S'il y avait bien un endroit où les animaux considéré comme des proies dans la chaîne alimentaire étaient en paix, c'était bien l'Etang. Un grande étendu d'eau où la plupart des habitants de la savane venaient s'abreuver, à l'abri des prédateurs. Le Roi avait instauré une loi interdisant la chasse dans ce lieu, ce qui était peut être la seule bonne idée qu'il avait eu. Enfin, le Roi était mort, et actuellement, Prideland était gouverné par une régente, Malkia. C'était ce que se disait Bacchus, le phénix de ces lieux, en contemplant les environs, avec une indifférence marqué. Il n'avait pas tellement de corde sensible, et la beauté d'un paysage ne émerveillait pas plus que ça. Il se contentait d'un haussement d'épaule et de penser à autre chose. Comme par exemple, à ces histoires de monarchie fort complexe que l'on rencontrait sur Prideland à l'heure actuelle, et qui l'amusait beaucoup.

Le Roi Farao ayant perdu la vie dans des circonstances troubles, le majordome Misaada ne semblait pas vouloir perdre son rôle, ne laissant visiblement pas la place au prince héritier, le dénommé Kumpa, de monter sur le trône. Il s'agissait d'un jeune lion, peut être inexpérimenté, mais la tradition exigeait qu'il soit le nouveau Roi. Cela n'ennuyait pas tellement Bacchus, car après tout, pour lui, que ce soit un lion ou un autre au pouvoir, ça revenait au même. Comme si l'un des monarque allait faire quoi que ce soit pour les volatiles, de toute manière. Avec un grognement, le calao pencha la tête vers l'eau et bu quelques gorgées avant de s'envoler, cherchant un arbre sur lequel il pourrait se poser. Même s'il était censé être en sécurité ici, il n'aimait pas être trop proche du sol, cela le mettait mal à l'aise.

Il trouva sans difficulté un arbuste qui pourrait accueillir ses petites serres, et s'y posa avec soin, tout en regardant autour de lui. C'était plutôt calme, dans les parages. Il était en train de songer qu'il n'y avait pas de lion en vu, jusqu'à ce qu'il aperçoive un tas de poil doté d'une crinière, reposant sur un rocher à quelques mètres de là. En plissant les yeux, Bacchus se demanda s'il ne s'agissait pas, par hasard, du Prince Kumpa, dont il pensait reconnaître la mèche rebelle sur le sommet de son crâne. Le calao ne l'avait jamais rencontré, mais il avait entendu parler de cette caractéristique, ainsi que du petit bouc qu'il avait sur le menton, héritage de son père, le Roi Farao. La curiosité de l'oiseau piqué, ce dernier s'envola de sa branche et s'approcha en planant, laissant le vent le faire glisser doucement jusqu'à sa cible.

Une fois à proximité, il constata en effet qu'il ne s'était pas trompé : il s'agissait effectivement du Prince Kumpa dans toute sa splendeur et sa majesté royale. Bacchus, prit d'un élan bavard, décida qu'il était temps pour lui d'en apprendre un peu plus sur ce qu'il se passait dans les petits papiers du royaume qu'il habitait depuis sa naissance, et se posa non loin du lion, sur une excroissance du rocher. Lorsqu'il prit la parole, ce fut de sa voix cérémonial et pompeuse, comme il savait bien le faire.

- Bien le bonjour Sir. Quel bon vent amène sa majesté à flâner près de l'Etang, par cette paisible journée ?

Il se permit une petite courbette, bien qu'il détesta profondément avoir à jouer ce rôle de lèche-patte. S'il voulait s'attirer les bonnes grâces du futur souverain et apprendre des informations croustillantes, il n'avait pas vraiment le choix.

