La quête était longue et ne donnait aucun résultat. Les Pridelander avaient été chassés de leurs terres et ni Haki ni Déjem n’avaient étés vu lors de l’attaque. Où diable pouvaient ils donc avoir trouvé refuge ? Sharkan savait que la terre des lions était grande et qu’ils pouvaient être bien loin à l’heure qu’il était. Mais le tyran connaissait le monarque vaincu et savait pertinemment qu’il tenterait, un jour ou l’autre, de venir reprendre sa place sur le trône de Freeland. De plus, Itan et Sabaru s’en était allé également, et ce dans le but de les retrouver. Plus le temps passait plus Sharkan craignait qu’il ne leur laisse le temps nécessaire à former une armée, tout comme lui l’avait fait jadis. Il était hors de question que ce dernier les laisse faire, il fallait agir et ses espions ne l’aidaient pas. Personne ne l’aidait à vrai dire et son rôle de Roi l’empêchait de s’absenter trop longtemps pour mener à bien sa quête. Cependant il avait déjà trop attendu.

Ce matin il se leva tôt et laissa à deux Nyeusis la garde des Freelander pour quelques jours. Il allait en excursion et savait très bien où commencer ses recherches. Outland avait été reconquis par son peuple et ça grâce à l’aide des lions de Sharkan. Une petite visite de courtoisie accompagnée de quelques questions à leur leader ne ferait de mal à personne. De plus, les Outlander avaient à présent une dette envers lui, ils lui rendraient bien ce service. C’était donc, accompagné de deux autres Nyeusis, que le monarque de Freeland s’enfonça dans les hautes herbes en direction de la terre sans vie qu’était la terre des exilés. Il avait prit ses précautions en amenant avec lui deux gardes du corps. Il n’avait, en soit, rien à craindre mais si il devait se retrouver dans l’embarras il ne serait pas seul. Bien que le grand mâle n’ai pas d’inquiétude quant à ses aptitudes au combat il savait pertinemment qu’il lui serait impossible de résister face à une horde de lions en colère.

Le voyage fut long et silencieux. Lui ne disait rien et ses sombres soldats étaient tout aussi muets. Mais ce silence était savoureux et c’était la grande qualité qu’il trouvait aux Nyeusis, en plus de leur talents de soldats : ceux ci ne parlaient jamais pour ne rien dire et savait laisser la place au bruit du vent. Pas de futilités, pas d’entourloupes. Chacun savait ce que les autres pensaient de lui et ça suffisait. Les Nyeusis savaient qu’il leur serait facile de tuer Sharkan mais celui ci les avaient amenés ici et leur avait offert une terre, ils lui avaient alors juré fidélité et c’était sur une entente cordiale et respectueuse que les félins vivaient en paix avec leur leader.

Après une marche interminable, le trio arriva sur le sol poussiéreux et méconnu qu’était la terre des hyènes. Le monarque s’arrêta quelques instant, contemplant l’étendue déserte et chaotique. Il sourit un peu, sarcastique. Comment vivre dans un tel logis ? Ces terres n’étaient que décrépitude et néant. Il haussa les épaules pour lui même et recommença la marche parmi les ossements. Ils avaient marché presque toute la journée et était encore bien loin de leur destination. Ils allaient devoir dormir quelque part mais surement pas ici. Le mâle avait toujours été habitué aux contrées luxuriantes de Freeland, il n’avait donc aucune envie de trainer dans tant de saleté. Alors que rien ne se dessinait dans ce lieu sordide il entendit un des deux lions de nuit grogner. Sharkan fit volt face et aperçu une silhouette au loin. Elle était difficilement reconnaissable. Le grand mâle rugit alors, en signe de salut, espérant que l’animal viendrait à lui. Si c’était une hyène il n’aurait aucun problème à s’en débarrasser, et ça rapidement...

Son cri avait été entendu et il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que le félin s’approche – félin qui s’avérait être une jeune lionne au pelage chocolat et aux yeux émeraude. Cette lionne n’avait rien à voir avec celles qu’il avait put voir à Freeland et son museau ensanglanté lui fit levé un sourcil interrogateur. Celle ci l’essuya rapidement avant de s’incliner poliment devant le grand mâle et ses suivants. Le premier mot qu’elle prononça ne fut nul autre que « Sire ». L’égau du tyran en fut ostensiblement flatté. Il n’avait fallut qu’un regard de la part de l’inconnue pour qu’elle sache à qui elle faisait face et Sharkan était ravi. Sur son visage se dessina un large sourire sûr de lui. Même derrière les limites de Freeland on savait alors qui il était et ce qu’il représentait. De plus, il avait vu dans les petits yeux méfiant de la femelle une certaine fascination quant à sa carrure de pierre.

