Depuis quand ? Depuis quand il s'était senti aussi vide ? Il se tenait là, les pattes tremblantes, loin des siens. Les larmes lui montèrent aux yeux, et il se mordit la babine inférieure. Il était incapable de faire quoi que ce soit pour eux. Pour lui... pour elle. Ses larmes coulèrent le long de ses joues, terminant leur chute sur des touffes d'herbes, coulant gracieusement sur celle-ci avant de finir leur chute sur le sol poussiéreux. Il voyait trouble, et étouffait ses gémissements. Il n'était qu'une ombre. Une ombre pleurnicharde. Au lieu de se lamenter, il devait faire quelque chose. Mais contrairement à son frère, il n'était pas destiné à vivre dans la lumière. Il n'était qu'un écrou, le mécanisme qui faisait fonctionner la machine. Un de plus ou de moins, qu'est-ce que ça faisait ?

Il s'était réveillé à l'aube, tourmenté.

Le vent frais du matin lui caressa le poil, faisant virevolter sa crinière. Ses yeux se relevèrent vers le ciel, la gueule entrouverte. Des rayons de lumière apparurent petit à petit, caressant le fauve. Une lueur d'espoir brillait dans ses prunelles de couleur d'or, ses pupilles s'agitant doucement face à la lumière qui l'éblouissait. Un goût amer le fit serrer les dents, et son cœur se serra. Pathétique... il avait une vie qui fut pour le moins agréable, avant que tout ne bascule. D'autres avaient vu pire. Ils avaient été brisés... mais lui, il n'existait pas. Il se contentait de sourire, de guider les autres. Il ne savait pas ou il marchait, il vivait parce qu'il vivait. Comment, pourquoi, où ? Ses quelques cicatrices lui faisaient encore mal, et c'est ces picotements qui le ramenèrent à la réalité. C'est vrai... il s'était éloigné. Éloigné, de quoi ?

Ou qu'il irait, cette douleur lui collerait à la peau. Il était juste un lion, vide de sentiments. Ça ? Il n'en avait parlé à personne, pas même à son frère. Qu'aurait-t-il à lui dire ? Qu'il se sentait vide, qu'il était un fantôme qui ne faisait que simuler des sentiments ? Qu'il se sentait si inutile, face à lui ? Non, il ne pouvait pas. Il ne devait pas. Pitoyable... Ne pouvait-t-il pas se reprendre en patte, comme il le faisait chaque fois ? Mais pour quelqu'un qui n'existait pas réellement, c'était difficile. Alors il se mit à errer telle une âme vagabonde, en quête de réconfort, restant à proximité des autres. Son entraînement intensif pour se préparer face à la guerre - et surtout oublier ses soucis - l'avait rendu plus musclé, mais il n'en perdit pas moins de sa souplesse. Ses yeux ne brillaient plus. Ils avaient perdu leur éclat.

La superbe de Damu, qui était princière, avait disparu. Il était imposant, sombre, seul. Comme une ombre. Ce qu'il eût, est, et sera toujours. Le vent s'éleva à nouveau. Les nuages recouvraient le ciel, et il n'y avait que quelques rayons de lumière pour éclairer l'âme et le chemin du malheureux. Des odeurs familières ainsi qu'une voix vint à lui, et au loin, il vit son frère et Malkia. C'est vrai, elle était revenue. Il aurait pu être heureux, mais il ne l'était pas réellement. A quoi bon se mentir ? Mais au fond, l'idée de se retrouver au-près de ces deux êtres importants à ses yeux réchauffait son cœur endolori par le désespoir. Un sourire se dessina sur ses lèvres, triste. « Damu et moi, tout le monde, étions très inquiets pour toi. Tu étais si loin, entourée par ces ignobles créatures... ! » Il était inquiet... en effet, mais ses cauchemars n'étaient pas seulement dû à son désespoir. S'il savait, s'il savait...

« Bonjour. » fit-t-il doucement d'une voix calme et posée, se rapprochant d'eux à pas lent. Il n'y avait rien à dire. Il savait ce qui s'était passé. Et même s'il ne semblait bien ressentir, il était en colère rien qu'à penser à ces lions noirs. Il était perdu, confus. Il était brisé. Et ça, même Kumpa ne pourrait rien y faire.

Encore faudrait-t-il qu'il puisse comprendre sa douleur...

