A patte de velours et d'une discrétion sans pareille, la lionne s'avançait dans la Vallée Abandonnée de la Lande des Sans Terre, qui n'était pas si abandonnée que ça dans l'optique où elle traquait silencieusement un troupeau de proie non loin d'elle. Hormis les buffles et quelques gazelles, il y avait surtout des zèbres et là était sa cible. Chasser le zèbre seule, elle l'avait déjà fait. Ce n'était pas la proie la plus difficile même si on pouvait redouter ses dents et ses sabots. La dernière fois qu'elle avait tenté d'en tué un cependant, elle était tombé sur Matsukan sans le reconnaître. Elle ne fera pas deux fois la même erreur. La jeune lionne ne voyait de toute manière pas de zèbre aux rayures claires. Le chef des proies n'était apparemment pas là.

La femelle Mositus s'était tapi derrière un rocher. Cette contrée abominable ne lui laissait que peu de cachettes. Dans la jungle, c'était très facile de chasser et de fondre son corps sombre dans l'ombre des feuillages. Mais ici, elle était à découvert, sous un soleil brûlant qui la faisait suer et lui donnait la migraine. Son poils était bouillant, elle maintenait la bouche entre ouverte pour mieux respirer. La saison sèche était sans pitié dans la savane. Vukia regrettait tant sa jungle...Ici, son pelage sombre était une tâche dans le décor. Elle était visible de loin. La chasse n'était pas évidente. Heureusement qu'il y avait ce rocher. Une maigre compensation.

Vukia jeta un oeil de derrière sa planque. Les proies ne faisaient pas attention à elle. Elle en profita pour repérer un zèbre un peu à l'écart des autres, il sera parfait. Mais la lionne allait devoir se montrer rapide car elle ne pouvait pas plus approcher en toute discrétion du troupeau. Une certaine course allait être nécessaire entre sa cachette et sa proie. La chaleur l'épuisait, elle ne pouvait pas attendre que le zèbre se décide à venir vers elle. La lionne inspira profondément puis d'un coup, elle bondit !

Toutes les proies la repérèrent bien sûr et se dispersèrent aussitôt. Vukia courait d'or et déjà vers le zèbre qu'elle avait remarqué et qu'elle ne quittait pas des yeux. Ce dernier avait détalé parmi les siens, mais heureusement que la lionne était rapide et que l'affolement du troupeau retardait la course du malheureux équidés qui tentait de se cacher parmi les autres zèbres, espérant semer le prédateur en se fondant dans le tas de rayures. Vukia rattrapa finalement l'animal et lui bondit sur la croupe, toutes griffes dehors. Le zèbre poussa un hennissement et rua plusieurs fois. Fatiguée par la chaleur, Vukia tentait désespérément de se cramponner sur l'équidé mais une ultime ruade lui fit lâcher prise. La lionne se retrouver à terre au milieu des proies en panique. Mais il n'était pas question pour elle d'abandonner. Elle se remit sur ses pattes et s'élança à nouveau vers sa proie.

Dans sa course cependant, elle vit une forme imposante du coin de l'oeil, une forme qui s'avançait vers elle rapidement. La Mositus s'arrêta et tourna le museau vers un énorme buffle qui la chargeait. La lionne au pelage sombre poussa un rugissement, les oreilles en arrière, tel un fauve en colère et s'écarta de la trajectoire de la bête. Mais cette dernière, au moment de passer à côté de la féline, pivota violemment la tête vers elle. L'une de ses cornes recourbées se planta dans l'épaule de la jeune lionne, l'entaillant dangereusement en poursuivant son mouvement. Vukia rugit de douleur et donna un violent coup de griffe dans l'oeil du buffle qui gronda à son tour avant de s'éloigner d'elle, le visage traverser de stries sanglantes. Vukia resta à terre, frappée de douleur et une patte inutilisable dans l'instant. La pointe de la corne avait ouverte une profonde blessure et le sang qui s'en échappait se camouflait dans le sombre pelage de la lionne. Celle-ci grondait de douleur, les griffes sortis, les oreilles plaquées sur sa nuque, les crocs serrés.

