Dissimulée dans la noirceur de la nuit, la jeune mangouste se faufila, telle une ombre surnaturelle, entre les rochers. Akhet se plaqua contre une paroi rocheuse et retint son souffle pour s'assurer que personne ne l'entendait. Il tendit l'oreille. Pas un son. Le Rocher de la Fierté était muet comme la mort. Sous la couverture de la nuit, il paraissait atrocement sinistre. Et les Nyeusis ? Le suricate ne flairait pas leur présence. C'était étrange. Il ne savait pas s'il devait en être rassuré ou non. Seule la lumière de la lune éclairait le parcours du courageux suricate, qui déglutit à chaque pas qu'il faisait tant la tension était palpable. Il n'était qu'au pied du rocher pourtant. Aucune hyène ne lui avait barrée la route et les lions noirs étaient introuvable. Etait-ce une bonne chose ? Akhet sentait son petit coeur qui battait la chamade. C'était la première fois qu'il faisait quelque chose d'aussi périlleux. Lui même n'en revenait pas de l'endroit où il se trouvait. Que d'angoisse. Akhet rêvait de retrouver son terrier. Mais il ne pouvait plus faire marche arrière à présent. Déterminé, le suricate grimpa la roche, si vite qu'il était presque sûr que personne n'aurait pu le voir. Il arriva rapidement au niveau du promontoire et s'empressa de se cacher derrière un autre rocher. Toujours rien en vue. Furtif, la mangouste reprit son chemin, glissant le long du mur rocheux, s'approchant de l'entrée de la caverne. Prudent, il y jeta un oeil. Toujours aucune trace des lions. Aucune présence à flairer. La mangouste prit son courage à deux pattes et pénétra la grotte. Marchant sur la pointe des pattes, il ne faisait pas le moindre bruit. Mais alors qu'il arriva vers le fond de la grotte, un grondement derrière lui retentit. Akhet se figea, un frisson atroce parcouru son échine. Il n'osait même plus se retourner. Lentement, très lentement, il décida finalement à pivoter le regard et poussa un cri tandis qu'un lion noir aux yeux rouge se jeta sur lui, toutes griffes dehors. La vision d'immenses crocs fut la dernière avant le gouffre sans fin de la mort...

Akhet se réveilla en sursaut et lâcha un cri de frayeur mais se cogna la tête au plafond du creux du rocher qui lui servait d'abri dans la Lande des Sans Terre. Un petit "aïe" suivit ce réveil brutal, après quoi la mangouste se frotta vivement la tête. Son coeur battait à s'éjecter de la poitrine, mais devant le silence serein d'une nuit étoilée, aux douces températures, Akhet soupira de soulagement. Ce n'était qu'un rêve.

Akhet bailla péniblement et sortit de son creux de rocher en s'étirant. Que faisait-il dans la lande déjà ? Depuis qu'il avait rencontré le prince Damu, il était plus que déterminé à aider les lions. Du moins, ceux là. Il devait espionner les Nyeusis mais le rêve de tout à l'heure prouvait bien qu'il n'était pas encore prêt. Secoué par cette nuit agitée, le jeune suricate décida d'aller faire un tour pour se changer les idées. Le fait d'avoir la confiance d'un prince lion l'avait tellement ragaillardit, qu'il craignait l'échec. Mais bon, il possédait suffisamment de volonté et d'optimisme pour que le moment venu, il se lance sans faille.

Alors qu'il marchait tranquillement dans une vallée délaissée de toute présence, le museau vers le ciel, pour observer les lumières qui rendaient cette nappe bleutée si jolie et mystérieuse, la mangouste sentit une présence. Il y avait peu de vent cette nuit mais il était certain d'une chose, il flairait une odeur inconnue. Regardant devant lui, il aperçu non loin une sombre silhouette qui se dessinait dans la nuit, sur un rocher en guise de piédestal. On dirait bien un jeune lionceau. Le jeune observait apparemment les cieux, tout comme lui. Le suricate s'assura d'être seul avec lui avant de s'en approcher. Son contact plutôt avantageux avec les lions lui inspirait la confiance pour aborder sans crainte ce petit. En se rapprochant, il voyait que son pelage était vraiment très sombre, mais difficile de le cerner vraiment dans l'obscurité de la nuit. Une fois au côté du lionceau à la touffe rigolote, il prit son temps pour le regarder, pendant que le petit contemplait les cieux, une étrange lueur dans le regard pour un jeune de son âge. Il avait l'air de porter le poids du monde sur ses épaules.

