Tout était si calme. Si silencieux. On aurait dit que cette lande n'abritait personne. Pourtant, elle était incroyablement peuplée. Mais une fois le manteau de la nuit tombé sur la Terre des Lions, tout paraissait étrangement désert. Pourtant les lions étaient tous là. Les deux clans repoussés de leur terre. Tous récupérant dans le sommeil les activités de la journée. Cette nuit, quelques nuages recouvraient le ciel nocturne, ne laissant plus voir une seule étoile, ni même la lune, la grande maîtresse du manteau noir des cieux.

Alors que tous les lions se trouvaient au pays des songes, Vukia, la jeune lionne Mositus, était allongée près de sa mère endormie, mais la tête relevée et les yeux bien ouverts. Perdue dans ses pensées, la femelle ne trouvait pas le sommeil. Elle leva son museau vers l'obscurité du ciel dépourvu de son disque argenté. Pourtant cette divinité lumineuse était toujours là. cachée derrière les nuages. Elle prônait, impériale. Vukia lui demandait intérieurement si les choses s'arrangeraient un jour pour son clan. Elle aurait aimé la voir, scintillante, lumineuse, majestueuse. Mais il n'y avait rien. Rien que les ténèbres. Etait-ce là une réponse ?

Rien à faire. Elle ne pouvait pas se forcer à maintenir les yeux fermés en attendant que les chose se passent. Elle passait de toute manière ses nuits à rêvé de retrouver sa belle vie dans son oasis bien aimé avec les siens. Dans cet endroit où ils ne dérangeaient personne et ne s'occupaient que d'eux-même. Vukia se leva et s'étira. Un peu d'exercice l'aidera peut-être. Et puis, elle avait un peu faim. Si elle pouvait trouver un lapin ou quelque chose comme ça, de quoi satisfaire cette petite faim de minuit. La jeune lionne s'éloigna des siens à pattes de velours pour ne réveiller personne. Sa fourrure sombre la rendait invisible dans la nuit. Elle se mouvait loin de son groupe tel un fantôme.

Elle avait l'habitude de chasser seule. Ce n'était pas un problème pour elle. Loin de tout autre lion, Vukia traquait la moindre silhouette que ces prunelles pouvaient lui permettre de voir dans l'obscurité. Soudain, elle aperçu enfin ce qu'elle cherchait. Ce n'était pas un lapin. La proie paraissait beaucoup plus grosse. C'était plutôt un zèbre. Ce n'était pas facile de le distinguer clairement dans cette nuit noire mais cela ne pouvait rendre la chasse que plus intéressante. La proie était grosse mais cela n'intimidait pas la lionne. Ca lui changera les idées au moins et la troupe aura de quoi manger dès l'aurore.

Tapi au sol, Vukia se savait difficile à voir grâce à son pelage sombre. Mais elle faisait très attention à ne pas faire le moindre bruit. Elle avançait à pas furtif, son regard d'émeraude braqué sur l'équidé dont elle ne distinguait que la silhouette. Un zèbre tout seul, ce n'était pas commun. Mais il n'y avait aucune trace d'un troupeau quelconque aux alentours. Vukia avait l'habitude de chasser dans la jungle. C'était différent de la savane. Mais la Mositus s'était plutôt bien adapté à chasser plus à découvert. Et puis, cette fois-ci, la nuit agissait comme l'ombre de grandes feuilles qui avaient l'habitude de la cacher aux yeux de ses proies. Une fois qu'elle se sentit assez proche du zèbre, Vukia se cramponna à la terre et d'un puissant bond, se propulsant par ses pattes arrière, elle s'éjecta sur la croupe de l'animal, toutes griffes dehors en rugissant.