Elle se présenta alors comme étant la princesse d’Outland. Pourquoi donc se promenait elle seule ici ? Les princesses ne devraient pas vaquer seules sur des terres comme celles ci – drôle de coutumes qu’avaient ces lions de sang. Il ne dit cependant rien, cette dernière avait la langue bien pendue et se mit alors sur la défensive, se détachant des décisions de son paternel. Les enfants étaient des plaies. On les élève, on se donne pour eux et voilà comment on se fait remercier. Il leva les yeux, las. Lui avait toujours tout fait dans le but de rendre fier Vita et Kuhamisha, d’où cette impertinente se permettait de traiter son propre père de fourbe et de manipulateur ! Le grand mâle ne désira pas lui faire la morale pour autant, ces lions avaient de toute façon de drôle de coutumes, il n’était pas illogique que leurs méthodes d’éducation soient différentes également.

« Princesse, enchanté. Je ne suis pas là pour vous parler de « fourbes machineries » mais pour vous poser de simples questions. » Il s’était fait relativement doux et avait laissé ses techniques d’intimidation de côté. De toute façon, sa carrure en imposait tellement qu’il savait que, même avec le ton le plus sympathique qu’il soit, il faisait de l’effet à toute créature. « Je suis à la recherche de fuyards du nom de Déjem et Haki ainsi que Sabaru et Itan... Des mâles qui ont trahis leur roi en s’échappant et je pense même qu’ils sont, au moment où je vous parle, entrain de conspirer contre moi. » Il se mettait en victime face à la princesse mais c’était un langage de leader qu’elle était apte à recevoir. Elle et son peuple avaient été une fois chassés de leur terre par les hyènes. Elle connaissait la crainte d’un monarque face à des rebelles, et ceux quels qu’ils soient. Un Roi qui sait qu’on complote dans son dos n’est pas un roi tranquille, celle ci devait évidemment le savoir et le comprendre mieux que quiconque. La corde sensible est donc plus facile à titiller avec quelqu’un qui parle la même langue que vous.

« Je voulais donc savoir si vous aviez eu vent de quelque chose concernant ces lions et si oui, où se cachent-ils ? » Il avait terminé sa question par un sourire qui en disait long. Sharkan était un bon manipulateur mais le fond de sa personne était si noir que même le plus dupe des animaux de la terre des lions aurait put comprendre que les intentions du lion face aux recherchés n’étaient pas de bonnes intentions...

Elle ne se montra pas plus coopérative que tout ceux qu’il avait purent voir auparavant. Elle se permit même un soupire insolent. Ils commençaient tous à l’agacer à se sentir aussi peu menacés. La respiration du grand lion se fit plus dense et ses sourcils se fronçaient lentement. Cette attitude, pourtant non démonstrative, ne passa pas inaperçue aux yeux des lions de suie et les deux commencèrent à fixer Tahani en sortant les crocs. Bien qu’étant moins imposants que Sharkan, ils l’étaient en tout cas plus que la jeune lionne dont il ne ferait qu’une bouchée. Le grand mâle leur fit un signe de tête afin de les calmer. Ils étaient là pour réagir en cas d’attaque, pas pour jouer son rôle. Si il voulait faire peur à Tahani et lui remettre les idées en place, il n’avait nul besoin d’eux. Cependant, ce petit coup d’adrénaline avait peut être calmé l’égo de cette jeune pimbêche.

« Si cela peut vous aider à vous creuser un peu la tête l’un d’entre eux à une crinière et un pelage chocolat tandis que le second a un pelage d’or. Non, ça ne vous dit vraiment rien ? » A cette dernière question il s’était redressé, faisant face à la lionne. Autour des animaux sortait du gaz de grands geysers. Le soleil ne rentrait pas par ici et une lumière verte faisait d’autant plus ressortir les grands yeux impertinents de la princesse. Que cherchait-elle à faire ? S’imposer ? Lui prouver que du haut de ses trois pommes elle était quelqu’un de mieux ? Tout comme il l’avait fait auparavant avec Kuzali le félin se mit à tourner autour de la femelle, jouant et roulant des muscles. Son visage ne s’était pas adoucit, loin de là, et, vu qu’elle ne répondait pas, il se mit à se raidir pour essayer d’être plus persuasif.