[Pardon pour le retard, ma réponse est assez courte mais je me rattraperai au prochain post. ]

« Kumpa, Damu.... Vous m'avez tellement manquée. Ne vous inquiétez pas, je me porte très bien. Ce fut un cauchemar , mais surtout une leçon pour moi. Il ne faut pas vous inquiétez, on ne perd pas deux fois la même bataille. Vous avez encore tant grandit... Je suis si fière de vous, le clan se porte bien sous vos regards. Comment vous portez vous ? » C'est vrai, elle aussi avait vécu un cauchemar. Devoir subir la colère de ces lions, supporter leur regard jour après jour... Damu n'avait pas eu à le vivre. Qu'avait-t-il fait pour son clan ? Rien de bien spécial. Pas qu'il ne voulait pas. Mais il ne pouvait pas. Lui était destiné à vivre dans l'ombre, et dans un sens, il avait toujours su vivre avec. Plus l'ombre est présente, plus la lumière brillera. Et c'est ainsi qu'il fonctionnait; se démenant pour que son frère vive le chemin le plus juste. Seulement... était-ce le bon choix pour lui ?

Le lionceau joyeux et naïf qu'il était avait disparu depuis bien longtemps, hélas. Rien ne devait être pris ou fait à la légère. Plus maintenant.

Il se trouvait égoïste de ne pas se montrer compatissant, et en temps normal il l'aurait été. Mais il n'avait pas la force d'être réconfortant. De plus, trop s'attarder sur le sujet n'était pas la meilleure chose à faire, selon lui.

« Pour ma part, je vais mieux maintenant. Et les Pridelanders aussi. Pendant que tu étais retenue, j'ai beaucoup œuvré pour contrer la menace des Nyeusis. Je tiens à vous mettre au courant. » Lui qui ne s'était que contenté d'hocher la tête et de sourire timidement fut obligé d'ouvrir la bouche, bien qu'il avait l'estomac noué. Sa voix, bien que légèrement tremblante, était bien plus basse et calme que d'habitude. Mais jusqu'ici, son comportement n'éveillerait pas trop de soupçons. Il ne voulait pas être un fardeau pour sa famille et son clan. Pas plus qu'il ne l'était déjà... « Pendant son absence, j'ai simplement veillé sur les Pridelanders. Je ne suis pas apte à accomplir de lourdes tâches. Kumpa est bien plus têtu que moi, commença-t-il en souriant doucement à son frère, de manière un peu forcée, mais sincère. Je n'aurais pas eu le courage qu'il à su avoir. » Il soupira.

Il le disait avec humour, mais ses paroles étaient bien le cadet de ses soucis. « Enfin, je t'écoute. Je suis curieux de savoir ce qui se trame. » Conclut-t-il, un peu ailleurs, un sourire triste étirant ses babines. Il ne voulait inquiéter personne. Il ne voulait pas que l'on se soucie de lui. Il aurait eu envie d'en parler à Kumpa. Mais c'était trop égoïste de sa part. Lui qui n'avait rien demandé voulait de la reconnaissance. Mais n'en avait-t-il déjà pas assez eu des autres ? Il ne savait pas. Il ne savait plus ce qu'il voulait.

A vouloir aider les autres, lui s'était perdu sur son propre chemin.
En vérité, il ne voulait plus être lui.

[Excusez-moi pour le retard ! ]

« Vous savez gérer un clan comme de vrais meneurs, votre père est fier de vous, je suis sûre qu'il nous regarde de là où il est. Lorsque j'étais prisonnière, j'ai pris le temps d'observer les Nyeusis de près, pour tenter de trouver leurs failles. Dans un premier temps, il nous faut trouver des alliés, ils sont puissant, et même tout le clan ne pourra pas les faire partir. Ensuite il faut entrer dans leurs jeu, les contrer dans leurs propres système et règles : Je pense qu'il nous faut les surprendre, qu'ils ne puissent en aucuns cas se préparer. Nous t'écoutons Kumpa, qu'elles sont tes idées pour que nous puissions reprendre notre terre ? Damu, si tu as une idée toi aussi, n'hésite pas.« Lui ? Il n'en avait tout simplement aucune. Tout simplement parce que ses capacités étaient limités. Il pouvait lui aussi faire de grandes choses, avec le temps et le courage. Mais il lui manquait une chose essentiel : la bravoure... et puis, Damu se disait au final, que même les plus petites choses comptaient, et il n'avait pas si tort que ça. Pour toute réponse, il fit doucement non de la tête. En tout cas, la motivation de sa mère et de sa mère étaient sans égale. Si seulement lui aussi pouvait être plus heureux que ça à l'idée de pouvoir vaincre ces lions noirs... mais il avait peur. Peur de perdre, à nouveau.

Soudain, son frère prit la parole.