La lionne aurait voulu atterrir sur le dos de l'animal. C'était le point qu'elle avait visé en premier lieu, première étape avant d'atteindre sa nuque pour la briser. Mais seulement voilà, le zèbre avait réagit de justesse. Il s'était décalé, mais pas assez pour esquiver la femelle dont les griffes acérées comme des serres d'aigles se refermèrent sur l'épaisse peau rayée de l'équidé. Le cri de la proie se mêla au rugissement de la lionne qui tenta d'enfoncer profondément ses canines dans ses lombaires tout en restant cramponnée à sa croupe. Mais le zèbre rua et les crocs de la lionne claquèrent dans le vide, manquant la chair de la proie. Vukia gronda. Avec ses pattes arrières, elle griffa les membres antérieurs de l'animal pour essayer de lui grimper dessus, de parvenir enfin à se hisser sur son dos. Le zèbre ne se laissa cependant pas faire et se mit à tourner sur lui-même, déstabilisant l'équilibre de la féline qui devait finalement garder ses pattes au sol, tandis que son avant main restait accrochée aux reins de la proie comme une sangsue.

Les muscles puissants de la féline se crispèrent, faisant gonfler ses pattes avant qui maintenaient les griffes dehors, bien enfoncé dans la croupe du malheureux zèbre qui se débattait comme il pouvait. Soudain, ce dernier se cabra. Vukia fit en cela une occasion de lui sauter sur les omoplates. Elle poussa sur ses pattes arrières qui jusque là gardaient le contact avec la terre et grimpa sur le dos étirer de la proie qui s'était redressée. Mais le zèbre ne retomba pas sur ses quatre sabots comme le pensait la lionne. Au contraire, son mouvement en arrière se poursuivit, ajouté à cela le poids de Vukia qui avait enfin ramener ses griffes plus près de sa nuque, au niveau des épaules tandis que ses pattes arrières avaient pris le relais sur les lombaires.

Le zèbre tomba à la renverse, écrasant la lionne au passage de tout son poids. Un poids non négligeable qui fit rugir cette dernière. Furieuse, Vukia lacéra la moindre parcelle de chair qu'elle pouvait atteindre de ses griffes. Elle tenta également de mordre le cou du zèbre, à sa portée, mais l'animal se redressa à temps. Une fois le zèbre en décubitus latéral, la lionne pouvait se libérer de son poids. Et elle le fit avec vivacité, esquivant une patte arrière du zèbre, rugissant de plus belle, dévoilant ses crocs à sa proie, le regard empli de rage comme si elle combattait un adversaire félin. La hargne de la femelle l'avait emporté sur son simple instinct de chasse et son poils hérissé en était le seul élément visible. Vukia plaqua ses oreilles contre sa nuque et fit le tour du zèbre à pas rapide avant de se jeter sur son encolure. Enfin, elle y planta ses crocs tout en le lacérant de ses griffes.

L'équidé se mit debout. Vukia ne lâchait pas sa prise. Jamais elle ne lâchait une proie. Elle pouvait s'acharner dessus, c'était généralement la victime qui était prit d'épuisement et s'abandonnait à la mort sous les crocs de la femelle. Bien que Vukia avait prévu de ramener le corps du zèbre à son clan, elle ne recherchait nullement la gloire d'une chasse nocturne aussi fructueuse.

Les sabots du zèbres martelaient le sol. L'animal n'avait plus l'air de chercher à se débarrasser de son prédateur. La lionne se demanda un court temps si c'était la fatigue qui était sur le point de mettre l'équidé entre ses pattes. Mais très vite, elle se rendit compte que ce n'était pas le cas. En effet, l'imposante proie avançait dans la lande noircie par les cieux obscurs et traînait la féline avec elle. Les griffes plantées dans l'encolure du zèbre et les canines cherchant à atteindre sa jugulaire, la lionne restait agrippée à la chair de l'herbivore et ce, malgré les déplacements de ce dernier.

Soudain, elle sentit ses pattes arrières tremper dans une eau froide. Le zèbre venait de pénétrer dans un étang et entraînait la lionne avec lui. Vukia n'avait pas remarqué ce point d'eau. Le liquide froid l'avait surprit, sans pour autant la faire lâcher. Elle gronda cependant de mécontentement. L'humidité n'était pas ce qui la dérangeait le plus. Dans la jungle de l'oasis oubliée, l'humidité était bien plus présente que dans la sèche savane. La Mositus savait nager qui plus est. Cela dit, elle n'était pas non plus une amatrice des baignades. Elle préférait avoir le poils sec quitte à choisir. Seulement voilà, cette fois ci, elle ne choisissait pas. Sa proie voulait se réfugier dans l'eau et Vukia maintenait sa prise acérée sur son encolure. Elle sentait petit à petit l'eau qui s'engouffrait désagréablement dans son sombre pelage. D'abord les pattes arrières, puis la croupe, les flancs et cela montait aux épaules au fur et à mesure que l'équidé emmenait son prédateur dans les profondeurs de l'étang.