« Je pense, jeune princesse, que vous ne semblez que trop peu comprendre ce qu’il se passe autour de vous. Nous vous avons rendu vos terres mais il serait plus que facile pour moi de les reprendre. Ton pauvre père à signer un contrat avec moi et si j’apprend que tu me mens c’est lui qui paiera le premier ton impertinence et tes balivernes. » Après tout, elle n’était que princesse. Puis la tuer elle ne servirait à rien, elle ne représentait que trop rien face à un roi qui plus était lié à Sharkan par la force d’une promesse. D’ailleurs pourquoi n’allait il pas directement s’informer auprès de lui au lieu de perdre son temps avec cette gamine insolente ? « D’ailleurs où est ce pauvre fou ? » Depuis cette rencontre Massempo venait de perdre sa crédibilité auprès du tyran de Freeland. Comment un père qui ne pouvait même pas gérer sa fille pouvait gérer un royaume ? C’était risible, si risible qu’il éclata dans un grand rire sournois. « Un pauvre fou oui, un fou et toi aussi tu est toute aussi folle et ridicule que lui. Vous jouez les braves mais même les hyènes ont réussi à vous subtiliser vos terres. Si peu enclin à vous battre vous êtes ensuite venu nous demander de l’aide et vous jouez les héro face à ceux auxquels vous devez tout ! Oui vous êtes de beaux imbéciles... » et c’était reparti pour une nouvelle crise de rire accompagnée par les gloussements perfides des deux lions de suie.

Cette petite était réellement aussi idiote qu’elle en avait l’air. Du haut de ses grands airs de diva elle n’avait rien que ses crocs et ses paroles vident. L’ignorance de cette princesse mettait le tyran dans bien des états, elle se jouait de ses nerfs depuis le début de cette entrevue et lui, bon comme il était, avait eu l’obligeance de se montrer courtois. Le temps de la diplomatie était terminé pour le grand mâle, il fallait que quelqu’un remette cette enfant gâtée à sa place.

« Je suis peut être faible pour toi mais moi au moins je réfléchi en tant que leader tandis que tu ne fais que geindre. Bien sur que j’ai eu besoin d’aide, quelles chances a un lion face à un peuple ? Réfléchis tu deux minutes ? La vraie force c’est de savoir miser sur les plus forts et j’ai avec moi le peuple de l’ombre qui fait trembler la terre des lions entière et ton peuple de pacotille en fait partie ! Crois tu qu’il me serait difficile de venir dire aux Nyeusis de venir faire un tour sur tes terres ? Tes provocations m’en donnerait presque envie et ta confiance devrait être un peu mise à l’épreuve avant de la brandir à la gueule des plus forts que toi ! Tu ne sais pas à qui tu parles Tahani, princesse de rien, princesse d’un peuple qui se meurt sur des terres à peine regagnées. Tu crois en plus que j’ignore ce qui se trame dans mon dos ? Tu penses peut être que tu pourrais venir toi et ton petit groupe de pattes cassées et prôner la libération ? Non, tout comme j’ai les Nyeusis toi tu formera des alliances également, des alliances avec les rebelles peut être ? Tu as beau nier je n’ai nullement confiance en vous Outlander et je sais pertinemment qu’il ne faudra pas longtemps avant que vous pactisiez avec l’ennemi... Devrais-je alors te traiter de faible pour ça ? Au contraire, pour une fois peut être tu aurais eu raison ! La force d’un roi ne se mesure pas toujours pas sa puissance mais également par son esprit stratège. Toi gamine tu n’a ni l’un ni l’autre ! Le jour où tu monteras sur le trône ne sera que plus lamentable encore car là, tu n’auras même plus droit au doute tu sera seule face à l’échec qui t’attend comme celui auquel ton père fait face en ce moment. »

Après de cette majestueuse et enivrante tirade le silence fut.

Il avait prouvé à la jeune lionne qu’il était loin d’être un monarque fini. Son discours, pour tout dirigeant qui se respectait, se tenait et la princesse devrait réfléchir à deux fois avant d’oser lui répondre. Sharkan avait été clair et avait mit à cette femelle la fessée que lui avaient épargné ses parents quand elle était plus petite. Il en tirait un orgueil sans nom mais ne laissait transparaitre qu’un air grave et menaçant.