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Le phénix eu, durant un instant, la crainte que le prince ne l'ignore royalement ou ne lui file un coup de patte pour l'envoler valser plus loin. Par chance, le membre de la famille royale se tourna vers Bacchus avec un sourire, visiblement surpris qu'un volatile vienne lui parler. Le volatile en question n'était pas encore parfaitement tranquille, car même un prince pouvait violer les lois de l'Etang, après tout. Cela ne l'étonnerait pas de la part d'un de ces grands félins, qui avaient beau établir des règles pour la transgresser aussitôt. Enfin, ce lion-là était peut être un peu différent, avec de la chance, et sa position au sein de son clan l'imposait. Du moins, pour le calao.

- L'Etang est reposant, j'y vais depuis l'âge de lionceau. C'est un peu comme un deuxième chez moi.

Ainsi, le futur monarque aimer se rendre là où son peuple pouvaient flâner en toute sécurité, selon les lois en vigueur du moins, comme un simple sujet. Voilà qui était intéressant. Bacchus avait toujours imaginé les Rois comme des êtres encore plus arrogants et puants que le commun des lions, qui en tenaient pourtant déjà une bonne couche en la matière. Etait-il possible qu'il se soit trompé ? Ou Kumpa jouait-il le rôle du gentil prince pour amadouer l'oiseau et se faire aimer de son royaume ? Cette possibilité n'était pas à exclure, et vous songez peut être qu'il s'agit de la paranoïa, mais pour quelqu'un qui peut se faire manger à tout moment par n'importe qui, rien n'est paranoïa ! Le royal félin ajouta, après quelques secondes de silence.

- Je suppose que le ciel et votre nid vous convient bien, ce doit être étrange de "voler".

Pour le calao, c'était l'idée de marcher à quatre pattes, collé au sol, qui était étrange. Que la vie devait être morne attaché à la terre ferme, dans l'incapacité d'ouvrir ses ailes et de laisser les cieux tout entier embrasser son corps. Les balades aériennes étaient les seuls grands bonheur de Bacchus, qui passait le reste de son temps à râler et à critiquer les autres animaux, en particulier les lions. Lorsqu'il se laissait glisser dans les brises et les vents, il lui semblait que le monde était plus beau, plus léger, plus heureux. Il lui arrivait même de rire, de chanter tout bas alors qu'il était bien haut, de faire quelques acrobaties qui l'amusaient... Il songeait même parfois que voler à plusieurs serait une expérience agréable. Mais il n'avait aucun ami, parmi les oiseaux comme parmi les autres animaux de la savane. Il était donc destiné à planer en solitaire, dans son arrogance et son mépris. La voix du prince interrompit le cours de ses pensées, le ramenant à leur conversation.

- Enfin, vous n'êtes pas venu me parler pour ça je suppose ?

Il allait devoir faire preuve de subtilité, car admettre qu'il l'avait aborder pour lui tirer quelques informations sur le royaume ou les conflits royal n'était pas une très bonne idée pour obtenir ses faveurs. Il chercha donc une bonne manière de le formuler, et de poursuivre la conversation afin qu'elle ne s'achève pas sur le champ. Heureusement, le prince lui avait donné matière à parler, en évoquant un sujet qui lui tenait à cœur.

- Je venais seulement m'enquérir de votre bien être, Sir.

Ce n'était pas très bien trouvé, mais Bacchus n'avait rien de plus convaincant en réserve. Comme bien des êtres venant parler à un prince, il était intéressé. Il n'y avait pas une once de bienveillance chez le calao, ou alors il n'oserait jamais l'admettre, bien entendu, étant donner qu'il détestait les lions. Toutefois, il devait faire la conversation, actuellement, et il n'allait pas se faire prier.

- Nous autres, oiseaux, avons beaucoup de chance que les Grands Esprits nous aient donné le don de voler. C'est un plaisir immense, que rien n'égale. Vous, lions, avez eu la taille, la puissance et les responsabilités. Quant à nous, nous avons eu la liberté.

Pour une fois, un réel sourire se dessina sur le bec du volatile. Il avait, sans s'en rendre compte, adopté un ton rêveur et léger, ce qui ne lui ressemblait vraiment pas. Il était peut être malade ? C'était une piste à ne pas écarter !