Vukia pensait le tuer avant d'être complètement submergée. L'eau ne la ferait pas rebroussé chemin ! Elle était déterminée et avait horreur de l'échec. Mais au milieu du point d'eau, le zèbre s'engouffra de tout son corps sous la surface de l'eau glacée, volontairement. La Mositus décida de profiter de ce moment pour tenter de noyer la bête, à la manière d'un crocodile entraînant un gnou sous l'eau. Mais elle était une lionne et non un reptile. Bien que l'idée aurait pu être bonne, la lionne, qui avait tenté de bloquer la tête du zèbre sous l'eau en le tirant vers le fond par la gorge, lâcha rapidement prise. Elle n'était pas un crocodile et ne le sera jamais. C'était bien tenté. Elle regagna rapidement la surface, battant l'eau de ses pattes. Elle prit une grande inspiration une fois au dehors et s'empressa de regagner la rive en laissant malgré elle tomber le zèbre.

Transis de froid, Vukia s'ébroua plusieurs fois après s'être hissée au sec. Un peu plus loin, l'équidé avait regagné également la terre ferme. Vukia le fusilla d'un regard meurtrier. Le pelage dégoulinant, elle s'approcha de lui, loin de s'avouer vaincu. Les griffes hors de leur fourreau, les oreilles en arrière et hélàs le corps tremblant légèrement de froid, la femelle s'apprêta à bondir à nouveau sur sa proie lorsqu'un rayon lunaire se dévoila à la faveur d'un trou dans les nuages. Comme un signe venu des cieux, comme si le Grand Esprit lui même voulait montrer la vérité à la lionne, la lumière lunaire s'abattit en plein sur le zèbre. La Mositus se rendit alors compte de son étrange robe. Non pas couverte de rayures noirs comme tous zèbres, celui ci était pâle en tout point. Etonnée, Vukia redressa la tête et ses oreilles pointèrent vers l'équidé trempé. Elle cessa de gronder et jeta un rapide coup d'oeil à la lune avant de fixer le zèbre. Décontenancée au fond d'elle, Vukia ne laissait cependant rien paraître en extérieur, comme elle l'avait toujours appris. Elle paraissait moins agressive que si elle était en chasse, mais feignait toujours l'indifférence au sujet de son étonnement. Elle avait repérer quelque chose chez ce zèbre et le temps de le trouver, elle laissait écouler un temps de silence et d'immobilité.

- Etes-vous...Matsukan ? demanda t-elle sans certitude d'un ton qui gardait toute la froideur qu'il y avait en elle.

Ce zèbre était clairement plus robuste que ce que la lionne pensait. Peut-être était-ce pour cela qu'il avait eu le courage de se balader seul la nuit, sans son troupeau. Vukia avait effectivement trouvé cela étrange, un zèbre solitaire, mais à ce moment là, elle ignorait encore qui il était vraiment. D'un autre côté, on ne pouvait pas dire que les zèbres étaient des animaux courant dans la jungle de l'oasis perdue ! Vukia se contentait de s'adapter aux proies qu'elle pouvait trouver dans cette satanée savane désertique. Ce n'était vraiment pas agréable, de changer aussi brutalement d'environnement. La Mositus éjecta des dernières gouttes d'eau en s'ébrouant une dernière fois avant de s'avancer vers l'équidé pour poursuivre l'affrontement, et peut-être passer au dernier round. Mais grâce à l'éclairement soudain de la lune, elle finit par découvrir la vérité.

-C'est moi, oui, répondit l'animal derrière la question hasardeuse de la lionne.