Qui était elle pour se permettre des jugements ? Sur sa personnalité, certes, mais pas sur son parcours. Elle était née avec la couronne sur la tête. Il suffisait qu’elle tape de la patte et fasse un caprice pour qu’un roi, qu’un peuple, se plie à ses moindres volontés. La confiance des siens n’avait jamais été à acquérir et la fierté qu’elle en dégageait était digne de ce trône volé : un mirage. Cet orgueil n’était pas familier à cette lionne, ça se voyait. Elle usurpait ce masque de princesse torturée mais dans le fond elle était fade, aussi fade que sa terre sèche et rouge.

Lui avait toujours lutté pour parvenir à ce rang de roi. C’était la loi du plus fort et il ne comprenait pas pourquoi les lions et lionnes ne pouvaient se résoudre à être fier de leur roi pour ça. Ils avaient à leur tête celui qui avait tout vaincu pour se trouver là, à présent ils seraient en sécurité si ils se pliaient aux règles. C’était pourtant simple et rassurant. Il comprenait mal les félins qui lui tenaient tête... Il comprenait mal qu’on ne puisse reconnaître ses bienfaits. Car oui, c’était ça, c’était finalement leur bienfaiteur, leur armure, leur âme !

(Je suis désolée pour le retard...)

Elle répondait l’insolente, et sa réponse n’était pas pour plaire au grand mâle, loin de là. Elle continuait à prétendre que les Nyeusis avaient été les seuls à se battre, mais avait-elle ne serait-ce qu’écouter ce qu’il lui avait dit quelques minutes auparavant ? La preuve que non, et cette attitude, par contre, prouvait à Sharkan qu’il ne se trompait pas. Tahani ne serait jamais une bonne reine, pour la bonne et simple raison qu’elle n’écoutait qu’elle. On pouvait dire que Sharkan était égoïste, il le reconnaissait volontiers, pouvait-on insinuer, dans ce cas, que cette petite peste de princesse avait beaucoup plus de points communs avec le tyran qu’elle prétendait le croire ? A l’exception faite de ses qualités de régent, cela allait sans dire. Elle se mit à parler ensuite des Nyeusis, malheureusement pour elle, Sharkan n’était pas venu seul et les deux lions cendrés qui se tenaient, attentifs, à ses côtés, se mirent à montrer les crocs.

L’un d’eux s’avança vers elle et lui cracha au visage un :

« Comment oses-tu parler de lions dont tu ignores tout espèce de... ». Le grand monarque de Freeland l’interrompit d’un regard calme. Tout deux savaient ce qu’ils pensaient les uns des autres, peu importait l’avis de Tahani. Cependant, le lion décrocha un sourire presque bienveillant à son accompagnateur, ce soutient, bien que moindre, détrônait sans honte les propos de la lionne, et ça devant ses yeux. Le garde se recula, silencieux, mais abordant toujours un air menaçant. Bien sur, les lions noirs restés à ses côtés à Freeland étaient moins nombreux que ceux qui avaient élu domicile à Prideland, et également moins imposants. Néanmoins, tous continuaient de respecter l’entente cordiale qu’ils avaient passée autrefois et c’était tout ce qui comptait pour Sharkan.

Puis elle s’emporta.

Elle parlait de rêves, de fantasmes, elle le disait fini. Rien de concret et de fondé, mais déjà assez pour titiller les nerfs du colosse. C’était ce qu’elle faisait depuis le début à vrai dire, le chercher. A présent c’était lui qui montrait les crocs, il s’était montré bien assez diplomate pour la laisser s’en aller sans rien dire. Elle prenait ses aises et fit volte-face en prenant des airs de grande dame. Il se redressa alors, inondant le pelage sombre de la femelle d’une ombre menaçante. Sans rien dire, il bondit sur elle, la plaquant sur le sol caverneux de ce lugubre repère. Il se dressait là, supérieur et oppressant. Une patte plaquait la tête de Tahani au sol, lui faisant respirer la poussière, et l’autre lui bloquait le haut du dos, l’empêchant alors de se redresser. Il approcha sa large tête de son oreille et dit, étrangement calme :

« Tu peux dire ce qui t’amuse fillette, en attendant la réalité est la suivante : je suis le roi et les Nyeusis sont avec moi... » et ça, au grand malheur de beaucoup sur cette terre, ça n’était pas près de changer, il s’en faisait la promesse. Sans insister, il lâcha son emprise et se retourna. La jeune Outlander venait ouvertement de lui déclarer la guerre, elle était la prochaine sur sa liste... Sans un dernier regard il disparu, suivit de ses deux acolytes qui, eux, ne purent s’empêcher de jeter à la femelle un ultime coup d’œil meurtrier.

Outland allait payer.

{Fin pour moi du coup, à la revoyure jeune princesse }