- Dis-moi petit, que fais-tu dans ce coin perdu si tard le soir ? lança soudain le suricate sans ménagement, d'une voix forte pour être sûr d'être entendu.

Apparemment, il avait interrompu les pensées du lionceau. Mais ce détail était loin de déranger le jeune suricate qui maintenait ces grands yeux braqués sur le petit félin. Petit mais bien plus grand que lui, parce qu'on ne le dira jamais assez, tout était toujours plus grand que lui, ce qui était vraiment frustrant et injuste ! Le lionceau chercha un moment la mangouste sans la voir, ce qui n'était pas étonnant vu la noirceur de la nuit. Au bout d'un moment, il posa enfin ses prunelles sur Akhet qui l'observait. Les yeux du petit s'agrandirent, il était apparemment étonné de voir cette boule de poil près de lui. Akhet faisait étrangement et ironiquement cet effet à beaucoup de monde. Il avait finit par s'en amuser. Il décida de garder le silence pour laisser le petit fauve répondre en espérant néanmoins ne pas l'avoir effrayé, ou lui donner l'appétit ! On ne savait jamais avec ces carnivores...Non, après un instant, Akhet voyait bien que le lionceau n'avait pas peur de lui, ce qui était soit un très bon signe, soit un très mauvais. Avec les lions c'étaient toujours tout blanc ou tout noir !

« Que viens tu faire ici étranger ? » finit par demander le lionceau à la fourrure aussi noire que les ombres environnantes.

Plutôt froid dans sa question, le petit lion semblait vouloir prouver du courage qui l'animait de faire face à la petite mangouste. Ce détail n'échappait pas à Akhet qui n'avait rien de mieux à penser que le félin était toujours aussi amusant à regarder. Pourquoi ? Il n'en savait rien. Il lui en fallait pas beaucoup pour se détendre en même temps. Voir ce lionceau bomber le torse, parler avec vigueur, harponnant le suricate d'un regard présomptueux, les oreilles en retrait, moustache frémissantes...Une attitude d'adulte dans un corps de petit. Voilà le plus drôle et le plus original à observer !

- Hihi ! lâcha presque inconsciemment le suricate, moi ? Un étranger ?

Akhet s'accouda au pied du rocher sans lâcher son interlocuteur du regard. A force de faire des aller et retour dans la lande pour communiquer avec les Pridelanders au sujet des Nyeusis et compagnie, il ne lui était pas venu à l'idée qu'il était étranger dans ces lieux. Il habitait Prideland et restait voisin de la lande mais celle ci après tout, n'avait pas d'habitants à proprement parlé puisque les lions qui s'y trouvaient étaient en exil.

- Si tu es un Pridelanders, tu n'as pas à me dire ça, poursuivit la mangouste, parce que vous n'êtes pas chez vous ici et en plus, je vous connais plutôt bien.

Il s'avançait un peu trop en disant cela. Il ne connaissait que le Prince Damu qui avait accepté son aide.

- Si tu es un Mositus...Eh bien je ne vous connais pas mais vous n'êtes pas chez vous non plus ! Et si tu es autre chose...! Non attends...C'est pas possible, il n'y a pas d'autres clans vivant dans cette lande...N'est-ce pas ?

Prit d'un doute, Akhet se redressa soudainement. Il pensait s'être bien renseigné sur les lions mais si jamais il y en avait d'autres, des clans inconnus...Après tout, il était loin de tout connaître de ce monde ce petit suricate égaré ! Jetant un oeil soupçonneux au lionceau, il reprit :

- Tu es tout seul ? Un voyageur peut-être !

En pensant à Azalee, il se souvint qu'il existait des lions voyageurs qui parcouraient les contrées.

Le rire d'Akhet avait vexé le petit félidé. La mangouste ou bien l'ignorait, ou bien ne l'avait pas remarquer car elle ne changea pas d'attitude pour autant. C'était dangereux. Même un lionceau avait le pouvoir de réduire le suricate en chair à vautour. L'inconscience de la créature pouvait la courir à sa perte. A ses débuts sur Prideland, Akhet avait toujours été prudent, et en particulier avec ses ennemis naturels, les carnivores. Mais comme le destin voulait apparemment le guider jusqu'aux lions, il s'était grandement relâché en prudence et inspirait trop en confiance des félins, quitte à oublier que c'était justement d'autres de ces animaux qu'il fallait affronter afin que les Pridelanders récupèrent leurs terres. Le rêve de cette nuit de la mangouste aurait pourtant dû rafraîchir cette règle essentielle.