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Le prince écouta attentivement les paroles du calao, sans une once de mépris sur le visage, ce qui étonna ce dernier. Il n'était pas vraiment habitué à ce genre d'attitude de la part d'un lion, eux qui étaient généralement hautain et supérieur. L'impression que Bacchus avait eu au début, que Kumpa était peut être différent, se développait encore un peu dans son esprit, mais il tacha de se reprendre. Il n'allait tout de même pas trouver un lion sympathique, non ? Il n'était pas tombé si bas, pas encore.

- Nous sommes tous dans un cycle, mon père le nommait "Cycle de la Vie". Les lions comme les calao sont sujets de ce dernier. Même si nous, les lions, nous prétendons au dessus des autres races grâce à notre régence, nous y sommes contraints tout autant que vous.

Les dires du futur monarque étaient tout à fait exactes et ce n'était pas la première fois que l'oiseau entendait parler de ce fameux cycle de la vie. Sa mère l'avait évoqué une fois, alors qu'il était un tout petit oisillon et qu'il avait naïvement demandé pourquoi les volatiles devaient se méfier des grands félin, et pourquoi ils étaient considéré comme des proies. Elle lui avait alors expliqué que chaque animal, chaque espèce et chaque représentant d'une espèce avait une place dans la savane, et que cette place déterminait beaucoup de chose pour le bon déroulement de l'univers. Tous étaient destiné à mourir après avoir vécu ce qu'ils devaient vivre, et c'était ainsi que fonctionnait le monde. Bacchus n'avait pas tout compris, ce jour là, mais en grandissant, les choses s'étaient éclaircies dans son esprit.

- Le Cycle de la Vie est une loi de la nature. Et tant qu'il existera, personne ne sera vraiment libre, je suppose.

Le phénix comprenait bien ce que voulait dire le prince, et il devait admettre que ce raisonnement était des plus recevable. Lui même avait déjà songé que chacun de ses actions étaient déterminé par l'idée que le risque de mourir existait, et qu'il ne pourrait certes pas échapper à cette fatalité. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était retarder l'heure de son décès, en se montrant le plus malin possible. Il ne croyait pas à ces histoires de destiné, ou peut être pas autant que la plupart des animaux. Pour lui, il n'y avait qu'une chose à dire à la mort, lorsque celle-ci menaçait de se montrer : "Pas maintenant." Malgré son cynisme, Bacchus tenait à la vie, comme tout le monde. Il ne savait pas toujours quelle était sa place dans ce fameux cycle, il ne l'avait pas encore trouvé, mais il souhaitait continuer de la chercher. Peut être mourrait-on une fois sa place trouvée ? C'était une possibilité. L'oiseau hocha en tous cas doucement la tête et déclara,

- Des paroles pleines de sagesse, Sir. J'espère que vous continuerez d'être aussi humble lorsque vous monterez sur le trône.

Le calao était sincère, et son vœu venait vraiment du cœur. Il avait de toute manière tout intérêt à espérer que le prochain monarque de Prideland se montre intelligent, et respectueux des autres espèces, car sans quoi il serait bien obligé de partir pour protéger sa vie. Qui plus est, il y avait peut être moyen que ce souverain rehausse un peu l'image que Bacchus avait des lions, ce qui ne serait pas plus mal. L'oiseau devait l'admettre, il n'était pas si désagréable de converser avec le prince.

- Cela ne rendrait que votre règne plus prospère. Il a été vu par le passé que ceux qui oubliaient leur mortalité avaient tendance à mal finir...

C'était le cas pour le Roi Fou, comme tous l'appelait. Le volatile ne l'avait personnellement jamais connu, il était déjà mort depuis longtemps lorsque lui-même était venu au monde. Mais c'était le genre d'histoire qui continuait de se raconter, et ce n'était pas plus mal. Ainsi, peut être les futurs monarques ne répèteraient pas les erreurs des temps anciens.

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