pour ne pas effrayer les rongeurs :

- C'est incroyable, ces petites boules de poils sont adorables ! Qu'est-ce que c'est ? Il n'y a rien de tel, que ce soit dans l'Oasis de mon enfance, ou dans la Lande où nous vivons actuellement.

Les yeux brillants, Baradi attendit que son ami lui montre d'autres merveilles que son royaume enseveli sous la neige protégeait. Il y avait une sorte de magie dans l'air, portée par la brise mordante que la féline sentait sur son pelage, mais dont elle était protégée par l'épaisse fourrure de Késhia.

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Au grand étonnement de la jeune lionne, Késhia se pencha vers les petits rongeurs, approchant sa tête du plus minuscules. Un nuage d'air chaud s'échappa du museau du lion, faisant reculer l'animal duveteux, qui ne tarda pas cependant à revenir à la charge, plein de curiosité. Baradi observait silencieusement ce spectacle absolument adorable, touché par la sensibilité du lion blanc. Tous les nordiques étaient aussi doux et gentil, ou était-ce seulement celui là ? Ils étaient connus pour leur sagesse, mais la féline pourrait dès à présent dire qu'ils étaient aussi des êtres bienveillants et galants. Elle se surpris à songer que si elle avait été une lionne du nord, elle aurait sans doute considéré autrement sa relation avec Késhia. Il devait avoir une foule de prétendantes, s'il était ainsi avec toutes les femelles. Elle les yeux au ciel, se morigénant d'avoir de telles pensées, qui n'étaient guère appropriées à la situation.

- Ce sont des lièvres des neiges... Viens, approche.. Doucement.

Baradi obéit docilement, tout en espérant ne pas faire peur aux rongeurs. Une fois son visage à la hauteur du petit lièvre, elle plongea ses iris dans les siens et fut émerveillé par son ravissant museau touffu. Elle se demanda un instant s'il serait possible de le ramener chez elle, à la Lande, puis se rappela ce qu'on lui avait expliqué sur les habitants du royaume du nord. Ils ne pouvaient pas survivre ailleurs que dans leur environnement, et il y avait fort à parier que le rongeur soit dans le même cas que les lions. Késhia ne pouvait vivre longtemps dans la savane, tout comme elle ne pouvait pas habiter dans la montagne. C'était un constat un peu triste, et pas seulement pour le lièvre. Un monde la séparait de son ami au pelage blanc, elle ne le reverrait sans doute plus une fois qu'elle serait de retour chez elle. Même si elle ne le connaissait pas depuis très longtemps, elle l'appréciait déjà et sentait qu'ils avaient plus de chose en commun qu'ils ne le pensaient. Ce lion était doté d'une sensibilité qu'elle n'avait vu chez personne d'autre, et en était touché.

Alors qu'elle poursuivait sa contemplation de la petite boule de poil, elle remarqua que Késhia s'était redressé, tout en restant suffisamment proche pour la maintenir au chaud, ce dont elle lui était reconnaissante. Elle avait outre passé sa gêne de la proximité, et profitait à présent pleinement de la protection au froid qu'il lui offrait. Baradi sentit soudain la présence d'un autre félin, d'une lionne même, ce qui lui fut vite confirmé.

- Mes excuses mon Roi, je ne souhaitais pas vous importuner.

Elle redressa la tête, juste à temps pour voir une femelle à la robe immaculée, comme celle de Késhia, reculer et disparaître entre les arbres. La Mositu haussa un sourcil, puis l'information monta jusqu'à son cerveau, et son regard éberlué se porta sur son ami. Elle avait bien dit "Mon Roi" ? Késhia était le roi du nord ? C'était plutôt difficile à croire, mais au fond d'elle, Baradi avait senti qu'elle n'était pas avec n'importe qui. Le mâle avait en lui quelque chose qui imposait le respect, elle l'avait sentit dès le premier regard. Elle n'aurait cependant pas imaginé qu'il avait une place si importante au sein de son clan... Quelque peu secoué, elle avait du mal à s'intéresser de nouveau aux lièvres. Elle évita un instant le regard du nordique, puis songea qu'elle n'avait pas à être gêné. Elle lui parlait bien comme à un ami quelques instants auparavant, pourquoi les choses devaient-elles changer ? Elle lança, de son habituelle voix cristalline et légère :

- Tu ne m'avais pas dis que tu étais roi ! Je me serais comportée plus convenablement si j'avais su, avec d'avantage de courbettes !