« Justement, à propos d'alliances. » Damu regarda son frère, qui sourit. « Je me suis arrangé avec certains peuples. »

« Je suis tout d'abord allé sur Outland. Je m'entends bien avec Tahani, l'Héritière. Bien sûr, elle n'est pas encore Reine, mais je sais qu'elle m'est loyale. Nous nous sommes mis d'accord sur la menace des Nyeusis, et elle a approuvé notre alliance. Outland sera avec nous. » Tahani... il connaissait Tahani ! Une expression surprise se dessina sur son visage le temps d'un instant, mais il ne fit rien. Ils en parleraient une fois seuls. Damu et lui avaient beaucoup de choses à se dire, apparemment.

« ... Par la suite, Héra, la nouvelle Régente des Nordiques m'a fait venir à ses frontières. Nous avons prolongé l'alliance, pour que la mort du Roi Theluji ne soit pas vaine. Une fois vengé, je lui ai promis que les Pridelanders l'honoreraient comme il se doit. » Son frère avait fait tant et tant de choses, alors que lui n'avait que fait se morfondre encore et encore. Un sentiment de culpabilité l'envahit. Pour la première fois, il jalousait presque son frère... et c'est sentiment qui le fit se renfermer encore plus sur lui-même. Il avait honte, si honte.

« J'ai également rencontré des rebelles Freelanders, qui sont contre la tyrannie de Sharkan. Pour l'instant, ils ne demandent qu'à remettre sur le trône la vraie famille royale, mais ils nous promettent leur force en retour. Enfin, deux alliances peuvent être faites : premièrement, avec les Mositus. Je ne sais pas encore comment convaincre ce peuple pacifiste, mais notre cohabitation au Baobab nous a rapprochés. Deuxièmement, les Hyènes. Une hyène nommée Zeke est venue à ma rencontre. Bien que ses dirigeants ne soient pas au courant de sa visite, j'en suis venu à négocier avec lui. Elles ne sont pas nos ennemies, elles sont nos alliées. » Damu avait écouté attentivement le récit de son frère, du début à la fin. Il se sentait si petit à côté de lui. Avec un effort monstre, il reprit la parole.

« Je crois en toi, Kumpa. Je suis sûr que les hyènes, les nordiques, les rebelles freelanders et le clan d'Outland nous seront d'une grande aide. Ca ne m'étonne pas de toi. Tu as un don pour convaincre les gens. » fit Damu en riant doucement, - de manière un peu forcée -, amusé. « Comme lorsque nous étions enfants. En tout cas, je pense que nous devrions peut-être penser à tous nous réunir, le moment venu, et préparer un plan stratégique. Si nous agissons chacun de notre côté, nous ne pourrons pas agir vraiment ensemble. L'esprit d'équipe est très important, mais je sais que tu sauras gérer ça. C'est vraiment courageux, de pouvoir porter une telle responsabilité. Si je peux t'aider, ce sera avec plaisir. » Si Damu aurait pu paraître hypocrite, il était sincère. Il aimait toujours son frère et sa mère, et pour rien au monde il n'accepterait pas de leur venir en aide.

Il croirait en lui. Mais si quelqu'un pouvait croire aussi en lui... peut-être aurait-t-il pu lui aussi, faire quelque chose pour l'histoire ? A croire que non.

« Mère, Kumpa. J'aimerais vraiment vous aider, moi aussi. Que ce soit pour l'alliance avec les Mositus, ou même pour vos plans. » fit soudainement Damu, élevant soudainement un peu plus la voix. Il restait toujours aussi calme et parlait normalement, mais il avait aussi envie d'aider. Pour une fois. Peut-être qu'eux, pourraient croire en lui. Le temps d'une fois. Rien qu'une fois... Plein d'espoir, Damu les regarda un à un, silencieux.

« Je t'avoue être étonnée de tes choix Kumpa, mais je porte une infinie confiance en toi et ton frère, ainsi , je te suivrais dans ces choix. J'espère néanmoins que nos... Alliés ne nous trahirons pas comme ils l'ont fait avec les Nyeusis lorsqu'ils étaient de leurs côtés... Enfin, l'heure n'est pas aux doutes, tant que nous avons des forces pour les vaincre, le reste importe peu. » Comme il s'en doutait, sa mère était réticente quant aux choix de son frère, ce qu'il comprenait. Mais Damu croyait en Kumpa, et pensait personnellement que l'heure n'est pas aux doutes : Ils ne devaient pas cracher sur ce genre d'occasion, risquées ou non. Ils n'avaient plus rien à perdre, après tout. Si l'honneur ne se rachetait pas, il pouvait se reconstruire. Finalement, sa mère se décida à lui répondre. « Mon Cher Damu.... Sache que ta présence est infiniment précieuse pour tout le clan, n'en doute jamais. Tu n'as peut être pas le gros travail et par ce fait tout les yeux sur toi comme ton frère, mais sans toi , il ne serait pas là, et c'est réciproque. C'est ainsi que les Pridelanders sont fort, ensemble, et je pense même que tu le sais mieux que moi Prideland a toujours su se relever de ces échecs , car nous sommes fort , c'est tous ensemble que nous vengerons notre fierté et notre honneur. » C'est vrai, chaque aide, aussi minime soit-t-elle, avait son utilité. Mais Damu avait du mal à se sentir satisfait, après avoir fait si peu, contrairement à d'autres. Égoïste ? Il l'était. Le fait de sentir sa mère se blottir tout contre lui le rassura un peu, et il ne se recula pas, frottant doucement sa joue contre la sienne, en signe d'affection. Quant bien même il pouvait être triste, elle restait sa mère et il l'aimait quand même. « Tu as raison. Je ne dois pas douter. Pas maintenant... L'heure n'est plus aux doutes mais aux agissements. » fit-t-il, un peu troublé par ce geste affectueux, donc il avait grand besoin.