Les propos de la mangouste n'avaient pas l'air de convaincre le jeune lion. Akhet lui même se perdit dans ses réflexions. Il n'y avait vraiment rien de convainquant là dedans mais son doute permit d'écarter la méfiance du lionceau qui sourit et décida enfin à lui répondre. Akhet leva son regard vers lui, tout ouïe :

« Tu te trompe sur toute la ligne tu sais... Je ne suis pas un Pridelander, ils ne vivent pas ici monsieur je sais tout, et je ne connais pas les Mositus. Je ne suis pas tout seul non plus, je vis avec ma famille juste là. Nous somme... »

Donc pas un Pridelander...Ce n'était pas de veine pour Akhet, un tout autre lion n'aurait finalement pas de scrupule à le dévorer sur le champ. "Ils ne vivent pas ici ?" songeait le suricate, "certes, un peu plus loin peut-être, ils sont sur la lande, c'est le principal non ? On va pas non plus chipoter sur les détails maintenant !" Remarquant l'instant de silence imposé par le petit qui réfléchissait à comment se qualifier, la mangouste haussa les sourcils en étirant un sourire.

- Vous êeeetes...? lança t-il en faisant son malin.

« Dirons nous juste une famille... termina le lionceau.

- Ouais bah ! Une famille de voyageurs quoi ! Tu n'es pas le premier que je rencontre !

Mais toi, que fais tu là ? Si tu cherche les Pridelander tu es assez loin de leur campement tu sais... »

- Oui je le sais mon petit figures-toi, ils vivent au baobab si ça peut te convaincre. Mais à vrai dire non, je ne les cherche pas. Pas spécialement. Je fais de temps en temps des petits tours dans la lande, me disant que j'aurais peut-être l'occasion d'en croiser un.

La vérité étant que s'il voulait parler aux Pridelanders, il se sentait plus en sécurité de voir seulement le prince Damu au lieu de se rendre au milieu d'une troupe de lions !

- Ce que je fais là gamin, je vais te répondre, poursuivit-il dans son élan, à vrai dire...A vrai dire j'ai l'impression que je faisais exactement la même chose que toi. Je me suis posé un peu plus loin tu vois pour passer la nuit mais finalement j'ai eu envie de faire un petit tour. Alors pas la peine de te tendre comme un fil d'araignée, ce n'est pas la petite bête qui mangera la grosse ! Tu te méfies de moi hein ? C'est à la fois vexant et intéressant ! Et puis je me suis dit par la même occasion que je prendrais peut-être un petit goûter de minuit au passage. Ca grouille de partout !

Soudain, Akhet, d'une rapidité et agilité fulgurante, s'écrasa entre le sol et le rocher sur lequel était posé le petit lionceau noir et y creusa avec vivacité si bien qu'il se glissa sans encombre en dessous, disparaissant sous le regard du félin, se trouvant désormais quelque part sous ses pattes griffues, à un gros rocher d'intervalle.

- Je ne suis pas une "drôle" d'espèce ! lança Akhet en faisant mine d'être vexé, je suis un suricate, petit malin. Tâche de t'en rappeler !

Jamais son intention n'avait été de fuir le félin depuis qu'il avait creusé le sol. Comme il l'avait dit lui même, ce n'était pas quelques uns de ses mets préférés qui manquaient dans les parages. En creusant la terre, Akhet pouvait trouvé autant de ver de terre que de grillons qui se cachaient de la fraîcheur de la nuit. Certes, il était préférable d'être un groupe de mangouste pour pouvoir faire de beaux terriers, mais Akhet n'avait pas chercher de toute manière à s'en faire un. Il s'était contenté d'un simple tunnel pour passer sous le rocher du petit lion, tout comme il savait en faire pour se cacher ou chercher de quoi se nourrir. Un trou rien que pour laisser glisser le corps svelte qu'il possédait. Et quand on faisait soi-même son chemin, nul besoin de voir où on allait.