Malgré son attitude taquine, elle éprouvait un sincère respect pour son interlocuteur, et était impressionnée par sa position. Il n'était pas n'importe qui, après tout. En réfléchissant un instant, Baradi se souvint du roi dont on lui avait parlé, le vieux Theluji, considéré comme le lion le plus sage qui soit. Késhia était-il son fils ? Cela signifiait donc que le vieux monarque était mort ? Il lui avait semblé entendre cette rumeur, mais par les temps qui courraient, on ne pouvait être sûr de rien. Cette information là était au moins confirmée, à présent.

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Le rire grave du mâle s'éleva au-dessus des deux félins, bientôt rejoint par celui cristallin de la jeune lionne. Elle s'en était douté en observant son comportement depuis leur rencontre, mais Késhia n'était pas un arrogant despote fier de sa situation. Il n'avait pas évoqué son rang jusque là, sans doute pour ne pas impressionner Baradi, qui n'aurait peut-être pas osé se montrer si familière avec lui si elle avait su dès le départ qui il était. En fin de compte, elle lui était reconnaissant d'avoir tue son rang, elle avait ainsi eu le temps de voir à quel genre de lion elle s'adressait, et pouvait le considérer comme un ami. Il lui répondit alors, d'une voix emplie de modestie, ce qui soulagea l'adolescente. Elle n'avait pas vraiment envie de se mettre aux courbettes, pour tout dire.

- En effet; je suis le roi du Nord, le roi au delà des Montagnes. Mais je n'ai rien de plus que la lionne que tu as vu récemment, ou même que cette mère et ses lapereaux. Ce n'est qu'un titre parmi tant d'autres, mais je ne suis pas différent de toi, je reste un animal, et tu n'as pas a changer ton comportement a mon égard, Baradi.

Elle lui offrit un sourire sincère. Le royaume du Nord était entre de bonnes pattes avec un monarque sage et modéré comme Késhia semblait l'être. La réputation des nordiques se confirmait par son biais, même si Baradi se doutait qu'il devait y avoir des exceptions, comme il existait des lions agressifs parmi les Mositus, qui étaient connus pour leur caractère pacifiste. Elle était ainsi soulagée d'être tombée sur ce jeune roi, plutôt que sur quelqu'un de plus tête brûlée, qui l'aurait peut-être chassé. Elle ne savait pas comment les nordiques considéraient leur frontière et s'ils les défendaient avec l'ardeur des Jangowas. Cela ne semblait pas le cas, mais on était jamais trop prudent, surtout en terre inconnue. Si un jour elle voyageait, ce qui arriverait évidemment, cela ne faisait aucun doute, elle devrait se méfier des endroits qu'elle ne connaissait pas. La guerre contre les Jangowas lui avait appris que tous les lions n'étaient pas bienveillants à l'égard de ceux qui ne leur ressemblaient pas. C'était une leçon cruelle, qui avait coûté la vie de sa mère, mais qu'elle n'était pas prête d'oublier. Cela ne l'empêcherait pas de tenter de régler tous ses problèmes de manière diplomatique et de n'utiliser la violence qu'en cas de dernier recours, car c'était ce qu'on lui avait appris.