C'était la première fois que Vukia recevait un échange avec une proie, surtout une qui était dans sa ligne de mir. Dès lors qu'elle avait eu la confirmation de l'identité du zèbre, elle fouilla dans sa mémoire pour se rappeler de ce que sa mère lui avait dit à ce propos. Etant né loin d'ici, elle n'avait jamais vraiment eu de connaissance des lois de cette région, plus destinées à des lions comme les Pridelanders. Ce n'était pas à l'oasis qu'un chef de proie pouvait être présent. Néanmoins, Narafi, sa mère, qui était à ses yeux celle qui savait toujours tout, était au courant de cela et avait appris à sa fille quelques enseignements des autres clans de lions. A commencer par le fait que Matsukan, un zèbre albinos, ne devait pas être chasser.

-Et vous, qui êtes-vous jeune... Mositu impétueuse ? demanda le zèbre d'une voix étrangement calme.

Vukia aurait tendance à dire que les lois de Prideland n'étaient pas censées concerner ceux qui n'y vivaient pas. Les lois du désert étaient tellement différentes. Mais la lionne n'était pas une ingrate et ne poserait jamais un blasphème sur des terres qui hébergeaient son clan le temps d'une crise. Après tout, il fallait tous respecter le Cycle de la Vie et il n'y avait pas de frontière de territoire pour cela.

- Mon nom est Vukia, répondit la lionne, je sais que cela n'est pas grand chose après ce qui vient de se passer, mais je m'excuse de ma conduite.

La femelle avait toujours la voix rongée d'agressivité mais ces paroles étaient tout à fait sincère et pour le marquer d'avantage, elle inclina légèrement la tête en avant. Vukia ne prenait pas cela comme un signe de soumission. Quand elle faisait une erreur, elle ne craignait pas de l'assumer. Elle avait écorché un zèbre promit à la mort alors que cela n'aurait jamais dû arriver. Par conséquent, elle tenait à l'expliquer à l'équidé afin d'écarter tout malentendu et ne pas passer pour une lionne de mauvaise fois. Elle se redressa alors face au zèbre et ajouta avec assurance :

- J'avais effectivement entendu parler d'un chef de proie qu'il était interdit de chasser mais jusqu'à peu de temps, à l'exil de mon clan, je ne pensais pas que j'aurais un jour à me soucier de cette règle de la savane. J'ignore si vous le savez déjà, mais nous autres, Mositus, évoluons sur un territoire très différent d'ici. Vous avez de la chance que l'on m'ait enseigné votre existence. J'aurais très bien pu ne pas vous connaître et ne pas vous faire de cadeau...Je regrette mon geste. Je ne vous avez pas reconnu en cette nuit lugubre. Vous êtes le premier zèbre albinos que je vois. Souffrez-vous beaucoup ?

Vukia essayait de trembler le moins possible malgré le froid qui l'engourdissait. Malgré son côté hargneuse, elle rêvait de pouvoir se blottir contre sa mère, au chaud, qui lui demanderait certainement pourquoi elle était dans cet état. La lionne ne voulait pas se montrer faible devant la proie mais il était difficile de stopper les réflexes de son propre corps. Elle se concentrait sur l'animal pour oublier les frissons qui la parcouraient à chaque fois que la brise nocturne se levait contre elle. Elle observait le zèbre qui répondit à son signe de tête et elle pouvait capter dans son regard la douleur qu'il devait ressentir, sans doute aussi agitée par le vent dans les ouvertures de son corps.

-Ne vous en faites pas, mademoiselle Vukia, répondit le zèbre.

Mademoiselle ? Voilà qui était peu commun. On s'adressait jamais à Vukia de cette manière. Quel drôle d'animal avait-elle en face des yeux. Elle restait cependant neutre d'émotion, se contentant de regarder l'équidé, les sourcils froncés mais les oreilles dressées, toutes ouïe.

- J'aurais aussi pu vous hurler mon nom... Vous n'avez fait que jouer votre rôle dans cette chasse, quoiqu'avec une pugnacité rare.