Soudain, elle releva la tête. Le buffle n'était pas partit. Il s'était éloigné mais venait de faire volte-face un peu plus loin et frappa le sol de ses sabots. Il baissa légèrement la tête vers la lionne puis se mit à nouveau à la charger comme une bête féroce. Vukia se releva et essaya de fuir mais son épaule la tiraillait et la fit trébucher. La chaleur et la souffrance rendaient trouble sa vision et toutes ses forces semblaient l'abandonner devant le monstre qui s'apprêtait à lui faire rendre son dernier soupire.

Vukia maintenait toutes griffes dehors, le regard fusillant la bête, les oreilles toujours collées à sa nuque, la queue balayant le sable de la lande. Ce qui risquait d'être les derniers instants de la lionne, elle n'était pas du genre à les passer avachi et suppliant le buffle de l'épargner. Elle ne pouvait peut-être plus le fuir mais au moment de l'impact, elle tentera une nouvelle fois de l'abattre, quitte à mourir sous ses cornes. Le sang qui dégoulinait de sa blessure sur son sombre pelage perlait en goutte rougeâtre sur le sol chaud de la lande. La Mositus ne détournait pas le regard, tiraillée par la douleur de la plaie, et n'éprouvait aucune peur envers le bovidé. Ce dernier la chargeait sans pitié, bien décidé à mettre un terme à la vie d'un prédateur. Pour lui, cela ne sera que bien, un de moins. Les autres animaux du troupeau avaient tous fuis, que ce soit les zèbre, les gazelles ou les autres buffles. Celui qui restait était apparemment bien téméraire. Un jeune déjà bien costaud probablement. Il était devenu borgne suite au coup de griffe de la lionne et était bien décidé à lui faire payer ça. Le rouge du sang qui maculait sa face formait le rouge de son regard aveuglé par la haine et la vengeance.

Vukia sentait la terre trembler sous ses pattes au rythme des sabots du buffle qui martelaient violemment le sol durant sa course monstrueuse. L'animal souffla avec force de ses naseaux, son désormais unique oeil, petit et noir, qui ne quittait pas la féline. Si bien qu'il ne voyait pas qu'un autre félin était entré en scène. A vrai dire, Vukia ne l'avait pas vu non plus. Elle était autant concentré sur le buffle que le buffle était concentré sur elle. Elle plissait le museau, les crocs en évidence et s'apprêtait à porter un quelconque coup de grâce à la bête, autant qu'elle s'apprêtait à le faire sur la lionne. C'était un duel à mort.

Un rugissement venu d'ailleurs vu la seule chose qui détourna l'attention de la lionne. Celle-ci jeta un regard sur un lion au pelage sombre qui courait vers elle, ou plutôt, vers le buffle en mouvement, dont la course n'avait pas été freiné par le cri du félin. Vukia fut étonnée de cet apparition, d'autant plus qu'elle ne connaissait pas le lion en question. Ni quelles étaient ses motivations pour agir. En effet, il semblait vouloir lui porter secours. Mais Vukia reposa vite son regard vers le buffle qui n'était plus très loin d'elle. L'étranger bondit sur le dos de la bête et s'y agrippa avec ses griffes sous le regard de la lionne. Le buffle tituba dans sa course, laissant un lap de temps à Vukia pour s'écarter de justesse avant qu'il ne la piétine, désormais trop occupé avec le second prédateur pour voir où il posait les sabots.

Furieux, le buffle se cabrait et ruait en meuglant de colère et de douleur sous les coups de griffes du mâle. Quant à Vukia, elle ne s'était pas écarter trop loin à cause de son entaille à l'épaule qui la faisait trop souffrir pour se servir de sa patte avant. Elle avait oublié cette infirmité et avait posé par mégarde le membre blessé, ce qui lui arracha un grondement de douleur ainsi qu'une trébuche sur le sable. Sous les secousses du bovidé, le lion inconnu finit à terre, non loin de la Mositus.