Alors que le lionceau au pelage sombre était retourné s'asseoir sur son rocher, le jeune suricate avait déjà prit place à son insu et lui faisait à présent dos à dos en croquant un criquet. Un léger crac à peine audible prouvait celui qui ne le voyait pas. La discrétion d'Akhet lui avait ainsi permis de creuser le sol sous le rocher et d'en ressortir de l'autre côté pendant que sa suite appelait depuis l'autre extrémité du tunnel. Après l'attitude méfiante du lionceau, en tant que suricate, il ne devrait pas traîner dans les parages. Mais Akhet restait toujours aussi à l'aise désormais avec la gente féline et le petit lion venait de relâcher sa vigilance pour désirer lui courir après dans le trou comme l'aurait fait n'importe quel jeune de son âge, ce qui était nettement plus rassurant et amusant. Après avoir fini son casse croûte nocturne, Akhet se dressa sur ses pattes et pivota dessus pour faire face au félin :

- Mon nom est Akhet, lança t-il fièrement.

Après tout, avec toute cette tension que le lionceau avait imposé, les deux protagonistes n'avaient même pas encore eu l'occasion de se présenter. Il étira un sourire au jeune lion, d'une part pour montrer qu'il n'avait toujours pas peur de lui, et d'autres parts pour continuer à lui inspirer confiance. Ce jeune là n'avait vraiment pas à craindre la mangouste, et ce, même si elle atteignait sa hauteur au garrot. Akhet était déjà un jeune adulte, il avait finit de grandir, ce qui n'était pas le cas du jeune lion qui, plus tard, deviendra grand et fort, avec une belle crinière, des crocs plus imposants et des griffes plus acérées. Akhet, à vrai dire, était toujours plus à l'aise de rencontrer des petits !

L'effet voulu par Akhet fonctionna. Le lionceau au pelage noir eut un mouvement de surprise en faisant volte face vers la mangouste qui dégustait son insecte croquant. Akhet rendit le sourire du petit félin, ravi au fond de lui de voir enfin un air un peu plus enfantin sur le visage du petit lion. Cela dit, il ne niait pas dans ses pensées que la vue de beaux crocs luisant comme la lune elle-même était légèrement intimidante. Mais après, c'était peut-être juste parce que son pelage était sombre et que cette blancheur de canines immaculées ressortait dans l'immensité nocturne de la vallée. Pour Akhet, c'était sans doute ses grands yeux aux fines iris ambrées mais à la conjonctive imposante.

Akhet avait eut raison de ne pas craindre le lionceau et ce, malgré son comportement premier. Grâce à cette nouvelle expérience féline, le suricate accordera toujours le temps aux lions, et qui sait d'autres carnivores, de prouver qu'ils sont inoffensifs pour lui. Dire qu'au départ la mangouste fuyait ou tremblait devant le premier félin qui lui faisait face. Quelle évolution ! Le petit animal se présenta au petit lion noir et avala en une dernière bouchée le restant de criquet qu'il jeta dans sa gorge.

« Enchanté monsieur Akhet le suricate, je me nomme Sadaka ! » répondit le jeune félin en s'inclinant devant la mangouste.

Etonné, amusé et même un peu comblé, Akhet ne s'attendait pas du tout à ce qu'un lionceau de la trempe de celui-là en vienne à utiliser pareils termes pour le nommer.

- Oh...Monsieur ? répéta t-il, le sourire aux lèvres, ravi de te connaître p'tit Sadaka ! Tu sais, Akhet suffit hein. Hum...Pardonne-moi mais tu as un nom...A la signification particulière pour un lion de ton âge.

Contrairement à celui de la mangouste. Il avait de quoi se vanter. Akhet. Akhet le lumineux ! En fait, son nom lui allait tellement bien, on dirait bien que ses parents avaient tout juste de lui dès l'instant où il était arrivé dans ce monde.

« Dis moi, d’où viens tu ? » finit par demander Sadaka.

Akhet l'observa un moment. Il vit briller au fond des yeux du lionceau la même lueur que lui même pouvait arborer lorsqu'il découvrait de nouvelles choses. Les mêmes yeux lorsque, petit suricate, il rêvait de parcourir le désert et d'en découvrir tous ces mystères. Les yeux d'un enfant. Akhet les possédait toujours. Il en était fier. C'était bon de rester jeune ! Et c'était surtout les êtres comme ça qui comprenaient le mieux les plus jeunes.

- Et bien, si tu es un voyageur, je me demande bien jusqu'où tu es déjà allé ! fit la mangouste en se redressant sur ses pattes et époussetant son corps, moi, je viens de Prideland, as-tu déjà été sur Prideland ?