Etant donné qu'il avait raison, Vukia n'ajouta rien à ce sujet. Ce n'était pas elle qui allait supplier pour le pardon de ces erreurs. Le zèbre se mit à nettoyer les griffures qu'elle lui avait faite. Vukia observait, toujours sans émotion de regret ou de compassion dans ses yeux, bien qu'elle avait été sincère en avouant son tord et ses excuses.

-Si je dois mourir un jour, je pense que ce sera sous les crocs d'un lion, d'un léopard ou d'un crocodile, comme la majorité de mes pairs, poursuivit Matsukan, J'espère simplement qu'il s'agira d'un prédateur inconscient du traité et non me chassant pour le plaisir malsain de dérégler l'Ordre établi ici. Les coïncidences de ce genre sont fort possible, si possibles que j'avais d'ores et déjà décidé d'accepter mon destin en luttant contre vous à l'instar des miens sans hurler mon nom en guise de défense.

Vukia écoutait et maintenait le silence. Elle se demandait si cette idée était de la vaillance ou de la stupidité, de risquer sa vie pour ne pas dire son nom. Dire son nom pour être épargné pourrait être vu comme un geste lâche, mais ne rien faire au risque d'y laisser la vie pourrait paraître stupide. Tout dépendait du point de vue de chacun.

Si je veux les protéger, faire valoir leurs droits, il me faut les comprendre, or pour cela, je dois aussi parfois me souvenir de ma place en tant que simple équidé.

La lionne dressa légèrement la tête, comme si quelque chose dans les paroles du zèbre l'avait tilté. Elle s'ébroua pour chauffer un peu son corps avant de répondre :

- Mais si vous mourrez en suivant ce genre de principes, vous laissez ceux que vous vouliez protéger derrière vous. N'est-ce pas là un peu égoïste ?

S'il y avait une chose que Vukia n'appréciait pas, c'était d'abandonner des êtres que l'on était censé protéger, surtout lorsque l'on ne vivait que pour ça. Vukia était très loyale à son clan et c'était la protection qu'elle désirait lui offrir qui lui permettait le plus de rester en vie et de se battre jusqu'à son dernier souffle. A aucun moment de sa vie, elle n'oserait être égoïste sur son orgueil au risque de laisser tomber les siens. Cela ne lui plairait pas mais si elle devait se rabaisser pour les sauver, elle le ferait sans hésiter.

-Il est vrai que depuis l'arrivée des Nyeusis, les lois se perdent, l'art de la négociation s'oublie... Les mères ont d'autres choses à enseigner à leur petit que l'immunité concernant un leader des proies même plus utile sur Pridelands toutefois vu que l'anarchie règne.

Vukia garda les sourcils froncés mais posa son regard d'émeraude sur le sol, ses griffes étaient encore sorties, elle les rentra en répondant :

- Vous avez la preuve devant vous que ce n'est pas encore totalement le cas.

Lorsqu'elle releva son regard vers le zèbre, elle le vit se lécher à nouveau les plaies, il paraissait s'amuser de la certitude qu'elle avait de pouvoir le battre si l'occasion lui avait été donné.

-En êtes-vous bien sûr ? Quoiqu'il en soit, je ne me serais pas encore rendu, de la même manière que je ne me suis pas laissé faire.

La Mositus lâcha une sorte de soupire forcé :

- Oui, si je me fis à mes expériences du passé.

Vukia ne sous estimer mais ne surestimer non plus jamais ses adversaires. Mais quand elle avait la certitude d'une chose, elle maintenait toujours cette assurance grandissante.

-Pardonnez-moi de briser ainsi vos rêves de Grande Découverte dans l'oeuf ne suis pas Albinos en réalité, sans quoi j'aurais les yeux rouges et la peau encore plus rose. De plus je souffrirais au soleil, par chance, j'ai simplement les rayures plus claires que la moyenne, un hasard qui me rend reconnaissable parmi les miens pour qui n'appartient pas au troupeau en plus de mon odeur. Hasard qui semble m'avoir sauvé la vie, à moins qu'aucun d'entre nous ne saurait sorti vainqueur. Nul ne le saura visiblement.