Une signe de tête de Késhia attira son attention et la sortit de ses réflexions. Elle emboîta le pas de son ami, le suivant à travers les arbres et la neige. Plus elle marchait, plus il faisait froid. Elle ne serait bientôt plus en sécurité derrière la fourrure du lion blanc, il faudrait qu'elle fasse demi-tour. Baradi était déterminée à en voir plus cependant, elle ne voulait pas déjà rebrousser chemin. Elle suivit donc le mâle à la robe immaculée, et déboula dans une clairière où de petits lions blancs jouaient, se courant après en poussant des cris de joie. Ce spectacle fit remonté en elle des souvenirs de sa propre enfance, à l'Oasis, et un instant, une boule se forma dans sa gorge. Loin était le temps de l'innocence et des jeux naïfs. La candeur de ces beaux jours lui paraissait fort éloigné à présent. Elle secoua discrètement la tête, mettant sa peine de côté. Elle n'était plus un lionceau, certes, mais elle avait encore le droit de s'amuser et d'être heureuse. Bientôt, elle quitterait la lande pour partir à la découverte du monde aux côtés de Nsaï, et ce serait la plus grande aventure de sa vie.

- Bienvenue au royaume du Nord.

Elle cligna des yeux, et s'aperçu qu'une larme perlait sur le coin de sa paupière. Elle chassa l'intruse d'un battement de cil et continua son observation des lieux, un sourire émerveillé sur les babines. Elle était étonnée que les lionceaux n'aient pas encore remarqué sa présence, elle ne passait pourtant pas inaperçu avec sa robe brune. Ils ne faisaient quant à eux qu'un avec la nature qui les entourait. Il y avait quelque chose d'irréel dans ce paysage, comme s'il était sortit tout droit des rêves de l'adolescente. Elle avait imaginé un endroit semblable lorsque le vieux Lukah lui en avait parlé, mais n'avait pas pensé ressentir autant d'émotions en se trouvant en ces lieux.

- C'est magique, souffla-t-elle. J'ai grandi au milieu d'arbres immenses aux feuilles vertes, avec des racines énormes et une odeur d'humus partout. Et puis des couleurs, des tas de couleurs. Rien de de ce que j'ai connu ne ressemble à ton royaume. Je n'aurais jamais cru qu'il existe un endroit aussi... Pur.

L'Oasis ne ressemblait pas à la Lande, et la Lande ne ressemblait pas au Royaume du Nord. Le monde était donc fait d'une infinité de diversités, de territoires et de royaumes, mais aussi de lions tous différents. Une brise glaciale pénétra cependant la fourrure de la féline, la forçant à reculer. Elle fit donc quelques pas en arrière pour retourner vers les arbres, là où il faisait moins froid et où ils pourraient discuter sans qu'elle se transforme en glaçon. Une fois en lieu sûr, elle demanda, se souvenant des paroles du vieux Lukah.

- Tu es le fils de Theluji j'imagine. On m'a beaucoup parlé de lui, tout le monde dit que c'était un lion très sage, le plus sage de tous... Je suppose qu'il a été un très bon roi pour le Nord.

Elle espérait que Késhia lui en dise plus sur lui à présent, elle souhaitait en apprendre d'avantage à son sujet. Theluji était une sorte de légende en bas des montagnes, là où personne ne l'avait jamais vu.

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Baradi regretta assez rapidement sa question, car un voile de tristesse apparu bien vite devant les yeux du roi du nord. Il était jeune, et devait assumer des responsabilités dont la jeune féline n'avait pas idée, depuis que Theluji avait quitté ce monde. Aborder ce sujet n'était peut-être pas une bonne idée si cela devait raviver la peine du jeune monarque, ce qu'elle ne souhaitait absolument pas. Elle avait laissé sa curiosité parler, et devait admettre qu'en apprendre plus sur ce souverain de légende n'était pas pour lui déplaire, mais pas si cela devait attrister son ami. Il baissa la tête durant plusieurs secondes, et Baradi craint un instant qu'il ne réponde pas. Il finit cependant pas se redresser et la regarda, le visage plein de douceur malgré son regard peiné. La Mositus connaissait le chagrin de perdre un membre de sa famille, sa mère était morte durant la guerre après tout. Cela faisait presque deux ans à présent, et pourtant, elle souffrait toujours en pensant à elle. C'était le genre de douleur qui ne disparaissait jamais réellement, en fin de compte.