« Tu as raison Damu. Nous devrons être organisé désormais. Je propose que Damu trouve un terrain d'entente avec les représentants Mositus. Mère et moi irons rendre Makeo, Kuruka et Djal à leurs parents. Damu, les Mositus sont un peuple pacifiste. Je ne sais pas si combattre les Nyeusis les intéresse... Néanmoins, il faudra réussir à en faire des alliés. Je compte sur toi pour trouver un arrangement qui est profitable aux deux Clans. Demander plus qu'une cohabitation risque d'être dur. As-tu déjà une idée ? » Son frère semblait lui faire confiance concernant cette tâche, ce qui le rassura quelque peu. « Une cohabitation n'est jamais dure quand deux peuples font preuve d'un esprit d'équipe basé sur la confiance. Il faut juste savoir se montrer forts. Je pense que je saurais les convaincre. Après tout, chaque effort n'est pas vain. Eux savent mieux que n'importe qui ce qu'est la douleur de perdre son chez-sois. Les raisons sont peut-être différentes, mais c'est tout comme, non ? » fit Damu, oubliant doucement sa tristesse et ses angoisses. Il lui faisaient confiance. Et tout comme il avait besoin d'eux, il se rendait compte que pour la première fois, eux aussi, avaient besoin de lui. « J'irais voir le futur leader sous peu. » fit le lion de couleur fauve, soudainement plus ouvert, bien que très calme, comme à son habitude. Soudain, son frère reprit la parole.


« Au fait, Mère. Kuzali, la lionne dorée qui t'a secourue... C'est une exilée. Je sais bien que les textes fondamentaux interdisent l'approche d'un Exilé, mais pourtant c'est une amie et elle a tenu la promesse qu'elle avait faite en te libérant toi et les autres... Alors...  Je... J'ai pensé qu'elle pourrait perdre son rang d'Exilée, et rejoindre les Pridelanders. Elle a aidé Prideland, et je ne vois pas comment la récompenser autrement. La décision te revient, naturellement. » Tiens donc... cette Kuzali, (Damu lui en était d'ailleurs très reconnaissant et aimerait pouvoir faire plus ample connaissance avec elle) elle avait l'air d'être importante pour son frère. Importante, certes, mais d'une manière particulière. Damu ne savait pas grand chose sur la romance, mais certaines choses ne trompaient pas et c'est ce qui le fit sourire malicieusement. Sûrement se trompait-t-il, mais qui sait... cela pouvait donner naissance à une jolie histoire. Pourtant, Damu savait que sa mère ne l'avait pas tant apprécié que ça, il y à un temps. Peut-être qu'avec un peu de chance, leur relation évolueront... « Pour ma part, je suis d'accord pour son intégration au clan. Elle le mérite sincèrement, après tout ce qu'elle à fait pour nous. Je pense que Malkia et toi le voyez mieux que qui-conque. Elle à réussi à nous apporter une chance d'avoir une victoire. A nous de l'utiliser, et de lui rendre la chance d'avoir une vie meilleure. » reprit le lion aux yeux d'or, comptant bien en discuter avec son frère une fois seuls.

Il attendit des réponses, patient, tout en jetant un regard complice à son frère de manière discrète, tout en sachant très bien qu'il comprendrait le message qu'il souhaitait lui faire passer. Son frère ne se mêlait pas de sa vie privée, mais ils appréciaient se taquiner mutuellement, ce qui les aidaient à ne pas perdre espoir. C'est ça, qui le fit, le temps d'un instant, lui faire oublier sa jalousie et sa rancune naissante, soulageant son cœur d'un poids trop lourd. Juste le temps d'un instant.