Vukia hocha la tête. Après tout, elle n'était pas une spécialiste non plus. Mais comme le disait si bien Matsukan, personne ne connaîtra l'issu de cet affrontement. Et cette chasse ne sera jamais achevée. C'était une première pour la lionne mais elle se disait en compensation qu'elle avait une bonne raison. Son respect du Cycle de la Vie dépassait tout le reste.

-Comment vous adaptez-vous à cette terre d'accueil ? Je sais que vous vous êtes réunis avec les Pridelanders ayant également perdus leurs Terres... Comment se passe la cohabitation ? Croyez-vous que leur exil et le votre soient une coïncidence ou aient à voir ? Qui sait si les Jangowas et les Nyeusis ne se seraient pas alliés...

La queue de la lionne fouetta l'air derrière elle. Elle n'aimait pas trop parler de cela. Pour elle, ce n'était vraiment pas facile à vivre, mais c'était surtout parce qu'elle ne voyait pas les choses comme les autres Mositus, toujours prêt à penser par la paix et la diplomatie. Vukia des ennemis partout et une terre désolée, ainsi qu'un atroce échec en cet exil.

- On fait avec, répliqua la jeune femelle, mon clan n'est pas difficile quand il s'agit de cohabitation. Je doute que les Jangowas aient un lien avec les Nyeusis. Ils ont toujours voulu nous chasser...

Elle serra les crocs à cette pensée.

- Les Nyeusis ont débarqué récemment en se prenant pour les maîtres du monde. Et quand bien même ce serait le cas, le résultat est le même aujourd'hui. Mais tout ceci n'est que temporaire et je m'en assurerais personnellement s'il le faut.

Car malheureusement, elle ne voyait pas les siens se jeter au combat avec les lions de sable pour récupérer l'oasis. Les Jangowas étaient des guerriers du désert et les Mositus une petite tribu pacifiste. A elle seule, ou avec sa mère à la limite, Vukia savait qu'elle ne pourrait rien. Elle voulait simplement s'armer de courage.

- Vous aussi vous étiez sur Prideland n'est-ce pas ? Mais vous n'avez pas été chassé. Vous êtes partit de votre plein gré.

C'était digne de proies, quand elle y repensait.

Oh et... Non merci je ne souffre pas trop bien que vous ayez habilement planté vos griffes. Et vous, supportez-vous le froid et l'humidité présentement entremêlées dans votre pelage ?

- Je le supporte. Ca passera.

-Croyez-le, je ferai tout pour l'éviter, seulement je ne puis vivre en sécurité dans ma bulle, continuer de mener sans rien vouloir comprendre au nom de ma petite personne.

Vukia n'était pas allé à penser jusque là non plus. Elle ne doutait pas que le chef des proies se souciait des autres, sinon il ne serait pas chef. Du moins, pas un bon chef comme tous le laissait supposer. Vukia n'avait jamais eu de rang spécifique au sein de son clan. Elle ne savait pas trop ce qu'être un leader signifiait ou impliquait. Elle s'était auto proclamée guerrière et gardienne des siens, mais ça n'allait pas plus loin. Consciente de son ignorance, elle préféra ne rien ajouter. Le sujet dériva alors sur la menace des lions noirs et sur la fuite des proies de Prideland. Matsukan décida d'éclaircir le sujet pour la lionne :

-En effet, j'ai indiqué aux proies le chemin d'autres territoires pour qu'elles s'y dispersent mais certainement pas par plaisir ou vengeance sinon pour préserver le cycle de la vie déjà bien entamé. Les Nyeusis chassaient de manière exagérée, pour le simple plaisir de tuer, ne laissant pas les troupeaux se renouveler et risquant donc à long terme d'entraîner une raréfication voir une extinction de certaines races. Il n'y avait pas moyen de discuter avec eux, pour preuve l'assassinat de mon père sensément protégé par le même statut dont je dispose. Tant qu'ils n'entendront pas raison, Pridelands sera malheureusement sacrifiée au nom du reste de la savane tant que l'on peut préserver un minimum d'équilibre.