« Prideland ? Ca n’est pas très loin non ? Et pourquoi en es-tu parti ? »

- Non, c'est à côté, répondit le suricate en pointant une direction du pouce derrière son épaule, et je n'en suis pas parti. J'y vis toujours mais là comme je l'ai déjà dit, je suis...En balade ! De plus, je me rends de temps en temps ici pour voir les Pridelanders, ou du moins espérer en voir....

Pour l'instant, il ne connaissait que le prince Damu avec qui il avait déjà bien discuté mais cela faisait un petit bout de temps qu'il ne l'avait plus vu alors il espérait en se rendant dans la lande, retomber dessus par hasard. L'idée d'aller voir le clan entier des Pridelander était encore un peu trop risquée.

« Tu sais je ne suis jamais parti d’ici moi. Je n’ai jamais voyagé, c’est pour ça que je veux que tu me racontes. Je veux savoir ! »

Malgré le soudain geste du lionceau, Akhet restait enthousiasmé par l’intérêt que le félin lui portait. Enfin de l'attention de la part de quelqu'un ! Un lionceau, certes, mais c'était déjà bien. Depuis qu'il était venu au monde, Akhet n'avait toujours été d'un grain de sable dans le désert, ignoré de tous même de ses propres parents qui avaient beaucoup à faire de tant d'enfants. Aussi inouï que cela pouvait paraître, seuls les lions avaient su offrir à Akhet l'attention qu'il rêvait depuis toujours. Etirant un grand sourire, le jeune suricate poussa Sadaka jusqu'à le faire glisser au pied du rocher en s'exclamant :

- D'accord petit alors installe-toi bien et laisse-moi tout te raconter !

Akhet s'assit au sommet du rocher, face au petit lion noir et croisa ses pattes postérieures avant de reprendre :

- Je n'ai pas fais le tour du monde mais je peux déjà te faire découvrir quelques petits trucs ! Je suis né à Prideland, dans mon clan de suricate. Un clan qui vit non loin de la frontière entre Prideland et le Grand Désert, juste à côté d'un immense gouffre que l'on appelle les Gorges ! A cette époque encore bien sûr, les Pridelanders vivaient chez eux, et Prideland était un domaine...Oh, si beau ! Le Cycle de la Vie menait le train train quotidien de chacun. Il y avait toujours eut quelques broutilles du côté des lions mais à l'époque, moi et les miens vivions dans notre petit coin, là où il n'y avait jamais personne. A vrai dire, quasiment aucun prédateur.

La mangouste marqua une pause avant de reprendre :

- Tu sais, même si jadis je ne m'éloignais jamais de chez moi, je ne pouvais m'empêcher de rêver à une chose. Le Grand Désert. J'étais si proche et si loin de lui à la fois et je ne te raconte pas le nombre de fois où j'ai passé des heures à l'observer à l'horizon. C'est impressionnant à voir. Perché sur une branche ou un rocher pour mieux voir au loin, je voyais de l'autre côté des gorges cet océan de sable onduler jusqu'à l'horizon et plus loin encore en me demandant sans cesse quels mystères pouvait bien caché ce royaume mythique. Evidemment, il était habité par les Jangowas, les lions de sables, ce qui rendait une éventuelle excursion très dangereuse en plus des conditions de vie qu'il y avait là-bas. Mais c'est en apprenant plus tard l’existence d'une superbe oasis, une jungle luxuriante, où vivaient des lions au sombre pelage qu'étaient les Mositus, que je savais que ce désert regorgeait de surprises !

Les yeux pétillants dans ces récits, il finit par afficher une mine déçue en ajoutant :

- Mais finalement, je n'ai jamais pu y mettre la moindre patte.

Jamais Akhet n'avait autant parlé ! Et la fois où il avait autant parlé c'était chez les siens et il avait toujours eut l'impression de parler dans le vide parce qu'il ne parlait que pour ne rien dire et personne ne l'écoutait. Mais le lionceau juste en dessous de lui buvait ses paroles comme si sa vie en dépendait. Akhet était dès lors la plus heureuse des créatures sur terre. Jamais au grand jamais il n'aurait cru un jour avoir tant intêret aux yeux d'un autre être vivant. Et le jeune Sadaka n'avait pas besoin de parler pour le lui prouver. Le suricate voyait bien dans le regard pétillant du petit lion noir à quel point il s'accrochait à ses dires.