"Fuyez!" s'exclama-t-il à son adresse.

Pas besoin de le dire deux fois. Malgré la chaleur et la douleur, Vukia prenait sur elle pour s'éloigner, trop lentement en claudiquant. Un rugissement retentit. Mais ce n'était pas le sien et de ce fait, Vukia jeta vivement un regard par dessus son épaule. Le buffle venait de porter un coup de corne dans la cuisse du lion qui s'écroula à terre. Il se releva avec peine et poursuivit vainement sa fuite vers Vukia qui avait pris un peu d'avance. Deux choix s'offrait à présent à elle. Fuir comme elle le faisait et laisser le mâle ralentir la bête en finissant sous ses sabots, ou bien rebrousser chemin malgré son handicap actuel et tenter de venir en aide au mâle, au pire des cas, ils y resteraient tous les deux. C'était trop tard pour réfléchir. Le buffle avait d'or et déjà fait le choix d'encorner à nouveau le lion qui traînait la patte.

La jeune Mositus fit demi-tour. Elle claudiqua douloureusement vers l'étranger. Elle faisait la course avec le buffle. Lequel des deux atteindra le lion en premier ? Vukia arriva à quelques secondes d'avance sur son adversaire auprès du mâle blessé. Malgré sa déchirure sanguinolente à l'épaule, elle leva sa patte griffues au bon moment et la rabattit de plein fouet sur le visage du buffle qui venait de débouler à sa hauteur. Le meuglement de douleur de la bête retentit dans la lande. Vukia venait d'abattre ses griffes acérées sur le deuxième oeil de la proie, le dernier qui lui restait. Rendu aveugle et fou de douleur, le buffle s'écarta violemment et piqua un sprint perturbé à travers la vallée, laissant un nuage de poussière sur son sillage et quelques gouttes de sang, juste avant que ne retombe le silence.

A vrai dire, si Vukia avait songé un seul instant que le lion à la sombre fourrure aurait pu s'en sortir sans problème, elle ne serait sans doute pas intervenu. Mais le voilà blessé pour lui avoir sauver la vie. Fidèle à elle-même et à un honneur propre à elle-même, la lionne Mositus n'aurait jamais pu sauver sa vie à elle en laissant le mâle mourir sous les cornes d'un redoutable buffle, et tout ça, parce qu'elle avait été trop maladroite pour s'en sortir seule. Vukia avait horreur de l'échec mais maintenant elle laissait cette honte de côté pour se concentrer sur le sauvetage du mâle dont la cuisse avait été salement amochée par la bête. De plus, voyant le lion se débattre avec sa propre douleur, il était certain qu'il ne parviendrait pas à semer le buffle.

Vukia ne connaissait que de peu la peur. Courir vers le lion et surtout pour s'interposer entre lui et le buffle ne lui avait pas fait le moindre frisson dans l'échine. Elle agissait parce qu'elle le devait et avec courage. La seule chose qui pouvait désormais l'effrayer serait d'arriver trop tard et de voir le lion mourir sous les sabots du monstre herbivore sans qu'elle n'ai eut le temps de tenter quoi que ce soit. Elle ne fit pas attention au regard étonné du lion inconnu, lorsqu'il la vit revenir vers lui. Vukia ne le regardait même pas. Ses iris d'émeraude étaient ciblés sur la bête qui chargeait les félins. La lionne tituba à plusieurs reprise à cause de son épaule tailladée qui saignait abondamment. Son rugissement mêlait rage de douleur et colère envers le buffle. Ce qui lui donna la force et l'audace de lui griffer la vue d'un puissant coup de patte furieux. Les oreilles plaquées sur sa nuque, la féline rugit de plus belle, prouvant au buffle qu'elle n'avait pas finit de se battre si nécessaire. Mais blessé au visage à plusieurs reprise, le bovidé battit en retraite et s'éloigna rapidement.