Quelques explications n'étaient pas de refus, car Vukia ne savait les choses que par les ouïe dire. Elle n'avait jamais été sur place, par conséquent, ne connaissait pas les détails. Ce n'était pas plus mal qu'elle sache pourquoi Prideland devenait une terre désolée, même si dans un sens, cela ne la concernait pas le moins du monde. Mais on en savait jamais assez. La femelle Mositus écoutait avec attention les explications du zèbre, hochant la tête car elle approuvait son choix. C'était la meilleure façon qu'il avait trouvé pour préserver le Cycle de la Vie si précieux.

- Et pensez-vous qu'ils entendrons raison un jour ? demanda la jeune lionne d'un ton qui prouvait qu'elle savait déjà la réponse.

Elle n'avait jamais croisé de Nyeusis mais connaissait leur réputation. Jamais Prideland ne sera sauvé s'ils continuaient leurs actes.

-Savez-vous s'il y a une révolte en marche ? J'en ai entendu parler... demanda le zèbre.

La lionne dressa les oreilles vers lui. Son clan, les Mositus n'avaient encore rien prévu.

- Les Pridelanders avec qui on partage ces terres prévoit quelque chose d'après ce que j'ai entendu. Je crois qu'ils cherchent des alliés. J'ignore si mon clan sera de la partie. Il...Nous ne sommes pas du genre à se lancer dans une guerre de cette envergure. Si c'était le cas, peut-être que nous aurions pu éviter cet exil.

Parce qu'elle n'avait pas autant de paix dans le coeur, Vukia oubliait parfois qu'elle était des leurs.

-Si vous me permettez... fit l'équidé en s'approchant de la femelle.

Vukia l'observa un temps, le temps de comprendre ce qu'il voulait. Mais le voyant trop proche, elle s'écarta de lui, comprenant malgré tout ces bonnes intentions, ce pourquoi elle n'avait pas sortit les griffes pour le repousser.

- Non laissez, répondit-elle sur l'instant.

-Lorsqu'ils seront acculés, peut-être

Eh bien, on verra bien si la rebellion mené par les Pridelanders portera ses fruits. Vukia n'avait encore jamais rencontré le prince Kumpa en tout cas, elle n'avait pas de souvenirs de l'avoir croisé du côté des Mositus. Elle ne savait donc pas si oui ou non, il était venu demandé leur aide. Et son clan ? L'aurait-il accepté ? Même pacifistes, les Mositus n'auraient peut-être pas hésité à se mêler d'affaire qui ne les concernaient pas dans le but d'aider quelqu'un avec qui ils partagent la terre.

-Les Mositus sont une "espèce" de Lions ayant évolué physiquement et mentalement. Lorsque les lions les plus pacifiques se sont réunis il y a des générations, ils se sont séparés de la branche des lions communs de la savane. Ce pacifisme est inscrit dans leurs gênes et dans leur éducation, depuis tout petit.. Chaque fois plus profondément. Ils ne sont pas pleutres, loin de là, mais cherchent à éviter le conflit, c'est dans leur nature. Même s'il existe des... Exceptions.

Vukia haussa un sourcils au dernier mot, se doutant qu'il parlait d'elle. Elle était assez impressionnée, sans le montrer, par les connaissance de l'équidé même si elle se passerait bien qu'il lui fasse la leçon sur son propre peuple car elle connaissait déjà tout ceci par coeur. Cet animal la prenait-il pour une ignorante ? Ce n'était pas parce qu'elle n'avait pas su le reconnaître rapidement qu'elle était ignare. La lionne coucha les oreilles à cette pensée, prouvant son mécontentement. Mais comme elle n'était pas du genre à agir sous les paroles, elle ne fit rien de plus. Bien qu'elle ai un côté impulsif, Vukia savait se contrôler et n'était pas susceptible lorsqu'on se permettait de l'insulter ou de tenir des propos peu plaisant. Vukia n'avait qu'une règle : agir pour les siens. Tout ce qui touchait pour elle même était d'acte personnel et donc ne faisait pas partie de cette règle là.