« Des lions sombres comment Akhet, sombres comme moi ? » demanda alors l'enfant curieux et enthousiaste.

- Eh bien...commença la mangouste, réfléchissant, une patte sous son menton.

Comme Sadaka ? Bah des Mositus, même Akhet n'en avait encore jamais vu. Il savait juste qu'ils étaient sombres et qu'ils avaient été chassé de leur terre. En plus, avec la nuit, il avait du mal à juger de la véritable couleur du pelage du petit lion.

- Moui...répondit-il sans certitude, tu sais, tous les lions sombres se ressemblent, ils sont sombres et puis voilà. Mais je n'ai jamais vu de Mositus encore alors je ne peux que supposer ! Ce qui m'étonne, c'est que toi, tu n'en ai pas vu. Tu sais, ils ont été chassé aussi de leur terre et se trouvent sur la lande, on en avait parlé avant, tu te rappelle ? Cela dit, il existe effectivement d'autres lions au pelage sombre qui sont très différent des Mositus, surtout niveau caractère ! On m'a toujours dit que les Mositus était un clan de lions pacifistes. C'est sans doute pour ça qu'ils n'ont pas pu se défendre lorsque les lions des sables, les jangowas, les ont chassé de leur superbe oasis ! C'est pour ça que maintenant, les Mositus se trouvent sur la lande.

Akhet reprit ses aises sur son rocher et toussota pour reprendre le cours de son récit.

- Quand aux autres lions sombres dont j'ai parlé, je vais y venir. A vrai dire je ne connais pas grand chose sur eux et j'ai appris leur existence que très récemment. Hum...il se pourrait même que leur venue ait changé le destin de beaucoup de monde par ici...

Perdu dans ses pensées, Akhet en oublia presque qu'il s'adressait à Sadaka. Il se reprit alors rapidement en se redressant et poursuivit :

- Il n'y a pas si longtemps que j'ai quitté les miens...Et en m'aventurant un peu plus sur Prideland je me suis rendu compte à quel point les choses avaient changé. Les Pridelanders avaient disparu, les troupeaux aussi. Le territoire n'est plus que dirigé par des hordes de hyènes affamées et un groupe de lions noirs éééénormes, cruels et tyranniques. On les appelle les Nyeusis. En as-tu déjà entendu parler ? C'est pour ça que les Pridelanders se retrouvent coincés sur la lande. Et Prideland se meurt, car les Nyeusis saccagent tout avec les hyènes. Mouais...La vie là bas n'est plus ce qu'elle était.

C'était encore à se demander comment Akhet parvenait à survivre dans ce domaine devenu aussi hostile que le grand désert lui même. Quoi que, il n'était pas forcément facile de mettre la patte sur une créature aussi infatigable que le jeune suricate. De plus, celui-ci avait toujours su se montrer très discret, suffisamment en tout cas pour passer inaperçu aux yeux des grands lions noirs. La mangouste n'aimait pas se montrer aussi incertaine aux yeux du petit lionceau qui était prêt à tout avaler de lui, métaphoriquement parlant, mais il ne venait pas à l'idée d'Akhet de lui raconter n'importe quoi si lui déjà n'était pas sûr de ses propos. Bah, peu importait après tout ! A force de vivre dans la lande, le lionceau finirait bien par tomber un jour ou l'autre sur un Mositu et la question serait réglée ! D'ailleurs, il ne devrait pas être trop difficile d'en voir par ici. Il suffirait de s'approcher du grand baobab.

« Tu sais que demain je vais aller le voir le Roi Kumpa Akhet ! » lança soudainement Sadaka.

- Ah oui vraiment ?! s'étonna le suricate en se redressant sur ses pattes.

« Je pourrais peut être lui dire que maintenant ses terres sont toutes saccagées et qu’il ferait peut être mieux de rester au baobab. C’est ma maman qui m’y emmène… Ces grands lions noirs et tyranniques dont tu parles je ne les connais pas mais ils n’ont pas l’air très appréciés par ma petite famille. Quant aux mositus j’aimerais beaucoup les rencontrer… »

- Boarf ! fit la mangouste, tu sais, je pense que le roi sait déjà trèèès bien ce qu'est devenu son royaume et je pense qu'il en ai pas mal frustré !