Débarrassée du danger, Vukia pouvait enfin souffler et souffrir sans risque d'être déconcentrée. Elle pourrait se méfier du mâle et d'ailleurs, c'était toujours un peu le cas malgré le fait qu'il lui avait porté secours. Ce n'était pas cela qui risquait de troubler la vigilance de la lionne qui avait appris depuis toute petite à se méfier des autres. Elle redressa légèrement les oreilles et son regard croisa celui du lion qui semblait la remercier. Alors que ce dernier la toisait des yeux, la lionne se redressa et s'écarta de lui pour lui laisser toute la place nécessaire pour respirer et se relever.

" Merci. Mais..Vous n'auriez pas du faire demi-tour.. Imaginez si vous n'aviez pas réussi votre coup? Peut-être ne serions-nous plus que deux lions morts à cet instant.." lui dit l'étranger.

- Je n'aurais pas pu faire autrement, répondit Vukia d'une voix solennelle, je vous dois la vie en premier. Plutôt perdre une patte que de ne pas vous avoir rendu la pareille.

Parce qu'il avait risqué sa vie, la lionne se devait de ne pas paraître trop agressive envers lui. Ce serait bien normal et plus juste. Mais si jamais le lion venait à montrer des signes qui pourrait prouver le contraire de ce qu'il paraissait, la femelle n'hésiterait pas à faire ressortir ce qui l'avait toujours tenu à l'écart de toute bonne relation.

"Vous êtes blessée.. Il faut vous soigner, et ensuite que vous vous reposiez.."

Vukia tourna son regard vers son épaule ensanglantée et se mit à lécher ce qu'elle pouvait atteindre. Mais elle ne répondit pas au lion. La langue rapeuse de la lionne amplifiait la douleur, mais elle n'avait pas d'autres moyens de la nettoyer, retirer les grains de sables qui piquaient atrocement et laver son pelage couvert d'un sang dégoulinant. La douleur mêlait à la chaleur faisait bouillir son cerveau et ses sens. Les nausées et les étourdissements se déclenchaient lentement. Comme elle ne répondait pas, le lion reprit :

" Je doute que vous ne résistiez à la chaleur très longtemps. Je pense que la meilleure solution serait de regagner les arbres avant de tenter quoi que ce soit d'autre.."

Il avait commencé à faire quelques pas. Elle ne l'avait même pas remarqué. Mais à ces paroles, elle redressa la tête vers lui. A nouveau, Vukia ne répondit pas. Sa faiblesse actuelle l'irritait légèrement. Elle n'aimait pas se sentir vulnérable et accentuait sa méfiance vis à vis de l'inconnu. Cependant, elle se leva et boitilla dans la direction qu'il avait emprunter pour rejoindre un groupe d'arbre un peu plus loin. Semant de moins en moins de sang sur son chemin, la lionne arriva finalement au terrain ombragé, pour son plus grand soulagement. Une fois sur ce sombre tapis de fraîcheur, elle s'affala au sol, se laissant conduire au vertige qui la cloua sur place. Sa respiration saccadée prouvait son coup de chaleur. Elle resta un moment immobile, couchée sur le côté à respirer comme si les derniers mètres avaient été un marathon dans le désert. Lorsqu'elle sortit du brouillard, elle releva légèrement la tête et regarda le lion.

- Je m'appelle Vukia.

C'était une première pour la lionne. Se retrouver seule avec un parfait inconnu, et ne même pas lui sauter à la gorge ou du moins lui donner l'impression qu'elle s'apprêtait à le faire. Peut-être la faiblesse dû à la chaleur et à la douleur, qui ratatinait quelque peu son esprit. Mais il y avait aussi le fait que le mâle lui avait sauver la vie. Ce n'était pas rien au yeux de la femelle Mositus et elle n'était pas ingrate, si elle ne lui avait pas sauver la vie à son tour, elle aurait considéré avoir une dette envers lui. Mais pour le coup, elle venait tout juste de le payer. Cela dit, elle lui était toujours reconnaissante de ce geste. Elle restait méfiante, certes, mais au fond d'elle, elle était reconnaissante. Ce lion venait de lui offrir la chance de rester avec ceux qu'elle aimait, l'occasion de pouvoir continuer à protéger son clan et qui sait, à l'aider enfin à retrouver l'oasis. Inconsciemment, ce lion, ironiquement semblable aux Mositus sans en être un, venait d'aider le clan. Enfin, selon les pensées de la lionne.