-Néanmoins, je ne doute pas qu'en ces temps de changement, l'on connaisse des boulversements de comportements, d'attitudes et de réponses aux événements qui se succèdent, de façon naturelle ou moins naturelle. Les Mositus aussi suivront le chemin. Même si je suis loin de chanter mon bonheur à cette idée, arrivera ce qui arrivera si le cycle de la vie ne se rompt pas. D'une façon ou d'une autre, à un moment où à un autre, les Nyeusis seront défiés.

- Vous oubliez que les Nyeusis n'ont pas grand chose à voir avec les Mositus. Nous sommes en guerre contre les Jangowas, pourquoi mon clan irait se battre pour un territoire qui n'est pas le sien ?

-D'ailleurs, je suppose très fortement que vous participerez à ce changement, non ?

La lionne eut un léger haussement d'épaule :

- Je participerais à tout ce qui sera bénéfique pour mon clan.

-La reconnaissance des Pridelanders et l'accès illimitée à ces Terres ? Une protection ou un partenariat ? Tout se paye et tout est payé dans le cycle de la vie.

Vukia haussa les épaules. Le clan des Mositus n'avait pas besoin de tout ça. En règle général, il vivait reclus dans l'oasis, n'avait aucun contact avec les autres clans, sauf peut-être les jangowas pour leur plus grand malheur.

-Quels sont vos désirs. Je veux dire... Personnels, concernant cette affaire et votre futur ?

- Cette affaire ? répéta la lionne, notre exile ou bien la menace Nyeusis ? Tout ce que je veux, c'est retourner à ma terre natale, ainsi que mon clan. A vrai dire, ce sera tout le clan ou personne.

Vukia, si elle le pouvait, ne rentrera jamais à l'oasis sans le reste du clan, jamais ! Elle était bien trop loyale pour ça. Plutôt rester ici à supporter une vie qui ne lui plaisait pas du tout, que d'abandonner les siens, même temporairement.

- J'espère notre de futur se poursuivre sur nos terres respectives...ajouta la femelle, et vous ? Avez-vous envie de retourner sur Prideland ?

Après tout, les proies, c'était différent, se disait la lionne. Que ce soit sur la lande ou à Prideland, ça restait la même chose pour les troupeaux. Si Prideland retrouve sa vie d'avant, le zèbre et les siens allaient-ils y revenir ou bien s'étaient-ils fait à cette vie sur la lande ? S'ils restaient sur la lande, alors qu'il n'y aurait plus de lions, ils seraient épargnés. Mais connaissant le respect du Cycle de la Vie de Matsukan, Vukia avait sans doute déjà la réponse du zèbre. Il suivrait sans doute les lions pour assurer le Cycle de la Vie de nouveau sur Prideland. Ca coutait rien de demander.

-J'espère vous retrouver un jour Dame Vukia, sachez que j'ai aimé notre échange... Verbal bien entendu.

Le zèbre eut un petit rire. Jamais Vukia ne pensait un jour voir cet être si solennel rire. Elle y répondit par un léger sourire au coin des babines. Quelle drôle de rencontre ! Si étrangement partie ! La vie était bien curieuse des fois. Mais ça mettait un peu de nouveauté dans la monotonie de femelle. C'était toujours un plus de rencontrer un chef, même si c'était celui des proies.

- J'espère à l'avenir vous épargner la perte de sang, répliqua la lionne.

Elle s'ébroua pour réveiller son corps qui, comme celui du zèbre, avait eut tendance à se ramollir sous le rythme de la conversation. La Mositu inclina légèrement la tête en avant, signe de salut respectueux vis à vis du zèbre qui avait gagné son respect. Mais tout de même, quelle étrange rencontre ! Du moins, c'était surtout la façon dont elle s'était déroulée, que la rencontre avait été la plus étrange. Vukia avait hâte de retourner parmi les siens, il était temps qu'elle suive le reste de la nuit auprès de la mère, bercée dans le pays énigmatique des songes, sous les étoiles qui scintillaient au dessus de sa tête comme des âmes protectrices. La lionne redressa la tête puis tourna le dos à l'équidé avant de s'en aller rapidement. Son sombre pelage la rendit très vite invisible dans la nuit, qu'elle disparu rapidement dans le lointain, tel un fantôme...