- Et non, je ne suis pas le fils de Theluji. Theluji m'a retrouvé dans les montagnes sombres, alors que ma mère s'était fait tuer lors d'une chasse. Il est mon tuteur. Il était en effet, le plus grand roi que le Nord ait jamais vu..

Voilà une histoire drôlement surprenante, à laquelle Baradi ne s'était pas attendue. Késhia avait donc été adopté ? Le roi Theluji n'avait eu aucun enfant légitime et avait nommé sa pupille comme héritier. Ce n'était pas vraiment ce qu'elle avait imaginé, mais après tout, elle n'y connaissait pas grand chose en monarchie. Chez les Mositus, il n'y avait pas de roi après tout, mais des chefs, désignés par le clan. Ainsi, le fils du chef n'était jamais nommé chef à sa suite, car ce n'était pas ainsi que les choses se faisaient. Ainsi, même si elle était surprise, elle n'était pas tant choquée que ça. Ce genre d'histoire devait bien avoir lieu, car il devait arriver qu'un roi ne trouve pas de compagne ou ne fasse pas d'enfant. Et s'il n'avait pas eu de pupille, que ce serait-il passé ? Voilà qui était une bonne question ! Mille scénarios étaient possibles, et Baradi se serait bien amusée à les imaginer tous les uns après les autres, mais le moment était peut-être mal choisi.

Késhia mis fin à ses réflexions en proposant de faire demi-tour, et la brise glaciale ramena la Mositus à la réalité. Il faisait en effet extrêmement froid, et la jeune lionne n'avait pas le pelage fait pour résister à une telle température. Malgré la présence du monarque, qui lui tenait chaud, elle était frigorifiée. Marcher un peu lui fit du bien, et chaque pas la rapprochait de la savane, avec son climat paisible. Mais, même si ses muscles étaient tendus et gelés, elle ne regrettait pas d'être venu jusque ici. Elle avait vu de telles merveilles, qu'elle n'aurait jamais pu voir en dehors des terres du nord. Baradi n'aurait peut-être pas l'occasion de revoir cet endroit de si tôt, mais elle reviendrait, elle en était sûre. Un jour, ses pas la ramenaient ici, en ce lieu magique. Peut-être y amènerait-elle Nsaï, pour lui faire découvrir ce endroit qui ne pouvait que faire rêver.

- Il me semble que c'est ici que nos chemins doivent se séparer, Baradi, pelage brun de l'au Delà. Ce fut un plaisir de te rencontrer, et j'espère que nos routes se recroiseront bientôt.

La jeune lionne leva la tête et regarda droit devant elle. La neige se faisait plus rare à présent, et le sentier le poursuivait, plus rocailleux, se dirigeant droit vers la Lande d'où la femelle venait. Elle pourrait rentrer chez elle sans problème, le chemin n'était pas difficile à suivre, bien que légèrement pentu. Baradi se tourna donc vers Késhia, un peu peinée de lui dire adieu à présent, mais des images merveilleuses en tête. Elle avait beaucoup de chose à raconter à présent, et il lui tardait de faire son récit à son père et à ses amis, une fois de retour au Baobab. Elle répondit donc à son signe de tête et déclara, d'un ton chargé de reconnaissance.

- Merci de m'avoir fait découvrir tes terres Késhia, je ne l'oublierais jamais. Je suis sûre qu'un jour nous nous reverrons. Prends soin des tiens, roi du nord, et prends soin de toi.

La Mositus tourna ensuite les talons et commença à descendre le sentier qui la ramènerait jusqu'à chez elle. Son sourire un peu triste ne quitta pas ses babines jusqu'à ce qu'elle soit arrivée et même lorsqu'elle fut au Boabab, tandis que la nuit tombait, elle garda cette moue pensive et rêveuse.


[Fin du RP pour moi ! Ce topic aura duré un bout de temps, mais ça a été un vrai plaisir de RP avec toi !]

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