Une fois à l'abri du soleil, ce fut un réel soulagement pour les deux lions qui prirent chacun leur temps pour récupérer. Il faisait toujours chaud mais l'ombre des arbres protégeaient des rayons dangereux de l'astre solaire. Vukia avait l'impression de sentir son pelage bouillir, comme chauffé à blanc. L'autre lion devait sans doute ressentir la même chose, vu son pelage qui était aussi sombre, quoi que moins que celui de la lionne. De loin, elle aurait presque penser qu'il était Mositus, mais une fois proche, elle s'était rendu compte qu'elle ne connaissait pas cette tête et était donc à bannir l'éventualité qu'il soit de son clan. Dommage, cela aurait facilité les choses pour la relation à venir. Vukia n'avait aucun mal à faire confiance à un membre de son clan, ce qui était logique. Elle était même capable de partager un peu d'affection, ce qui semblait rare chez elle, mais pas impossible. L'ennui étant qu'elle était du genre à trop se concentrer sur le rôle qu'elle s'était attribué et qu'elle était constamment sur ses gardes, sans jamais s'adonner à des petits plaisirs de la vie.

L'ombre faisait du bien, Vukia se sentit rapidement en meilleure forme. Sans doute parce qu'elle avait appris à se remettre rapidement d'un désagrément. Elle ne pouvait pas se permettre de se laisser aller trop longtemps. Elle tourna le regard vers le lion qui nettoyait sa plaie et se présenta.

"Et bien.. Enchanté Vukia. Mon nom est Hofu." répondit alors le mâle calmement.

- Enchanté... fit la lionne par pure politesse.

"Est-ce que ça va un peu mieux à présent?"

Vukia s'ébroua la tête pour se remettre les idées en place, ce qui n'était pas la meilleure des idées, vu la migraine que le soleil lui avait donné. Mais ce fut pire un instant avant de redevenir normal. Sous la question du mâle, la lionne se redressa un peu mais en restant couchée sur le côté et passa un coup de langue que sa blessure à l'épaule avant de répondre avec un peu plus d'assurance, perdant toute faiblesse dans la voix :

- Oui mais je m'en remettrais rapidement.

Reprenant les soins minimum qu'elle pouvait faire à son entaille causée par la corne du buffle, Vukia finit cependant par s'arrêter avant de regarder la propre blessure du dénommé Hofu.

- Comment va votre blessure ? demanda t-elle, peut-être pas inquiète mais un peu soucieuse tout de même.

Cependant, ce n'était pas quelque chose qu'elle laisserait deviner dans sa voix. Après la réponse du mâle, celui ci ajouta :

"Pardonnez moi, mais vous êtes une mositus, n'est-ce pas?"

A nouveau, la lionne cessa le toilettage de sa sanglante plaie pour se concentrer sur le lion couché un peu plus loin d'elle.

- En effet, répondit-elle, et vous ? Seriez-vous un voyageur ?

Bien qu'elle ai proposé ça au hasard, elle avait néanmoins un peu réfléchit avant. Puisqu'il n'était pas Mositus, la logique voudrait qu'il soit Pridelanders, seulement, il n'avait pas le poils assortit. Un voyageur était plus commun, bien qu'il aurait pu être tout autre, comme un outlander ou un freelander. La lionne n'avait qu'une chance sur trois et elle s'était basée sur le fait qu'il n'y avait que deux clans sur la lande.