Akhet s'allongea sur le ventre au sommet du rocher et s'y accouda d'une patte avant d'ajouter :

- Et puis d'abord, il n'y a pas que ta petite famille qui ne les apprécie pas, non je pense que tout le monde...Enfin non, c'est même une certitude que le monde entier les hais ! Mais après, les histoires de lions, c'est toujours très compliqué. Si ta mère t'emmène jusqu'au baobab, il se peut que tu en vois des Mositus. Je te l'ai dit, ils vivent tous là-bas avec les Pridelanders ! Il paraît qu'ils sont sympas...Mais au fait, pourquoi tu vas voir le roi ?

La curiosité du suricate l'avait emporté. Pourquoi un petit lionceau comme Sadaka devait-il, ou voulait-il voir le roi de Prideland ? Etait-ce de la simple curiosité ou une rencontre officielle ? Bah, lui avait bien vu le prince Damu alors pourquoi pas !

« Oh dis, quant à ce désert qui te séduit tant fait attention. Ca serait quand même bête qu’on t’y croque. Ces jangowas n’ont pas l’air des plus sympathiques… »

Akhet haussa les épaules.

- Ca ne serait pas nouveau. Tout le monde aimerait pouvoir croquer la bestiole que je suis ! Ah mais ils peuvent tous essayer, je les attends de patte ferme ! Même les Nyeusis ne seraient pas capable de poser un croc sur moi, c'est qu'il faut se lever tôt pour m'avoir ! s'exclama la mangouste en se levant et bombant le poitrail fièrement.

« A vrai dire je ne sais pas trop pourquoi on y va. Je sais juste que le roi est un bon ami de ma mère et qu’elle veut que je le rencontre. »

- Oh d'accord...fit la mangouste quelque peu déçue.

Akhet aurait pensé à quelque chose de bien plus important que simplement faire ami ami avec le roi mais bon, c'était toujours un plus d'être bien vu d'une altesse. A croire. En tout cas, le suricate s'en moquait bien lui d'être bien vu qu'un roi lion, même s'il se disait que c'était toujours mieux que de n'être vu que comme un simple bout de viande, là n'était pas vraiment la question. Elle était plutôt que lui même n'étant pas un lion, que pouvait-il bien faire d'un roi félin après tout ? Il n'avait aucune responsabilité, aucun devoir vis à vis des maîtres de ces terres.

Pendant un moment, le duo d'amis qui venait de se former resta là à contempler le ciel sous l'agréable fraîcheur de la nuit, en écoutant les petits bruits des grillons nocturnes ou des chauves-souris qui batifolaient, invisibles. Ils observaient les étoiles qui semblaient chaque nuit briller d'une lueur nouvelle, ainsi que la lune qui diffusait ses rayons de lumière mystique sur la brousse. Mais au bout d'un moment, Sadaka perturba cette tranquillité :

« Ecoute Akhet je suis désolé mais je commence à avoir vraiment sommeil et si je m’endors ici demain je me ferais gronder. Tu peux rester ici tu sais, les ennemis sont rares dans ces contrées mais reste un peu caché, Vita et Samekh pourrait te cueillir pour le petit déjeuner. »

Vita ? Samekh ? Pas la moindre idée de quoi parlait le lionceau. Mais la mangouste n'allait pas le retenir plus longtemps s'il doit retourner auprès de sa famille. Lui au moins pouvait le faire, pas comme Akhet qui se sentait bien loin des siens et qui savait qu'il ne pouvait pas y retourner pour le moment, ça n'aurait aucun sens. Il avait un devoir à accomplir sur la terre des lions et il comptait bien s'en charger.

« C’est des membres de ma troupe dont tu devrais te méfier » ajouta le petit lion noir d'un air amusé.

Mais Akhet n'avait peur de rien. Enfin, si, devant un lion prêt à le dévorer, il aurait certainement peur, mais il préférait naturellement se montrer plus brave qu'il ne l'était.

« Je suis vraiment heureux d’avoir fait ta connaissance ! J’espère vite te revoir, n’hésite pas à vérifier si tu passes par là. »

- Mais pas de problème petit, fit joyeusement la mangouste, à la revoyure !

Il se dressa en sentinelle sur le sommet du rocher pour voir le petit lion s'évaporer dans les profondeur de la nuit. Le pelage noir de ce dernier l'avait rapidement camouflé aux yeux du suricate. Ce dernier décida de rester un moment planté là à observer les étoiles avant de retourner dans son terrier provisoirement bâti et y passer le reste de la nuit dans un sommeil plus calme.