- Que faisiez-vous dans le coin ? demanda t-elle, quelque peu soupçonneuse.

"Je m'en remettrais bien assez vite, merci." répondit le lion lorsque Vukia lui demanda pour sa blessure.

Amusant était qu'il avait plus ou moins répondu la même chose que la lionne. Elle même se demandait si le mâle était d'un genre coriace comme elle ou moins. Chose étant que ce n'était pas vraiment important à savoir au final. Elle allait devoir rester un peu avec lui le temps que tous deux reprennent leur force suite au combat de tout à l'heure avec le buffle, voir même attendre que la chaleur et le soleil veuillent bien décliner un peu pour leur permettre de sortir de leur refuge sans craindre à nouveau une insolation. Bon, au moins le lion allait plus ou moins bien. Vukia n'allait pas culpabiliser qu'il se soit gravement blessé en lui portant secours. Puis, le lion lui demanda son clan, et elle lui répondit en retournant la question. Le mâle ne répondit pas tout de suite, alors la femelle en profita pour lui poser une autre question, déjà un peu plus sérieuse pour elle. Elle avait vraiment envie de savoir ce que trafiquait un étranger par ici. Même si c'était un voyageur, elle n'aimait pas que des étrangers rôdent trop près de son clan. Nullement dérangé par la méfiance de la femelle, le lion dénommé Hofu se consentit à répondre sans contraintes :

"Bien que cela semble peu probable je faisais autrefois partie du clan des Pridelanders, mais c'était il y a bien longtemps. Ma mère était également liée au clan Mositus. Aujourd'hui je voyage en compagnie d'une jeune lionne dont j'ai promis aux parents de veiller sur elle jusqu'à l'âge adulte. En ce qui concerne ma venue ici, disons simplement que je souhaitais voir ce qu'il s'y passait."

Attentive, Vukia écoutait et buvait les paroles du lion avec curiosité, surtout lorsqu'elle appris qu'il avait un lien avec les Mositus. Cela n'allait pas effacé sa méfiance, évidemment, mais être informer était rassurant. Ce lion ne se cachait pas et ne jouait pas aux devinettes. Il y avait toujours un risque de mensonge, mais la lionne lisait son regard empli d'une sincérité qui faisait atrocement défaut à beaucoup d'autres de son espèce. Toujours allongée et ne perdant pas le mâle des yeux, la lionne, qui balayait le sable dans de lents mouvements réguliers de la queue, plia une de ses pattes avant sous son ventre avant de demander :

- Et votre curiosité a-t-elle été satisfaite ?

Ou bien n'avait-il encore rien vu avant de lui venir en aide dans la Vallée Abandonnée ? D'une part, ce n'était qu'une simple question de curiosité, d'autres part, Vukia voulait savoir si cet individu s'était déjà approché du Baobab ou de son clan sans qu'elle ne s'en soit rendu compte.

"Sans vouloir être indiscret, comment vous êtes-vous retrouvée dans cette situation? Bien sure si vous ne souhaitez pas répondre à cette question, libre à vous de ne pas le faire" demanda t-il par la suite.

Lorsque le mâle jeta un oeil aux alentours, instinctivement, Vukia l'imita en scrutant les lieux du coin de l'oeil. On ne savait jamais. Peut-être attendait-il quelqu'un, du renfort pour l'attaquer ou autre. A moins bien sûr qu'il ne guette pour voir si le buffle revenait. Mais les coups de griffes de la lionne ayant rendu aveugle cette bête, cela restait peu probable qu'elle ne revienne de sitôt s'en prendre à un félin. Après avoir discrètement imité le mâle, elle se décida à lui répondre :

- Je chassais le zèbre. Mais un buffle à juger bon de contre attaquer.

Ce n'était pas tous les jours que Vukia pouvait se retrouver à converser avec le premier lion venu. Pourtant, c'était exactement ce qu'elle faisait : elle enchaînait question, réponse avec un mâle venu d'on ne savait où à l'ombre des arbres. S'il avait été Mositu, cela n'aurait pas été une grande surprise. Les lions de son clan étaient naturellement pas concerné par les règles de prudence que la lionne s'était fixée. Mais d'un autre côté, ce lion ressemblait à un Mositu, de part sa mère sans doute dont il avait informé à la lionne qu'elle était liée à son clan. Mais il avait aussi sauvé la vie de Vukia et bien que cette dernière et d'or et déjà payé sa tête en le sauvant à son tour, elle ne pouvait pas faire comme s'il ne s'était rien passé. Quand on sauvait la vie de quelqu'un, un lien se créait automatiquement, qu'on le veuille ou non, qu'on en ai conscience ou non.

"En partie, oui. Je n'ai pas vu grand chose à part cet endroit, mais je ne tiens pas à m'incruster dans votre lieu de vie, dans votre clan."

Vukia hocha la tête. Ce lion avait au moins le mérite d'être clair. Mais maintenant que Vukia le connaissait un peu mieux, qui sait si elle ne se montrerait pas plus indulgente envers lui si jamais elle venait à le croiser non loin des siens ? Evidemment, si cela venait à arriver, il aurait intérêt à avoir une bonne excuse, faute de quoi, la lionne pourrait le considérer comme un menteur et perdre le peu de confiance qu'elle était parvenu à avoir auprès de lui. Et une fois la confiance perdue, il était quasiment impossible de la récupérer. Vukia était rancunière mais déjà qu'elle se laissait peu aller à l'amitié et la confiance, cette dernière était un bien précieux qu'il ne fallait pas trahir. Ceux qui obtenaient le respect de la lionne pouvaient limite s'en vanter. Quand on voyait la Mositu, au premier abord, on aurait tendance à penser qu'il était impossible de se lier avec elle, ce qui était parfaitement faux. C'était juste un peu plus compliqué et long Quoi que la longueur pouvait dépendre des individus. Avec Barafu en tout cas, ça n'avait pas traîné et avec Kuzimu, ça paraissait impossible. Du moins, c'était déjà mal partit. Mais le dénommé Hofu avait en tout cas de la chance pour son propre cas.

- Après tout, il n'y a rien à voir par ici, finit par répondre la femelle au sombre pelage.

Pour elle, la lande était simplement un refuge pour les exilés, rien de plus. Sinon, c'était une terre comme les autres mais plus abondante que Prideland par exemple parce que les proies s'y trouvaient également. Hofu demanda ensuite à la lionne comment elle s'était faite ainsi chargé par ce buffle. Non content de l'échec qu'elle avait du subir avec cet animal, elle expliqua en gros la situation dans laquelle elle s'était mise.

"Je vois.. Vous n'avez tout simplement pas eu de chance. La prochaine chasse sera sans aucun doute meilleure."

Vukia observa un temps le mâle avant d'hocher à nouveau la tête. Elle n'avait du coup rien à ramener à son clan. C'était pitoyable. A l'avenir elle nota dans son esprit qu'il fallait toujours garder un oeil sur les buffles même quand ces derniers n'étaient pas les proies visées. Bah, à trois ans, la femelle avait encore de l'apprentissage dans ses pratiques.

"Si cela peut vous rassurer, je doute fort que ma partenaire de voyage ne soit dans le coin. Je n'attends personne, mais vérifiais juste qu'il n'y aie aucun danger."

- Il n'y a pas de soucis, répliqua la jeune Mositu aussitôt.

Il était vrai que cela n'avait pas été très poli de sa part d'agir ainsi comme si un guet apens se préparait contre elle alors qu'elle devait la vie au lion. C'était pour cela qu'elle s'était empressé de répondre. Vukia lâcha un soupire discret tandis que le silence retomba suite à cette première conversation avec le lion. Elle jeta un coup d'oeil à l'entaille de son épaule qui avait tout doucement commencé à coaguler. En tout cas, le sang ne s'écoulait plus avec abondance. Elle passa un dernier coup de langue dessus pour retirer le faible ruisseau qui stagnait sur son pelage. On ne voyait à présent plus que l'entaille en elle même, avec juste un peu de rouge qui dépassait sur les poils. C'était une blessure profonde qui avait déchiré la peau et les muscles qui se trouvaient en dessous. Elle se distinguait bien qu'une griffure ou d'une morsure. Elle arpentait l'épaule de la lionne à la verticale, parfaitement dessinée. La douleur était toujours présente et Vukia se disait elle même que cette plaie allait prendre du temps à se refermer. Quel calvaire !

Alors que la lumière déclinait doucement, signalant la fin de la journée, Vukia sentit le changement de température. Enfin le climat devenait un peu plus clément. Il était temps. La jeune lionne avait hâte de rentrer chez elle. Enfin, son chez elle provisoire. Elle s'attendait déjà aux milles et une question de sa génitrice qui allait croire qu'elle avait fini par en faire de trop. Décidée, la lionne finit par se lever sur ses quatre membres mais la patte atteinte réveilla la douleur de la blessure suite au mouvement, ce qui fit serrer les dents à la féline. Tant qu'elle ne marchait pas encore, elle maintint cette patte un peu au dessus du sol et se tourna vers le mâle avant de lui demander :

- Qu'allez-vous faire à présent ? Rester encore sur la lande ?

C'était au tour du mâle de se lever, de supporter la douleur, d'avoir foi en sa force, dont il aurait bien besoin pour retourner chez lui ou du moins, là où il devait aller, faute de pouvoir rester ici. Vukia ne lui reprocherait pas de rester ici d'ailleurs. Une fois de plus, la lande n'était pas chez elle et elle ne sentait nul besoin de défendre un territoire qui n'était pas le sien. Elle se contentait de surveiller le périmètre autour de son clan et d'elle-même. Cela dit, elle avait acquis un minimum de confiance envers ce lion voyageur. Qui sait s'il s'approchait du baobab, il aurait droit au bénéfice du doute avec elle. Elle n'oubliera jamais le fait qu'il lui avait sauvé la vie et la sincérité dont il avait fait preuve. Elle aimerait tant croire que beaucoup plus de lions étaient comme lui. Elle ne le pouvait pas. Ce genre de foi causerait sa perte.

"Je ne peux me permettre de rester ici pour la nuit. Ce territoire ne m'appartient pas, et puis Niwata doit m'attendre, je ne peux la laisser seule."

Vukia avait suivit la progression d'Hofu lorsqu'il s'était remit sur ses pattes. En tout cas, ça avait l'air d'aller. Bah, il avait l'air robuste, il tiendra jusqu'à la lionne qui l'attendait et elle pourra lui venir en aide une fois là-bas. C'était toujours bien de pouvoir compter sur quelqu'un tout de même. Vukia comptait sur les siens et surtout sur sa mère.

"J'ai été ravis de faire votre rencontre, Vukia."

Il afficha un sourire. Etait-il vraiment ravi d'une telle rencontre où il avait failli y passer ? Disons pour la lionne que ça la changeait un peu de rencontrer un lion de son genre. Ils étaient bien rares. Un voyageur comme lui, qui sait si un jour elle le reverrait. Si son clan retournait à l'oasis, les chances étaient bien minces. Après un moment d'immobilité, la lionne répondit d'un très, très léger sourire, en peu en guise de remerciement, elle ne souriait pas souvent cette femelle là.

- Prenez soin de vous, répondit-elle simplement avant d'incliner la tête en avant en signe d'au revoir.

Sur ce, la Mositu s'éloigna de lui, direction le Grand Baobab dont elle connaissait le chemin par coeur. Après un certain nombre de pas, elle marqua une pause, l'épaule toujours aussi douloureuse. Elle leva la patte endoloris et en profita pour jeter un oeil derrière elle, voyant au loin la silhouette du lion qui s'éclipsait dans l'autre sens. Vukia reprit sa route et disparu à son tour dans la lande...